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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 3 février 2000, n° 96-25181

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'exploitation des Etablissements Daniel (SARL)

Défendeur :

Basset

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Isouard (faisant fonctions)

Conseillers :

MM. Blin, Semeriva

Avoués :

SCP Sider, SCP Tollinchi-Perret-Vigneron

Avocats :

Mes Maurin, Periano.

TGI Marseille, du 12 sept. 1996

12 septembre 1996

Exposé du litige :

Monsieur Jean-Robert Basset, titulaire de la marque Mat'Net désignant des produits nettoyants, a, le 3 avril 1990, cédé la moitié de cette marque à la société d'exploitation des établissements Daniel (la société Daniel). Le même jour, deux autres contrats ont été signés par Monsieur Basset, l'un avec la société Daniel pour l'exploitation de la marque Mat'Net par lequel cette société se chargeait de la fabrication des produits de marque Mat'Net et l'autre avec la société Commercial d'Isolation et de Protection (la société CIP) qui commercialisait ledit produit et dont il devait [être] l'agent commercial. A partir de 1991, la société 3P Provence, créée par Monsieur Basset, assurera la représentation des produits Mat'Net.

Reprochant à Monsieur Basset de diffuser ou laisser diffuser des produits concurrents à ceux de marque Mat'Net, la société Daniel l'a poursuivi en résiliation du contrat d'exploitation. Par jugement du 12 septembre 1996, le Tribunal de grande instance de Marseille l'a déboutée de ses demandes et, faisant droit à la reconvention de Monsieur Basset, l'a condamnée à payer à ce dernier la somme de 11 200,80 F, montant de royalties générées par ce contrat, à communiquer sous astreinte de 300 F par jour de retard les factures des produits Mat'Net pour les deux derniers trimestres 1994 et l'intégralité de l'année 1995 ainsi qu'à lui verser une indemnité de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 8 novembre 1996, la société Daniel a interjeté appel de cette décision. Elle sollicite son infirmation, la résiliation du contrat d'exploitation de la marque Mat'Net à effet au 30 juin 1994 et la condamnation de Monsieur Basset à lui payer la somme de 100 000 F de dommages-interêts en réparation du préjudice subi outre celle de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient que la preuve de la diffusion de produits concurrents par son adversaire résulte des éléments de la cause. Elle allègue que l'interdiction pour Monsieur Basset de fabriquer ou vendre directement ou indirectement de tels produits ressort de la volonté des parties en raison des liens inséparables liant le contrat d'exploitation avec celui de cession de la moitié indivise de la marque Mat'Net ainsi qu'avec celui d'agent commercial. Elle prétend également que l'attitude de Monsieur Basset qui, après avoir utilisé son réseau commercial pour s'implanter, a remplacé le produit Mat'Net par un autre concurrent contrevient à l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions.

Monsieur Basset conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la société Daniel à lui payer la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il prétend qu'aucune stipulation du contrat d'exploitation de la marque Mat'Net ne lui interdit de commercialiser sous une autre marque des produits similaires et qu'en tout état de cause la prétendue concurrence déloyale qui lui est reprochée s'avère inexistante ainsi que l'a reconnue le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence. Il ajoute, à titre subsidiaire, que la société Daniel ne justifie pas du préjudice dont elle se plaint.

Il reproche à son adversaire le défaut de paiement de la redevance stipulée au contrat d'exploitation.

Motifs de la décision :

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et rien dans le dossier des parties ne conduit la cour à la décliner d'office.

Ni le contrat d'exploitation de la marque Mat'Net, ni le contrat de cession de la moitié de cette marque, seules conventions intervenues entre Monsieur Basset et la société Daniel, ne contiennent une disposition interdisant à celui-là de commercialiser d'autres produits concurrents.

Certes, le même jour que ces deux contrats, un autre accord a été conclu entre la société CIP et Monsieur Basset faisant de ce dernier l'agent commercial de cette société pour les produits Mat'Net. Une telle convention, par sa nature, empêche l'agent d'entrer en concurrence avec son mandant tant par la représentation de produits commercialisés par des tiers que par des articles qu'il vend pour son propre compte.

Mais, d'une part, cette convention, même si elle s'insère comme les deux autres dans le processus de commercialisation de la marque Mat'Net, ne forme pas avec celles-ci un ensemble indivisible. En effet n'y figure aucune référence aux deux autres contrats auxquels le mandant n'était pas partie et la représentation de la société CIP s'avère indépendante de l'exploitation de la marque Mat'Net. Une éventuelle infraction à ses dispositions n'empêche pas la poursuite du contrat d'exploitation.

D'autre part, ainsi que cela ressort d'un arrêt de ce jour prononcé par cette cour dans le litige opposant la société CIP à Monsieur Basset pour infraction à la concurrence, ce dernier a cessé ses fonctions d'agent commercial le 30 septembre 1990 et la représentation de la société CIP a été assurée par la société 3P Provence qu'il avait créée et qu'il dirigeait mais qui constituait une personne juridique distincte de lui. L'arrêt susvisé, s'il a condamné la société 3P Provence pour violation des règles de la concurrence, a débouté la société CIP de ses demandes du même chef contre Monsieur Basset. Ainsi ce dernier n'a personnellement commercialisé aucun produit concurrent à ceux de la marque Mat'Net et aucun manquement à ses obligations ne peut lui être reproché.

Il n'est pas inutile de remarquer que le contrat d'exploitation de la marque Mat'Net autorise chacun des contractants à le résilier sous préavis de six mois, faculté dont la société Daniel n'a pas usé. Cela montre que l'exploitation de la marque Mat'Net à laquelle elle aurait dû renoncer dans ce cas n'est pas dénuée d'intérêt pour elle.

Ainsi, la société Daniel doit être déboutée de ses demandes contre Monsieur Basset.

Le contrat d'exploitation de la marque n'étant pas résilié continue à produire ses effets et la société Daniel se trouve redevable des redevances prévues par ce contrat au profit de Monsieur Basset.

La confirmation du jugement attaqué s'impose.

Succombant à son appel, la société Daniel doit être condamnée à payer à Monsieur Basset la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, Reçoit l'appel, Confirme le jugement du 12 septembre 1996 du Tribunal de grande instance de Marseille, Y ajoutant : Condamne la société d'exploitation des établissements Daniel à payer à Monsieur Jean-Robert Basset la somme de 5 000 F (762,25 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société d'exploitation des établissements Daniel aux dépens d'appel et autorise la SCP JC Tollinchi, C. Tollinchi et C. Perret-Vigneron, avoués associés, à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.