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Décisions

Ministre de l’Économie, 2 octobre 2002, n° ECOC0200396Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Louis-Dreyfus Communications

Ministre de l’Économie n° ECOC0200396Y

2 octobre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 28 août 2002, vous avez notifié l'acquisition de Ventelo France par Louis-Dreyfus Communications SA (" LDCom ") dans le secteur des télécommunications.

LDCom est une filiale française de Louis-Dreyfus active dans le secteur des télécommunications. Ses principaux secteurs d'activité concernent les infrastructures de télécommunications, le transport de données, les services d'hébergement d'équipements de télécommunications, la fourniture de services d'accès commutés pour la voix et d'accès internet " dial up ", la commercialisation de services d'accès internet ou de transport de données auprès de clients finaux et les services de téléphonie fixe. LDCom a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires global de 181,67 millions d'euros dont 173,7 millions en France.

Ventelo France est indirectement détenue à 100 % par la société PFB Telecom BV (" PFB "), société de droit néerlandais et holding des entités Ventelo Europe (France et Grande-Bretagne). Elle a réalisé en 2000 un chiffre d'affaires global de 133,1 millions d'euros, dont 114,7 millions d'euros en France. En 2001, son chiffre d'affaires provisoire est de 100,1 millions d'euros, réalisé intégralement en France (cf. note 1).

Les seuils exprimés en chiffres d'affaires mentionnés à l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis, et l'opération n'est pas de dimension communautaire. Cette concentration relève ainsi du contrôle national des concentrations.

L'opération consiste en l'aquisition par LDCom de l'intégralité des actions composant le capital social de Ventelo France. Cette opération va permettre notamment à LDCom de renforcer ses activités existantes et de les diversifier en pénétrant pour la première fois sur le marché de la téléphonie mobile.

Les activités de LDCom peuvent se diviser comme suit :

- le principal secteur d'activité de LDCom concerne les infrastructures de télécommunication et plus précisément la construction et la mise à disposition de réseaux, la maintenance de ces infrastructures et la gestion de droits de passage y attachés. France Télécom, Telecom Development (filiale commune de Cegetel et de la SNCF) et LDCom sont les principales sociétés à mettre ce type d'infrastructures à disposition des opérateurs de télécommunications ;

- le deuxième secteur d'activité comprend le transport de données appartenant à des tiers à travers l'infrastructure de LDCom ;

- le troisième secteur d'activité de LDCom concerne les services d'hébergement d'équipements de télécommunications qui, pour l'essentiel, sont des services de fourniture de sites de régénération ou d'amplification ou de location d'emplacements immobiliers assortis de services à la carte (maintenance, monitoring ou services à valeur ajoutée du type coupe-feu - firewalls - ou stockage de données informatiques)

- le quatrième secteur d'activité consiste en la fourniture, en gros, de services d'accès commutés pour la voix et de services d'accès à internet " dial up " (c'est-à-dire en utilisant le réseau téléphonique commuté) destinés aux autres opérateurs. LDCom vend des minutes commutées sur son réseau à des fournisseurs de services de télécommunications pour que ces derniers puissent offrir à leurs propres clients des services de téléphonie vocale et internet ;

- le cinquième secteur d'activité est la commercialisation de services d'accès internet ou de transport de données directement auprès des clients finaux, qu'il s'agisse de services de boucle locale radio (BLR) via notamment sa filiale Squadran, ou de services ADSL ;

- 9 Telecom (cf. note 2) , Kaptech et Belgacom France, filiales de LDCom, commercialisent des services de téléphonie fixe soit au détail auprès de particuliers ou d'entreprises, soit en tant que grossistes pour d'autres opérateurs de télécommunications ;

- enfin, Jet Multimédia, filiale de LDCom, conçoit et développe des services en ligne (audiotel, minitel, et internet) et les diffuse à partir de serveurs qu'elle met à la disposition de ses clients pour héberger leurs applications et leurs données. Dans une moindre mesure, elle est aussi active dans le domaine de la régie publicitaire.

Ventelo France a pour activité principale la fourniture de services de téléphonie fixe tant à des particuliers qu'à des professionnels. Accessoirement elle fournit des services d'accès à internet du type " LOD " (Lan On Demand), destiné aux petites entreprises qui n'ont pas les moyens de souscrire à l'accès permanent, et du type " Internet Direct ", qui consiste en une connexion permanente à débit symétrique. Ventelo France est aussi présent dans des activités de téléphonie mobile et de services d'hébergement audiotel.

Il convient de signaler la particularité du secteur des télécommunications, dans lequel, eu égard à son ouverture à la concurrence encore récente, l'opérateur historique, France Télécom, détient toujours une position très forte.

Les parties considèrent qu'il existe un marché global de mise à disposition d'infrastructures de télécommunications ou de services alternatifs dont les clients sont l'ensemble des opérateurs alternatifs de téléphonie fixe et d'accès à internet (cf. note 3). En effet, LDCom se présente comme un grossiste qui propose aux opérateurs de services de téléphonie fixe et aux fournisseurs d'accès à internet un ensemble de produits ou services qui constituent une solution alternative à celle de l'opérateur historique France Télécom. Selon les parties, même si les produits ou services diffèrent dans leurs composantes physiques ou techniques, ils répondent à un même besoin et le service fourni est global : il s'agit d'offrir ou de demander des capacités de transmission assorties ou non de services (cf. note 4).

La question de savoir s'il existe un marché global de la mise à disposition d'infrastructures de télécommunications ou de services alternatifs peut cependant rester ouverte puisque, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Toutefois, les parties, au cas où cette définition serait considérée par les autorités de concurrence comme trop large, proposent une segmentation de ce marché. Ainsi, elles considèrent sept segments distincts :

a) La fourniture d'infrastructures :il s'agit de la construction du réseau physique et de sa revente ou location, notamment les fourreaux et les fibres qui constituent la colonne vertébrale du réseau (" backbone "). LDCom est présent sur ce marché en tant que grossiste en construisant et en louant à d'autres opérateurs les infrastructures ainsi que les droits d'usage et les services y afférents. Ventelo France n'est pas présente sur ce marché dans la mesure où elle ne détient pas son propre réseau et n'a pas le droit de mettre à disposition des tiers les fibres optiques louées à d'autres opérateurs tels que France Télécom.

Les parties distinguent au sein de ce segment la boucle locale, c'est-à-dire le dernier maillon de réseau qui permet de raccorder le client final (entreprise ou résidentiel) à un réseau " backbone ". En effet, la boucle locale a été considérée par l'Autorité de régulation des télécommunications et la Commission européenne (cf. note 5) comme pouvant représenter un marché distinct. En revanche, les parties considèrent que les services d'accès grâce à la boucle locale radio, du type de celui commercialisé par LDCom, doivent être considérés comme une solution alternative appartenant au même marché que les solutions locales offertes par France Télécom. Ainsi, les parties considèrent que le marché de la boucle locale comprend les services de boucle locale radio, les services de boucle locale métallique proposés par France Télécom et les services de câble éventuellement offerts par d'autres opérateurs.

La Commission (cf. note 6) a distingué, dans le secteur de la fourniture d'infrastructures, deux marchés, à savoir celui de la fourniture d'infrastructures de boucle locale et celui des infrastructures de longue distance. Ainsi, il convient, tel que les parties l'ont indiqué, de considérer que le marché de la fourniture d'infrastructure de boucle locale constitue un marché distinct. Etant donné que Ventelo France n'est pas présent sur ce marché, la question de savoir si les services de boucle locale métallique et ceux de boucle locale radio et câble forment un seul marché peut cependant être laissée ouverte car, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées ;

b) Les services d'hébergement :ils consistent à offrir à tout opérateur de télécommunications un partage ou une location des infrastructures de connexion concurrentes de celles qui sont détenues par France Télécom (CAA (cf. note 7) et commutateurs de transit). Ce service peut être accompagné de services à valeur ajoutée tels que les coupe-feu (firewalls), le stockage de données, la maintenance ou le monitoring. LDCom fournit des sites de régénération ou d'amplification (sites permettant d'héberger des équipements de réseaux destinés à amplifier ou régénérer la lumière circulant à travers les fibres optiques) et loue des emplacements immobiliers. En outre, à travers sa filiale Jet Multimédia, elle conçoit et développe pour le compte de tiers des services en ligne (sites web, services téléphoniques Audiotel, services Minitel, services mobiles WAP et SMS), puis les diffuse à partir de serveurs qu'elle met à la disposition de ses clients. Ventelo France fournit accessoirement des services Audiotel.

La question de savoir si les services d'hébergement du type colocalisation offerts par LDCom font partie du même marché que les services d'hébergement de sites internet offerts par Jet Multimédia et Ventelo France peut rester ouverte puisque, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées ;

c) Les services de téléphonie fixe :il s'agit des services de transmission de la voix. Tant LDCom que Ventelo France sont des fournisseurs de services de téléphonie fixe aussi bien aux particuliers qu'aux entreprises. La question de savoir s'il convient de segmenter ce marché en fonction des destinataires des services peut rester ouverte car, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées ;

d) La transmission de données :il s'agit des mêmes services que pour la transmission de la voix. Les parties en font toutefois un marché à part car la clientèle est en grande partie différente puisqu'il s'agit surtout des fournisseurs d'accès à internet. Ventelo France ne fournit pas des services de transmission de données.

La Commission européenne et le Conseil de la concurrence ont pour pratique bien établie (cf. note 8) de différencier, dans les services de communications fixes, les services de communications vocaux des services de communications de données. Il convient dès lors de considérer que les services fournis pour la transmission de la voix et ceux fournis pour la transmission de données constituent deux marchés distincts ;

e) Les services de téléphonie mobile :les parties considèrent qu'il convient de distinguer entre les services destinés aux particuliers et les services destinés aux professionnels. Cependant, la question de savoir s'il convient de segmenter ce marché peut rester ouverte car, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Ventelo France, au moyen d'un contrat conclu avec Bouygues Télécom, n'intervient que sur le marché de la téléphonie mobile destinée aux professionnels et détient une part de marché très réduite. LDCom n'est pas du tout présent sur le secteur des services de téléphonie mobile ;

f) La fourniture de prestations de transport de la voix ou des données : il s'agit d'offrir, en tant que grossiste, des services de gestion de bande passante (cf. note 9). Selon les parties, ce service appartient au même marché que celui des liaisons louées (cf. note 10) car, dans les deux cas, il s'agit de la location de capacités s'adressant principalement à des fournisseurs de services de télécommunications qui ne disposent pas d'infrastructures propres ou qui souhaitent les compléter. Ce service s'adresse à des fournisseurs de services de téléphonie qui souhaitent pouvoir offrir leurs services sur un territoire étendu sans pour autant déployer un réseau. Les parties incluent dans le même marché la collecte de trafic, qui s'apparente à la location de capacité. LDCom est prestataire de services pour les fournisseurs alternatifs de services de téléphonie fixe. Ventelo n'est qu'accessoirement présent sur ce marché.

La question de savoir si la fourniture de prestations de transport de la voix ou de données appartient au même marché que les liaisons louées et la collecte du trafic pour le compte de tiers peut rester ouverte car, quel que soit le marché retenu, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées ;

g) La fourniture d'accès à internet pour le consommateur final :les parties adoptent la distinction faite par la Commission (cf. note 11) entre le service utilisant une bande passante étroite au moyen de la ligne téléphonique (service " dial up "), qui est souvent la solution offerte aux consommateurs privés, et le service utilisant une large bande passante (connexions dédiées à haut débit) qui s'adresse davantage aux entreprises. Cependant, elles considèrent que, dans la mesure où l'offre aux particuliers est en train d'évoluer et de passer à une offre haut débit, il convient de considérer le marché de l'accès à internet comme un marché global. Tant LDCom que Ventelo France sont présents sur ce secteur.

Les caractéristiques techniques de l'accès à internet " dial up ", les prix pratiqués et les usages ne sont pas les mêmes que ceux de l'accès à internet haut débit. Le Conseil de la concurrence (cf. note 12) , dans plusieurs demandes de mesures conservatoires relatives à l'ADSL, a considéré qu'il n'était pas exclu que l'accès bas débit et l'accès haut débit constituent deux marchés de détail distincts. Toutefois, au cas d'espèce, la question de savoir si ces deux types d'accès à internet font partie du même marché peut rester ouverte étant donné que, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Les parties considèrent que tous les marchés de produits identifiés sont de dimension nationale pour plusieurs raisons : la nature des biens ou services en cause est suffisamment homogène quelle que soit la partie du territoire national où l'offre rencontre la demande, il s'agit toujours des mêmes produits et services offerts quelle que soit la région où ils sont offerts et le prix de la liaison louée est le même quel que soit le parcours emprunté. En outre, les clients et les concurrents sont les mêmes dans toutes les régions et ne diffèrent qu'en fonction des produits ou services offerts.

En ce qui concerne le marché de la boucle locale, les parties considèrent qu'il est aussi de dimension nationale car LDCom, via sa filiale Squadran, est titulaire d'une autorisation de boucle locale radio nationale et, partant, opère sur un marché de dimension nationale. Toutefois, il convient de prendre en compte qu'il existe également des autorisations BLR régionales, ce qui pourrait laisser penser que le marché n'est pas de dimension nationale mais régionale.

La question de la délimitation géographique des marchés peut cependant rester ouverte car, quels que soient les marchés géographiques retenus, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées.

Il apparaît que, quelles que soient les définitions des marchés de produits et géographiques retenues, l'addition de parts de marché des deux parties à l'opération n'est pas significative.

En conclusion, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,

Pour le ministre et par délégation : Le directeur général de la concurence, de la consommation et de la répression des fraudes, Jérôme Gallot.

Note (s) :

(1) Il convient de noter que ce chiffre d'affaires n'est que provisoire dans la mesure où les comptes sociaux de Ventelo France au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2001 n'ont pas encore été approuvés par l'assemblée générale des actionnaires et sont en cours d'audit par les commissaires aux comptes, le Tribunal de commerce de Nanterre ayant prorogé jusqu'au 31 octobre 2002 la date de tenue de cette assemblée, par une ordonnance du 15 mai 2002.

(2) L'acquisition de 9 Télécom par LDCom a été autorisée par lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en date du 7 août 2002.

(3) Voir en ce sens la décision de la Commission no IV/35.830 - Unisource du 29 janvier 1997.

(4) Cf. décision de la Commission M.683 - GTS-Hermes Inc./HIT Rail BV du 5 mars 1996 où la Commission qualifie cette activité de carriers' carrier.

(5) Communication de la Commission sur le dégroupage de l'accès à la boucle locale : permettre la fourniture concurrentielle d'une gamme complète de services de communications électroniques, notamment les services multimédias à large bande et l'internet à haut débit (JOCE C-272 du 23 septembre 2000, p. 55).

(6) Voir notamment la décision de la Commission M.1439 - Telia/Telenor du 13 octobre 1999.

(7) Commutateur à autonomie d'acheminement, commutateur du réseau téléphonique de France Télécom auquel sont raccordés les abonnés de France Télécom.

(8) Cf. notamment la décision de la Commission n° IV-35-592 Cegetel + 4 du 20 mai 1999.

(9) L'ART définit la bande passante comme la capacité de transmission d'une liaison. Elle détermine la quantité d'informations qui peut être transmise simultanément.

(10) L'ART définit la liaison louée comme une liaison permanente constituée par un ou plusieurs tronçons d'un réseau ouvert au public et réservée à l'usage exclusif d'un utilisateur. Elle s'oppose à la liaison commutée qui est temporaire.

(11) Cf. décisions de la Commission M.1439 - Telia/Telenor du 13 octobre 1999, JV.46 - Blackstone/CDPQ/Kabel/Norderhein/Westfalen du 19 juin 2000 et M.1838 BT/Esat du 27 mars 2000.

(12) Décision n° 02-MC-03 du 27 février 2002 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société T-Online France.