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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 27 octobre 1992, n° 1215-91

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Acheminement (SARL)

Défendeur :

Galoppe

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lebreuil (Conseiller faisant fonction)

Conseillers :

M. Milhet, Mme Ignacio

Avoués :

SCP Nidecker-Prieu, SCP Malet

Avocat :

Me Terre

T. com. Toulouse, du 7 févr. 1991

7 février 1991

Statuant sur l'appel, dont la régularité n'est pas contestée, interjeté par la société France Acheminement (FA) d'un jugement en date du 7 février 1991 par lequel le Tribunal de commerce de Toulouse l'a condamnée à payer à M. Galoppe les sommes de 47.330,52 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, 20.000 F à titre de dommages-intérêts, et 5.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Attendu que par acte sous-seing privé du 21 novembre 1989, M. Galoppe a souscrit auprès de la société France Acheminement un contrat de franchise pour le ramassage, le transport et la livraison de colis et de lettres sur un secteur déterminé de la ville de Grenoble ;

que ce contrat a été conclu moyennant le versement par le franchisé d'un droit d'entrée de 45.000 F effectivement payé par M. Galoppe ;

que de son côté le franchiseur s'est engagé à établir et à encaisser les factures des clients, puis à reverser au franchisé le montant de ces factures diminué de 12 %, ainsi qu'à présenter à M. Galoppe la clientèle existante sur le secteur, et à participer à la prospection commerciale ;

qu'un plan prévisionnel d'exploitation, au "plan de trésorerie" a été remis à la signature au franchisé, prévoyant un chiffre d'affaires annuel de 232.320 F HT ; et une marge bénéficiaire de 149.600 F sur la base de quarante colis confondus par jour ;

que M. Galoppe, pour les besoins de son activité a fait l'acquisition d'un véhicule automobile utilitaire d'une valeur de 105.054,80 F TTC ;

que le franchisé, pour quatre mois d'activité, entre le 26 janvier 1990 et le 26 mai 1990 n'a perçu que 23.403,95 F au lieu de 91.843,84 F TTC si les objectifs du plan prévisionnel avaient été atteints ;

que c'est dans ces conditions qu'il a fait assigner la société France Acheminement en paiement de la différence soit 68.439,89 F TTC, outre les sommes de 26.827,32 F TTC, représentant les frais de déplacement non prévus par le plan de trésorerie, 50.000 F à titre de dommages-intérêts, et 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les premiers juges ont considéré que le demandeur avait rempli l'intégralité de ses obligations contractuelles tandis que la société France Acheminement s'était bornée à facturer et à encaisser les prestations fournies par son franchisé, sans lui reverser les sommes perçues suivant les modalités prévues par le contrat, c'est-à-dire le dixième jour après les règlements par les clients qu'il convenait par conséquent de la déclarer entièrement responsable du préjudice subi par Madame Galoppe, et de la condamner à lui payer la somme réclamée de 68.439,89 F, diminuée du montant des impayés, soit 47.330,52 F ;

Attendu que le tribunal a de surcroît alloué au franchisé la somme de 20.000 F à titre de dommages-intérêts, mais l'a débouté de ses demandes relatives aux frais de transport, l'intéressé n'apportant aucun justificatif de la réalité de ce préjudice ;

Attendu que la société France Acheminement fait grief aux premiers juges de s'être ainsi prononcés alors qu'elle avait entièrement exécuté ses obligations, et que l'échec du franchisé n'était du qu'à son incapacité d'entretenir avec la clientèle du secteur des relations commerciales satisfaisantes ;

Attendu qu'elle conclut en conséquence à la réformation de la décision déférée, et réclame 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que M. Galoppe reprend à son compte la motivation du jugement quant à la responsabilité exclusive de la société France Acheminement, mais soutient que son préjudice a été sous-évalué, et, faisant état de l'obligation où il s'est trouvé de cesser toute activité fin 1990 par suite de la saisie de son fourgon, il demande, par voie d'appel incident, que le franchiseur soit condamné à lui payer les sommes de :

- 113.729,75 F qu'il aurait dû normalement percevoir, pendant ses onze mois d'activité, si les objectifs du plan avaient été atteints,

- 200.000 F au titre de son préjudice moral,

- 97.235,96 F dont il est débiteur envers la société DIAC à laquelle il s'était adressé pour financer l'acquisition du véhicule nécessaire à son activité ;

Attendu que la société France Acheminement conclut à l'irrecevabilité de ces dernières prétentions par application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi,

I/ Sur les responsabilités encourues :

Attendu qu'il est manifeste que le plan de trésorerie annexé au contrat de franchise et prévoyant une marge bénéficiaire de 12.466,70 F par mois sur une base de quarante colis par jour, a été l'élément déterminant du consentement de M. Galoppe, qui ignorait tout des perspectives de développement de ce secteur d'activité, et qui n'avait aucun moyen de vérifier, avant de s'engager, l'efficacité ou la réalité du savoir-faire du franchiseur ainsi que l'exactitude de ses prévisions ;

Attendu qu'il s'en est entièrement remis aux promesses de rentabilité qui lui étaient faites,

que ces promesses ne comportaient certes pas de la part du promettant une obligation de résultat, mais que force est de constater que l'importance démesurée des différences entre les prévisions préalables et les résultats effectifs ne s'explique pas par des fautes de gestion, non démontrées, qui seraient imputables au franchisé, et qu'elle ne peut avoir d'autre origine qu'un excès d'optimisme lors de l'élaboration du compte de résultat prévisionnel,

que le franchiseur s'est en réalité contenté de transposer sur le secteur considéré les résultats obtenus dans d'autres secteurs, sans procéder à une étude de marché suffisamment détaillée et approfondie,

qu'ainsi le consentement de M. Galoppe a été vicié au sens des articles 1109 et suivants du Code civil ;

Attendu en toutes hypothèses que la société France Acheminement n'a pas rempli toutes ses obligations contractuelles et qu'elle est seule responsable du préjudice subi par son co- contractant ;

Attendu qu'il convient, à cet égard de rappeler que l'objet spécifique du contrat de franchise consiste en une assistance fournie au franchisé, le franchiseur mettant à sa disposition des signes distinctifs (nom commercial, enseigne, marque, sigles.) un savoir-faire et une assistance technique et commerciale résultant de la transmission de ce savoir-faire ;

Attendu qu'il peut être admis que le savoir-faire de l'entreprise France Acheminement, qui jouit d'une notoriété certaine auprès des sociétés commerciales les plus importantes, et qui dispose en France d'un réseau de plus de 200 franchisés résulte de l'expérience par elle acquise dans l'exploitation d'une technique originale et spécifique permettant à ses clients de faire parvenir dans les meilleurs délais leurs courriers et leurs colis soit directement aux destinataires soit au bureau de poste le plus proche ;

Attendu en revanche que la société France Acheminement ne justifie pas avoir apporté à son franchisé l'assistance technique et commerciale qu'il était en droit d'attendre ;

qu'elle ne lui a procuré aucune aide, ni pendant la période de démarrage de son entreprise ni ultérieurement, alors pourtant qu'il ignorait tout de sa nouvelle activité, et qu'il n'avait eu ni le temps ni les moyens d'entreprendre les démarchages commerciaux qui lui auraient permis de l'asseoir durablement ;

que spécialement, elle ne démontre pas lui avoir fourni une clientèle suffisante pour lui permettre d'atteindre les objectifs prévus ni avoir participé, de manière active, à la recherche de nouveaux clients ;

qu'elle s'est en réalité contentée, ainsi que l'ont pertinemment relevé les premiers juges, de facturer et d'encaisser les prestations réalisées par M. Galoppe ;

Attendu qu'elle a également manqué à ses obligations contractuelles en ne procédant que le 26 avril 1990 au règlement d'un premier acompte, alors, qu'elle aurait dû régler son franchisé le 10 du mois suivant les paiements faits par les clients ;

Attendu que de son côté M. Galoppe a fait l'acquisition, à ses frais exclusifs, du véhicule utilitaire nécessaire à l'exécution du contrat, et qu'il a réglé les droits d'entrée ; que le grief qui lui est fait de n'avoir pas entretenu de bonnes relations commerciales avec la clientèle, au point de perdre vingt clients entre janvier et mars 1990 n'est pas fondé, et que les mauvais résultats enregistrés jusqu'à l'introduction de l'instance ne lui sont donc pas imputables ;

II/ Sur les préjudices subis :

Attendu que les premiers juges n'ont évalué les préjudices subis par M. Galoppe que sur une période de quatre mois, et que l'intimé, en cause d'appel, prétend avoir poursuivi ses activités jusqu'à la saisie de son fourgon, le 19 décembre 1990, et demande réparation du préjudice qu'il a subi jusqu'à cette date, outre 200.000 F au titre de son préjudice moral et 97.325,96 F représentant sa dette envers la société DIAC ;

Attendu que ces prétentions ne sont pas nouvelles, et sont donc recevables dès lors qu'elles étaient virtuellement comprises dans les demandes soumises au tribunal, et qu'elles n'en sont que le complément ;

Attendu qu'elles sont en revanche mal fondées ;

Attendu qu'il n'est certes pas contesté que les relations contractuelles se sont poursuivies pendant plusieurs mois après qu'ait été régularisée l'assignation ;

Mais attendu qu'en poursuivant une activité dont il savait qu'elle n'était pas viable, M. Galoppe a sciemment participé à ses risques et périls à l'aggravation de son propre préjudice, que celui-ci a été équitablement évalué par les premiers juges, et qu'il convient par conséquent de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société France Acheminement, qui succombe pour l'essentiel doit supporter la charge des dépens, et qu'il y a lieu de la condamner à payer à M. Galoppe la somme de 10.000 F, ainsi qu'à lui rembourser, en deniers ou quittance, le droit d'entrée de la franchise, soit la somme de 45.000 F ;

Par ces motifs : LA COUR, Reçoit l'appel jugé régulier ; Le déclare mal fondé ; Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Et y ajoutant, Condamne la société France Acheminement à rembourser à M. Galoppe, en deniers ou quittance, la somme de 45.000 F (quarante cinq mille francs) représentant le droit d'entrée de la franchise, et à lui payer la somme de 10.000 F (dix mille francs) par application de l'article 700 modifié du nouveau Code de procédure civile ; Condamne en outre la société France Acheminement aux dépens d'appel et autorise Me Malet, avoué, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.