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Décisions

CA Nîmes, ch. soc., 5 mai 1995, n° 93-2648

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence Bertrand (SARL)

Défendeur :

Georgeon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goedert

Conseillers :

Mmes Bowie, Filhouse

Avocats :

Mes Pernet, Bessières.

CA Nîmes n° 93-2648

5 mai 1995

Suivant contrat écrit en date du 4 octobre 1983, Alain Georgeon a été embauché en qualité de VRP exclusif par la SARL Agence Bertrand, spécialisée dans la distribution d'articles funéraires.

Ce contrat précisait son secteur d'activité et prévoyait une clause de non-concurrence sur ledit secteur et les départements limitrophes pendant deux années à compter de la cessation du contrat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 mai 1991, Alain Georgeon donnait sa démission à compter du 31 mai 1991 avec un préavis de trois mois.

Le 31 juillet 1992, la SARL Agence Bertrand saisissait le Conseil de Prud'hommes de Nîmes de demandes tendant à voir ordonner le respect par Alain Georgeon de la clause de non-concurrence ainsi qu'à voir ce dernier condamné à l'indemniser des préjudices économique, financier et moral par elle subis du fait de son comportement.

Alain Georgeon, tout en contestant les faits allégués à son encontre, formait une demande reconventionnelle afin d'obtenir le règlement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence ainsi qu'un solde de commissions.

Par jugement rendu le 14 mai 1993, le Conseil de Prud'hommes déboutait la SARL Agence Bertrand et Alain Georgeon de l'ensemble de leurs prétentions et partageait les dépens par moitié entre les parties.

Cette décision lui ayant été notifiée le 25 mai 1993, la SARL Agence Bertrand en a relevé appel le 17 juin de la même année pour voir :

- dire que Alain Georgeon a exercé une activité concurrentielle à son encontre au cours de la durée de la période protégée par la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail ;

- condamner Alain Georgeon à lui payer une somme de 225 000 F au titre des préjudices économiques et financiers subis pour la période de août 1991 à août 1993 ;

- subsidiairement, sur l'évaluation du préjudice financier et économique, ordonner une mesure d'expertise comptable ;

- condamner Alain Georgeon au paiement d'une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 500 F en remboursement de l'avance sur frais à lui consentie le 13 octobre 1988 ;

- condamner enfin ce dernier au paiement d'une somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour cela, elle fait valoir :

- que Alain Georgeon a travaillé dès son départ de la société, tant pour son compte personnel qu'en association avec sa femme, en assurant la représentation d'articles funéraires de même nature dans la zone concernée par la clause de non-concurrence ;

- qu'elle est donc en droit de solliciter l'indemnisation des préjudices importants qu'elle a subis du fait du comportement de son ancien représentant ainsi que du trouble que ce comportement lui a occasionné pendant la période protégée de deux années ;

- qu'il n'a jamais été dans ses intentions de ne pas régler à Alain Georgeon la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence mais qu'elle était parfaitement fondée, conformément à l'article 17 de la Convention Collective, à ne pas la payer dès lors que ce dernier a violé la clause ;

- que Alain Georgeon ne fournit aucun justificatif à l'appui de sa demande de solde de commissions.

Alain Georgeon conclut pour sa part au débouté de la SARL Bertrand de l'ensemble de ses prétentions et, formant appel incident, sollicite sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence : 115 715,67 F,

- au titre du reliquat des commissions : 943,60 F + 768 F = 1 711,60 F,

- au titre des congés payés correspondants : 171,16 F,

- au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 15 000 F,

Il soutient en effet :

- que par application de l'article 17 de la Convention Collective Nationale des VRP la clause de non-concurrence ne saurait s'appliquer qu'au secteur qui lui était confié à l'exclusion des départements limitrophes ;

- que le secteur qui lui a été confié depuis le 14 octobre 1991 par ses nouveaux employeurs ne correspond nullement à celui qu'il exploitait précédemment pour le compte de la société Agence Bertrand ;

- que les produits distribués par ces quatre nouvelles maisons ne concurrencent pas ceux que distribue la société Agence Bertrand, même s'il s'agit de produits voisins ;

- que le fait que son épouse exerce également pour le compte des mêmes maisons que lui une telle activité de représentation sur d'autres départements qu'elle visite personnellement, ne le concerne pas ;

- que de même, le fait que depuis son départ le chiffre d'affaires de la société Agence Bertrand ait été en diminution, ne saurait en aucune manière pouvoir lui être reproché ni constituer une quelconque preuve d'actes de concurrence déloyale ;

- que la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence prévue par les dispositions de l'article 17 de la Convention Collective lui est donc due ;

- qu'enfin, lors de son départ effectif de l'entreprise, le 19 août 1991, il lui restait dû diverses commissions sur des commandes Jean et Chaumont et sur des commandes Bocap, passées par lui avant son départ mais livrées, facturées et payées par le client postérieurement.

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

Attendu qu'en application de l'article 17 de la Convention Collective, la clause d'interdiction de concurrence imposée au représentant n'est valable que pendant une durée de deux années à compter de la rupture du contrat et uniquement en ce qui concerne les secteurs et catégories de clients que le représentant était chargé de visiter au moment de la notification de ladite rupture ;qu'il en résulte que la SARL Agence Bertrand ne peut se prévaloir de la clause en ce qu'elle interdit également la concurrence dans les départements limitrophes au secteur où Alain Georgeon exerçait son activité ;

Attendu que par ailleurs,la clause de non-concurrence concernait uniquement Alain Georgeon et non son épouse quand bien même la clientèle prospectée par cette dernière a pu considérer qu'elle prenait la suite de son mari, les deux conjoints étant assimilés dans l'esprit de ladite clientèle ;

Attendu que si William Kokurek qui a succédé à Alain Georgeon indique dans une attestation du 23 mars 1992 que plusieurs clients lui ont signalé " le passage de Monsieur Georgeon et de son épouse Madame Georgeon sur le secteur de la Corse aux environs du 15 et 20 février 1992 ", ce témoignage n'a aucun caractère probant dans la mesure où ce préposé de la société appelante se contente de rapporter le propos de tiers sans avoir lui même constaté les faits tandis que la société Agence Bertrand s'abstient de produire le témoignage des clients cités par son représentant ;

Attendu que des attestations produites, il résulte seulement que Madame Georgeon prospectait sur le secteur interdit, aucun élément objectif ne permettant de déduire que son mari l'aurait aidé dans cette tâche quand bien même Alain Georgeon a pu ne pas modifier l'intitulé de sa profession dans l'annuaire électronique mis à jour par l'Administration des Telecom ;

Attendu que dès lors, Alain Georgeon ne s'est pas rendu coupable de violation de l'interdiction de concurrence dans les limites de la clause rectifiée au vu des termes de la Convention Collective ;

Attendu que par ailleurs, les Premiers Juges relèvent à juste titre que la SARL Agence Bertrand ayant établi un solde de tout compte, elle ne saurait dix mois plus tard, prétendre qu'il lui resterait dû des sommes par son VRP au titre d'avances sur frais ;

Attendu que par voie de conséquence, la décision querellée doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des prétentions du demandeur principal ;

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :

Attendu qu'Alain Georgeon ne fournit à la Cour aucun élément de nature à lui permettre d'apprécier la réalité des rappels de commissions dont il se prétend créancier; que la demande a donc été à juste titre rejetée de ce chef ;

Attendu que cependant, dans la mesure où la SARL Agence Bertrand a exigé l'exécution de la clause de non-concurrence, elle lui doit bien l'indemnité prévue par la convention collective soit la somme de 117 715,67 F pour l'ensemble de la période concernée ;

SUR LES DEPENS ET FRAIS IRREPETIBLES :

Attendu que la SARL Agence Bertrand qui succombe devra supporter les dépens de l'instance et payer à Alain Georgeon, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme équitablement arbitrée à 6.000 F.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, en matière prud'homale, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit les appels en la forme, Au fond, Confirmant le jugement déféré sur le surplus de ses dispositions, L'infirme en ce qu'il a débouté Alain Georgeon de sa demande d'indemnité conventionnelle au titre de l'exécution de la clause de non-concurrence, Condamne la SARL Agence Bertrand à lui payer à ce titre la somme de 117 715,67 F, Dit que la SARL Agence Bertrand supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à Alain Georgeon la somme de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.