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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 24 mai 1995, n° 93-3037

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Doutaves N. Bernard (SA)

Défendeur :

Heuby

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goedert

Conseillers :

Mmes Bowie, Filhouse

Avocats :

Mes Graugnard, Lemaire.

Cons. prud'h. Avignon, du 15 mars 1993

15 mars 1993

Faits, procédure et demandes :

La SA Doutaves N. Bernard a engagé Alain Heuby comme VRP à compter du 1er juin 1986, son contrat de travail prévoyant une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans, limitée aux départements des Bouches du Rhône et du Vaucluse et interdisant à Alain Heuby d'entrer au service d'une entreprise concurrente en qualité d'employé ou de représentant ou à toutes autres fins.

Le 1er août 1989, un avenant au contrat de travail a été signé par les parties aux termes duquel Alain Heuby exerçait désormais la fonction de magasinier vendeur.

Alain Heuby a démissionné le 11 février 1991 et est entré au service d'une société concurrente, la société Peyronnet-Fabre.

La SA Doutaves N. Bernard a donc saisi le Conseil de Prud'hommes pour voir ordonner l'arrêt de l'activité de Alain Heuby au service de cette société sous astreinte et voir condamner le défendeur à lui payer une somme de 300 000 F de dommages et intérêts pour violation de la clause de non-concurrence et de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Alain Heuby a conclu à la nullité de la clause de non-concurrence et au débouté de la demande de la SA Doutaves N. Bernard.

Par jugement du 15 mars 1993, le Conseil de Prud'hommes statuant en formation de départage, a déclaré nulle la clause de non-concurrence insérée dans le contrat liant Alain Heuby à la SA Doutaves N. Bernard et a débouté cette dernière de ses demandes. Il a alloué à Alain Heuby une somme de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Doutaves N. Bernard a relevé appel de cette décision et, par conclusions, a demandé à la Cour de dire que Alain Heuby a violé la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail et de le condamner en conséquence à lui payer la somme de 300.000 F de dommages et intérêts pour violation de cette clause et la somme de 15.000 F sur la base des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions, Alain Heuby a demandé à la Cour de débouter la SA Doutaves N. Bernard de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer une somme de 5.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Discussion et décision :

Sur la portée de la clause de non-concurrence :

Attendu que les parties, en cause d'appel, placent préalablement le débat, avant de s'interroger sur la validité de la clause de non-concurrence, sur la portée réelle de cette clause ;

Qu'en effet, s'il n'est pas contesté qu'une clause de non-concurrence est insérée dans le contrat initial, contrat de travail du 1er juin 1986, dans lequel la fonction de Alain Heuby est définie comme celle d'un VRP statutaire exclusif, il est en revanche soutenu qu'une telle clause ne peut s'appliquer à Alain Heuby à partir du moment où une modification du contrat de travail est intervenue, soit le 1er août 1989, date à laquelle la salarié a changé de fonction et est devenu, à sa demande, magasinier vendeur ;

Attendu que la clause de non-concurrence insérée dans le premier contrat est ainsi rédigée : " En cas de rupture du présent contrat, quelle qu'en soit la cause, Alain Heuby s'interdit de s'intéresser, directement ou indirectement ou pour le compte d'un tiers à une entreprise concurrente ou d'entrer au service d'une telle entreprise en qualité d'employé ou représentant ou à toute autre fin ; cette interdiction s'applique les deux années commençant à courir au jour de la rupture du contrat; elle est limitée aux départements des Bouches du Rhône et du Vaucluse" ;

Attendu qu'il convient de rappeler que la cause de non-concurrence a pour objet de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise ;

Attendu que, par avenant au contrat de travail, Alain Heuby est devenu, le 1er août 1989, magasinier vendeur dont la fonction est définie dans la convention collective du commerce en gros comme un employé chargé du réapprovisionnement et de la vente, qui a des connaissances suffisantes pour renseigner et conseiller la clientèle ;

Attendu que si la clause de non-concurrence dans le contrat de VRP est justifiée, en son principe, pour protéger les intérêts de l'entreprise, en revanche, compte tenu de la nouvelle fonction de Alain Heuby, magasinier vendeur, elle n'était plus indispensable à la protection légitime des intérêts de la SA Doutaves N. Bernard et l'employeur ne peut s'en prévaloir, à ce titre, à l'encontre de Alain Heuby après la rupture du contrat de travail ;

Que seule, dans la mesure où elle serait jugée valable, la clause de non-concurrence prévue dans le premier contrat pourrait s'appliquer après la cessation de la fonction de VRP par Alain Heuby, soit du 1er août 1989 au 1er août 1991 ;

Sur la validité de la clause de non-concurrence :

Attendu que la convention collective nationale de commerces en gros renvoie pour les VRP aux dispositions statutaires des VRP et ne prévoit pas de clause de non-concurrence particulière ;

Qu'en matière de VRP, la clause de non-concurrence est soumise, quant à sa validité, à une double limitation :

- limitation dans le temps,

- limitation géographique et catégorielle ;

Attendu qu'en l'espèce, non seulement, cette clause interdisait à Alain Heuby d'exercer sur des secteurs géographiques plus étendus que les secteurs qu'il devait visiter et qui sont rappelés au contrat, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, mais encore elle interdisait au salarié toute autre activité que celle de VRP alors que seule la représentation constituait l'exercice d'activité concurrente et donc un risque pour l'employeur;

Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont dit que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat était nulle et qu'ils ont débouté la SA Doutaves N. Bernard de ses demandes;

Qu'il convient de confirmer la décision déférée ;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur les dépens :

Attendu que la procédure d'appel a contraint Alain Heuby à exposer des frais qui ne seront pas compris dans les dépens et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

Qu'à ce titre, et par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la SA Doutaves N. Bernard, qui ne justifie d'aucun motif d'en être exonérée devra lui payer la somme de 3 000 F ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant en matière prud'homale, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, En la forme, reçoit l'appel de SA Doutaves N. Bernard ; Au fond, Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 mars 1993 par le Conseil de prud'hommes d'Avignon ; Condamne la SA Doutaves N. Bernard à payer à Alain Heuby une somme de 3 000 F (trois mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette comme irrecevables ou non fondées, toutes autres, plus amples ou contraires demandes des parties ; Condamne, enfin, la SA Doutaves N. Bernard aux dépens d'appel.