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Décisions

CA Lyon, 15 mai 2000, n° 1998-05335

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Commune d'Arches

Défendeur :

Lenormand (époux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Conseillers :

MM. Durand, Gervesie, Simon

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, SCP Aguiraud

Avocats :

Mes Dousset, Serres.

TGI Aurillac, du 26 avr. 1995

26 avril 1995

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte notarié des 16 et 18 juillet 1991, la Commune d'Arches a conclu avec Monsieur Pascal Lenormand, exerçant une activité de restaurateur et de pâtissier, et Madame Muriel Gimmig, son épouse, commerçante collaboratrice, un contrat de location gérance portant sur un fonds de café, restaurant, bar, hôtel, épicerie et articles divers, à créer dans le centre du bourg dans un immeuble appartenant à la commune, dont il était exposé par ailleurs qu'il avait été créé à la diligence de la municipalité d'Arches sous forme de commerce multiple rural en vue de pallier à la défaillance de l'initiative privée. Ce contrat stipulait notamment :

- que le fonds loué, à créer et exploiter à Arches, comprenait en particulier la clientèle et l'achalandage qui y seront attachés, ainsi qu'une licence de débit de boisson dont la commune était titulaire ;

- que le bail était consenti pour une durée prenant effet au 1er septembre 1991 et s'achevant au 31 décembre 1994, sans renouvellement par tacite reconduction, toute poursuite de la gérance devant faire l'objet d'une nouvelle négociation ;

- qu'il était convenu, à cet égard, que dans le cas où la commune continuerait en fin de bail l'exploitation du fonds sous forme de location gérance, les preneurs seraient choisis préférentiellement à tout autre pour l'établissement d'un nouveau contrat, à loyer, charges et conditions égales à ceux qui auraient pu être proposés par une autre personne, ces conditions devant être notifiées aux locataires trois mois avant la fin du contrat, ceux-ci disposant alors d'un délai d'un mois à compter de cette notification pour faire connaître leur acceptation ;

- que, compte tenu des conditions particulières découlant de la nature du contrat, le locataire gérant devrait une fois au moins par an communiquer au bailleur ses comptes, cette communication étant suivie, sur la demande du maire, du conseil municipal ou du locataire, d'une réunion du conseil municipal destinée à évoquer toutes questions afférentes à la tenue et à la gestion de l'établissement ;

- que le maire ou ses adjoints auraient à tout moment le droit de visiter les locaux, le matériel et les installations, en faisant alors part au locataire gérant des défauts d'entretien et autres auxquels il devrait être remédié dans le mois ;

- que le bailleur pourrait aussi se faire communiquer les livres de comptabilité et les résultats au moins une fois par an ;

- que les locataires gérant s'interdisaient pendant la durée du bail tout acte de concurrence dans un rayon de cinq kilomètres, cette interdiction se poursuivant après la cessation du contrat, dans le même périmètre et pendant une durée de cinq années ;

- que la commune s'interdisait de vendre le fonds pendant la durée du contrat de location gérance, un droit de préférence étant accordé au preneur pour l'acquisition du fonds à prix, charges et conditions égales ;

- que le loyer annuel de 38 400 F hors taxes (dont 30 000 F pour la partie commerciale et 8 400 F pour l'habitation constituant l'accessoire indissociable de la location du fonds), dû à partir du 1er juillet 1992, serait révisable annuellement, un loyer réduit de 1 250 F par mois (outre 700 F mensuels pour l'habitation) étant exigible entre la prise de possession et le 30 juin 1992 ;

- que le bail serait résilié de plein droit en cas de décision administrative ou judiciaire de fermeture du fonds, ainsi qu'en cas d'inexécution des obligations du preneur, après mise en demeure.

Il était en outre précisé dans ce contrat que s'agissant de la constitution d'un multiple rural se substituant à la défaillance de l'entreprise privée, le bailleur n'était pas tenu pour la mise en gérance de respecter les règles de durée d'exploitation prévues par la réglementation en cours.

Par lettres en date des 26 mai et 2 juin 1993, les locataires gérants ont demandé à être entendus par le conseil municipal sur la présentation des comptes de 1993 et fait part au maire de leur souhait de connaître l'intention de la commune quant à une éventuelle renégociation du contrat à son terme du 31 décembre 1994. Le 1er juillet 1994, les époux Lenormand ont présenté au conseil municipal les comptes de résultat bénéficiaires de l'année 1993, avant que le conseil ne délibère en leur absence et décide de ne pas conclure de nouveau contrat avec Monsieur et Madame Lenormand, en invitant ces derniers à prendre toutes dispositions nécessaires pour libérer les lieux loués au 31 décembre 1994.

Cette délibération ayant été notifiée aux locataires gérants par lettres des 5 et 11 juillet 1994, la Commune d'Arches leur a ensuite fait délivrer le 3 janvier 1995 un acte d'huissier les invitant à libérer les lieux, puis les a fait assigner trois jours après devant le président du Tribunal de grande instance d'Aurillac, statuant en référé, afin qu'il soit constaté qu'ils étaient occupants sans droit ni titre, que leur expulsion soit ordonnée et qu'une indemnité d'occupation soit mise à leur charge. Par ordonnance du 3 février 1995, cette juridiction, constatant la complexité du débat juridique qui s'était engagé au fond, a renvoyé la connaissance de cette affaire au Tribunal de grande instance d'Aurillac, lequel avait déjà été saisi par une assignation à jour fixe délivrée le 10 janvier 1995 à la requête des locataires gérant, pour faire juger qu'ils bénéficiaient de la propriété commerciale sur le fonds créé par leurs soins et que le contrat conclu en juillet 1991 devait être requalifié en bail commercial de neuf années, ouvrant droit à renouvellement.

Devant cette juridiction, la Commune d'Arches a conclu qu'elle n'entendait pas discuter la compétence du tribunal de grande instance, dans la mesure où elle soutenait justement que la convention litigieuse était bien un contrat de location gérance et non un contrat administratif, la reconnaissance éventuelle d'un bail d'immeuble relevant de la compétence du tribunal d'instance, mais que la demande était irrecevable, faute de recours contre la décision du conseil municipal, qu'elle était en droit de conclure un contrat de location gérance, du fait de la défaillance de l'initiative privée, que le fonds loué avait été créé par la commune, qui entendait ainsi maintenir une activité commerciale préexistante, et qu'en conséquence, les locataires gérants ne pouvaient prétendre bénéficier d'un bail commercial.

Par un jugement rendu le 26 avril 1995, le tribunal, retenant sa compétence et considérant que la commune ne justifiait pas de l'existence d'un fonds de commerce au mois de juillet 1991, dont elle aurait été exploitante ou propriétaire, a requalifié le contrat en bail d'immeuble à usage commercial, relevant du statut des baux commerciaux, en ordonnant l'exécution provisoire de cette décision et en déboutant en outre la commune de sa demande reconventionnelle en expulsion.

Sur l'appel formé par la Commune d'Arches, la Cour d'appel de Riom, par arrêt du 19 mars 1996, a constaté que celle-ci avait déclaré abandonner son exception d'incompétence au bénéfice de la juridiction administrative à l'audience, et confirmé sur le fond le jugement, en allouant aux intimés 10 000 F de dommages et intérêts et une indemnité de 5 000 F.

Cette décision a été cassée par un arrêt rendu le 4 mars 1998 par la troisième chambre civile de la cour de cassation, au motif que la cour d'appel avait violé les articles 4 et 954 du nouveau Code de procédure civile, en se déterminant par référence à des débats oraux contraires aux écritures des parties.

Devant la présente cour, désignée comme juridiction de renvoi, la Commune d'Arches conclut à l'incompétence des juridictions judiciaires, au bénéfice du juge administratif, aux motifs que le contrat conclu avec Monsieur Pascal Lenormand et Madame Muriel Gimmig portait sur une activité de service public, destinée à suppléer à la carence de l'initiative privée ; que les locaux dans lesquels était exploité le fonds appartenaient au domaine public communal, dès lors qu'ils étaient la propriété d'une personne publique, qu'ils étaient affectés directement au service public et qu'ils étaient aménagés à cet effet ; qu'en conséquence, la commune était en droit de résilier unilatéralement ce contrat, sans indemnité ; et qu'en outre, le contrat contenait des clauses exorbitantes du droit commun, en matière de communication des comptes, de visite des lieux et de travaux, lui conférant la nature d'un contrat administratif. Subsidiairement elle oppose, sur le fond, que la législation sur les baux commerciaux était inapplicable aux baux conclus par les communes et que le contrat de location gérance ne relevait pas du décret du 30 septembre 1953, applicable aux seuls baux dont l'objet est de nature immobilière. Elle demande en outre paiement d'une indemnité de 10 000 F.

Les intimés opposent, en premier lieu, que l'exception d'incompétence soulevée au profit des juridictions administrative, a été invoquée par la Commune d'Arches pour la première fois en appel, et qu'elle est en conséquence irrecevable, en vertu de l'article 74 du nouveau Code de procédure civile, l'appelante ayant au surplus reconnu la compétence du juge judiciaire en saisissant le juge des référés. Ils ajoutent que les litiges relatifs aux baux consentis par des personnes de droit public relèvent de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, alors même que les locaux appartiendraient au domaine public de la commune. Pour demander la confirmation du jugement sur le fond, sauf à y ajouter des condamnations au paiement de 80 000 F de dommages et intérêts et d'une indemnité de 15 000 F, les époux Lemarchand soutiennent qu'il n'existait pas de fonds de commerce de bar, hôtel, restaurant et épicerie lorsque le contrat a été conclu, la cessation des ces activités depuis de nombreuses années ayant entraîné la disparition de la clientèle qui s'y attachait ; que le fonds avait été créé par eux ; qu'ainsi, faute de clientèle préexistante, la commune ne pouvait consentir une location gérance ; et qu'en conséquence, le contrat devant être requalifié en bail commercial, ils bénéficiaient du statut des baux commerciaux. Ils exposent encore qu'en aggravant leur situation, par la voie d'un affichage et par l'ouverture d'un second dépôt de pain concurrent, la Commune d'Arches avait commis une faute ouvrant droit au paiement de dommages et intérêts.

Motifs et décision

1 - Sur l'exception d'incompétence

Attendu qu'en vertu de l'article 74 du nouveau Code de procédure civile, les exceptions d'incompétence doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ;

Attendu qu'il est constant qu'en première instance, la Commune d'Arches n'a opposé aux demandeurs aucune exception d'incompétence fondée sur la nature administrative du contrat et tendant au renvoi du litige devant les juridictions administratives ;

que, tout en prétendant que le litige devrait être soumis au tribunal d'instance, au cas où il serait retenu que le contrat portait sur l'exécution d'un bail d'immeuble, la Commune d'Arches a exposé, dans ses conclusions devant le tribunal, qu'elle n'entendait nullement discuter la compétence du tribunal de grande instance, dans la mesure où elle (soutenait) que la convention litigieuse (était) bien un contrat de location gérance ;

Attendu qu'en conséquence, elle n'est plus recevable à opposer, en appel, une exception d'incompétence nouvelle tirée de la compétence du juge administratif, après avoir conclu sur le fond en première instance ;

2 - Sur l'application du statut des baux commerciaux

Attendu qu'un contrat de location conclu par une commune ne peut présenter la nature d'un contrat administratif que s'il a pour objet ou pour conséquence de faire participer directement le locataire à l'exercice d'un service public ou s'il comporte des clauses exorbitantes du droit commun, au bénéfice de la collectivité publique ;

qu'à défaut, les baux conclus par les communes et portant sur des locaux ou des immeubles appartenant à leur domaine privé relèvent, en vertu de l'article 2, 4° du décret du 30 septembre 1953 du statut des baux commerciaux, dès lors, d'une part, qu'ils concernent des locaux dans lesquels un fonds est exploité, d'autre part, que ce fonds de commerce appartient au locataire ;

que la conclusion d'un contrat de location gérance, qui ne saurait avoir pour objet ou pour effet de priver le preneur des droits résultant du décret précité et notamment de son article 17, suppose que le bailleur soit propriétaire ou exploitant du fonds loué ;

qu'elle ne peut donc intervenir lorsque le fonds a cessé d'exister depuis plusieurs années, en sorte qu'aucune clientèle n'y est plus attachée ;

Attendu que le contrat conclu les 16 et 18 juillet 1991 n'avait, ni pour objet, ni pour effet, de faire participer directement les époux Lemarchand à l'exécution d'un service public communal ;

que le seul fait qu'un intérêt local, compromis par la carence de l'initiative privée, ait présidé à l'ouverture du commerce de café, restaurant, hôtel, épicerie et débit de tabac dans la commune d'Arches, et permis à cette commune de pourvoir aux besoins de la population, ne suffit pas à conférer à cette activité commerciale la nature d'un service public, dont les preneurs auraient été chargés d'assurer la gestion ;

qu'en effet, l'intérêt public local, d'ordre économique ou touristique, qu'il pouvait y avoir, pour la commune d'Arches, à favoriser l'exercice d'une telle activité commerciale dans ce village, dans un bâtiment acheté à cette fin en 1989 et après l'acquisition d'une licence de débit de boissons, ne pouvait suffire à en faire un service public, alors que la Commune n'a pas manifesté la volonté de la prendre en charge, en préférant la confier à des exploitants privés ;

que cette affectation au service public est d'ailleurs d'autant moins avérée que la plus grande part de la marge bénéficiaire tirée de l'exploitation de ce multiple rural provenait de l'activité commerciale d'hôtellerie-restauration, laquelle ne reposait pas, par nature, sur la satisfaction d'un intérêt général ;

Attendu, par ailleurs, que le contrat alors conclu ne contenait aucune clause dérogatoire au droit commun, pouvant se justifier par la protection d'un intérêt général ;

que, ni l'obligation faite aux exploitants de communiquer annuellement leurs comptes, compte tenu des conditions particulières découlant de la nature du contrat, ni la faculté reconnue au bailleur de visiter les lieux pour vérifier leur bon état d'entretien, ne dérogeaient aux droits et obligations dont les parties peuvent convenir, en droit commun, ces dispositions n'ayant d'autre objet que de garantir la bonne tenue du fonds ;

que, pareillement, le pouvoir attribué au bailleur de faire réaliser les travaux d'entretien nécessaires, en cas de défaillance du preneur après mise en demeure, ne contrevenait pas aux obligations prévues par le Code civil, en matière de baux, dès lors que, si le bailleur est tenu de laisser au preneur la libre et paisible jouissance des lieux loués, celui-ci est pour sa part obligé de les entretenir à ses frais ;

qu'aucune autre sujétion exceptionnelle, imposée par les nécessités d'un service public et inconciliable avec la liberté de gestion reconnue au preneur, n'était mise à la charge des époux Lemarchand ;

que ce contrat, qui faisait expressément référence au statut de droit privé de la location gérance, ne contenait en outre aucune clause de résiliation exceptionnelle, répondant à un intérêt public, les clauses résolutoires convenues ne pouvant ainsi être mises en œuvre qu'en cas d'inexécution des obligations du preneur ou de fermeture administrative ou judiciaire du fonds ;

Attendu que l'appelante, qui se borne à cet égard à de simples affirmations, sans produire aucune pièce propre à confirmer cette assertion, ne justifie pas que le bâtiment dans lequel le fonds de commerce était exploité et qu'elle avait acquis d'une personne privée, relevait du domaine public communal ;

qu'il ne peut être soutenu, à ce propos, que l'immeuble appartenait au domaine public de la commune du seul fait de son affectation à une activité de service public, puisque la création d'un hôtel restaurant, dont les locataires tiraient la plus grande part de leurs revenus, ne répondait pas à une finalité d'intérêt général propre à caractériser une activité de service public ;

Attendu au surplus que les parties ont expressément choisi de placer le contrat sous un régime juridique de droit privé, ainsi que le reconnaissait la Commune d'Arches dans les conclusions soumises en son nom au tribunal ;

qu'il y était ainsi fait référence aux dispositions de la loi du 20 mars 1956 sur la location gérance, notamment pour la responsabilité du bailleur à l'égard des tiers et au titre de la dispense d'exploitation personnelle dont bénéficiait légalement la Commune ;

que ce choix était la conséquence de l'avis demandé en juin 1990 par le Cridon de Bordeaux, au notaire que la commune avait chargé de recevoir l'acte de location gérance, dans lequel il était suggéré de se placer sous un régime de droit privé, afin d'éviter les charges qu'une régie de droit public aurait fait peser sur le concédant, en sorte que l'appelante est mal venue de prétendre que le contrat ensuite passé avec les époux Lemarchand était un contrat administratif, dont elle est d'ailleurs incapable de qualifier exactement la nature ;

Attendu que les intimés justifient que le fonds de commerce sur lequel était censé porter le contrat de location gérance n'avait plus d'existence, dans ses éléments essentiels, depuis de nombreuses années, lorsqu'ils sont entrés dans les lieux;

que les mentions portées à cet,égard dans l'acte des 16 et 18 juillet 1991 étaient d'ailleurs contradictoires puisqu'il y était exposé à la fois que le fond loué avait été créé à la diligence de la Commune d'Arches sous forme de commerce multiple rural, puis, pour sa désignation, que le contrat portait sur un fonds de commerce à créer et exploiter (...) dans un immeuble appartenant à la commune ;

Attendu qu'ainsi, si la commune produit aux débats des éléments de preuve qui pourraient permettre de présumer que l'activité de débit de boisson, de revente de pain et de dépôt de tabac que Madame Cabanillas avait exploitée dans cette commune jusqu'au mois de décembre 1989 s'était ensuite poursuivie, sous une forme cependant réduite, jusqu'à la conclusion du contrat de location gérance contesté, il est en revanche établi que les activités d'hôtellerie et de restauration, par lesquelles la commune entendait assurer son développement économique et touristique (délibération du conseil municipal du 20 novembre 1990) et dont les locataires tiraient la plus grande part de leur marge commerciale, n'avaient plus d'existence réelle depuis de nombreuses années, en sorte que la clientèle s'y rapportant a été entièrement apportée par les époux Lenormand;

qu'en effet, outre que la commune a reconnu, tant dans ses délibérations précédant la conclusion du contrat, que dans le contrat lui-même, que cet hôtel-restaurant compris dans un "multiple rural" était à créer, il n'est au surplus justifié d'aucun exercice effectif de ces deux activités à l'époque du contrat ;

que la seule communication aux débats de deux factures de Madame Cabanillas adressées à la Commune aux mois d'avril 1987 et 1989, pour la fourniture de repas du troisième âge les 11 avril 1987 et 29 avril 1989, n'est pas suffisante pour prouver qu'une activité de restauration, à laquelle aurait été attachée une clientèle ensuite exploitée par les locataires gérants, était encore exercée dans les années précédant la conclusion du contrat ;

qu'il n'est produit aucune autre justification d'une telle activité et, notamment, aucun compte des recettes tirées d'un pareil commerce ;

que, par ailleurs, il est constant qu'aucun hôtel n'était plus ouvert dans la Commune depuis la cessation d'activité de la Maison Barrier Hôtel et Café, en 1930, et qu'ainsi, aucune clientèle propre à cette activité essentielle ne pouvait être fournie par la Commune ;

qu'enfin, il en allait de même de l'activité d'épicerie, abandonnée depuis plusieurs années, la population de la commune étant alors démarchée par un marchand ambulant établi à Le Vigean, dont elle constituait la clientèle ;

Attendu que, quel que soit le concours apporté par la commune à la réalisation des aménagements nécessaires à l'activité de restauration ou à la réalisation d'une enseigne en 1992, il n'en demeure pas moins qu'elle n'était en réalité titulaire d'aucun fonds de commerce d'épicerie, restauration et hôtellerie, lorsqu'elle a loué ce fonds aux intimés, en juillet 1991, plus aucune clientèle n'y étant attachée de longue date;

qu'il est indifférent, à cet égard, que le dépôt de pain ait été maintenu de 1989 à 1991, grâce à l'activité bénévole de Madame Caulus, puisque cette activité de vente ne représentait qu'une très faible part de la marge commerciale tirée de l'exploitation du fonds ;

que l'étude de marché faite en mai 1990 par la Chambre de commerce, à la demande de la commune, confirme qu'il n'existait plus depuis longtemps de commerce de restauration et d'hôtellerie, puisque les prévisions de résultat faites par cet organisme ne reposaient que sur une approche statistique et comparative de la population communale, et non sur la prise en compte de recettes éventuellement tirées d'une activité similaire, antérieure et effective, exercée sur le territoire de la commune ;

Attendu, au surplus, que les intimés, qui avaient exercé jusqu'en 1991 une activité d'hôtellerie et restauration à Lugarde et qui ont apporté à Arches une partie du matériel et le mobilier nécessaire à la poursuite de cette activité, dans les locaux de la commune, justifient par la production d'attestations délivrées par leurs clients, que ceux-ci les ont suivis de Lugarde à Arches, où ils ont continué à fréquenter leur établissement de restauration;

qu'il apparaît encore que les recettes tirées des activités de restauration et d'hôtellerie résultaient des seuls efforts des locataires, qui ont réussi à créer une clientèle inexistante à l'origine, grâce à leur activité personnelle et à des actions de promotion publicitaire dont ils ont assumé l'initiative et les coûts;

Attendu qu'ainsi, n'étant propriétaire ou exploitante d'aucun fonds de commerce d'hôtel, restauration et épicerie en 1991, cette activité économique ayant cessé depuis plusieurs années faute de clientèle s'y rapportant, la Commune d'Arches ne pouvait conclure avec Monsieur Pascal Lenormand et Madame Muriel Gimmig un contrat de location portant sur un tel fonds, pour leur en confier la gérance;

qu'en réalité, ces éléments essentiels du fonds exploité à Arches ont été créés ou apportés par les locataires, après la conclusion du prétendu contrat de location gérance ;

que de ce fait ces derniers, qui disposaient de la jouissance des locaux municipaux affectés à cette activité, en vertu du contrat passé avec la Commune, sont fondés à demander sa requalification et à invoquer le bénéfice des dispositions d'ordre public du décret du 30 septembre 1953, applicables aux baux consentis par les communes;

que ces dispositions doivent en effet recevoir application dès lors qu'un bailleur accorde la jouissance de locaux à un commerçant, pour qu'il y exploite un fonds de commerce lui appartenant ;

que tel est le cas en l'espèce, la Commune d'Arches ayant permis aux demandeurs, par le contrat contesté, de jouir de locaux situés dans un bâtiment communal, en contrepartie du paiement d'un loyer, afin d'y exercer l'activité d'épicerie, restauration et hôtellerie qui leur appartenait, pour l'avoir en partie apportée et en partie créée ;

que l'argumentation obscure de l'appelante sur la nature juridique du fonds de commerce est sans portée, puisque l'existence d'un fonds de commerce exploité par le locataire, dans des locaux mis à sa disposition, suffit à lui conférer un droit au bail commercial opposable au bailleur ;

Attendu que le jugement appelle en conséquence confirmation ;

Attendu que, pour prétendre au paiement de 80 000 F de dommages et intérêts, les intimés invoquent un préjudice résultant du comportement de la Commune, qui a informé la population du lieu des effets de sa décision, malgré les dispositions du jugement, et qui aurait commis un détournement de clientèle, en ouvrant un second dépôt de pain ;

que, toutefois, ils ne communiquent aux débats aucun document comptable propre à établir la réalité du préjudice économique dont ils font état et qui trouverait son origine dans ces agissements ;

qu'ils doivent donc être déboutés de cette prétention ;

Et attendu qu'il est équitable de leur allouer une indemnité de 12 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant contradictoirement, Vu l'arrêt rendu le 4 mars 1996 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ; Déclare la Commune d'Arches irrecevable en son exception d'incompétence soulevée en appel au bénéfice des juridictions administratives, et l'en déboute ; Confirme le jugement entrepris ; Déclare Monsieur Pascal Lenormand et Madame Muriel Gimmig mal fondés en leur demande en paiement de dommages et intérêts, et les en déboute ; Condamne la Commune d'Arches payer à Monsieur Pascal Lenormand et Madame Muriel Gimmig la somme unique de 12 000 F, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure, avec distraction, s'il y a lieu, au profit de Maître Aguiraud, pour la part dont cet avoué aurait fait l'avance, sans provision préalable et suffisante.