CA Paris, 22e ch. B, 29 mai 1987, n° 33888-85
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Kiersz
Défendeur :
Ratti-Silvio (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Schoux (Conseiller faisant fonction)
Conseillers :
MM. Reulet, Chardon
Avocats :
Mes Normand, Normand-Bodard.
La cour est saisie de l'appel interjeté par Jean-Pierre Kiersz du jugement contradictoirement rendu le 22 mars l984 par le Conseil de prud'hommes de Créteil (section encadrement - n° 2202-81) qui a :
1°) condamné la société Ratti-Silvio à lui payer :
- avec les intérêts légaux à compter de l'introduction de l'instance les sommes de :
* 58 813,31 F à titre de rappel de commissions,
* 31 476 F à titre d'indemnité de clientèle,
- avec les intérêts légaux à compter du prononcé du jugement la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
2°) condamné la société Ratti-Silvio aux dépens ;
Jean-Pierre Kiersz conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société Ratti-Silvio à lui payer les sommes de :
- 121 103,26 F à titre de commissions,
- 6 957,67 F à titre de congés payés,
- 13 643,40 F à titre de retour sur échantillonnage,
- 795,86 F à titre de congés payés afférents,
- 154 000 F à titre d'indemnité de clientèle,
- 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Il demande encore l'allocation des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 1981 ou subsidiairement au 22 décembre 1981 sauf en ce qui concerne l'indemnité pour rupture abusive ;
La société Ratti-Silvio conclut à l'infirmation du jugement et au débouté de Jean-Pierre Kiersz en ce qui concerne ses demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et d'indemnité de clientèle ;
Elle demande acte de ce qu'elle offre de payer à Jean-Pierre Kiersz les sommes suivantes :
- 5 512,50 F à titre de commissions sur l'affaire Martin,
- 1 828,86 F à titre de commissions sur clients divers,
- 4 292,82 F à titre de commissions de retour sur échantillonnage,
- 416,86 F à titre de congés payés correspondants ;
Elle prie la cour d'ordonner la restitution de toutes sommes trop versées, compte tenu des règlements par elle opérés le 11 juillet 1985, soit 78 042,67 F et ce, avec les intérêts légaux à compter de cette date ;
Exposé des faits :
Les documents de la cause et les explications fournies par les parties permettent de tenir pour constants les faits suivants :
Jean-Pierre Kiersz a été engagé à compter du 1er juillet 1979 en qualité de représentant par la société Ratti-Silvio, société de droit italien dont le siège est à Capriano (Italie) et dont l'activité consiste en la fabrication de quincaillerie pour meubles.
Le 11 juillet 1979, l'employeur a écrit à Jean-Pierre Kiersz :
" Suite à nos précédents accords ci-joint, nous vous envoyons notre contrat de représentation en double et nous vous prions de nous retourner une copie dûment signée par acceptation. Aussi, nous vous adressons la liste des clients que nous avons dans vos secteurs "(3 clients) dont un à ne pas visiter.
La société Ratti-Silvio a encore écrit à son salarié le 18 juillet 1979 :
" Suite à nos contrats de représentation du 1er juillet 1979, nous vous prions de ne pas visiter les clients suivants qui sont déjà visités par notre agent Monsieur Dalle Roger (suit une liste de 12 clients) nous vous prions de nous retourner la copie ci-joint dûment signée par acceptation... ".
Par courrier du même jour Jean-Pierre Kiersz a écrit à la société qu'il avait bien reçu le " projet " de contrat, mais qu'il entendait en discuter certains points qu'il précisait dans sa lettre ;
Ce n'est que par lettre du 4 septembre 1979 que Jean-Pierre Kiersz a répliqué dans les termes suivants :
" Nous avons bien reçu votre courrier du 18 juillet qui a retenu toute notre attention, il s'avère toutefois que celui-ci nous a fortement surpris, ne correspondant pas aux accords du 31 mai dernier sur les points suivants :
- vous nous avez communiqué une liste de clients à ne pas visiter pour le compte de Ratti SAS mais pour le SCAC spa le temps pour vous de régler vos affaires avec Monsieur Dalle ;
- la liste communiquée le 18 juillet n'est plus la même et représente les principaux clients français, ce qui est pour nous inacceptable. Il est primordial de régler ce point de toute urgence car il n'est pas souhaitable pour les deux parties que deux réseaux concurrents vous représentent sur la France. "
Le 11 septembre 1979, il écrivait encore à la société :
" ...J'attire votre attention sur le fait que mon courrier du 18 juillet n'a pas reçu de réponse, je souhaiterai qu'il y soit fait réponse pour me permettre de régulariser le contrat... ".
Il résulte d'une lettre de la société en date du 21 septembre 1979 que le 20 septembre 1979, Jean-Pierre Kiersz a rendu visite à son employeur ;
Le contrat écrit liant les parties précise notamment :
- que Jean-Pierre Kiersz représentera la société pour les secteurs qui lui sont concédés en exclusivité qui portent sur cinquante départements français limitativement énumérés ;
- qu'il représentera en commun avec Monsieur Philippe Beaufour sept autres départements ;
- qu'il percevra une commission de 10 % pour les secteurs qui lui sont concédés en exclusivité et de 5% pour les secteurs visités en commun avec Monsieur Beaufour, ces commissions portant sur toutes les commandes directes ou indirectes ;
- que la commission sera calculée, sur le montant des ordres passés et acceptés par les Etablissements Ratti-Silvio, tout ordre non formellement refusé par la société dans le délai de 8 jours étant réputé accepté ;
- qu'en cas de résiliation du contrat le représentant aura droit à des commissions de retour sur échantillonnage pendant deux mois après son départ de la société ;
Par lettre du 21 novembre 1979 la société Ratti-Silvio a modifié le taux de commission prévu au contrat, qui sera désormais 15% pour les secteurs consentis en exclusivité, 7,5% pour les secteurs concédés en commun avec Monsieur Beaufour ;
Cette société a par télex du 24 mars 1980 notifié à Jean-Pierre Kiersz que suite à une conversation qu'elle avait eue avec Monsieur Dalle son agent, elle lui donnait la représentation pour quatre anciens clients de ce dernier ; elle lui rappelait en revanche que cinq autres clients dénommés dans sa lettre, demeuraient l'exclusivité de Monsieur Dalle ;
Elle lui a encore écrit le 12 décembre 1980 :
" Suite à notre contrat de représentation du 1er juillet 1979, nous vous informons que la Maison Sada Sel, Import-Export - BP 23, 06270 Villeneuve Loubet, dirigée par Monsieur Dalle Roger, n'est pas comprise dans le contrat sus mentionné et pour cela ne vous sera pas reconnue aucune commission pour les livraisons à cette société " ;
Par lettre du 12 mars 1981, la société Ratti Silvio a rompu le contrat avec effet au 31 mai 1981, "sauf la possibilité d'ici cette date de rédiger un nouveau contrat" ;
C'est dans ces conditions qu'ont pris fin les relations des parties lesquelles n'ont pas trouvé d'accord sur de nouvelles bases contractuelles ;
Le 22 décembre 1981, Jean-Pierre Kiersz a saisi le conseil de prud'hommes ;
Par décision du 26 mars 1982, le bureau de conciliation a désigné Monsieur Gabriel Paumier en qualité d'expert ;
En suite du dépôt du rapport d'expertise, Jean-Pierre Kiersz a formalisé devant le bureau de jugement les demandes suivantes :
- 116 185,73 F à titre de rappel de commissions,
- 154 300 F à titre d'indemnité de clientèle,
- 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ;
Ainsi a été rendue la décision déférée à la cour ;
Moyens et prétentions des parties :
Jean-Pierre Kiersz soutient et fait plaider les moyens suivants :
1°) Sur le rappel de commissions :
Le contrat a été signé le 1er juillet 1979 et non le 20 septembre de la même année, ainsi qu'a cru devoir indiquer l'expert ;
Il s'ensuit que les réductions de secteur demandées en particulier par la lettre du 18 juillet 1979 sont inopérantes dès lors qu'elles ont été refusées par le salarié ;
- Affaire Martin : celle-ci concerne une commande ferme de 300 000 clés qui a été confirmée par la société ;
Le représentant est donc en droit de percevoir sa commission sur l'intégralité de la commande, même si celle-ci n'a été exécutée qu'en partie par le fait de Ratti-Silvio ;
De surcroît, le taux de commission est de 15% s'agissant en l'espèce non d'un grossiste, mais d'un fabricant ;
- Client Sada : les commissions sont dues jusqu'à l'échéance de l'exécution du contrat, la société ne pouvant en cours de contrat, réduire le secteur du salarié sans l'accord de ce dernier ;
- Client Fabrimeuble :
Pour contester les commissions afférentes aux commandes de ce client, la société allègue n'avoir pas livré les produits demandés ;
Mais le droit à commission étant acquis dans la huitaine de la transmission de l'ordre non refusé, Ratti-Silvio qui ne justifie pas avoir refusé les commandes dans le délai prévu, devra payer les commissions correspondantes ;
2°) Sur les commissions de retour sur échantillonnage :
A juste titre l'expert a retenu qu'elles étaient dues pendant sept mois à compter du départ du salarié de l'entreprise jusqu'à son remplacement effectif dans la fonction ;
3°) Sur l'indemnité de clientèle :
Elle doit être chiffrée à l'équivalent de deux ans de commissions et sur la base de 15% appliqué à un chiffre d'affaires de 1 051 552,144 F soit 154 000 F ;
4°) Sur la rupture :
Aucun élément n'est invoqué de façon valable par la société pour justifier la rupture du contrat d'un représentant exclusif au moment où l'effort le plus important a été accompli par l'intéressé sur le secteur concédé ;
Les premiers juges ont considérablement minimisé le préjudice ;
La société Ratti-Silvio réplique :
1°) Sur le contenu du contrat :
Il résulte des correspondances échangées entre les parties que le contrat n'a été signé que le 20 septembre 1979 - soit postérieurement aux lettres de la société modifiant le secteur de Jean-Pierre Kiersz - à l'occasion d'une visite faite à son employeur par le salarié, lequel avait parfaitement accepté que soit exclu de son secteur la clientèle de Monsieur Dalle qu'il s'est d'ailleurs toujours abstenu de visiter ;
En effet, Monsieur Dalle, un des agents de la société, qui avait limité sa représentation à quelques clients importants, exerçait son activité sous le couvert d'une SARL Sada dont il était le gérant, ce que savait parfaitement Jean-Pierre Kiersz qui l'avait rencontré courant mai 1980, lors de la Foire Approfol à Paris et avait négocié avec lui une réduction supplémentaire de son secteur ;
Jean-Pierre Kiersz ne peut donc prétendre à commissions sur les clients dont il avait connaissance qu'ils étaient retirés de son secteur ;
2°) Sur les commissions :
- Affaire Martin : l'ordre n'ayant été passé que pour 70 000 pièces, c'est sur cette seule commande que Jean-Pierre Kiersz peut obtenir paiement de commissions ;
De surcroît, Martin étant grossiste le taux de commission est de 7,5% ;
- Affaires Fabrimeuble - Lapeyre à Médimétal :
Le salarié n'a jamais produit les bons de commande émanant de ces clients ;
- Affaire Sada : c'est sous le couvert de cette société que Monsieur Dalle exerçait son activité de représentant - ce que savait Jean-Pierre Kiersz - les commandes de cette société étant effectuées uniquement à destination de la société Daubinski, laquelle faisait partie des clients exclusivement réservés à Monsieur Dalle ;
Il n'y a donc pas lieu de distinguer - comme l'a fait par erreur le Conseil - entre la période antérieure à décembre 1980 et celle postérieure à cette date ;
3°) Sur les retours sur échantillonnages :
L'expert - suivi sur ce point par les premiers juges - a estimé que nonobstant les termes du contrat, il fallait tenir compte des ordres reçus durant toute la période s'étant écoulée entre la fin du préavis et l'entrée en fonction d'un nouvel agent (7 mois) ;
En l'espèce, les commissions ne peuvent être fixées au maximum qu'à hauteur des ordres reçus en juin, juillet, août 1981 ;
4°) Sur les congés payés :
Ils doivent être calculés sur une base de commissions nettes de tous frais professionnels ;
L'expert a pratiqué un abattement de 30% forfaitaire, alors qu'il résulte des déclarations de revenus de l'intéressé que celui-ci entendait se placer sous le régime de la déclaration des frais réels dont la moyenne représente 43% ;
5°) Sur l'indemnité de clientèle :
Le salarié s'est vu allouer la somme de 31 476 F, sur la base d'une année de commissions hors frais ;
Jean-Pierre Kiersz ne peut prétendre à une indemnité de clientèle :
- dans la mesure où il ne subit pas de préjudice effectif, notamment lorsqu'il peut continuer à prospecter sa clientèle pour des concurrents ; or l'intéressé n'a pas justifié de la nature de son activité professionnelle après son départ de l'entreprise ;
- dès lors qu'il convient de déduire, sur le montant des commissions reçues base de calcul, la quote-part des frais professionnels,
- dans la mesure où doivent être écartés pour déterminer la base de calcul les commissions émanant de clients éphémères, dont les commandes ne se sont pas renouvelées, celles provenant du secteur d'intervention de Monsieur Beaufour, mais dans le domaine des grossistes, là où il y avait lieu à partage entre les deux représentants ;
- dès lors où un client préexistant a été perdu par le représentant ;
Au demeurant, Jean-Pierre Kiersz représente et continue à représenter trois entreprises directement concurrentes de la société Ratti-Silvio ;
De surcroît a été créée début 1982 une société Contact Inter Industrie dont l'objet est la représentation, la promotion et l'agence commerciale de " tous meubles et toutes fournitures et matières premières nécessaires aux industries et commerces de meubles ", dont la gérante est l'épouse du salarié lequel exerçait lui-même la profession de représentant ;
6°) Sur la rupture :
Le licenciement décidé par la société Ratti-Silvio n'est ni abusif ni injustifié, dans la mesure où il a pour cause la perte de confiance de l'employeur résultant du comportement du salarié :
- lequel a créé des difficultés en cours d'exécution du contrat avec plusieurs clients,
- qui a transmis des commandes imaginaires,
- qui, sans l'accord de l'employeur, est entré, en cours de contrat, au service d'une société Anselmi, entreprise concurrente,
- qui a perdu, par son fait, des clients préexistants à son entrée en fonctions ;
De surcroît Jean-Pierre Kiersz ne justifie d'aucun préjudice ;
Sur quoi, LA COUR,
Sur le contenu de la convention :
Considérant que s'il n'est pas contesté que la date d'entrée effective en fonctions de Jean-Pierre Kiersz dans l'entreprise est du 1er juillet 1979, il résulte des documents de la cause que le contrat écrit n'a été signé par le salarié et retourné à la société qu'en septembre 1979 ;
Que cette preuve résulte des termes de la correspondance échangée par les parties, la société faisant état le 11 juillet 1979 de l'envoi du contrat en vue de sa signature et de sa restitution par le salarié, ce dernier écrivant le 18 juillet avoir reçu le "projet" de contrat, et spécifiant dans son courrier du 11 septembre 1979 qu'il souhaitait qu'une réponse soit donnée à sa lettre du 18 juillet pour lui permettre "de régulariser le contrat";
Qu'il s'ensuit que malgré la protestation qu'il a opposée le 4 septembre 1979 contre la réduction de son secteur, résultant du retrait des clients de Monsieur Dalle, Jean-Pierre Kiersz a finalement admis cette restriction en signant et remettant le contrat à son employeur, vraisemblablement au cours de la visite qu'il lui a faite le 20 septembre 1979, étant au demeurant observé que l'intéressé admet n'avoir jamais visité ces clients et ne revendique aucune commission en ce qui les concerne ;
Sur les demandes Jean-Pierre Kiersz :
I - De la somme de 121 103,26 F a titre de commissions :
Affaire Martin :
Considérant que cette société a le 25 septembre 1980 écrit à la société Ratti-Silvio :
" Suite à l'entrevue que nous avons eu avec Monsieur Kiersz nous vous donnons notre accord pour nous engager à vous commander dans chacune de vos trois références (43-47-81) 100 000 têtes de clé... "
commande confirmée le jour même par telex par le représentant et transmise par ce dernier à son employeur le 29 septembre 1980 ;
Que par telex du 29 octobre 1980 adressé à Jean-Pierre Kiersz la société confirmait avoir pris bonne note de la commande ;
Que sans doute sur un imprimé intitulé "confirmation de commande" établi le 26 novembre 1980 et adressé à Jean-Pierre Kiersz, la société se référait à la commande des Etablissements Martin, enregistrée pour 70 000 clés ;
Considérant que pour refuser à Jean-Pierre Kiersz sa commission sur la commande de 300 000 clés, la société Ratti Silvio entend vainement faire état de ce qu'il résulte de ce document que la commande portait sur 70 000 clés seulement ;
Qu'en effet il résulte des clauses contractuelles que la commission est acquise au représentant sur les ordres passés et acceptés, étant réputé accepté tout ordre non formellement refusé par l'employeur dans les huit jours ;
Que la correspondance échangée entre la société Ratti-Silvio et la SA Martin (notamment lettres de ce client en date des 24 juin 1981 et 6 novembre 1981) fait apparaître que si la commande de 300 000 clés n'a pu être exécutée, c'est en raison des retards importants de livraison imposés par le fabricant ;
Qu'il s'ensuit que la lettre du 25 septembre 1980 est une commande ferme de 300 000 clés et que la société Ratti-Silvio ne l'ayant pas refusée dans les huit jours, Jean-Pierre Kiersz est bien fondé à obtenir sa commission sur le montant de cette commande s'élevant à 315 000 F ;
Considérant que si le papier à en-tête de la SA Martin précise qu'elle est fabricant de serrures pour meubles, l'extrait K-Bis du registre de commerce décrit comme suit son objet : "exploitation d'une fabrique de serrurerie et de quincaillerie pour meubles" ; que le catalogue de cette entreprise propose à la vente des clés ; que la société elle-même dans sa lettre du 24 juin 1981 fait état de ce qu'elle avait convenu avec Jean-Pierre Kiersz de ce que ce dernier lui apporterait son aide "afin d'augmenter la vente de ses clés" ; qu'il y a lieu d'en déduire que la SA Martin achetait pour revendre ; qu'elle a donc la qualité de grossiste et non de fabricant ;
Que les parties sont d'accord pour admettre qu'en ce qui concerne les grossistes, le taux de commission est de 7,5% ;
Que la société Ratti-Silvio sera en conséquence condamnée à payer à Jean-Pierre Kiersz la somme de 23 625 F à titre de commissions ;
- Affaire Lapeyre :
Considérant qu'une facture a été établie par la société Ratti-Silvio pour la livraison de 22 100 clés à la société Lapeyre qui l'a refusée pour partie ;
Considérant que le salarié ne rapporte aucune preuve de l'existence d'une commande ferme provenant de ce client qui l'a formellement contestée, prétendant, par lettre du 30 mars 1982 que Monsieur Kiersz avait passé commande sans ordre de sa part ;
Que Jean-Pierre Kiersz sera en conséquence débouté de sa demande de 12 640 F à titre de commissions qu'il a formée à ce titre ;
- Affaires Valle Stourme-Médimétal :
Considérant que quatre factures concernant ces clients figurent sur le compte de commissions de Jean-Pierre Kiersz, la société Ratti-Silvio refusant le paiement au motif que ces deux sociétés ont déposé leur bilan et que les factures n'ont pas été payées;
Maisconsidérant que le contrat de Jean-Pierre Kiersz ne contenait pas de clause de bonne fin qui eut conditionné le paiement des commissions au règlement des factures; que la société Ratti-Silvio qui ne démontre ni n'allègue que le représentant a commis une faute en transmettant des ordres alors que les sociétés étaient notoirement insolvables, sera condamnée à lui payer les sommes non contestées dans leur montant, de 4 040,40 F (Médimétal) et de 830 F (Vallée Stourme) ;
- Affaires Comera et Maxime Binois :
Considérant que la société ne conteste plus devoir les commissions en litige d'un montant de 385,50 F (Comera) et 613,36 F (Binois) ;
- Client Fabrimeuble :
Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise que diverses confirmations de commandes ont été émises par la société Ratti-Silvio à l'adresse de ce client pour un montant total de 35 680 F ;
Considérant que l'employeur affirme n'avoir pas livré la marchandise objet des commandes, sur instructions du client qui, courant juin 1981, lui a demandé par écrit de ne plus rien expédier avant nouvel ordre ;
Mais considérant qu'aux termes du contrat, la commission est acquise au représentant dès passation ne l'ordre, que la société ne conteste pas avoir reçu, puisqu'elle l'a confirmée, peu important que le client ait par la suite, annulé sa commande;
Qu'il s'ensuit que Jean-Pierre Kiersz est bien fondé à obtenir un rappel de commission de 5 352 F ;
- Client Sada :
Considérant que la société Sada ne faisait pas partie de la liste de clients expressément exclus du secteur de Jean-Pierre Kiersz, comme étant des clients de Monsieur Dalle ;
Que la société Ratti-Silvio ne peut sérieusement soutenir que Jean-Pierre Kiersz savait que la société Sada appartenait au "secteur réservé" de Monsieur Dalle dans la mesure où il ne pouvait ignorer que Monsieur Dalle en était le gérant et que les commandes de ladite société étaient destinées à une entreprise Daubinski elle-même formellement exclue du secteur ;
Qu'elle n'en rapporte en effet aucune justification ;
Qu'au demeurant en écrivant le 12 décembre 1980 à Jean-Pierre Kiersz : " nous vous informons que la maison Sada Bel "n'est pas comprise dans (votre) contrat", elle a nécessairement admis que le salarié n'en avait antérieurement pas connaissance ;
Qu'à juste titre les premiers juges ont reconnu le droit du salarié aux commissions sur les affaires Sada depuis l'embauche jusqu'à la lettre du 12 décembre 1980, s'élevant à la somme de 35.794 F ;
Considérant en revanche que l'employeur peut apporter unilatéralement une modification même substantielle au contrat de travail à durée indéterminée ; que le salarié s'il peut, pour ce motif, prendre l'initiative de la rupture ne peut en aucun cas contraindre l'employeur à revenir à la situation antérieure ;
Qu'en l'espèce, Jean-Pierre Kiersz qui a continué à travailler après réception de la lettre, sans considérer pour autant son contrat comme rompu, a nécessairement accepté la modification ; que par voie de conséquence il ne peut prétendre aux commissions sur les commandes Sada enregistrées après cette date ;
Considérant que la société Ratti Silvio sera ainsi condamnée à payer à Jean-Pierre Kiersz la somme totale de 70.640,26 F à titre de rappel de commissions ; que le jugement sera partiellement infirmé et Jean-Pierre Kiersz débouté du surplus de ses demandes :
II- De la somme de 13 643,40 F à titre de commissions de retour sur échantillonnage :
Considérant que la société offre de payer à ce titre à Jean-Pierre Kiersz nonobstant la clause du contrat qui prévoit un délai de deux mois, la somme de 4 292,82 F correspondant au délai d'usage de trois mois ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 751-8 du Code du travail que le représentant a droit aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ de l'établissement, mais qui sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat ;
Considérant que pour le calcul de ces commissions, Jean-Pierre Kiersz soutient qu'il y a lieu de tenir compte des ordres reçus durant toute la période s'étant écoulée entre la fin de son préavis et l'entrée en fonction de son préavis, d'une durée de sept mois ;
Mais considérant que le représentant ne rapporte aucune preuve de ce que les ordres transmis pendant ce délai de sept mois, notablement supérieur à l'usage, sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits ;
Que l'offre de la société de payer les commissions sur les ordres reçus pendant un délai de trois mois apparaît satisfactoire et qu'en tant que de besoin, il convient de la condamner à payer au salarié la somme de 4 292,82 F ;
III- De la somme de 6 957,67 F à titre de congés payés :
Considérant qu'il revient au salarié, à titre de commissions et de commissions de retour sur échantillonnage, une somme totale de 74 933,08 F ;
Qu'il y a lieu d'en déduire, pour le calcul des congés payés le montant des frais professionnels ;
Considérant qu'à juste titre la société Ratti-Silvio fait observer que sur ses déclarations de revenus des années 1980 et 1981, le salarié s'est placé sous le régime des frais réels et non sous le régime de la déduction forfaitaire de 30%, le montant de ses frais réels s'élevant à 41% en 1980 et 73% en 1981 ;
Qu'il y a donc lieu, compte tenu du fait que l'intéressé était représentant à cartes multiples et de ce que l'effort fait en début de représentation pour le lancement des produits est plus important, d'opérer un abattement pour frais professionnels de 40%, ce qui ramène l'assiette de calcul à la somme de : 44 959,84 F ;
Que la société sera donc condamnée à payer à Jean -Pierre Kiersz, à titre de rappel de congés payés la somme de 44 959,84 F / 12 = 3 746,65 F ;
IV- De la somme de 154 000 F à titre d'indemnité de clientèle :
Considérant que la société Ratti-Silvio ne conteste pas que Jean-Pierre Kiersz a "obtenu des résultats positifs" au cours de son activité de représentant qui a duré près de deux ans ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 751-9 du Code du travail que le représentant a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ;
Considérant en l'espèce que pour apprécier si l'intéressé a droit à une indemnité de clientèle et évaluer celle-ci, il y a lieu de tenir compte des éléments ci-après mis en évidence par le rapport d'expertise ou les documents versés par les parties:
- que compte tenu de la nature des produits, les commandes des clients étaient appelées à se renouveler;
- qu'il ne peut être tenu compte du fait que certains clients n'aient commandé qu'une fois, qu'ils ne constituaient pas une clientèle, compte tenu de la brièveté des fonctions du représentant ;
- que la société Ratti-Silvio ne rapporte aucune preuve de la perte d'une clientèle préexistante ;
- que l'employeur ne peut se prévaloir de ce que en cours de contrat Jean-Pierre Kiersz aurait représenté et continué à représenter deux sociétés concurrentes, alors qu'il résulte de ses propres déclarations que c'est la société Ratti-Silvio qui a mis en rapport, en vue de la représentation, les entreprises Denco et Anselmi et le salarié, représentant à cartes multiples, et qu'il ne démontre pas le caractère concurrentiel de leurs activités ;
- qu'il n'établit pas davantage qu'après son départ de l'entreprise, Jean-Pierre Kiersz continue à prospecter la même clientèle au profit d'employeurs concurrents de Ratti Silvio et n'aurait de ce fait subi aucun préjudice;
Considérant qu'en ce qui le concerne, Jean-Pierre Kiersz ne rapporte aucune preuve de ce que son préjudice relatif à la perte de la clientèle s'établit à la somme de 154 000 F qu'il sollicite ;
Considérant que la cour trouve en la cause les éléments suffisants d'appréciation pour fixer à la somme de 31 476 F le montant de l'indemnité de clientèle ; que le jugement sera sur ce point confirmé ;
V- De la somme de 100 000 F a titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif :
Considérant que la cour ne trouve en la cause aucun élément dont il résulte :
- que Jean-Pierre Kiersz a créé des difficultés d'exécution avec plusieurs clients,
- qu'il a transmis des commandes imaginaires,
- qu'il a sans l'accord de son employeur, pris une carte concurrente,
- qu'il a par son fait, perdu des clients préexistants à son entrée en fonctions ;
Qu'ainsi n'est pas mise en évidence la "perte de confiance" invoquée par l'employeur pour licencier Jean-Pierre Kiersz ;
Que ce salarié, qui a été injustement licencié, est bien fondé à obtenir, par application des dispositions de l'article L. 122-14-6 du Code du travail des dommages et intérêts dont la cour au vu des éléments de la cause et du préjudice subi, fixe le montant à la somme de 10 000 F ; que le jugement sera sur ce point confirmé et Jean-Pierre Kiersz débouté du surplus de sa demande ;
VI- Des intérêts au taux légal :
Considérant que les intérêts sur salaires et congés payés ne sont dus qu'à compter du jour où le salarié en a formé la demande et non pas, comme le prétend Jean-Pierre Kiersz à compter du jour du licenciement ;
Considérant que l'indemnité de clientèle est de nature indemnitaire ; qu'elle ne peut donc produire intérêts qu'à compter de la décision qui en constate l'existence et en évalue le montant; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au jour de l'introduction de l'instance ;
VIII- De la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Jean-Pierre Kiersz les sommes qu'il a exposées à l'occasion de la présente procédure et non comprises dans les dépens ; qu'il sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
B- Sur la demande reconventionnelle :
Considérant que la cour qui vient d'allouer à Jean-Pierre Kiersz des sommes d'un montant supérieur à celles que la société lui a payées au titre de l'exécution provisoire du jugement, déboutera l'employeur en sa demande de restitution ;
Par ces motifs, Infirmant partiellement le jugement, Condamne la société Ratti-Silvio à payer à Jean-Pierre Kiersz : 1°) avec les intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de l'instance jusqu'au paiement les sommes de : - soixante quatorze mille neuf cent trente trois francs huit centimes (74 933,08 F) à titre de commissions, - trois mille sept cent quarante six francs soixante cinq centimes (3 746,65 F) à titre de congés payés, 2°) avec les intérêts légaux à compter du jour du prononcé du jugement les sommes de : - trente et un mille quatre cent soixante seize francs (31 476 F à titre d'indemnité de clientèle, - dix mille francs (10 000 F) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ; Déboute Jean-Pierre Kiersz du surplus de ses demandes ; Déboute la société Ratti-Silvio de sa demande de restitution ; Condamne la société Ratti-Silvio aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais d'expertise.