CA Dijon, ch. soc., 28 septembre 1994, n° 501-94
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Royer
Défendeur :
Autocomptoir dijonnais (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Verpeaux
Conseillers :
MM. Fedou, Vignes
Avocats :
Mes Lhonne, Gaude.
Exposé des faits, procédure et prétentions des parties
Monsieur Christian Royer a été embauché le 2 janvier 1976 par la SA Autocomptoir dijonnais en qualité de VRP exclusif.
Après un arrêt de maladie de trois années, il était autorisé à reprendre une activité à temps partiel le 26 août 1992. Mais le 14 octobre 1992 il faisait l'objet d'une mesure de licenciement, son employeur lui reprochant son incapacité à s'adapter à l'entreprise.
Contestant les motifs de son licenciement, Monsieur Royer saisissait le 23 octobre 1992, le Conseil de prud'hommes de Dijon qui par jugement en date du 17 décembre 1993 déclarait que ce licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et condamnait en conséquence la SA Autocomptoir dijonnais à lui payer les sommes suivantes :
- 59.280 F à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- 7.200 F à titre de commission sur chiffre d'affaires indirect,
- 1.308 F à titre de rappel de salaire sur préavis,
- 130,80 F à titre de congés payés incidents.
L'employeur était en outre condamné au remboursement à l'ASSEDIC des indemnités de chômage payées dans la limite de six mois.
Monsieur Royer a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Après avoir demandé la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu que son licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse, il présente diverses demandes indemnitaires qui n'ont pas été satisfaites par les premiers juges :
- rappel de salaire du 1er janvier 1989 au 5 juin 1989 :
La décision unilatérale de l'employeur de ramener la partie fixe de sa rémunération de la somme de 7.055 F à 4.000 F et qu'il n'a jamais accepté, lui a causé un préjudice qu'il évalue à la somme de 16.618,81 F outre les congés payés incidents représentant 1.661,88 F ;
- rappel de salaire sur les commissions indirectes :
Considérant que son contrat de travail lui garantit durant l'arrêt de maladie le versement des commissions sur le chiffre indirect, Monsieur Royer demande que son employeur soit astreint de verser au débat la liste des facturations effectuées pendant les années 1989-1992 et qu'une provision de 15.000 F lui soit versée de ce chef ;
- clause de non-concurrence :
Monsieur Royer fait valoir que la décision de son employeur de renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence figurant à son contrat en échange du non-paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause, ne lui est pas opposable et il demande de ce chef une somme de 41.427,12 F ;
- indemnité conventionnelle de rupture :
Calculée sur la moyenne de la rémunération mensuelle brute prise sur la période antérieure à son arrêt de travail, l'indemnité de rupture de Monsieur Royer s'élève à la somme de 39.699,81 F sur laquelle il a perçu une somme de 18.859,24 F.
Il considère qu'il lui est encore dû la somme de 20.840,57 F ;
- rappel de salaire pour les mois de septembre-octobre 1992 :
Compte tenu d'un fixe qui était de 7.055 F durant l'année 1988, le salaire correspondant à un travail à mi-temps pour la période considérée doit être de 3.527,50 F. Monsieur Royer considère qu'il lui est dû de ce chef une somme de 2.291,25 F outre 229,12 F au titre des congés payés incidents.
- rappel de salaire sur préavis :
Monsieur Royer demande que le préavis soit calculé sur la rémunération moyenne de la période antérieure à son arrêt de travail et que dans ces conditions, la rémunération de référence est de 10.356,78 F. Il demande à ce titre une somme de 17.556,09 F outre 1.755,61F au titre des congés payés incidents.
- licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Monsieur Royer demande la confirmation du jugement sur ce point, mais fait valoir qu'il a subi un préjudice important résultant de ce licenciement abusif et dont il réclame réparation à hauteur de 200.000 F.
Monsieur Royer demande également l'indemnisation distincte de son préjudice moral pour une somme de 100.000 F.
Enfin Monsieur Royer sollicite une somme de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Autocomptoir dijonnais a formé appel incident pour demander que la cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur Royer soit reconnue. Elle fait valoir que l'échec de la tentative de réinsertion de Monsieur Royer dans l'entreprise à l'issue de son long arrêt de travail est attesté par des témoignages versés au débat et qui ne peuvent être contestés.
Elle conclut également au rejet de l'ensemble des demandes de son salarié.
DISCUSSION
Attendu qu'après avoir interrompu son activité pour maladie le 5 juin 1989, Monsieur Royer, reprenait son travail à mi-temps à compter du 1er septembre 1992, suivant prescription médicale ; que son employeur, après lui avoir aménagé une remise à niveau et facilité sa réinsertion dans l'entreprise, concluait à l'échec de cette tentative en le convoquant dès le 1er octobre 1992 à un entretien préalable ;
Attendu que quelles que soient les difficultés d'une réinsertion professionnelle après une longue absence dans un secteur commercial hautement compétitif et dont les témoignages versés par l'employeur rapportent la preuve, il n'en demeure pas moins que par sa brièveté, l'expérience tentée par l'employeur ne pouvait produire les résultats escomptés, ni le salarié faire la preuve de ses capacités ; que la hâte mise par l'employeur à conclure à l'échec de cette tentative traduit une volonté de licencier un salarié sans cause réelle et sérieuse ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré ce licenciement abusif ;
Sur le rappel de salaire du 1er janvier au 5 juin 1989 :
Attendu que le 28 décembre 1988, la société Autocomptoir dijonnais adressait à l'ensemble de ses représentants dont Monsieur Royer, une note les informant des modifications apportées dans les conditions de rémunérations pourcentage, primes sur objectif et fixe. Cette dernière partie était ramenée à 4.000 F par mois soit une diminution de 3.055 F pour Monsieur Royer, cette diminution étant compensée par une augmentation de la partie variable du salaire ; que ces modifications n'ont pas fait l'objet d'observations de la part des salariés et qu'il convient en conséquence de confirmer la décision des premiers juges qui ont débouté Monsieur Royer de ce chef de demande ;
Sur le rappel de salaire sur les commissions indirectes :
Attendu que Monsieur Royer invoque l'article 11 de son contrat pour soutenir que durant l'arrêt maladie, les commissions des représentants sur le chiffre indirect continuent à courir sans limitation de durée ;
que l'analyse de cette disposition contractuelle fait apparaître que la rémunération des VRP en arrêt maladie est soumise au régime prévu par la Convention collective qui prévoit notamment que le salarié bénéficie d'une indemnité journalière complémentaire lorsque la suspension du contrat se prolonge au-delà de trente jours, l'indemnité des absences inférieures à un mois étant fixée par ce même article 11 du contrat qui prévoit le paiement de la partie fixe du salaire au prorata de jours travaillés dans le mois et le paiement de commissions sur le chiffre indirect pour l'ensemble de ladite période ; qu'il n'est pas indiqué, comme le soutient l'appelant que le paiement des commissions doit se poursuivre pendant toute la durée de l'arrêt de maladie au-delà du 30e jour, ce qui ferait double paiement avec les indemnités prévues par la Convention collective pour cette même période ; qu'il convient de débouter Monsieur Royer de ce chef de demande ;
Sur la clause de non-concurrence :
Attendu quel'article 17 du contrat de travail de Monsieur Royer comporte une clause de non-concurrence qui comprend une contrepartie financière pour le salarié, la société devant verser pendant un an après la rupture du contrat, les indemnités prévues à l'article 17 de la Convention collecitve ; qu'ainsiil est établi que cette clause était instituée, non seulement dans l'intérêt de l'employeur, mais également dans celui du salarié ; qued'autre part le contrat ne prévoyait aucune possibilité de renonciation à la clause de non-concurrence ;
qu'ainsi la société Autocomptoir dijonnais ne pouvait unilatéralement renoncer à se prévaloir d'une clause qui comportait des avantages pour son salarié ; qu'il convient en conséquence de faire droit à l'appel de Monsieur Royer sur ce point et de lui allouer la somme de 41.427,12 F demandée ;
Sur l'indemnité conventionnelle de rupture :
Attendu que le calcul de l'indemnité conventionnelle de rupture à laquelle Monsieur Royer peut prétendre, en application de l'article 13 de la Convention collective et compte tenu d'une ancienneté de seize années, permet d'obtenir une somme de 35.213 F sur laquelle il n'est pas contesté qu'il a déjà perçu 18.859,24 F de telle sorte qu'il lui reste dû une somme de 16.353,76 F ;
Sur le rappel de salaire pour les mois de septembre-octobre 1992 :
Attendu que Monsieur Royer ne peut prétendre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus à un fixe de 7.055 F compte tenu de ce que cette somme avait été ramenée à 4.000 F à compter du 1er janvier 1989 ; que c'est à juste titre que son salaire a été calculé sur cette base pour sa période de travail à mi-temps et qu'il sera donc débouté de ce chef de demande ;
Sur le rappel de salaire sur préavis :
Attendu que Monsieur Royer demande que la période de référence pour la rémunération moyenne servant de base au préavis, soit celle qui a précédée son arrêt de travail pour maladie dans la mesure où à son retour, son employeur l'a mis dans l'impossibilité de vendre et d'être commissionné ;
que cependant cette situation n'est pas imputable à l'employeur compte tenu de la longue absence de son salarié, [qui] a dû envisager une reprise progressive de ses activités afin de faciliter sa remise à niveau ; qu'il convient en conséquence de confirmer sur ce point le jugement déféré qui a retenu une rémunération moyenne de 9.880 F ;
Sur les dommages-intérêts :
Attendu que Monsieur Royer est fondé à demander l'indemnisation du préjudice résultant pour lui du licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la demande de 200.000 F outre 100.000 F pour le préjudice moral n'apparaît pas fondée sur les éléments du dossier versé au débat ; que s'il ne peut invoquer un préjudice éventuel résultant de la difficulté de retrouver du travail, il est établi que depuis son licenciement, il a subi une diminution de ses ressources correspondant à 5.000 F par mois ;
qu'il y a lieu de lui allouer en conséquence une somme de 120.000 F de ce chef ; que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant l'intégralité des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il convient en conséquence de lui allouer de ce chef une somme de 4.000 F ;
Par ces motifs : LA COUR, Déclare recevable et partiellement fondé l'appel interjeté ; Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau ; Dit que le licenciement de Monsieur Christian Royer ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, et condamne la SA Autocomptoir dijonnais à lui payer les sommes suivantes : - 41.427,12 F à titre d'indemnité pécuniaire en contrepartie de la clause de non-concurrence, - 16.353,76 F à titre de complément d'indemnité conventionnelle de rupture, - 1.308 F à titre de complément de salaire sur préavis, - 120.000 F à titre de dommages-intérêts, - 4.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la SA Autocomptoir dijonnais aux dépens.