Livv
Décisions

Cass. soc., 8 juin 1994, n° 90-43.709

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Mahiques

Défendeur :

NCR France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kuhnmunch

Rapporteur :

M. Ferrieu

Avocat général :

M. de Caigny

Avocats :

SCP Gatineau, Me Choucroy

Cons. prud'h. Montpellier, sect. encadr.…

8 décembre 1986

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Mahiques, engagé le 26 janvier 1981 par la société NCR France, en qualité de VRP, pour la commercialisation de produits informatiques, a été licencié le 12 juin 1987 pour insuffisance de résultats, avec dispense de préavis ;

Sur le premier moyen : - Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 15 mai 1990) de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une somme à titre de commissions sur l'affaire Montlaur, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte des conclusions du rapport de l'expert, qu'il n'existait aucun document de la société NCR définissant les termes "printing" et "supply" ; que la commande par Montlaur de rouleaux d'étiquettes avec moyeu, semblait entrer dans une catégorie à part ni printing, ni supply ; qu'en retenant que, selon l'expert, lesdites étiquettes ne constituaient pas des marchandises qualifiées de "printing" selon la terminologie de la société NCR, quand l'expert avait seulement constaté, en l'absence de terminologie clairement définie par cette société, que les marchandises livrées à Montlaur "semblaient exclues de la catégorie printing", (incertitude de qualification qui excluait toute possibilité de refuser le paiement de la commission due à M. Mahiques), la cour d'appel a dénaturé, ce faisant, les conclusions de l'expert et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que M. Mahiques soulignait dans ses conclusions d'appel que, compte tenu de l'extrême difficulté pour déterminer l'appartenance à l'une ou l'autre des catégories des produits commandés par Montlaur, il ne pouvait lui être reproché de s'être mépris en sa qualité de simple commercial, sur la qualification à retenir ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce moyen susceptible d'établir le droit du représentant de percevoir les commissions afférentes à la commande litigieuse, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que le représentant ne peut être privé des fruits d'un travail de prospection accompli avec l'accord de l'employeur ; qu'en l'espèce, M. Mahiques faisait valoir qu'à supposer que la commande passée par les Etablissements Montlaur n'ait pas porté sur des produits printing, dont la représentation lui avait été confiée, ladite commande avait été prise en accord avec M. Valanchon, supérieur hiérarchique de l'intéressé ; qu'en effet, celui-ci avait été présent à plusieurs reprises (notamment les 6 mars 1984 et 24 mai 1984) aux rendez-vous avec la société Montlaur et avait été tenu informé par des comptes-rendus d'activité de l'évolution des négociations qui avaient duré trois mois ; qu'en se bornant à constater que la présence de M. Mahiques seul, à un rendez-vous du 19 mai 1984, témoignait du désir de l'intéressé d'agir à l'insu de son supérieur, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société avait eu effectivement connaissance des négociations entreprises avec le client Montlaur et si elle les avait acceptées, n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles L. 751-1 et suivants du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen, sous couvert de griefs non fondés de dénaturation d'un rapport d'expertise, de défaut de réponse à conclusions et de manque de base légale ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation des faits par les juges du fond ; qu'il ne peut donc être accueilli ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que le salarié reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l'inobservation des quotas assignés par l'employeur ne suffit pas à conférer une apparence de réalité et de sérieux au licenciement d'un salarié ayant enregistré une nette progression de son chiffre d'affaires ; qu'en l'espèce, M. Mahiques faisait état d'une augmentation constante des affaires traitées depuis 1981 et d'une progression de 56 % entre 1982 et 1983 ; qu'en s'abstenant de tenir compte de cette évolution croissante du chiffre d'affaires de M. Mahiques, l'arrêt, qui s'est déterminé au seul vu des quotas fixés par l'employeur, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 751-7 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation,a constaté que le salarié, qui ne le contestait d'ailleurs pas, n'avait pas respecté les quotas contractuellement acceptés, ce qui lui avait valu de sérieuses mises en garde ; qu'elle a ainsi décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, et par un arrêt motivé, que le licenciement de l'intéressé procédait d'une cause réelle et sérieuse; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur le troisième moyen : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité de clientèle, la cour d'appel a énoncé qu'il ne rapportait pas la preuve du préjudice qu'il aurait subi du fait de la perte de la clientèle créée ou augmentée au service de la société NCR ;

Attendu, cependant, qu'il appartient à l'employeur d'alléguer et de prouver que le salarié a continué à visiter la même clientèle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions du représentant qui soutenait que l'activité qu'il avait retrouvée portait sur une clientèle et des produits différents, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;

Et, sur le cinquième moyen : - Vu les articles 1134 et 1315 du Code civil ; - Attendu que,pour débouter M. Mahiques de sa demande de rappel de commissions, la cour d'appel a énoncé, d'une part, qu'il ne rapportait pas la preuve qu'il lui restait dû par son employeur un rappel de commissions au titre des "clients ordinaires", l'article 8-5 de son contrat de travail ouvrant le droit aux commissions au fur et à mesure des encaissements, d'autre part, qu'il n'avait pas produit la liste nominative de ses clients potentiels, conformément à l'article 14 de ce contrat ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que l'article 14 du contrat de travail n'était pas applicable aux commissions réclamées ; et alors, d'autre part, qu'il appartient à l'employeur de justifier du motif de non-encaissement éventuel de certaines factures, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Mahiques de ses demandes d'indemnité de clientèle et de rappel de commissions, l'arrêt rendu le 15 mai 1990, entre les parties, par la Cour d'appel de Montpellier ; Remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.