CA Riom, ch. soc., 21 novembre 1994, n° 169-96
RIOM
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Epargne de France (SA)
Défendeur :
Poyet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blatman
Conseillers :
M. Chauvet, Mme Gire
Avocats :
Mes Anisten, SCP Michel Arsac.
La société L'Epargne de France a régulièrement interjeté appel le 6 janvier 1994 d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Clermont-Fd en date du 13 décembre 1993, qui l'a condamnée à verser à son ex-salarié M. Albert Poyet un certain nombre de sommes à titre de rappel de salaires et d'indemnités (retour sur échantillonnage, indemnités compensatrices de congés payés de préavis, et de clause de non-concurrence, indemnité spéciale de rupture).
L'appelante estime que M. Poyet n'avait pas la qualité de VRP statutaire et se trouvait régi par le statut légal et réglementaire des intermédiaires d'assurances et par la Convention Collective de Travail des Salariés de Base des Services Extérieurs des Sociétés d'Assurances. Elle conclut donc au débouté de M. Poyet et au remboursement de la somme de 64 866,76 F indûment perçue par celui-ci.
Elle sollicite enfin la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
M. Poyet formule les prétentions suivantes :
- 25 301,71 F à titre d'indemnité de retour sur échantillonnage
- 2 530 F à titre de congés payés sur retour sur échantillonnage
- 49 755,58 F à titre de rappel de salaire
- 3 482,89 F à titre de congés payés sur rappel de salaire
- 4 132,61 F à titre d'indemnité spéciale de rupture
- 5 903,73 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 590,30 F à titre de congés payés sur préavis
- 94 459,68 F à titre d'indemnité pour clause de non-concurrence
- 10 000 F en application de l'article du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi, LA COUR
Attendu qu'il convient de se référer pour un exposé complet des faits et plus ample des moyens et prétentions des parties aux énonciations de la première décision et aux écritures en cause d'appel oralement développées.
- Sur le statut de M. Poyet
Attendu qu'il résulte des pièces versées au débat, que M. Albert Poyet a été embauché par la société L'Epargne de France à compter du 17 mars 1992 en qualité de conseiller en épargne, dans le cadre d'un contrat de travail stipulant notamment :
1°) que sa mission consistait à rechercher des souscripteurs aux contrats émis par la société dans le cadre des directives et objectifs définis par la Direction Générale ;
2°) que son activité s'exercerait de manière exclusive au profit de ladite société et dans un certain nombre de communes du département du Puy-de-Dôme, ce secteur pouvant être modifié en fonction des besoins de la société ;
3°) qu'il bénéficierait de la Convention Collective des Producteurs Salariés de Base des Services Extérieurs de Production des Sociétés d'Assurance, du 27 mars 1972 et serait rémunéré à la commission.
Attendu que le conseil a considéré que M. Poyet exerçait son activité dans les conditions prévues aux articles L. 751-1 et L. 751-3 du Code du travail et qu'il devait bénéficier des dispositions de la Convention Collective Nationale des VRP ;
Que le demandeur estime quant à lui, qu'il a été affecté de façon stable au même secteur géographique et que son activité principale consistait à prendre des ordres auprès de la clientèle, ce qui selon lui caractérise deux des éléments essentiels du contrat de VRP ;
Qu'au surplus lui sont inopposables les dispositions de son contrat individuel ainsi que celles de la Convention Collective visée audit contrat ;
Mais attendu qu'il est constant en l'espèce que les fonctions de M. Poyet étaient celles d'un démarcheur en assurance, et non celles d'un représentant statutaire, comme l'ont énoncé à tort les premiers juges ;
Attendu en effet d'une part que l'activité de l'intéressé se limitait à la recherche d'une clientèle en vue de la souscription de contrats d'assurance-vie et à la transmission des propositions recueillies, à la société qui y donnait suite ou non, ce qui exclut toute prise d'ordre renouvelée auprès d'une clientèle régulière et attachée à l'employeur;
Attendu d'autre partqu'il n'est nullement démontré que M. Poyet ait bénéficié d'un secteur fixe de prospection, dès lors qu'il est clairement stipulé dans son contrat que l'employeur se réservait le droit de modifier son secteur d'activité en fonction des besoins de la société, et qu'il est d'usage dans ladite société de changer fréquemment de secteur les intermédiaires d'assurances (cf. attestations des 20 juin et 7 juillet 1994) ;
Attendu enfin et principalement que le statut résultant du contrat de travail du demandeur est celui régi par les articles L. 511-1 et R. 511-1 et suivants du Code des assurances et par les dispositions de la Convention Collective Nationale du 27 mars 1972, ce qui lui interdit aujourd'hui de revendiquer l'application d'un autre statut, tel que celui de VRP ;
Que le jugement sera donc réformé et M. Poyet débouté de l'ensemble de ses demandes en paiement ;
Attendu en effet que les indemnités qui lui ont été accordées par le conseil découlent exclusivement des dispositions de la Convention Collective des VRP, qu'il s'agisse des indemnités de retour sur échantillonnage, de préavis, de congés payés, de l'indemnité spéciale de rupture ou de l'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence, étant précisé que la contrepartie pécuniaire allouée à ce dernier titre, ne constitue pas une condition de validité de ladite clause dès lors que comme en l'espèce elle n'est nullement prévue par le Convention Collective applicable ;
Que M. Poyet devra donc rembourser a l'appelante la somme de 64 866,76 F qui lui a été versée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ;
Attendu que bien que le demandeur succombe en ses prétentions et soit dès lors tenu aux dépens, l'équité et des considérations de situation économique conduisent à écarter à son encontre l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que sa propre demande sur le même fondement doit être rejetée ;
Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement ; Déclare l'appel recevable en la forme ; Au fond ; Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ; Déboute M. Albert Poyet de l'ensemble de ses demandes ; Condamne M. Poyet à rembourser à la société L'Epargne de France, la somme de 64 866,76 F (soixante quatre mille huit cent soixante six francs et soixante seize centimes) perçue au titre de l'exécution provisoire du Jugement ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne M. Poyet aux dépens de première instance et d'appel.