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Décisions

Cass. soc., 6 mars 1980, n° 78-41.074

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Heleine

Défendeur :

Rousseau

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

et rapporteur : M. Arpaillange

Avocat général :

M. Picca

Avocat :

Me Goutet.

Rouen, ch. soc., du 11 mai 1978

11 mai 1978

LA COUR : - Sur le premier moyen : - Vu les articles 1184, 1382 du code civil, L. 122-14-6 du Code du travail, 455 du Code de procédure civile; - Attendu que, fin 1971, Cécile Heleine avait obtenu la cession de la carte d'un représentant, en fonction depuis 1958, au service de la maison Rousseau, avec l'accord de celle-ci, pour la vente de vêtements pour femmes et enfants; qu'au début de 1975, la représentante avait reçu avec retard une collection incomplète, et que la seconde collection de l'année ne lui avait jamais été adressée; qu'elle ne perçut pas l'intégralité de ses commissions et ne reçut plus de nouvelles de son employeur; que, pour rejeter la demande en dommages-interêts pour rupture abusive de demoiselle Heleine, l'arrêt attaqué (Rouen, 11 mai 1978) a estimé que Rousseau, en raison de la crise économique, s'était trouvé dans l'impossibilité matérielle de mettre au point la collection d'été 1976 et avait dû interrompre son activité de fabricant en juin 1975 pour se consacrer à la sous-traitance, ce qui expliquait qu'il n'ait plus, à compter de cette date, utilisé le concours des huit représentants qu'il employait sur l'ensemble du territoire métropolitain; que cela constituait un motif réel et sérieux de cessation du contrat de travail, bien que les formes légales pour un licenciement n'aient pas été respectées; que demoiselle Heleine avait reçu une lettre du 25 mai 1976, dans laquelle Rousseau résumait la situation de l'entreprise en septembre 1975 sur le plan de l'emploi;

Qu'en statuant ainsi, et en décidant que rousseau n'avait pas commis de faute, alors que la salariée avait été mise par lui des le début de 1975 dans l'impossibilité d'exercer normalement son activité et que ce n'était qu'en cours d'instance, au mois de mai 1976, qu'elle avait été informée de la situation de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Sur le second moyen : - Vu les articles L. 751-9 du Code du travail et 455 du Code de procédure civile; - Attendu que pour décider que si Cécile Heleine avait droit aux indemnités de rupture conventionnelle et spéciale, prévues par les articles 13 et 14 de la convention collective nationale des voyageurs, représentants et placiers, elle ne pouvait prétendre à une indemnité de clientèle, l'arrêt attaqué a constaté, d'une part, que son chiffre d'affaires avait accusé une chute importante en 1975 par rapport à 1974, et, d'autre part, que son chiffre maximum, réalisé en 1974, était inférieur à celui de son prédécesseur en 1971;

Attendu cependant que, d'une part, pour apprécier si la représentante avait droit " à une indemnité pour la part de clientèle qu'elle avait apporté, créée ou développée ", la cour d'appel ne pouvait faire entrer en ligne de compte le chiffre d'affaires de 1975, année au cours de laquelle seule la première collection lui avait été livrée, incomplète et avec retard, et que, d'autre part, la cession de la carte du précédent représentant ayant été effectuée avec l'accord de l'employeur, l'apport et le développement de sa clientèle devaient être pris en considération pour le calcul de indemnité de clientèle éventuellement due à son successeur, indemnité ne pouvant d'ailleurs se cumuler avec celles de rupture conventionnelle et spéciale;

Que la cour d'appel n'a donc pas non plus légalement justifié sa décision de ce chef;

Par ces motifs : casse et annule, des chefs des indemnités pour rupture abusive, de rupture conventionnelle et spéciale, et de clientèle, l'arrêt rendu entre les parties le 11 mai 1978 par la Cour d'appel de Rouen; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Caen.