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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 3 juillet 2002, n° 2000-21365

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Begnat Ingénierie (SA), Groupe Ingénierie de Picardie (SARL)

Défendeur :

Stockage Logistique Transport (SARL), Compagnie Internationale du Chauffage (SA), Atec Eco (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Hardouin, Mes Bolling, Blin, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes De Campos, Mongodin, Cussac, Mabille.

T. com. Paris, 15e ch., du 22 sept. 2000

22 septembre 2000

La Compagnie Internationale du Chauffage (la CICH) a fait construire son nouvel entrepôt à Villers-Cotterêts qui a été financé par la société Stockage Logistique Transport (La SLT) laquelle lui a donné le local à bail ; dans le cadre de cette opération la société Atec Eco a été désignée comme maître d'œuvre.

Avant que ce projet n'aboutisse la CICH avait envisagé de bâtir son entrepôt à Villeneuve Saint Germain, la SLT en assurant le financement, la société d'Equipement du Département de l'Aisne (le SEDA) la maîtrise d'ouvrage, le Groupe Ingénierie Picardie (le GIP) et la société Begnat Ingénierie sont intervenus sur ce projet. Par ailleurs la CICH a demandé à la société Atec Eco d'analyser les propositions du GIP et le cas échéant de faire un " appel d'offre contradictoire " dans l'hypothèse où elle pourrait être le maître d'œuvre.

Estimant que la société Atec Eco avait, par l'entremise de l'embauche de Monsieur Bourdier, ancien salarié de la société Begnat Ingénierie commis des actes de concurrence déloyale (notamment en plagiant pour Villers-Cotterêts " leur projet " de Villeneuve Saint Germain et en s'appropriant leur clientèle) et qu'ils devaient être rémunérés des prestations qu'ils avait fournis et dont avait bénéficié tant la société Atec Eco que la CICH et SLT, la société Begnat Ingénierie et le Gip ont assigné ces sociétés devant le Tribunal de commerce de Paris qui par jugement du 22 septembre 2000 a :

- condamné la société Atec Eco à payer aux sociétés Begnat Ingénierie et au Gip les sommes de 250 000 F à titre de dommages et intérêts et de 40 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné solidairement la société Begnat Ingénierie et le GIP à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 15.000 F à la CICH et 25 000 F à la SLT,

- condamné la société Atec Eco aux dépens.

Appelants le Gip et la société Begnat Ingénierie prient la cour de :

- condamner la société Atec Eco à leur payer la somme de 300 000 F pour le préjudice n2 des actes de concurrence déloyale,

- condamner in solidum la société Atec Eco et la SLT sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et la CICH sur le fondement de l'article 1147 du Code civil à leur payer la somme de 609 977,79 F à titre de dommages et intérêts correspondant aux honoraires qu'ils auraient dû percevoir,

- fixer le point de départ des intérêts moratoires à la date de l'assignation et ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la société Atec Eco à leur payer la somme de 30 000 F et le CICH et la SLT à leur verser la somme de 40 000 F,

- condamner les trois sociétés intimées aux dépens.

La société Atec Eco conclut :

- à titre principal à l'irrecevabilité des demandes formées par les appelants,

- à titre subsidiaire à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de diverses sommes et à sa confirmation en ce qu'il a rejeté toutes autres prétentions du GIP et de la société Begnat Ingénierie,

- en tout état de cause à l'allocation de la somme de 7 622,45 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La CICH demande à la cour de :

- déclarer les appelants irrecevables en leur action,

- confirmer, à titre subsidiaire, le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes dirigées contre elle,

- condamner les appelants à leur payer la somme de 6 100 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SLT poursuit :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le GIP et la société Begnat Ingénierie des demandes formées à son encontre et les a condamnés à lui payer la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamnation des appelants à lui payer la somme de 25 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Cela étant exposé,

I - Sur la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale dirigée contre la société Atec Eco par la société Begnat Ingénierie :

Considérant que la société Atec Eco motive sa demande d'irrecevabilité pour la seule demande en paiement de dommages et intérêts au titre des honoraires ;

Que la demande présentement examinée sera donc déclarée recevable ;

Considérant sur le fond que les sociétés appelantes font grief à la société Atec Eco :

- d'avoir sciemment embauché et fait travailler un ancien collaborateur de la société Begnat Ingénierie - Monsieur Bourdier - qu'elle se savait liée par une clause de non-concurrence,

- d'avoir effectué par ce biais des démarches pour s'approprier la clientèle de la société Begnat Ingénierie,

- de s'être approprié les plans et études de cette société et les avoir utilisés à son insu comme les siens ;

Que la société Atec Eco oppose que :

- elle n'a eu connaissance de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de Monsieur Bourdier que le 12 juin 1998 alors qu'elle n'était plus valable,

- il ne peut lui être reprochée une spoliation de la propriété intellectuelle pour le projet d'entrepôt qui ne présente aucune originalité mais les caractéristiques de tout bâtiment de stockage, étant observé que les documents d'insertion sur le site, volet paysagé de PC, implantation sur le terrain de Villers-Cotterêts n'ont rien à voir avec le projet Begnat puisqu'il s'agissait d'un emplacement différent et que les éléments strictement originaux étaient la notice de sécurité, la notice d'accessibilité et la notice d'insertion dans l'environnement qu'elle a elle-même établies ;

Considérant que par contrat du 11 juin 1993, Monsieur Bourdier était lié à la société Begnat Ingénierie par une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans, que le contrat a pris fin le 13 mars 1995 par suite de sa démission le 13 mars 1995 et qu'il a été embauché peu de temps après par la société Atec Eco ;

Que par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 avril 1995, le conseil de la société Begnat Ingénierie a informé la société Atec " 6 rue du Docteur Gosselin 94234 Cachan " que sa cliente entendait se prévaloir de la clause de non-concurrence liant Monsieur Bourdier ;

Que la société Atec destinataire de la lettre est une société distincte de la société Atec Eco qui n'a pas le même nom, le même siège social, le même objet social ni les mêmes dirigeants ;

Qu'aucune pièce n'établit que la courrier société Atec ait porté à la connaissance de la société Atec Eco la teneur du courrier du 14 avril 1995, ni que la société Atec Eco ait avant le 12 juin 1998, par d'autres voies, connu l'existence de la clause de non-concurrence, le seul fait que Monsieur Bourdier qui avait été en contact avec la société CICH en février 1995 ait été engagé par la société Atec Eco, ait procédé en juillet 1996 à l'audit de la proposition du GIP, puis ait eu la responsabilité de la maîtrise du chantier de Villers-Cotterêtsne suffisant pas à établir le grief allégué contre la société Atec Eco ;

Mais considérant que le Tribunal par des motifs pertinents que la Cour adopte a constaté que les documents communs aux deux projets présentaient de telles ressemblances qu'il s'agissait de copies quasi-serviles constitutives en tant que telles d'un acte de concurrence déloyale générateur d'un préjudice qu'il a exactement évalué à la somme de 250 000 F, observation étant faite, que la société Atec Eco ne démontre pas que les documents dont s'agit étaient des documents types;

Que la société Atec Eco sera condamnée à payer cette somme à la société Begnat Ingénierie ;

II - Sur les demandes de dommages et intérêts formées par les sociétés appelantes au titre des honoraires

Considérant que la société Begnat Ingénierie et le GIP font valoir que le contrat d'architecte est de principe établi à titre onéreux, que la CICH a donné son accord à la demande de permis de construire, qu'aux termes du courrier du 13 juin 1995 " les prestations réalisées, en cas de suppression ou arrêt du projet, (devaient être) rémunérées en analogie de celles définies dans la loi MOP " et que compte tenu des plans achevés fournis par Begnat, des démarches accomplies par cette société pour l'obtention du permis de construire, de la consultation des différentes entreprises à laquelle elle a procédé, de la majoration pour mission interrompue et de l'indemnité pour mission interrompue à raison de 20 % du solde des honoraires auxquels elle pouvait prétendre, il leur est dû la somme de 92 990,51 euros (609 977,79 F) à titre de dommages et intérêts ;

Que la CICH soutient :

- à titre principal que le GIP et la société Begnat Ingénierie sont irrecevables en leur action faute pour le GIP de s'expliquer sur la répartition de la somme de 609 677,79 F et surtout de soutenir le moindre moyen à l'appui de ses prétentions et faute pour Begnat Ingénierie d'avoir un rapport de droite avec elle alors que l'action est fondée sur l'article 1147 du Code civil et au surplus d'avoir agi comme architecte de la SEBA et de solliciter néanmoins des honoraires de maître d'œuvre,

- à titre subsidiaire qu'aucune rémunération n'est due, cette dernière étant conditionnée à ce que le projet de Villeneuve Saint Germain aboutisse et à ce que le GIP obtienne la maîtrise d'œuvre des travaux ;

Que la société Atec Eco conclut à titre principal et pour les mêmes motifs que la CICH à l'irrecevabilité des demandes des deux sociétés appelantes en précisant qu'elle n'a de lien de droit avec aucune d'entre elles, à titre subsidiaire à la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les prétentions au titre des honoraires tout en objectant que la demande qui a été formée au titre de la concurrence déloyale utilise les mêmes faits et que les appelantes tentent d'obtenir une double condamnation pour indemniser le même préjudice ;

Que la société SLT objecte qu'elle n'a commis aucune faute, ce d'autant qu'elle n'a été créée qu'après l'obtention du permis de construire et que les plans qu'elle a déposés à la mairie de Villers-Cotterêts en sa qualité de maître d'ouvrage ont été élaborés par Atec Eco à la demande de la CICH ;

Considérant, sur l'irrecevabilité sur laquelle les appelants ne s'expliquent pas, que le GIP ne soutient aucun moyen à l'appui de sa demande, qu'au demeurant dans ses conclusions il précise que les honoraires sont dus au titre des prestations exécutées par la société Begnat Ingénierie, ce qui ressort de l'ensemble des pièces produites ;

Que la CICH est bien fondée en sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes des deux sociétés appelantes dirigées contre elle ;

Considérant que les appelants fondent sur l'article 1382 du Code civil leur action à l'encontre de la société Atec Eco qui est donc mal fondée à soulever son exception d'irrecevabilité au motif que ceux-ci se prévalent de l'article 1147 du Code civil ;

Qu'en revanche ils invoquent, en l'espèce, les mêmes faits, le même fondement et le même préjudice que ceux présentés au soutien de leur action au titre de la concurrence déloyale ;

Qu'ils seront déboutés de leur demande ;

Considérant que les appelants ne rapportent pas la preuve que la société SLT a sciemment utilisé les plans et des documents établis par la société Begnat Ingénierie pour déposer à la mairie de Villers-Cotterêts une demande de permis de construire, ce d'autant que la société SLT n'existait pas lorsque le permis de construire a été accordé par la mairie de Villeneuve Saint Germain, que pour Villers-Cotterêts les documents et plans lui ont été remis par la société Atec Eco et que les seules faits que Monsieur Kus, qui allait devenir son représentant, ait été associé au projet de Villeneuve Saint Germain qu'elle devait financer et qu'elle ait été propriétaire des locaux qu'elle loue à la CICH ne suffisent pas à établir qu'elle savait que la société Atec Eco avait utilisé les plans et documents de Begnat Ingénierie ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

III - Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit alloué aux sociétés intimées une indemnité complémentaire au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Que les appelants qui succombent seront déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Atec Eco à payer certaines sommes au Groupe Ingénierie Picardie ; Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant ; Dit que les sommes de 250 000 F et 40 000 F au paiement desquelles la société Atec Eco a été condamnée sont dues à la seule société Begnat Ingénierie ; Déclare irrecevables les demandes formées par le Groupe Ingénierie Picardie et la société Begnat Ingénierie à l'encontre de la Compagnie Internationale du Chauffage ; Déboute les parties de leurs demandes formées en appel sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne le Groupe Ingénierie Picardie et la société Begnat Ingénierie aux dépens d'appel ; Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.