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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 29 juin 2000, n° 2000-599

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Champagne Laurent Perrier (Sté), Laurent Perrier Diffusion (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bianconi

Conseillers :

Mmes Besset, Alluto

Avocats :

Mes Malinconi, Ménage

TGI Grasse, du 3 déc. 1999

3 décembre 1999

RAPPEL SUCCINCT DES FAITS

Au cours du mois d'octobre 1998, la partie civile apprenait que [le magasin X] au Cannet (06) vendait des bouteilles de champagne Laurent Perrier Brut au prix unitaire de 116,65 F, ce qui laissait penser que ce champagne avait été revendu à perte à un moment ou à un autre de la chaîne de distribution car, en 1998, le prix minimum TTC pratiqué par Laurent Perrier Diffusion à l'égard de ses propres clients était de 118,132 F (soit 97,95 F HT).

La société Champagne Laurent Perrier reproche à la société Y d'avoir revendu à perte, courant octobre 1998, au [magasin X] au Cannet (06) 120 bouteilles de champagne au prix unitaire de 90 F HT, alors que ces bouteilles avaient été achetées par la société Y au prix unitaire de 95,34 F, soit 5,34 F de plus que le prix auquel elle l'avait revendu au [magasin X].

Moyens des parties

Les sociétés Champagne Laurent Perrier et Laurent Perrier Diffusion ont déposé des conclusions par lesquelles elles demandent l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la prévenue à leur payer la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts et la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux de son choix aux frais de la prévenue, ainsi que la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

La société Y a déposée des conclusions par lesquelles elle demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la partie civile à lui payer la somme de 100 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le ministère public s'en est rapporté sur la condamnation pénale.

Motifs de la décision

Sur l'action publique

Attendu que les premiers juges, après rappel de la prévention et de la procédure jusque là suivie, ont exactement exposé les faits ; que sur ces points la Cour se réfère aux énonciations du jugement déféré ;

Sur la culpabilité

Attendu que les premiers juges pour entrer en voie de relaxe à l'encontre de la société Y ont retenu qu'il résultait des factures produites aux débats que les bouteilles de champagne avaient été achetées par la société Y au prix unitaire de 95,34 F HT et revendues au [magasin X] au prix unitaire de 97,65 F HT, soit à un prix supérieur au prix d'achat ; que le fait que la prévenue ait accordé au [magasin X] une ristourne de 7,65 F HT par bouteille au titre des frais de participation publicitaire, qui aurait permis de ramener le prix de vente unitaire à 90 F HT, n'était pas de nature à établir que ces frais ne correspondraient pas à de véritables prestations fournies par le [magasin X] au profit de la prévenue, mais dissimuleraient en réalité des ristournes conduisant à revendre à un prix inférieur au prix d'achat effectif ;

Attendu, toutefois, qu'aux termes de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le délit de revente à perte est constitué lorsque le commerçant revend un produit en état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif ; que le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaire, des taxes afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport ; que ce prix d'achat effectif s'entend nécessairement déduction faite des rabais ou remises de toutes nature consentis par le fournisseur au moment de la facturation ; qu'ainsi le prix d'achat à prendre en compte est le prix net porté sur la facture, déduction faite des remises, rabais ou autres ristournes;

Qu'il y a présomption que le prix porté à la facture d'achat est le prix effectif ;

Qu'en l'espèce la société Y a facturé au [magasin X] 120 bouteilles de champagne au prix unitaire de 97,65 F HT représentant un montant total à payer de 14 13191 F TTC ; qu'elle lui a consenti, parallèlement, par une deuxième facture, un " avoir " d'un montant de 1 107,1 1 F TTC au titre des frais de participation publicitaire, qui a permis de ramener le prix d'achat effectif unitaire par le [magasin X] à 90 F HT au lieu de 97,65 F HT ;

Qu'elle soutient que le prix de revente pratiqué doit être apprécié en tenant compte de cet avoir, selon elle imputable sur le prix porté sur la facture d'achat, au titre d'un accord commercial portant sur sa participation à une opération de promotion publicitaire au bénéfice de son client ;

Qu'elle ne produit, toutefois, aucun document ou accord écrit précisant clairement les services rendus et la finalité réelle de l'avoir consenti susceptibles de justifier de l'abaissement du prix de revente au-dessous du prix d'achat effectif auprès de la société Laurent Perrier;

Que cet " avoir ", hors facture d'achat, soi-disant destiné à financer la campagne publicitaire d'un distributeur, alors que ce type de service est toujours effectué par le distributeur au profit du fournisseur et non l'inverse, ne saurait être assimilé, en l'espèce, à une remise, ristourne ou rabais, nécessairement porté sur la facture de vente, mais constitue une réduction déguisée destinée uniquement à être imputée sur le prix de vente;

Qu'ainsi la société s'est rendue coupable du délit de revente de marchandises à perte visé à la prévention;

Que la décision attaquée sera en conséquence infirmée;

Sur la peine

Attendu qu'une amende d'un montant de 10 000 F, sera la juste sanction de l'infraction commise, la prévenue n'ayant pas d'antécédents judiciaires en la matière;

Sur l'action civile

Attendu que la partie civile réclame la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour atteinte à son image de marque;

Que cette atteinte sera équitablement réparée par la somme de 1 107,11 F correspondant au montant de l'avoir consenti par la prévenue et qui lui a permis de ramener son prix de revente au Centre Leclerc en dessous de son prix d'achat effectif à la partie civile;

Qu'il n'y a pas lieu, compte tenu de la faible ampleur du litige commercial, d'ordonner la publication de la présente décision;

Qu'il apparaît équitable de condamner la prévenue à lui payer la somme de 3 000 F au titre des frais non recouvrables exposés par elle en cause d'appel;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'encontre de la société Y et les sociétés Champagne Laurent Perrier et Laurent Perrier Diffusion, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, Reçoit les appels formés par la partie civile et par le Ministère Public, Au fonde, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau ; Condamne la prévenue à la peine de 10 000 F d'amende ; Sur l'action civile, La condamne à payer à la partie civile la somme de 1.107,11 F à titre de dommages-intérêts ; La somme de trois mille francs par application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale.