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Décisions

CA Aix-en-Provence, 14e ch. soc., 30 mai 1994, n° 91-12228

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maniscalco

Défendeur :

Docks Méridionaux d'Alimentation (SA), Cofradel (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tailland

Conseillers :

MM. Emmanuelli, Hilaire

Avocats :

Mes Arnaud, Joguet, Avoués : SCP Martelly.

CA Aix-en-Provence n° 91-12228

30 mai 1994

FAITS PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte sous seing privé du 31 juillet 1987 la société des Docks Méridionaux d'Alimentation a consenti à Monsieur Maniscalco Alain un contrat de gestion non salariée, régi par les articles L. 782-1 et suivants du Code du Travail, d'un magasin d'alimentation sis à Cannes (06) à l'enseigne le Soleil d'Or.

Par avenant du même jour le rémunération de Monsieur Maniscalco Alain était fixée à 5,85 % du montant brut des ventes réalisées. Madame Atlan épouse Maniscalco Corinne se portait caution personnelle et solidaire de son mari envers l'employeur.

Par lettre du 20 juin 1988 la société Docks Méridionaux résiliait le contrat en faisant connaître à son mandataire alors en arrêt de maladie que l'inventaire de cession serait effectué le 28 juin suivant.

Le 10 mai 1990, Monsieur Maniscalco Alain faisait citer la société devant le Conseil des Prud'hommes de Grasse pour s'entendre condamner devant le bureau de jugement à lui payer :

- 12.000 F à titre d'indemnité de préavis,

- 6.000 F à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,

- 72.000 F à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,

- 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

et à lui remettre une lettre de licenciement et une attestation ASSEDIC conforme au besoin sous astreinte.

Statuant par jugement du 1er juillet 1991, le Conseil des Prud'hommes, au constat que Monsieur Maniscalco Alain en arrêt de maladie depuis le 15 juin 1988 avait laissé le magasin fermé plusieurs jours de suite, prononçait à ses torts la rupture du contrat de gérance et le déboutait de toutes ses demandes et le condamnait au paiement de 2.500 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Maniscalco Alain a régulièrement relevé appel de ce jugement le 31 juillet 1991. Il reprend l'ensemble de ses demandes devant la Cour y ajoutant la condamnation de l'employeur au paiement, à titre de dépens, du coût d'un constat d'huissier établi à sa requête le 28 juin 1988.

Il rejette comme injustifiés l'ensemble des griefs successivement avancés par la société Docks Méridionaux, devenue société Cofradel aussi bien en cours de contrat que par la suite dans le cadre de l'instance prud'homale.

Il soutient que son arrêt de maladie intervenu le 15 juin 1988, à l'origine de la fermeture du magasin est la conséquence de procédés blâmables imputables à la société.

Il précise qu'il lui était reproché dès le 26 avril 1988, un emploi à l'extérieur de son épouse et uns baisse du chiffre d'affaire, alors que les termes du contrat ne prévoyaient pas l'emploi du conjoint et que le taux de commission imposé ne procurait pas les revenus correspondant à l'emploi de deux personnes.

Dès lors rien, dit-il, ne justifiait la proposition d'un emploi de gérant intérimaire assortie d'une mutation.

Les propositions étaient d'autant mal fondées qu'elles étaient contraires à la Convention Collective des Maisons d'Alimentation et des gérants mandataires qui prévoit lorsqu'une gérance exige la présence effective de plus d'une personne l'établissement d'un contrat particulier dit de co-gérance. En l'espèce l'engagement à ce titre de Madame Maniscalco n'a nullement été sollicité.

La décision inopportune de la société d'instaurer à partir du 1er août 1988 une gérance d'appoint comportant une seule personne, alors qu'une co-gérance était nécessaire, est la cause d'une baisse du chiffre d'affaire. Cette baisse ne peut être imputée à au gérant.

La société anonyme Cofradel venant aux droits de la société Docks Alimentaires Méridionaux, soutient que l'article 10 du contrat autorise la résiliation immédiate en cas de manquements des gérants expressément énumérés à savoir :

- vente au dessus des prix fixés,

- altération, défaut de qualité des produits ;

Elle relève également que sans motif légitime et en méconnaissance des stipulations contractuelles Monsieur Maniscalco Alain n'a pas pourvu à son remplacement dès le 15 juin 1988 afin d'assurer la fermeture du magasin, conformément aux coutumes locales.

Elle demande à la Cour de dire que ces divers manquements constituent à la charge de Monsieur Maniscalco, des fautes lourdes privatives d'indemnités et justificatives de la résiliation du contrat, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner l'appelant à lui verser 8.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS ET DECISION DE LA COUR :

Attendu, sur la rupture du contrat de travail, que la faculté de résiliation au profit des parties au contrat de gérance est expressément prévue par l'article 14 de la convention collective des Maisons d'alimentation à succursales du 18 juillet 1963. Que ce texte permet à l'entreprise d'alimentation de mettre fin au contrat par lettre recommandée après observation d'un préavis de un mois.

Attendu qu'en cas de faute grave du gérant, la résiliation du contrat peut être immédiate sous réserve toutefois de la tenue d'un entretien préalable.

Attendu que limitant sa critique aux motifs de la résiliation décidée par l'employeur, Monsieur Maniscalco Alain n'allègue aucune irrégularité touchant à la procédure de licenciement.

Attendu que la Cour ne peut d'office retenir en l'absence de demande précise une quelconque irrégularité.

Attendu que la demande du salarié sollicitant de ce chef le versement d'une indemnité égale à un mois de salaire ne peut qu'être rejetée.

Attendu que par l'envoi le 15 juin 1988 à son gérant d'une première lettre afin d'énumérer à la suite d'une inspection le même jour divers manquements en matière de prix, et du respect des dates de ventes pour certains produits frais puis d'une seconde lettre le 20 juin 1988, pour fixer la date d'inventaire de cession la société Cofradel a manifesté sans équivoque son intention de résilier le contrat en cours.

Attendu qu'il suffit de relever qu'en infraction avec l'article 1 de la convention Monsieur Maniscalco Alain a laissé le fonds de commerce fermé du 15 juin 1988 au 28 juin 1988, alors qu'il était en arrêt de maladie et sans satisfaire à l'obligation qui était la sienne de se faire remplacer dans ses fonctions.

Attendu que ce manquement à l'une de ses obligations essentielles, dont il ne peut s'exonérer en invoquant la sévérité de stipulations contractuelles librement souscrites par ailleurs, constitue une faute suffisamment grave de nature à permettre la résiliation immédiate conformément au contrat.

Attendu que cette faute grave est, conformément à l'article 15 de l'accord collectif précité, privative de l'indemnité de préavis.

Attendu qu'il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Attendu qu'il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais exposés par elle et non compris les dépens ;

Qu'il convient de lui allouer une indemnité dont le montant sera précisé au dispositif de la présente décision au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu qu'il ne parait pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelant les frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Qu'il convient de le débouter de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 1er juillet 1991, Condamne l'appelant à payer à l'intimée la somme de 1.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Déboute les parties de toutes autres demandes. Condamne l'appelant aux dépens d'appel.