Conseil Conc., 23 octobre 2002, n° 02-D-64
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine et à une demande de mesures conservatoires de la société Speed rabbit pizza à l'encontre des sociétés Neptune, Domino's pizza France, RM Master et Télépizza France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Komiha, par Mme Pasturel, vice présidente, présidant la séance, Mme Perrot, MM. Gauron, Piot, Ripotot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section IV),
Vu la lettre du 15 mai 2002, enregistrée sous le numéro 02-0049 F, par laquelle la société Speed rabbit pizza a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en ouvre par les sociétés Neptune, Domino's pizza France, RM Master et Télépizza France; Vu la lettre du 27 mai 2002, enregistrée sous le numéro 02-0053 M, par laquelle la société Speed rabbit pizza demande au conseil de prendre des mesures conservatoires visant à mettre fin aux comportements qu'elle dénonce dans sa saisine; Vu le livre IV du Code de commerce, relatif à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, ainsi que le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement, les sociétés Speed rabbit pizza, Domino's pizza France et RM Master; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Speed rabbit pizza, Neptune, Domino's pizza France et RM Master entendus lors de la séance du 25 septembre 2002;
Considérant que la société Speed rabbit pizza expose que les sociétés Neptune, Domino's pizza France, RM Master et Télépizza France offrent une pizza gratuite pour toute pizza commandée et livrée à domicile et pratiquent, de ce fait, des prix de vente abusivement bas aux consommateurs; que cette offre fait l'objet de tracts publicitaires distribués à domicile et qu'une telle pratique relève d'une stratégie d'élimination des concurrents sur le marché de la livraison des pizzas à domicile;
Sur les entreprises mises en cause :
Considérant, en ce qui concerne les offres promotionnelles faites à Rennes par deux magasins à l'enseigne Domino's pizza, que ces magasins sont exploités en franchise par la société Neptune; que la société Domino's pizza; franchiseur, était jusqu'au 1er janvier 2002 l'unique actionnaire de la société Neptune;
Considérant, en ce qui concerne les offres promotionnelles faites par le magasin à l'enseigne Télépizza situé rue Saint-Dominique à Paris, que ce magasin est la propriété de la société RM Master; que la société Télépizza France est une centrale d'approvisionnement des magasins à l'enseigne Télépizza et ne possède pas de magasins en propre;
Sur la saisine au fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 462-8 du Code de commerce, le Conseil de la concurrence "peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants";
Considérant que l'article L. 420-5 du Code de commerce prohibe les "offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits....."; qu'il en résulte que la qualification de prix abusivement bas, au titre dudit article, demande que deux conditions soient réunies; qu'il est nécessaire, en premier lieu, que le niveau du prix proposé soit insuffisant au regard des coûts de production, de transformation et de commercialisation; qu'il faut aussi, en second lieu, que le prix pratiqué ou bien traduise une volonté d'éviction ou bien comporte une potentialité d'éviction du concurrent ou d'un produit du concurrent;
Sur la condition tenant à l'insuffisance du prix au regard des coûts :
Considérant que la saisissante considère que le fait que ses concurrents vendent deux pizzas pour le prix d'une en livraison, aboutit à un prix "manifestement" abusivement bas car un tel prix ne couvrirait pas le coût de production, de transformation et de distribution des deux pizzas; qu'elle inclut dans ces coûts la matière première, le coût de livraison, les salaires, le loyer; qu'elle indique que la confection et la livraison de deux pizzas reviendraient ainsi à 15,24 eurosHT alors que les pizzas sont vendues, selon les "modèles", entre 11 et 15 euroschez ses deux concurrents;
Considérant qu'il convient de vérifier, sur la base des éléments comptables propres à chaque entreprise, si les prix de vente pratiqués pour la livraison de deux pizzas au prix d'une seule sont effectivement inférieurs aux coûts de production, de transformation et de commercialisation de deux pizzas;
Considérant, en ce qui concerne les coûts susceptibles de servir de référence, que le Conseil a indiqué, dans son avis n° 96-A-05 du 2 mai 1996, relatif à une demande d'avis portant sur certaines questions de concurrence soulevées par des dispositions du projet de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, que : "Les dispositions envisagées qui définissent le prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation s'inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence communautaire et nationale sur les prix de prédation"; que le prix de prédation correspond au cas d'une entreprise en position dominante; que le conseil a rappelé, dans ce même avis, la définition du prix prédateur telle qu'elle a été donnée par la Cour de Justice des Communautés européennes dans l'arrêt Akzo du 3 juillet 1991 : "- des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables (...) par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent doivent être considérés comme abusifs. Une entreprise dominante n'a en effet aucun intérêt à pratiquer de tels prix, si ce n'est celui d'éliminer ses concurrents (...) puisque chaque vente entraîne pour elle une perte, à savoir la totalité des coûts fixes (...) et une partie au moins des coûts variables afférents à l'unité produite; - par ailleurs, des prix, inférieurs à la moyenne des coûts totaux qui comprennent les coûts fixes et les coûts variables mais supérieurs à la moyenne des coûts variables, doivent être considérés comme abusifs lorsqu'ils sont fixés dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un concurrent";
Considérant, en outre, que le conseil, dans son avis n° 97-A-18 du 8 juillet 1997 relatif à une demande d'avis concernant l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (devenu l'article L. 420-5 du Code de commerce) au secteur du disque, a énoncé que : "En tout état de cause seront pris en considération les coûts variables qui permettent de présumer un effet d'éviction; la référence aux coûts moyens totaux ne peut être effectuée que si la pratique de prix bas est accompagnée d'indices suffisamment sérieux, probants et concordants d'une volonté délibérée de capter la clientèle au détriment du concurrent. Cette volonté peut résulter des conditions dans lesquelles la pratique a été mise en œuvre, notamment lorsqu'elle relève d'un comportement qui s'écarte de la politique commerciale habituelle du distributeur et/ou parce qu'elle est clairement dirigée contre un concurrent";
Considérant qu'il résulte des références ainsi rappelées que, dans l'hypothèse où une entreprise aurait pratiqué un prix de vente qui serait inférieur aux coûts variables, la preuve de la volonté d'éviction résulte de plein droit de la mise en œuvre de cette pratique si l'entreprise est en position dominante, comme c'est le cas dans les circonstances de l'arrêt Akzo; mais que si l'entreprise n'est pas en position dominante, comme c'est le cas envisagé dans l'avis n° 97-A-18 relatif aux prix abusivement bas, cette pratique constitue une présomption simple ou indice de sa volonté d'éviction, qui doit être complétée par d'autres indices pour établir l'existence d'une telle volonté; que, dans ce dernier cas, il convient alors d'examiner si la démonstration de la volonté d'éviction ou de la potentialité d'éviction, exigée par le texte de l'article L. 420-5, résulte de l'ensemble des éléments figurant au dossier;
Considérant que la nature fixe ou variable des coûts recensés doit, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, être appréciée au regard des circonstances de l'espèce; qu'en effet, dans l'arrêt Akzo, déjà cité, la Cour a précisé notamment : "il convient donc d'examiner si les frais de main-d'œuvre ont, en l'espèce, varié en fonction des quantités produites... dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les coûts variables sont ceux qui figurent dans les documents que cette entreprise a soumis à la cour"; que, dans sa décision n° 94-MC-10 du 14 septembre 1994 concernant le secteur du béton prêt à l'emploi dans le département du Var, le conseil a défini le coût moyen variable de production à partir de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune des entreprises; qu'il résulte des deux décisions précitées qu'il convient de déterminer, en se fondant sur la comptabilité particulière du distributeur, les coûts dont l'évolution est liée au développement des ventes et qui constituent les coûts variables;
Considérant que la société RM Master a communiqué les comptes de résultat mensuels de janvier à mai 2002 du magasin de la rue Saint-Dominique à Paris; qu'il ressort de ces comptes que, pour le mois de mai 2002 qui est celui pendant lequel la publicité incriminée a pu produire ses effets, le chiffre d'affaires de 33 734,46 eurosa couvert l'ensemble des coûts fixes et variables (29 074,65 euros) avec un résultat d'exploitation positif de 13,8 % du chiffre d'affaires; que les coûts de l'activité ventes en livraison ne font pas l'objet d'une comptabilisation séparée mais que l'affectation de l'ensemble des coûts à cette activité au prorata de sa part dans le total des ventes, soit 67,6 % en mai 2002, permet de les évaluer à 20 235,95 euros(29 074,65 x 0,676) pour un chiffre d'affaires correspondant de 22 816,90 euros; qu'il apparaît ainsi que les coûts totaux de production, de transformation et de commercialisation de ces pizzas sont couverts; que l'une des deux conditions cumulativement requises par l'article L. 420-5 du Code de commerce pour caractériser un prix abusivement bas, n'est donc pas remplie en ce qui concerne l'offre publicitaire de la société RM Master visant à proposer deux pizzas livrées pour le prix d'une seule;
Considérant que la société Domino's pizza a communiqué, par rapport au prix moyen d'une commande, exprimé en base 100, la répartition des coûts correspondants, d'une part, pour une commande comprenant une pizza livrée, d'autre part pour une commande comprenant deux pizzas livrées; que ces estimations font apparaître une marge de 30,96 % pour une commande comprenant une pizza et de 28,62 % pour celle comprenant deux pizzas; que le représentant de la société saisissante conteste, toutefois, ces estimations et soutient que le coût en matières premières pour une commande d'une pizza représentant 27 % du total, le coût en matières premières pour une commande de deux pizzas doit donc être estimé à 54 %, et non à 29,38 % comme l'indique inexactement le tableau produit;
Mais, considérant que la première colonne de ce tableau, qui s'intitule "commande normale : base 100 moyenne nationale", correspond, comme l'a confirmé le représentant de la société Domino's pizza en séance, à une commande moyenne livrée comprenant, non seulement une ou plusieurs pizzas, mais aussi d'autres produits tels que salades, ailes de poulet, boissons, crèmes glacées ou autres desserts, non concernés par la promotion en cause; que, selon ces estimations, la matière première représente 27 % du prix de vente d'une commande moyenne incluant une pizza, les salaires, 32 %, les frais de livraison (soit les coûts liés au véhicule et à son entretien), 0,5 %, les royalties, 5,5 % et la publicité, 4 %; que, selon les indications contenues dans la seconde colonne du tableau, le seul poste de coût qui varie du fait de la livraison d'une pizza supplémentaire est la matière première, dont la part dans le prix de vente de la commande passe alors de 27 à 29,38 %; que cette variation ne paraît pas manifestement sous-évaluée compte tenu du faible coût en matières premières d'une pizza, qui peut être estimé, selon les indications données par Domino's pizza, à 1,91 euro pour un prix de vente moyen de 16,25 euros; qu'il est constant que la livraison d'une pizza supplémentaire par le même livreur n'entraîne pas de supplément en coûts salariaux et en frais de livraison; qu'il peut donc être retenu que les coûts variant avec l'inclusion d'une pizza gratuite dans la commande soit ceux de la matière première, s'élèvent à 29,38 % du prix de cette commande; qu'en ajoutant les autres coûts variant avec le chiffre d'affaires d'un magasin, soit les salaires, les frais de livraison, ainsi que les coûts liés aux royalties et la publicité, les coûts variables s'élèvent à 71,38 % du prix de vente d'une commande moyenne comprenant une pizza gratuite pour une payée, soit une marge après coûts variables de 28,62 %;
Considérant que Domino's pizza indique que les frais fixes représentent en moyenne 72 676 eurospar point de vente; que, compte tenu de la marge après coûts variables retenue ci-dessus, soit 28,62 centimes pour un euro de chiffre d'affaires, le chiffre d'affaires total doit atteindre au moins 253 934 euros(soit 72 676 eurosdivisés par 0,2862 cts) pour couvrir 72 676 eurosde frais fixes; que les chiffres d'affaires communiqués pour les magasins Neptune de Rennes (420 017 euros) et Cesson-Sévigné (476 300 euros) vérifient cette condition;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'une des deux conditions cumulativement requises par l'article L. 420-5 du Code de commerce pour caractériser un prix abusivement bas, à savoir l'insuffisance du niveau de prix par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation des pizzas livrées, n'est pas non plus remplie en ce qui concerne l'offre publicitaire des deux magasins de Rennes visant à proposer deux pizzas livrées pour le prix d'une seule;
Sur la condition tenant à l'éviction du marché :
Considérant que l'existence d'un niveau de prix insuffisant par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, serait-elle établie, ne suffit pas à justifier l'application de l'article L. 420-5 du Code de commerce, laquelle suppose encore qu'il soit démontré que cette pratique a pour objet ou est susceptible d'avoir pour effet d'évincer du marché l'entreprise qui prétend en être victime ou l'un de ses produits; que l'examen de cette seconde condition, auquel il est procédé à titre surabondant, conduit à écarter, de ce chef également, l'application du texte susvisé;
a) Sur l'objet de la pratique :
Considérant, en effet, qu'en l'espèce, aucun élément du dossier ne permet de penser que l'offre de deux pizzas livrées pour le prix d'une, faite par les magasins à enseigne Domino's pizza et Télépizza responsables des publicités incriminées, aurait eu pour objet d'évincer du marché l'entreprise plaignante;
b) Sur la constatation d'un effet d'éviction ou de la potentialité d'un tel effet :
En ce qui concerne l'importance respective des entreprises en cause
Considérant que le Conseil, dans l'avis précité n° 97-A-18 du 8 juillet 1997, a indiqué que l'appréciation d'un effet d'éviction au titre de l'article L. 420-5 du Code de commerce doit tenir compte du rapport de force entre les opérateurs concernés au regard de leur part du marché, de leurs capacités financières, de leur force commerciale respective et de leur structure d'activité, la pratique de prix bas n'étant susceptible d'avoir un tel effet que si elle est mise en œuvre par un opérateur dont les moyens ainsi définis sont suffisamment importants, alors qu'à l'inverse, celui qui se prétend victime de la pratique ne dispose pas de moyens lui permettant d'y résister;
Considérant que la société Neptune est propriétaire de deux magasins situés l'un à Rennes, l'autre à Cesson Sévigné dans la périphérie est de Rennes; que son chiffre d'affaires s'est élevé en 2001 à 896 317 euros; que, pour sa part, la société RM Master est propriétaire de 5 magasins à l'enseigne Télépizza dont celui de Paris concerné par la publicité dénoncée; que, par ailleurs, il existe 13 magasins à cette enseigne appartenant à des franchisés, soit, pour l'ensemble du territoire national, 18 magasins à cette enseigne;
Considérant que l'enseigne Speed rabbit pizza se présente dans sa saisine comme le numéro 2 de la livraison de pizzas à domicile, en France, et détient, à Rennes et dans sa périphérie immédiate, quatre magasins; que, dans Paris intra-muros, elle dispose de 15 magasins, dont cinq situés à moins de quatre kilomètres du magasin Télépizza de la rue Saint-Dominique et, qu'en France métropolitaine, elle totalise 64 magasins; que le chiffre d'affaires des magasins de Rennes et de Paris ne peut être déterminé, la saisissante s'étant refusée à communiquer des données individualisées par magasin; que le chiffre d'affaires global des magasins à l'enseigne Speed rabbit pizza s'est élevé, en 2001, à 22 364 160 eurossoit 25 fois celui des magasins de la société Neptune; que le chiffre d'affaires des magasins appartenant en propre à la société Speed rabbit pizza a atteint, en 2001, 3 035 140 Euros, soit 3,38 fois celui de la société Neptune;
Considérant, au surplus, que les données disponibles relatives au secteur de la livraison de pizzas en France, pour l'année 2000, permettent de relever que l'enseigne Speed rabbit pizza se situait alors au troisième rang avec un chiffre d'affaires de 18,8 millions d'eurospour 61 magasins, devancée par Pizza hut avec 83,1 millions d'euroset La Boîte à pizzas avec 19,8 millions d'euros; que les magasins à l'enseigne Domino's pizza totalisaient alors un chiffre d'affaires de 15,2 millions d'eurospour 31 magasins et ceux à l'enseigne Télépizza, 4,6 millions d'eurospour 30 magasins;
En ce qui concerne l'impact potentiel des comportements dénoncés
Considérant que le Conseil, dans l'avis précité n° 97-A-18, a indiqué que l'appréciation d'un effet d'éviction au titre de l'article L. 420-5 du Code de commerce doit également tenir compte de la permanence et de l'étendue de la pratique;
Considérant, en premier lieu, que les zones de chalandise couvertes par les magasins de livraison de pizzas sont restreintes; qu'en effet, selon la densité d'urbanisation et les facilités de circulation, et compte tenu de l'engagement de respecter un délai de 30 minutes entre la passation de la commande et sa livraison et de la nécessité de livrer un plat encore chaud, la zone de livraison autour de chaque magasin varie entre 3 et 5 kilomètres selon les représentants des enseignes Télépizza et Domino's pizza, entre 4 et 7,5 kilomètres selon la société Speed rabbit pizza; qu'il s'ensuit que les publicités incriminées sont susceptibles d'affecter la capacité concurrentielle des seuls magasins concurrents situés dans cette zone limitée;
Considérant, en deuxième lieu, que la publicité des deux magasins Domino's pizza de Rennes a couvert la période allant du 1er avril au 12 mai 2002; que les chiffres d'affaires hebdomadaires de ces magasins sur cette période, compris entre 10 000 et 13 700 Euros, sont voisins des chiffres d'affaires hebdomadaires constatés dans les 6 semaines précédant et les 6 semaines suivant ladite période; que, de même, le pourcentage des ventes en livraison par rapport aux ventes à emporter n'a pas connu de variations significatives et reste proche de la moyenne constatée sur l'ensemble des 18 semaines considérées; que la société Speed rabbit pizza a refusé de communiquer les chiffres d'affaires hebdomadaires des magasins à son enseigne situés dans les zones de chalandises des magasins concurrents de Rennes dont elle dénonce le comportement, rendant ainsi toute comparaison impossible;
Considérant, en troisième lieu, qu'en ce qui concerne le magasin à l'enseigne Télépizza sis rue Saint-Dominique à Paris, son offre ne concernait que les livraisons effectuées les lundis et mardis, jours des ventes les plus faibles, comme l'indiquent les données communiquées tant par la société Domino's pizza que par la société Speed rabbit pizza; que cette offre était limitée à 1 mois, prenant fin au 31 mai 2002, et avait pour but de combler le déficit de clientèle constaté; que les magasins à l'enseigne Speed rabbit pizza qui se trouvent dans un rayon de 4 kilomètres du magasin Télépizza sont ceux de la rue de Vaugirard, de la rue Lecourbe, de l'avenue Kleber, de l'avenue du Maine et du boulevard du Montparnasse; que la société Speed rabbit pizza a communiqué les chiffres d'affaires journaliers et hebdomadaires, pour la période du 1er janvier au 2 juin 2002, des magasins Vaugirard, Lecourbe et Kleber; que, sur la période couverte par la publicité Télépizza, le chiffre d'affaires de ces magasins est équivalent, voire supérieur, à celui relevé sur d'autres semaines; que le même constat peut être fait lorsque seuls sont retenus les chiffres d'affaires réalisés les lundis et mardis; qu'au surplus, le compte de résultat relatif aux magasins parisiens détenus par la société Speed rabbit pizza fait apparaître un résultat bénéficiaire de 42 447 eurospour l'exercice 2001, et de 37 766 eurosà la date du 31 mai 2002;
Considérant, ainsi, qu'il n'existe au dossier aucun élément pouvant laisser penser que les offres promotionnelles dénoncées dans la saisine auraient eu ou auraient pu avoir un effet d'éviction à l'encontre de la société Speed rabbit pizza;
c) Sur le comportement de la société Speed rabbit pizza et des autres enseignes du secteur
Considérant, enfin, que les sociétés Domino's pizza et RM Master ont versé au dossier des tracts publicitaires montrant que des magasins à l'enseigne Speed rabbit pizza ont également pratiqué des offres promotionnelles portant sur une pizza gratuite pour une pizza livrée; que 14 magasins de Paris ont fait une telle offre, pour le lundi, au mois de décembre 2001; que deux magasins à Strasbourg l'ont proposée, du lundi au vendredi, jusqu'au 30 juin 2002; que les quatre magasins de Rennes l'ont proposée, du lundi au jeudi, jusqu'au 1er mars 2002; que, de la même façon, d'autres enseignes font régulièrement de telles offres soit limitées à certains jours de la semaine soit 7 jours sur 7, les publicités communiquées concernant les enseignes suivantes : La Boîte à pizzas à Mulhouse, Pizza hut à Nantes, Pizza time à Rennes, Pizza drive à Amiens, Pizza Sprint dans neuf magasins de la région Bretagne dont deux à Rennes, Pizza à Gogo à Boulogne-Billancourt, Vaparetto à Levallois-Perret;
Considérant que le représentant de la société RM Master a signalé, lors de son audition par le rapporteur, qu'à sa connaissance "c'est Speed rabbit pizza qui, la première, a fait des offres commerciales agressives en venant sur le terrain de l'offre d'une gratuite pour une achetée en vente à emporter, ceci 7 jours sur 7, et en permanence, il me semble à partir de 1997, notamment pour concurrencer le leader du marché Pizza hut. Celui-ci a réagi en faisant la même offre d'abord du lundi au jeudi, puis 7j-7 à partir de janvier-février 2002. Les petits réseaux tels que le nôtre, face aux deux leaders, Pizza hut et Speed rabbit n'ont pu que s'aligner sur ce type d'offres.";
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les faits dénoncés, tels qu'ils ont été soumis à l'appréciation du conseil, ne peuvent être considérés comme des indices suffisamment probants de l'existence de pratiques prohibées par l'article L. 420-5 du Code de commerce; qu'en application des dispositions de l'article L. 462-8 du même Code, il y a donc lieu de rejeter la saisine au fond et, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires;
Décide
Article 1er : La saisine au fond enregistrée sous le numéro 02-0049 F est rejetée.
Article 2 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 02-0053 M est rejetée.