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Décisions

CA Nancy, ch. soc., 13 mars 1991, n° 167

NANCY

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

CMD (SARL)

Défendeur :

Lagard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ollier

Conseillers :

M. Bresciani, Mme Charpentier

Avocat :

Mes Codazzi.

Cons. prud'h. Nancy, du 27 déc. 1990

27 décembre 1990

Monsieur Lagard a été engagé le 5 mars 1990 par la société CMD, constructeur de maisons individuelles, comme responsable commercial. La société CMD commercialisant en franchise les maisons Mikit, a fait signer à Monsieur Lagard le 18 avril 1990 un contrat de travail rédigé selon la formule type de société Mikit. Ce contrat prévoyait une période d'essai de six mois et contenait une clause de non-concurrence valable deux ans et dans cinq départements ainsi que dans un rayon de 200 kilomètres autour de Nancy, et assortie d'une clause pénale égale à deux années de salaire avec un minimum de 100 000 F.

Le 12 juin 1990, la société CMD s'est vu retirer la franchise Mikit, dont les produits sont désormais commercialisés par la société Sopi. Monsieur Lagard a donné sa démission le 5 septembre 1990. Le 7 septembre, la société CMD lui a rappelé son obligation de non-concurrence. Monsieur Lagard a cependant été engagé aussitôt par la société Sopi.

La société CMD a alors saisi le bureau de référé du Conseil de prud'hommes de Nancy afin de voir Monsieur Lagard condamné à cesser immédiatement son activité concurrentielle, de lui voir enjoindre de dénoncer son contrat de travail avec la société Sopi sous astreinte définitive de 1 000 F par jour de retard, et de le voir condamné à lui verser 300 000 F à titre de dommages et intérêts et 3 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Monsieur Lagard, bien que non comparant, avait fait déposer des conclusions faisant valoir que la clause de non-concurrence ne s'applique pas en cas de démission pendant la période d'essai.

Par ordonnance du 27 décembre 1990, le Conseil, estimant qu'il existait une contestation sérieuse, a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé et renvoyé la société CMD à mieux se pourvoir.

La société CMD a régulièrement formé appel de cette ordonnance. Elle estime que par son contrat de travail Monsieur Lagard s'engageait à ne pas concurrencer non seulement la société Mikit, mais aussi son employeur direct, la société CMD, et fait valoir qu'aussitôt après son départ, il a détourné des clients au profit de la société Sopi. Elle conteste que la clause de non-concurrence soit inapplicable durant la période d'essai. Subsidiairement, elle fait observer qu'elle a reçu la lettre de démission de Monsieur Lagard le lendemain du jour où expirait la période d'essai.

Elle demande à la cour de faire droit aux demandes qu'elle avait présentées en première instance, tout en élevant à 4 000 F celle fondée sur l'article 700 du NCPC.

Monsieur Lagard fait valoir qu'il a contracté avec la société CMD pour vendre les produits Mikit. Il estime que la clause de non-concurrence ne devait pas s'appliquer en période d'essai.

Discussion

Attendu qu'aussi bien le contrat initial du 5 mars 1990 que celui du 14 avril 1990 sont conclus entre Monsieur Lagard et la société CMD ; que c'est donc envers celle-ci que Monsieur Lagard a contracté des obligations ; que, bien que le contrat fasse référence à la commercialisation des maisons Mikit, le fait que la société CMD ait perdu cette franchise n'entraînait pas en soi la fin du contrat, puisque la société continue ses activités de vente de maisons individuelles sous sa propre enseigne ;

Attendu que le contrat du 18 avril 1990 stipule : " Pendant toute la durée du présent contrat, le responsable commercial s'interdit de travailler pour aucune autre société ou entreprise ou de s'intéresser, directement ou indirectement ou par personnes interposées à de telles entreprises même non susceptibles de concurrencer Mikit.

Toute infraction à cette disposition entraînerait la rupture du présent contrat sur simple demande de la société CMD ;

En cas de démission ou de licenciement, le responsable commercial s'interdit d'apporter son concours directement ou indirectement, à toutes maisons, sociétés, entreprises ou personnes susceptibles de concurrencer directement ou indirectement dans le domaine des constructions, qu'elles soient traditionnelles ou industrialisées.

En cas de violation de cet engagement, le Responsable Commercial serait redevable à la société CMD... "

Attendu qu'il est clair que l'obligation de non-concurrence est conclue au profit de la société CMD ; qu'aucune clause du contrat ne prévoit que celle-ci agit en qualité de mandataire de la société Mikit, ni que la clause ne sera plus applicable en cas de perte de la franchise Mikit;

Attendu que Monsieur Lagard a rompu le contrat qui le liait à la société CMD à l'expiration de la période d'essai de six mois ; que compte tenu de la longueur de cette période et des fonctions de Monsieur Lagard, qui devait prospecter pour créer la clientèle, ce dernier était en mesure de faire une concurrence effective à la société CMD, d'autant plus en l'espèce que son nouvel employeur était lui-même franchisé Mikit ; qu'aucune clause du contrat ne prévoit que la clause de non-concurrence n'est pas applicable au cours de la période d'essai, en particulier en cas de démission;

Attendu qu'en présence d'une clause claire et précise, dont la violation est incontestée et susceptible de causer un préjudice commercial à la société CMD, il y a lieu de faire cesser ce trouble manifestement illicite;

Qu'il convient d'interdire à Monsieur Lagard de poursuivre son activité au profit de la société Sopi, sous astreinte, et de le condamner à verser à son ancien employeur une indemnité provisionnelle sur les dommages et intérêts ;

Qu'il serait inéquitable que la société CMD conserve la charge intégrale de ses frais de procédure ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 3 000 F ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme l'ordonnance frappé d'appel ; Statuant à nouveau, Enjoint à Monsieur Lagard de cesser son activité concurrentielle au profit de la société Sopi, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de cinq cent francs (500 F) par jour de retard ; Le condamne à verser à la société CMD , à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de trente mille francs (30 000 F) et en application des dispositions de l'article 700 du NCPC, celle de trois mille francs (3 000 F) ; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.