Ministre de l’Économie, 31 juillet 2002, n° ECOC0200365Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils de la société Guilde des orfèvres
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 28 juin 2002, vous avez notifié le projet de fusion entre les sociétés anonymes coopératives à capital variable Guilde des orfèvres ("GDO") et Bijoutiers de France ("BDF"), dans le secteur de la vente au détail d'articles d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et d'orfèvrerie ("HBJO").
Les sociétés GDO et BDF sont chacune à la tête d'un réseau de commerces de détail d'articles de bijouterie, joaillerie et orfèvrerie exploités par leurs associés. Outre leurs activités de centrale de référencement et d'achat, GDO et BDF offrent aux membres de leurs réseaux divers services d'assistance commerciale et technique ainsi que des contrats de franchise d'enseigne commune. Les réseaux de GDO et de BDF regroupent respectivement 128 et 219 points de vente exploités par leurs associés, soit sous leur propre nom, soit dans le cadre d'un contrat de franchise d'enseigne commune. Le réseau GDO exploite ainsi 101 magasins sous l'enseigne Guilde des Orfèvres et les 27 autres sous enseignes Heure & Montres ou Parfait Alibi. Le réseau BDF exploite pour sa part 104 de ses magasins sous l'enseigne Julien d'Orcel et une quinzaine d'autres sous l'enseigne Orfeo, une centaine de magasins associés n'étant pas franchisés.
La fusion, par voie d'absorption, de BDF par GDO a fait l'objet d'un traité signé entre les présidents de GDO et BDF et approuvé par les conseils d'administration des parties ainsi que par l'assemblée générale mixte tenue le 23 juin 2002. Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Les sociétés GDO et BDF ont réalisé respectivement 7 MEuro et 10,5 MEuro en 2001, au titre de leur propre activité (cf. note 1). Compte tenu du statut et de la nature de ces deux groupements coopératifs, organisés selon les prescriptions des articles L. 124-1 et suivants du Code de commerce, il convient de prendre également en compte le chiffre d'affaires réalisé par leurs adhérents. En 2001, les associés de GDO ont réalisé un chiffre d'affaires de [...] (cf. note 2) MEuro et les associés de BDF un chiffre d'affaires de [...] (2) MEuro.
Cette opération ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CE) n° 4064/89 du 21 décembre 1989. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
Le secteur de l'horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie (" HBJO ") regroupe trois grandes catégories de produits : l'horlogerie de petit volume (montres et mouvements), la bijouterie précieuse (bijoux en métaux précieux empierrés ou non) et la bijouterie non précieuse (bijoux plaqués de métal précieux ou composés d'un alliage incorporant des métaux précieux) ainsi que les produits d'orfèvrerie en étain, argent ou alliage (produits d'art de la table et cadeaux).
Les bijoux fantaisie ne contenant ni métal précieux ni pierres sont exclus d'une telle délimitation. Les produits de la haute joaillerie, qui réunit des entreprises désignées traditionnellement par les professionnels du secteur sous la dénomination générique de " Place Vendôme ", ne sont pas inclus non plus dans la définition du marché HBJO proposée, en raison de leur prix de vente particulièrement élevé. Par ailleurs, différents types d'opérateurs peuvent être identifiés au sein du marché HBJO : les bijouteries en ville, les bijouteries de centres commerciaux, les grandes surfaces, les artisans et les ventes directes de fabricants.
Il n'apparaît cependant pas nécessaire de définir plus précisément les marchés de produits concernés pour les besoins de la présente décision, l'opération n'étant pas susceptible de porter atteinte à la concurrence quel que soit le segment considéré, compte tenu de la structure du marché et des positions limitées de GDO et BDF.
Les réseaux GDO et BDF sont présents sur l'ensemble du territoire national sans que la répartition des points de vente soit néanmoins homogène. Il n'apparaît pas nécessaire non plus de délimiter avec précision la dimension géographique du marché, car même sur la base d'une délimitation la plus étroite possible prenant en compte des marchés locaux s'agissant de commerce de détail, l'opération ne conduira pas à la création ou au renforcement d'une position dominante.
En effet, les parties détiennent chacune des positions limitées au plan national: sur un volume total des ventes réalisées sur le marché HBJO estimées à 4,2 milliards d'euros (cf. note 3) , les sociétés GDO et BDF détiendraient respectivement une part de marché de [moins de 10] % et [moins de 10] %. Au plan local, la concentration conduira la nouvelle entité à détenir des parts de marché plus importantes dans certaines agglomérations, mais celles-ci n'excéderont cependant pas [20-30] %(cf. note 4). Par ailleurs, les parties sont confrontées à la concurrence de nombreux opérateurségalement organisés en réseau, parmi lesquels peuvent être notamment cités les groupements intégrés Histoire d'Or, Marc Orian, Didier Guérin ou Maty, les groupements de commerçants indépendants tels que Aldeta, Althaïr, Goldy, ainsi que les chaînes de la grande distribution qui ont développé leur propre rayon de distribution de bijoux (rayons " Le Manège à Bijoux " du groupe Leclerc ou " Polygones Or " du groupe Carrefour par exemple).
Il ressort de ces éléments que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
NOTE (S) :
(1) Ces chiffres d'affaires excluent les achats centralisés mais incluent notamment les cotisations des adhérents et les ventes de prestations de services qui leurs sont rendues.
(2) Ces chiffres d'affaires sont supérieurs aux seuils prévus par l'article L. 430-2 du Code de commerce, individuellement 15 millions d'euros et ensemble 150 millions d'euros.
(3) Estimation excluant la haute joaillerie.
(4) Part de marché la plus élevée relevée à Millau.