Ministre de l’Économie, 9 août 2002, n° ECOC0200369Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société MDCP Acquisitions I
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 19 juillet 2002, vous avez notifié l'acquisition de Jefferson Smurfit Group PLC (ci-après " Jefferson ") par MDCP Acquisitions I (ci-après " MDCP I "), toutes deux sociétés de droit irlandais. Cette acquisition doit se faire au moyen d'une offre publique d'achat lancée le 5 juillet dernier (cf. note 1) par MDCP I. Toutefois, à l'occasion de cette opération, MDCP I n'acquerra pas la société Smurfit-Stone Container Corporation, holding de la branche américaine du groupe Jefferson.
Cette opération est une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Jefferson est à la tête d'un groupe qui produit principalement des emballages en carton et en carton ondulé. Le groupe, de taille mondiale, est présent en France au travers de soixante-deux usines regroupées sous la holding Smurfit International France. Il a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total de 4,5 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros dans la Communauté européenne et 1 milliard d'euros en France.
MDCP I est une filiale indirecte de Madison Dearborn Partners LLC (ci-après "Madison"), société de droit américain. Cette dernière est un fonds d'investissement dont les responsables dirigent plusieurs autres fonds. Le groupe Madison est contrôlé par dix-huit personnes physiques ("principals") qui sont distinctes des investisseurs des différents fonds du groupe. Le chiffre d'affaires du groupe Madison était [supérieur à 4] milliards d'euros en 2001, dont [moins de 250] millions d'euros dans la Communauté européenne et [moins de 50] millions d'euros en France. Le chiffre d'affaires du fonds d'investissement Madison a été calculé conformément aux principes fixés par la communication sur la notion d'entreprises concernées (cf. note 2) et la communication sur le calcul du chiffre d'affaires (cf. note 3) : les chiffres d'affaires des différentes participations détenues ont été additionnés en prenant en compte la totalité du chiffre d'affaires de l'entreprise lorsque le fonds en détient le contrôle exclusif, et ce quel que soit le montant de la participation détenue dans le capital. Dans l'hypothèse où le fonds détient un contrôle conjoint sur l'entreprise, le chiffre d'affaires de l'entreprise commune est imputé à parts égales à chacune des entreprises détenant le contrôle en commun, quelle que soit la part du capital qu'elles détiennent. De manière générale, et conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, les chiffres d'affaires générés par ailleurs par les investisseurs du fonds ne sont pas pris en compte dans le calcul du chiffre d'affaires du fonds(cf. note 4). Au cas d'espèce, les porteurs de parts ("Limited partners") n'ayant pas d'influence sur les décisions d'investissement et de gestion des fonds, qui incombent aux "General partners", il convient de faire application de ce principe.
L'opération ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989.
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
Le groupe Madison est déjà présent dans l'industrie du papier et du cartonnage, secteur d'activité de Jefferson, au travers de participations dans trois sociétés : (1) Packaging Corporation of America, (2) Riverwood International Corp. et (3) Bay State Holdings. Seule Bay State Holding est contrôlée par le groupe Madison. Bay State Holding produit du carton ondulé et des sacs kraft, uniquement pour l'Amérique du Nord.
Dans la mesure où Bay State Holding est détenue au travers d'un autre fonds que celui appelé à contrôler Jefferson et où, selon les parties, ces deux fonds ont des politiques d'investissement indépendantes, la question pourrait être posée quant à savoir s'il faut se restreindre, pour l'analyse concurrentielle, au périmètre du fonds détenant Jefferson. De manière générale, les porteurs de parts (Limited partners) n'exercent pas d'influence sur les décisions d'investissement ou de gestion d'un fonds. Il en découle que, si plusieurs fonds distincts sont gérés par une même société de gestion, on prendra en compte l'ensemble des participations contrôlées par la société de gestion, quel que soit le fonds qui les détient (affaire COMP/M.1813 - Industri Kapital [Nordkem]/DYNO du 12 juillet 2000). Dans la présente affaire, il apparaît que chaque Limited partnership est contrôlé in fine, à travers une cascade de sociétés de rang intermédiaire, par les principals de Madison, qui sont les General partners des Limited partnerships de premier rang, lesquels peuvent être à leur tour les General partners des Limited partnerships de rang suivant. Compte tenu de ces éléments, il semble a priori difficile de faire l'hypothèse d'une autonomie de gestion des différents Limited Partnerships, dont Madison est General partner. Toutefois, au cas d'espèce, la question peut en tout état de cause être laissée ouverte dans la mesure où, quel que soit le périmètre retenu, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En vous appuyant sur la jurisprudence communautaire, vous avez identifié plusieurs marchés concernés par l'opération. Au cas d'espèce, il n'est pas nécessaire de définir précisément les marchés concernés, dans la mesure où quelles que soient les définitions de marchés adoptées, tant au niveau des produits qu'au niveau de la dimension géographique, les chevauchements d'activités entre Madison et Jefferson sont soit nuls (en France et en Europe), soit insignifiants (au niveau mondial).
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
Pour le ministre et par délégation : Le chef du service de la régulation et de la sécurité, Noël Diricq.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées.
Ces informations relèvent du "secret d'affaires", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
NOTE(S) :
(1) En application de la loi irlandaise, l'offre doit rester ouverte quatre semaines après cette date.
(2) Communication de la commission sur la notion d'entreprises concernées au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JOCE C 66 du 2 mars 1998, p. 14).
(3) Communication de la commission sur le calcul du chiffre d'affaires conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JOCE C 66 du 2 mars 1998, p. 25).
(4) Il pourra cependant, dans certains cas qui devraient demeurer exceptionnels, être dérogé à cette règle. Cela pourrait par exemple être le cas si le règlement intérieur du fonds ou les différents documents contractuels régissant les relations entre le fonds et les investisseurs donnent des droits à ces investisseurs susceptibles de leur conférer une influence déterminante. Dans certains cas, la Commission a pris en compte un accord verbal, pris en contradiction avec les statuts du fonds, pour considérer que les investisseurs participaient à la gestion et que leur chiffre d'affaires devait en conséquence être inclus dans le périmètre de consolidation (IV/M.1357. - Nordic Capital/Hilding Anders du 4 février 1999).