CA Douai, 5e ch. soc., 31 janvier 1990, n° 6556-89
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Platteau
Défendeur :
Manufacture de Bonneterie C. Mawet (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tredez
Conseillers :
MM. Morel, Levy
Avocats :
Mes Lewalle, Boniface.
Attendu que par jugement rendu le 18 septembre 1989 le Conseil de prud'hommes de Roubaix a débouté Michel Platteau de ses demandes d'indemnité complémentaire de préavis et d'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence et a débouté la SA Manufacture de Bonneterie C. Mawet de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Attendu que Michel Platteau a interjeté appel de cette décision le 6 octobre 1989 et demande à la cour :
- de condamner l'employeur à lui payer la somme de 24 362,33 F à titre de complément d'indemnité de préavis,
- de le condamner à lui payer la somme de 247 497,44 F à titre d'indemnité de non-concurrence et la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
qu'il fait valoir au soutien de son appel que l'employeur ne lui a pas remis la collection été début juillet 1988 alors qu'il lui restait un mois de préavis à effectuer le privant ainsi d'avoir une rémunération convenable, qu'il a droit à une indemnité pour la clause de non-concurrence d'une durée de 24 mois, que la situation de préretraite ne constitue qu'une modalité particulière d'indemnisation du chômage n'excluant en aucune façon la possibilité pour le salarié de reprendre un emploi rémunéré ; que l'indemnité de non-concurrence est donc due même en cas de départ ou de mise à la retraite ; qu'il n'y a jamais eu de transaction entre les parties lors du licenciement mais seulement un accord sur le caractère réel et sérieux du licenciement pour motif économique accompagné d'une convention FNE à l'exclusion de toute autre considération, que la signature d'une convention FNE n'implique nullement la renonciation à exercer un emploi salarié ;
Attendu que l'employeur a conclu à la confirmation du jugement déféré et subsidiairement offre de régler l'indemnité de non-concurrence prorata temporis si le salarié reprend une activité professionnelle d'ici le 31 juillet 1991, terme de l'obligation de non-concurrence ;
Qu'il fait valoir que le départ négocié du salarié présentait un caractère transactionnel, que le salarié est donc mal fondé à remettre en cause cet accord, que du 1er au 11 juillet 1988 les commandes prises par le salarié ont été commissionnées à son bénéfice, qu'à partir du 12 juillet il est parti en congé jusqu'au 31 juillet, que le salarié a toujours déclaré qu'il n'entendait pas reprendre un emploi, que l'indemnité de non-concurrence n'est exigible qu'en cas de reprise par le salarié d'une activité professionnelle ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Michel Platteau a été embauché en qualité de VRP exclusif le 1er janvier 1962 par la SA Manufacture de Bonneterie Mawet à l'enseigne "Ozona" ;
Que son secteur d'activité comprenait les départements du Nord, Pas-de-Calais et la Somme ;
Qu'une clause de non-concurrence était prévue pendant une durée de 3 ans à compter du départ du salarié ;
Que l'activité de l'entreprise étant la commercialisation des articles de bonneterie pour enfants, il était prévu 2 collections par an, été et hiver, la collection "été" étant présentée à compter du 1er juillet d'une année pour les articles destinés à être mis en vente pour l'été de l'année suivante et la collection hiver étant présentée le 1er janvier d'une année pour être mis en vente pour l'hiver suivant ;
Attendu que fin 1987 la SA Ozona envisageant le licenciement économique, demandait au représentant s'il acceptait de percevoir les indemnités conventionnelle et spéciale de rupture prévues à l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 au lieu et place de l'indemnité de clientèle, la société s'engageant en contrepartie à conclure une convention avec le FNE pour faire bénéficier le salarié du régime de pré-retraite ;
Que par lettre du 23 novembre 1987 Michel Platteau " acceptait d'être mis en pré-retraite aux conditions indiquées à savoir 9 000 F environ mensuellement jusqu'à la retraite et une indemnité de 140 000 F minimum " ;
Que par lettre du 27 avril 1988 le représentant était licencié avec préavis se terminant le 31 juillet date à laquelle le salarié signait la convention du FNE ;
Que le 7 septembre 1988 un reçu pour solde de tout compte était signé puis dénoncé par le salarié le 4 et 26 octobre qui contestait les conditions dans lesquelles le préavis s'était effectué et qui réclamait le versement de l'indemnité compensatrice de non-concurrence prévue au contrat ;
Attendu tout d'abord qu'il convient d'observer qu'en réponse à la lettre du salarié du 23 novembre l'employeur lui écrivait " je vous confirme l'indemnité de licenciement de 140 000 F qui sera versée par la société à l'occasion de votre départ en pré-retraite FNE " ;
Que le décompte de cette somme s'établit comme suit d'après les propres pièces de l'employeur :
- 10 596,73 F d'indemnité conventionnelle de rupture,
- 134 284,21 F d'indemnité spéciale de rupture,
144 880,94 F Total,
- 16 706,20 F de déduction participation du salarié au FNE,
Somme à verser :
- 128 174,74 F arrondie à 140 000 F ;
Attendu qu'il résulte clairement des échanges de lettres que les parties n'ont voulu transiger que sur l'indemnité de clientèle et non sur les autres indemnités dues au salarié en cas de licenciement ;
Qu'il n'y a donc pas eu de transaction comme le prétend l'employeur sur les autres indemnités ;
Que le reçu pour solde de tous comptes reprend cette somme de 140 000 F à titre d'indemnité de licenciement outre le salaire de juillet (2 011,03 F) et la somme de 7 793,19 F au titre de la participation ;
Que la dénonciation du reçu pour solde de tous comptes est donc valable ;
Attendu que Michel Platteau produit plusieurs attestations établissant que la collection été 1989 a été présentée à certains clients par son successeur en juillet 1988 (Bébé Natal le 21 juillet, maman Bébé le 27 juillet, la Boutique de Marion le 28 juillet, Lingerie Devillers le 26 juillet, Baby club le 20 juillet...) ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le représentant a travaillé du 1er au 11 juillet puis qu'il est parti en congé du 12 au 31 laissant son successeur sur place ;
Que la fiche de paie de juillet 1988 indique un chiffre d'affaires de 20 481,44 F en gros et de 147 743,85 F en détail et une régularisation collection de 13 073 F ;
Qu'il a perçu un salaire net de 24 518,58 F alors que de juillet 1987 à juin 1988 il a perçu 133 247 F soit 11 103 F en moyenne par mois ;
qu'il est donc établi que Michel Platteau a exécuté son préavis régulièrement et que c'est à juste titre qu'il a été débouté de son rappel d'indemnité de préavis ;
Attendu que le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence pendant 3 ans en cas de rupture ;
Que Michel Platteau réclame à ce titre la somme de 247 497,43 F soit une indemnité réduite à 2 ans conformément aux dispositions de l'accord national ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'employeur n'a pas dénoncé la clause de non-concurrence;
Que la SA Ozona prétend qu'elle n'avait pas à le faire compte tenu de l'accord du salarié de partir en pré-retraite et de ce que Michel Platteau avait toujours déclaré qu'il n'entendait pas reprendre un emploi ;
Attendu cependant que si le départ du salarié en pré-retraite dans le cadre d'un contrat de solidarité entre l'état et l'employeur constitue un mode de cessation du contrat de travail, aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit au bénéficiaire des allocations spéciales du FNE de reprendre une activité salariée, une telle hypothèse étant expressément prévue dans la demande d'adhésion à la convention signée le 31 juillet 1988 par le salarié, avec comme conséquence la suspension de l'allocation spéciale conformément aux dispositions de l'article R. 322-7 du code du Travail ;
Qu'il appartenait donc à l'employeur de dénoncer la clause de non-concurrence pour être délié de son obligation, aucune transaction n'étant intervenue entre les parties sur ce point;
qu'il convient de réformer le jugement sur ce point et de faire droit à la demande du salarié ;
Attendu qu'il ne parait pas inéquitable de laisser au salarié la charge des frais irrépétibles engagés dans la présente procédure ; qu'il convient de le débouter de sa demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Michel Platteau de sa demande d'indemnité complémentaire de préavis ; Réformant ledit jugement, Condamne la SA Manufacture de Bonneterie Mawet à l'enseigne Ozona à payer à Michel Platteau la somme de 247 497,44 F au titre de l'indemnité de non-concurrence, ladite somme portant intérêts au fur et à mesure des 24 échéances mensuelles qui auraient dû être versées du 31 août 1988 au 31 août 1990 ; Déboute le salarié du surplus de ses demandes ; Condamne la SA Manufacture de bonneterie Mawet aux dépens.