CA Paris, 5e ch. A, 28 mars 2001, n° 1999-03812
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Service Chimie (SARL)
Défendeur :
Mian, STEPI (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard-Payen
Conseillers :
Mmes Jaubert, Percheron
Avoués :
SCP Gaultier-Kistner-Gaultier, SCP Lecharny-Calarn
Avocats :
Mes Dubus, Auvray.
La société Service Chimie est appelante d'un jugement prononcé le 27 octobre 1998 par le Tribunal de grande instance de Bobigny qui :
- l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
- l'a condamnée à payer à la société STEPI, entreprise concurrente, la somme de 6.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et celle de 4 000 F à Madame Mian son ancienne assistante commerciale recrutée après sa démission par la société STEPI,
- a débouté la société STEPI et Madame Mian de leur demande reconventionnelle,
- a condamné la société Service Chimie aux dépens.
Appelante, la société Service Chimie demande à la cour de:
- faire interdiction aux co-intimés de contacter la clientèle de la société Service Chimie en leur proposant des produits identiques à ceux diffusés par elle et à des prix inférieurs, calqués sur son guide tarifaire,
- les condamner conjointement à lui payer une astreinte de 5 000 F par infraction constatée aux fins de faire cesser le trouble,
- lui réserver le droit de faire liquider cette astreinte dès qu'une infraction sera constatée,
- condamner les intimées à lui verser la somme de 70 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 17 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société STEPI et Madame Mian poursuivent la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il les a déboutées de leurs demandes reconventionnelles et prient en conséquence la cour de :
- condamner la société Service Chimie à payer à Madame Mian les sommes de 30 000 F à titre de dommages et intérêts, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et à la société STEPI les sommes de 50 000 F à titre de dommages et intérêts, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et 20 000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
- ordonner la publication par extrait de l'arrêt à intervenir dans trois revues professionnelles au choix de la société STEPI et aux frais de la société Service Chimie, le coût de chaque insertion ne pourrait pas dépasser 5 000 F ;
Cela étant exposé,
Considérant que la société Service Chimie fait valoir que la société STEPI en relation avec Madame Mian lui a causé un préjudice dans la mesure où cette dernière utilisant ses fichiers " clients " et " produits " a démarché sa clientèle en lui proposant des produits directement concurrents et à des prix systématiquement inférieurs aux siens ;
Que Madame Mian dénie avoir soustrait ou copié les fichiers de la société Service Chimie et soutient ainsi que la société STEPI que le fichier client utilisé par la société STEPI ne provenait pas des connaissances antérieures de Madame Mian à quelques exceptions près tout à fait légitimes en l'absence de clause de non-concurrence mais notamment des fichiers communiqués par des sociétés partenaires telles la société Fondam et des contrats personnels, qu'une société est libre de ses prix de vente et les produits étant identiques, la différence de prix de vente provenait de l'organisation commerciale et professionnelle de la société venderesse, qu'enfin la société Service Chimie ne prouve pas son préjudice ;
Considérant que Madame Mian a été engagée le 11 juillet 1995 par la société Service Chimie en qualité d'assistante commerciale chargée de la prospection et du suivi de la clientèle sur le territoire national et qu'à expiration du préavis exécuté à la suite de sa démission elle a été embauchée à mi-temps par la société STEPI en qualité d'agent commercial;
Qu'il ressort des attestations établies par plusieurs clients de la société Service Chimie que dès le début du mois de septembre, Madame Mian a contacté des clients de la société Service Chimie et leur a envoyé pour le compte de la société STEPI des propositions de prix concernant exclusivement les mêmes produits que ceux vendus par la société Service Chimie et comportant des prix inférieurs (par exemple 30 F le kg HT pour le 141 b pur proposé à la société SEMIR au lieu de 33 F pratiqués par la société Service Chimie), sans que leur montant ne soit toujours identique d'une société à l'autre et ce, à l'instar de la société Service Chimie alors que la société STEPI ne distribuait pas que ces produits, qu'elle n'a pas déféré à la sommation de la société Service Chimie afin de communiquer la liste des produits qu'elle diffusait avant septembre 1997, la liste de ceux diffusés en octobre et décembre 1997 ainsi que ses cahiers de prix pour la même période ; qu'en toute hypothèse la société STEPI reconnaît avoir pratiqué des prix inférieurs et ne conteste pas les données relevées sur ce point par la société Service Chimie dans le tableau de prix comparatifs pratiqués par ces deux sociétés pour une liste de clients désignés (pièce n° 28) ; qu'il ressort de la facture émise par la société STEPI pour la société Festo en mai 1994 que le prix unitaire du 141 b - 36 F HT - était alors supérieur à celui qu'elle a proposé après septembre 1997 ; qu'enfin une meilleure organisation commerciale et professionnelle n'explique pas que pour le même produit le même prix ne soit pas proposé à chaque client ;
Qu'il s'ensuit que Madame Mian et la société STEPI n'ont pu à l'évidence faire de telles propositions qu'en exploitant les fichiers de la société Service Chimie, ce qui est corroboré par l'attestation de Madame Lefevre, ancienne salariée de la société Service Chimie, qui relate que Madame Mian a " ramené personnellement " au siège de cette société en août 1997 les disquettes du logiciel Access ;
Qu'en proposant ainsi à des sociétés déjà clientes de la société Service Chimie des prix systématiquement inférieurs à ceux pratiqués par cette dernière et ce grâce à l'utilisation des données confidentielles qu'elles se sont fautivement appropriées, Madame Mian et la société STEPI ont eu des comportements fautifs constitutifs de concurrence déloyale ;
Qu'en conséquence les intimées seront déboutées de leur demande de dommages et intérêts et de celle afférente à la publication de l'arrêt ;
Considérant que dans ses conclusions la société Service Chimie expose avoir subi un préjudice né de la perte de 8 clients ;
Que les premiers juges ont justement relevé que cette société ne justifiait pas que ceux-ci aient été démarchés par la société STEPI et qu'elle ne donnait aucun document comptable justificatif de la perte de chiffre d'affaires qui en serait résulté ;
Considérant par ailleurs que la société Service Chimie verse aux débats un tableau qu'elle a dressé de 17 sociétés dont elle n'a pas perdu la clientèle mais au sujet desquelles il est indiqué une perte de marge sur les ventes réalisées en 1997 en raison de la prise en compte du prix offert par la société STEPI ;
Mais considérant que pour aucune de ces sociétés, elle produit à la fois la proposition de prix de la société STEPI, la commande passée et sa facturation qui lui auraient permis de justifier de la perte alléguée ;
Qu'elle sera déboutée de sa demande ;
Considérant qu'il n'est pas justifié que les comportements fautifs des intimés se soient poursuivis au-delà de la fin de l'année 1997, que de plus la tarification exploitée par la société STEPI est à ce jour obsolète ;
Que la société Service Chimie est donc mal fondée en sa demande d'interdiction aux fins rappelées dans le dispositif du présent arrêt dirigée contre les intimées ;
Considérant qu'il est équitable de laisser les parties supporter leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Qu'elles seront déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé que Madame Mian et la société STEPI n'étaient pas coupables d'acte de concurrence déloyale et en ce qu'il a fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à leur bénéfice ; Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant, Constate que les agissements de Madame Mian et de la société STEPI sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale ; Les déboute de leurs demandes de dommages et intérêts ; Déboute la société Service Chimie de sa demande tendant à faire interdiction aux intimées de contacter sa clientèle en lui proposant des produits identiques à ceux qu'elle diffuse et à des prix inférieurs, calqués sur son propre guide tarifaire ; Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Dit qu'elles supportent chacune leurs propres dépens de première instance et d'appel.