Conseil Conc., 17 septembre 1996, n° 96-D-53
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Decision
Pratiques relevées dans le secteur de l'exploitation des taxis à Cannes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Loïc Guérin, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-presidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permunente),
Vu la lettre enregistrée le 11 junvier 1995 sous le numéro F 736, par laquelle M. Laporte a saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques mises en œuvre par la société unonyme coopérative Allô Taxi ; Vu la lettre enregistrée le 21 février 1996 sous le numéro F 847, par laquelle le ministre délégué aux finunces et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur des taxis à Cannes ; Vu I'ordonnance n° 86-1243 du lot décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n" 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les lettres du président du Conseil de la concurrence en date du 28 juin 1996 notifiunt aux parties intéressées et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter ces affaires devant la commission permunente, conformément aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu la décision a° 95-MC-03 du 7 mars 1995 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par M. Laporte ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement, la société Allô Taxi et M. Laporte ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et la société Allô Taxi entendus, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le dispositif encadrant l'exercice de la profession d'exploitant de taxi et de transporteur public
1. Le cadre général
L'industrie du taxi est soumise à une réglementation concernant notamment les conditions d'exercice de la profession et la tarification des services rendus.
L'article 1er de la loi n° 95-66 du 20 junvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, reprenunt la définition du décret n° 73-225 du 2 mars 1973, qualifie de taxi : " Tout véhicule automobile de neuf places assises au plus, y compris celle du chauffeur, muni d'équipements spéciaux, dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de clientèle, afin d'effectuer à la demande de celle-ci et à titre onéreux le transport particulier des personnes et de leurs bagages."
Les taxis doivent être distingués, d'une part, des voitures dites de "remise" qui sont conduites par leur propriétaire ou son préposé et mises à la disposition des clients selon des dispositions fixées à l'avunce entre les parties et, d'autre part, des services occasionnels de transport routier non urbain de personnes.
L'accès à la profession d'exploitant de taxi est subordonné à une condition de compétence sanctionnée par un certificat de capacité professionnelle et à la détention d'une autorisation de stationnement sur la voie publique. Les autorisations de stationnement sont délivrées par le maire qui en détermine le nombre et délimite sur le territoire de sa commune les zones de prise en charge des clients. Une entreprise de taxi peut détenir plusieurs autorisations et les exploiter par préposé. Ces autorisations sont cessibles à titre onéreux, le titulaire présentunt son successeur à l'autorité administrative qui agrée la mutation après consultation éventuelle de la commission communale ou départementale des taxis et voitures de petite remise.
Le dispositif régissant l'accès à la profession d'exploitant de voitures de remise n'impose aux titulaires des autorisations d'activité, délivrées par le représentant de l'Etat dans le département, que des conditions de compétence et de moralité. II en est de même des exploitants de services occasionnels dont les autorisations d'activité ne peuvent être refusées par le représentant de l'Etat dans le département que s'il est démontré que les besoins du marché des services occasionnels sont satisfaits ou que les services réguliers sont suffisants (art. 29 de la loi n° 82-1153 d'orientation des trunsports du 30 décembre 1982, dite LOTI).
Au nom de considérations tirées de la commodité des usagers et de la sécurité de la circulation sur les voies publiques, le dispositif législatif et réglementaire en vigueur confère aux maires des communes de plus de 20 000 habitants le pouvoir de réglementer, compte tenu des circonstunces locales, I'organisation et l'exercice de la profession de taxi. Les taxis doivent être obligatoirement munis d'un compteur horokilométrique, d'un dispositif extérieur, lumineux la nuit, portunt la mention taxi, et les indications, visibles de l'extérieur, de la commune ou de l'ensemble des communes d'attachement, ainsi que du numéro d'autorisation de stationnement. Ils ne peuvent stationner et éventuellement charger des clients que dans les zones prévues à cet effet sur le territoire des communes d'attachement.
A la différence des taxis, les voitures de remise ne peuvent stationner sur la voie publique en vue de charger des clients que si elles ont fait l'objet d'une location préalable au bureau de l'entreprise. Elles ne peuvent être louées à la place et ne comportent pas, sauf dérogation fixée par arrêté préfectoral, de compteur horokilométrique. Les voitures dites de grande remise doivent comporter cinq places au moins et sept places au plus pour les passagers ; elles doivent être " d'un type récent et offrir aux passagers les conditions de confort et les aménagements intérieurs, la puissunce et la rapidité réclamés par la clientèle internationale ". Ces véhicules doivent être munis d'une plaque distinctive "délivrée par le préfet ".
Le régime applicable aux services occasionnels conduit à distinguer selon les termes du décret n° 85-891 du 16 août 1985 les "circuits à la place... services dont chaque place est vendue séparément et qui ramènent, sauf dispositions particulières, à leur point de départ ", des "services collectifs qui comportent la mise d'un véhicule à disposition exclusive d'un groupe d'au moins dix personnes ". Les services occasionnels se caractérisent donc, entre autres, par l'obligation imposée au transporteur de reconduire les passagers à leur point de départ et par l'interdiction de trunsporter des personnes seules.
Les différentes catégories de transporteurs se distinguent également par le régime de prix applicable à leur activité.
Par dérogation aux règles générales applicables en matière de concurrence et sur le fondement de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les tarifs des courses de taxi sont réglementés. Le Conseil de la concurrence, dans l'avis n° 87-A-0l du 18 mars 1987 relatif à la réglementation des courses de taxi, avait considéré que l'industrie du taxi "constitue un service d'intérêt collectif utilisunt la voie publique et que, par suite, les dispositions législatives et réglementaires habilitant les maires et les préfets à prendre toutes mesures relatives à son organisation et à son exercice " font obstacle à ce que puisse être débattu sur la voie publique le prix de chaque course ". Le décret n° 87-238 du 6 avril 1987 a défini les différentes composantes à retenir pour fixer le prix des courses compte tenu de la distunce parcourue et du temps de transport : prise en charge, prix du kilomètre, période d'attente commandée par le client ou de marche ralentie du véhicule. Des majorations sont prévues qui tiennent compte, par exemple pour le prix du kilomètre, de courses effectuées de nuit ou qui imposent un retour à vide. En application de ce texte, le ministre chargé de l'économie fixe chaque unnée l'augmentation du prix d'une course type ; une délégation est donnée au préfet pour fixer les prix maximaux que les taxis peuvent appliquer dans le département. Le non-respect de ce dispositif constitue une infraction aux textes pris en application de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qualifiée de pratique de prix illicite.
Les exploitants de voitures de remise et les transporteurs occasionnels définissent librement leurs prix.
2. Le régime applicable aux taxis de la ville de Cannes
En application des articles L. 131-1, L. 131-2, L. 131-4 et L. 131-13 du Code des communes alors en vigueur ainsi que, notamment, du décret du 2 mars 1973, le maire de Cannes a fixé le nombre de taxis admis à être exploités, attribué les autorisations de stationnement, délimité les zones de prise en charge et défini les modalités d'exploitation des taxis sur le territoire de la commune par arrêté municipal du 30 décembre 1986, modifié par l'arrêté du 1er février 1994.
S'agissant des modalités de stationnement sur la voie publique :
L'arrêté municipal du 30 décembre 1986 modifié a fixé le nombre d'autorisations de stationnement à 155. Ces autorisations, dites "numéro de place ", sont cessibles ; les bénéficiaires d'un transfert doivent remplir les conditions prévues à l'article 9 du même texte qui concernent leur compétence professionnelle et leur moralité. L'article 5 de l'arrêté du 30 décembre 1986 modifié prévoit que la commission communale des taxis et voitures de petite remise doit être consultée sur le projet de transfert d'une autorisation.
Conformément à l'article 3 du décret du 3 mars 1973, le maire orgunise le stationnement des taxis sur le territoire de sa commune. Le régime applicable à la ville de Cannes est précisé par l'arrêté du 30 décembre 1986 modifié, qui dispose notamment que :
" En raison de la densité de la circulation en ville et du fait qu'il est matériellement impossible de faire stationner tous les jours les 155 numéros concédés, il est constitué, par les soins de l'organisation syndicale, en accord avec l'administration municipale, deux équipes A et B" (art. 22) ;
" Des stations, qui seront désignées selon les saisons par l'administration municipale en accord avec la Chambre syndicale des patrons taxis, seront occupées par des chauffeurs désignés à tour de rôle pendunt leurs jours de repos... lorsque le besoin se fera sentir, l'administration municipale pourra autoriser une partie de l'équipe de repos à sortir, sur proposition de la Chambre syndicale des patrons taxis de la ville de Cannes" (art. 23) ;
" Les chauffeurs seront inscrits aux stations par les soins de l'organisation syndicale ; et prendront place suivunt l'ordre de leur inscription... Tout chauffeur commençunt la journée à une autre place que celle où il est inscrit perdra sa place à cette dernière station qu'il ait ou non pris une course" (art. 24).
S'agissant des modalités de prise en charge des clients :
L'arrêté municipal du 30 décembre 1986 modifié contient plusieurs dispositions précisunt les modalités de prise en charge des clients. Il en est ainsi de l'article 27, qui dispose que : "Dans un but d'ordre public et de juste concurrence, un conducteur ne devra pas répondre à un appel adressé chez lui par des voituriers, concierges ou autres personnels." L'article 28 modifié prévoit en corollaire qu'il est "interdit de venir charger directement aux hôtels ou à leurs dépendances ", cependant que l'article 29 précise : " le chauffeur qui aura été commandé par un client d'un hôtel pourra le prendre en charge en avisant les taxis de la station la plus proche ".
L'article 32 du même arrêté interdit "de recruter des voyageurs de quelque façon que ce soit et de parcourir la voie publique au ralenti en faisant exécuter au véhicule un va-et-vient ".
Les prises en charge doivent donc être effectuées soit en station, soit au domicile des clients ou après avoir avisé les taxis présents à la station la plus proche.
B. - L'exercice de la profession d'exploitant de taxi à Cannes
148 des 155 autorisations de stationnement sont exploitées sur le territoire de la ville de Cannes.
M. Courty, responsable de la société Allô Taxi, considère que : "En ce qui concerne l'origine des demandes de courses qui parviennent au central, la grande majorité, soit environ 95 p. 100, proviennent de clients se trouvunt sur Cannes ou dans les alentours immédiats. Il en est de même en ce qui concerne les courses pour l'aéroport de Nice." Par ailleurs, il ressort d'une note rédigée par M. Marie, ingénieur en chef du service de la circulation de la ville de Cannes, que la station de la gare de Cannes "représentait quantitativement 50 p. 100 de l'offre de transport en taxi du centre ville ".
La répartition de l'activité dans le temps est marquée par une assez forte saisonnalité résultunt en particulier de l'existence de festivals, tel le " MIDEM ", auquel succède le festival du cinéma. Enfin, s'agissant des modalités de prise en charge des clients, il résulte des déclarations d'exploitants de taxis cannois, consignées par procès-verbal du 3 juillet 1995, que : " le chiffre d'affaires représenté par les appels en station avant la suppression des appareils représentait environ 30 p. 100 du chiffre d'affaires pour les courses de jour, mais également 80 p. 100 pour les courses de nuit. "
Deux syndicats professionnels se partagent les suffrages des exploitants de taxis de la ville de Cannes : la Chambre syndicale des patrons taxis-autos de Cannes (134 adhérents) et la Fédération nationale des taxis indépendants (8 adhérents). Ces deux syndicats s'opposent sur la question de la centralisation des appels téléphoniques émunant de la clientèle.
En 1995, la société Allô Taxi comptait 145 adhérents sur les 148 exploitants de taxis cannois en activité. Seuls n'y participaient pas : M. Allemandi, président de la Fédération nationale des transporteurs indépendants (FNTL), Mme Mellano et enfin M. Laporte, dont la demande d'adhésion à la société Allô Taxi a été refusée dans des conditions qui ont conduit cet exploitant à saisir le Conseil de la concurrence.
La société Allô Taxi, sise 103, rue Georges-Clemenceau, à Cannes, est une société coopérative artisunale à capital variable constituée le 21 décembre 1992 et dont l'objet social est de faciliter l'exercice de l'activité professionnelle de ses membres, notamment par la mise en place d'un standard radio permettant de centraliser les appels des clients et de les distribuer aux membres associés.
Le standard radioteléphonique envisagé dans les statuts fonctionne depuis le mois de mars 1994 et a été officiellement inauguré en mai 1994. La ville de Cannes a été divisée en zones géographiques auxquelles ont été attribués des numéros de code, à l'instar de certaines destinations hors du territoire communal ; chaque voiture est équipée d'un poste mobile informunt le "central" de sa situation et de sa localisation. Lorsqu'un client appelle le numéro du standard, une opératrice saisit les coordonnées de prise en charge sur l'ordinateur gestionnaire du système, qui attribue alors la course au taxi libre le plus proche. Le principe de base de fonctionnement adopté dans le cahier des charges est celui de " l'égalité absolue devant l'attribution des courses pour tous les coopérateurs ". Le système diminue le temps d'attente du consommateur, peut minorer le trajet précédant la prise en charge physique et permet une meilleure adaptation de l'offre à la demande.
Jusqu'au mois d'avril 1994, la ville de Cannes a supporté les frais de maintenance et d'abonnement de douze points d'appel téléphonique placés en tête de station. Lors d'une réunion en date du 31 mars 1994, la Chambre syndicale des patrons taxis-autos de la ville de Cannes et la société Allô Taxi ont sollicité la suppression des numéros d'appel direct des bornes placées en station. Cette requête fut confirmée par lettre du 11 avril 1994 de la Chambre syndicale adressée à l'ingénieur en chef de la circulation de la ville de Cannes, lui demandant : "d'intervenir sans délai auprès des Telecom pour supprimer toute possibilité d'appel aux bornes téléphoniques avec renvoi sur le numéro du C.T.T. (central téléphonique des taxis) mis en place par la société Allô Taxi. Cette demande soulignait l'opportunité de tester, pendunt le salon "MIP TV ", l'efficacité du système de centralisation des appels téléphoniques récemment mis en place, référence étunt faite au fait que " plusieurs combines téléphoniques ont disparu des bornes d'appel dés la mise en service de ce central ", ce qui empêchait les clients de passer des commandes par cette voie. A cet égard, il ressort des témoignages d'exploitants de taxis consignés par procès-verbal du 3 juillet 1995 que M. Courty, responsable de la société Allô Taxi, aurait débranché et emporté le combine téléphonique placé sur la borne de la station de taxis de la gare.
Accédant à la requête qui lui était présentée, le service "Energie" de la mairie de Cannes pria "Frunce Télécom Nice", par télécopie du 14 avril 1994, de procéder à : "la suppression de chacun des numéros d'appel attribués aux stations téléphoniques situées sur le territoire de la commune de Cannes. Un disque devra automatiquement informer les usagers du numéro d'appel du central téléphonique... ". Le numéro de la station de la gare devait être place sur "liste rouge" afin de pallier la déficience éventuelle du central.
Un constat d'huissier effectué le 22 avril 1994 à la requête de MM. Allemundi et Laporte atteste qu'à cette date le transfert d'appel avait été réalisé par Frunce Télécom pour dix stations, que le numéro de la station de la gare était connecté à un répondeur vocal indiquunt " qu'il n'est pas en service ", que le service des renseignements téléphoniques renvoyait, s'agissant de ce même numéro, au standard de la société Allô Taxi, et qu'enfin, l'appel adressé au numéro de la station de l'aéroport était réorienté vers le numéro du même standard.
C. - Les pratiques constatées
1. Les relations entre M. Laporte et la société Allô Taxi
Par compromis de vente date du 21 juin 1993, M. Bouchet s'est engagé à céder à M. Laporte l'autorisation de stationnement délivrée par la commune de Cannes dont il était titulaire. Ledit transfert était entériné par arrêté municipal en date du 3 mars 1994, malgré l'avis contraire de la Chambre syndicale des patrons taxis-autos, après modification de l'arrêté municipal du 30 décembre 1986, dont l'article 9 subordonnait l'octroi de l'autorisation municipale à "l'avis favorable" de ce syndicat.
Le 25 février 1994, M. Laporte sollicitait de la société Allô Taxi la communication des conditions d'adhésion ; cette demande était complétée le 21 mars 1994 - le transfert d'autorisation ayunt été prononcé par arrêté du 3 mars 1994 - par une requête aux fins d'admission formulée en son nom par Me Monet, avocat, et à laquelle était joint l'arrêté municipal.
Le 14 avril 1994, la société Allô Taxi accusait réception du courrier de M. Laporte et lui demundait de "justifier être titulaire d'une licence de taxi ". le 17 avril 1994, M. Laporte réitérait sa demande, confirmée le 18 du même mois, puis le 29 mai 1995. Le 26 juillet 1995 était adressée à la société Allô Taxi une dernière requête à laquelle était jointe copie de " la licence d'exploitation ", en fait le " livret de circulation et de stationnement " délivré à M. Laporte par les services de la ville de Cannes en octobre 1994. Ces requêtes restèrent sans réponse.
Selon une note signée de M. Cros, vice-président de la société Allô Taxi, les difficultés croissuntes des exploitants de taxi de la ville de Cannes s'expliquent par : "le développement et la prolifération des transporteurs occasionnels (dits loi LOTI) qui, pour certains, exercent dans l'esprit de cette loi, d'autres s'intercalent entre les taxis et les voitures de grande remise et tirent l'essentiel de leur activité de transfert à l'aéroport de Nice au mépris de la loi n'ayunt qu'une personne à leur bord. Ces transporteurs profitent de leur liberté de prix pour, selon la saison et l'opportunité, tarifer leurs services soit au prix du taxi, soit au prix de la grande remise en haute saison. Il est à noter la prolifération de ces autorisations. Certains taxis ont fait cette demande et ont bénéficié d'une autorisation. Cette manœuvre aurait pu aboutir à convertir l'ensemble de la profession à se trunsformer en loi LOTI. Je n'y vois aucun avantage pour l'usager. Trois taxis ont vendu leur licence Cannes et se sont mis loi LOTI. M. Bouchet, auquel a succédé M. Laporte, voulait entrer dans la coopérative, ce que nous avons refusé de crainte de voir nos taxis cannois vendre leur licence et se mettre en loi LOTI ".
Le 9 junvier 1995, M. Laporte saisissait le Conseil de la concurrence sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et sollicitait l'octroi de mesures conservatoires. Cette demande était rejetée par décision du 7 mars 1995.
Par arrêt du 26 juin 1996 rendu sur appel d'une ordonnance de référé du 6 juillet 1994 du président du Tribunal de grande instunce de Grasse, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence enjoignait à la société Allô Taxi de " prendre position conformément à l'article 10 de ses statuts sur l'agrément de M. Laporte et de lui signifier sa réponse dans les deux mois ".
Le 9 août 1996, le conseil d'administration de la société Allô Taxi donnait un avis favorable à I'adhésion de M. Laporte.
2. Les statuts et le règlement intérieur de la société Allô Taxi
L'article 3, alinéa 4, du règlement intérieur de la société dispose : "Il est interdit à tout membre associé de posséder et d'utiliser tout moyen de communication autre que ce radiotéléphone agréé par la coopérative sous peine d'exclusion définitive." M. Courty, président-directeur général de la société Allô Taxi, justifie ces dispositions par le fait que : "la mise en place du central vise à centraliser tous les appels et à les répartir, donc il ne faut pas que les taxis puissent recevoir des appels de clients privés ou d'hôtels moyennant commission ".
L'article 8 du règlement intérieur fixe les règles disciplinaires et les sanctions applicables en cas de manquement. Peut ainsi entraîner une sanction allant de la suspension de distribution de courses pour une période déterminée à l'exclusion : "le non-respect de l'interdiction de charger à un hôtel ou une résidence hôtelière non desservie par une station sans être passé par le standard."
L'article 2 A du règlement intérieur, adopté par l'assemblée générale de la société Allô Taxi du 11 décembre 1993, dispose que : " Tout chauffeur de taxi utilisunt dans son véhicule un téléphone ou un moyen de communication privé se verra interdire, ainsi que ses successeurs, l'entrée de la coopérative. "
Les raisons d'une telle interdiction sont explicitées dans une note émunant de la société Allô Taxi : "L'usage du téléphone privé (portable) dans la profession de taxi ne va pas dans l'intérêt du consommateur, car il permet au taxi de choisur ses courses et ses clients au détriment des petites courses, ou des courses situées dans un quartier ou un autre souvent embouteillés. Nous recevons régulièrement des appels de taxis de la périphérie qui se débarrassent anonymement de leurs courses non intéressantes. Cet usage permet et facilite l'usage de commissions auprès des intermédiaires (concierges, cabinet médical, etc...), ce qui génère une situation conflictuelle entre taxis."
Cette disposition a eu pour conséquence de provoquer l'adhésion à la société Allô Taxi de plusieurs exploitants de taxi. Par procès-verbal du 3 juillet 1995, huit exploitants de taxi cannois ont ainsi déclaré que : " Bien que défavorables à la mise en place du standard, ils (avaient) été amenés à y adhérer pour les deux raisons essentielles suivuntes :
les responsables de la coopérative, dont M. Nam, son président de l'époque, ont dit qu'ils devaient adhérer à la coopérative sinon ils ne pourraient céder leurs licences et que leurs successeurs ne pourraient entrer dans la coopérative ;
avec la suppression des bornes d'appel en station, ils ont été obligés d'adhérer au standard car sinon ils n'auraient plus pu travailler normalement. En plus, le chiffre d'affaires représenté par les appels en station représentait environ 30p. 100 du chiffre d'affaires d'un taxi pour les courses de jour mais également 80p. 100 pour les courses de nuit."
Ces mêmes dispositions conduisirent également M. Laporte à s'interdire l'utilisation de moyens radioteléphoniques : "Je ne veux pas installer de téléphone privé dans mon véhicule pour recevoir des demandes directes de course car je crains que la corporation ne prenne prétexte de cette installation de téléphone privé dans mon véhicule pour refuser mon adhésion au central en s'appuyant sur l'interdiction de moyen de communication privé figurant au règlement intérieur."
Ces mêmes dispositions sont complétées par une clause encadrant les modalités d'activité des anciens membres contenue à l'article 12 des statuts de la société Allô Taxi : " Tout membre associé se retirunt ou étunt exclu de la société ne pourra exercer la profession de transport de personnes dans un rayon de 50 kilomètres autour de Cannes durunt une période de trois uns, en utilisant un téléphone, un radiotéléphone ou tout autre moyen de liaison radioélectrique. Toutefois, le démissionnaire ou l'exclu conservera la possibilité de poursuivre la profession de taxi."
3. L'élaboration de prix forfaitaires
La société Allô Taxi a négocié avec certains clients ou apporteurs d'affaires des forfaits correspondant aux prix de courses courantes. la système mis en place et les niveaux de prix différent suivant que le demandeur est un particulier ou un "demandeur institutionnel ", hôtel ou orgunisateur de congrès.
Les "bons de transport indicatifs" concernent des courses déterminées (Cannes/aéroport de Nice, hôtelipalais des festivals...) qui seront réglées par les clients ; ils sont proposés aux hôtels qui les remettent à leurs clients. le bon est ensuite remis par le client au taxi et sert de base à la facturation. Pour une course Cannes/aéroport de Nice, le forfait était de 350 F en juin 1995.
La société Allô Taxi propose également des forfaits appelés "accords de pacquage". Ils font l'objet d'accords, généralement verbaux, mais une lettre adressée par la société Allô Taxi à l'hôtel Sofitel Méditerranée atteste d'une formalisation ponctuelle se traduisunt par un prix de course de 300 F pour un aller ou retour Cannes/aéroport de Nice ; cette somme est à comparer aux 350 F facturés aux organisateurs de congrès et 330 F facturés aux organisateurs de croisières pour la même course. Pour les responsables de la société Allô Taxi, ces prix "fixés à un niveau raisonnable forfaitaire permettent d'éviter qu'un même client ne paie des prix différents pour un même trajet ".
Les "chèques taxis" sont destinés aux responsables d'hôtels ou aux organisateurs de congrès, clients ou pourvoyeurs réguliers, qui souhaitent offrir une course. Tel que décrit par les responsables de la société Allô Taxi, le mécunisme consiste pour l'hôtelier ou l'orgunisateur à remettre à l'utilisateur du véhicule un "cheque" d'une valeur variable qui pourra être utilisé en paiement de la course dont le prix peut par ailleurs avoir fait l'objet d'un accord préalable entre la société Allô Taxi et son partenaire. D'après les allégations de cette société, "les prix de ces courses, quelques que soient les conditions de circulation, sont toujours inférieurs aux prix compteurs ". Ces chèques sont ensuite présentés par la société Allô Taxi à celui qui les a offerts, pour remboursement. L'avantage tarifaire se double d'une priorité de traitement des courses, consentie en échunge d'une renonciation à faire appel à la concurrence des transporteurs occasionnels.
Enfin, s'agissant des relations directes avec les particuliers, un document dénommé "Les circuits touristiques" montre que la société Allô Taxi développe une activité de visites touristiques qui se rapproche de l'activité de transporteur occasionnel. Ce document, qui propose par ailleurs des "prix indicatifs" sur des destinations plus traditionnelles, par exemple vers l'aéroport de Nice, fait référence à une tarification horokilométrique : "la montunt de la course doit obligatoirement apparaître au compteur horokilometrique."
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL
Sur la procédure :
Considérant que les saisines enregistrées sous les numéros F 736 et F 847 portunt sur des pratiques relatives à l'exploitation des taxis à Cannes et, plus particulièrement, sur les pratiques de la société Allô Taxi ; qu'il y a donc lieu de les joindre ;
Sur les pratiques relevées :
Considérant que l'association d'entreprises indépendantes au sein d'une société anonyme coopérative créée en vue d'améliorer les conditions d'exploitation des associés ne constitue pas en soi une entente prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, toutefois, le recours à une telle structure ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions lorsqu'il est établi qu'elle a été utilisée pour mettre en œuvre des pratiques concertées ayunt pour objet ou pouvunt avoir pour effet de limiter le libre exercice de la concurrence ;
En ce qui concerne la demande d'adhésion de M. Laporte :
Considérant que le régime d'admission de nouveaux membres au sein de la société Allô Taxi est régi par l'article 10 des statuts, qui dispose : "Seuls peuvent être membres associés de la coopérative les artisans taxis propriétaires d'une licence de taxi délivrée par la ville de Cannes et qui seront admis conformément aux dispositions de l'article 11 " ; que M. Laporte s'est conformé par lettre datée du 26 juillet 1995 à l'obligation formelle de communication de sa "licence de taxi ", dont il était détenteur depuis le mois d'octobre 1994 ; que, pour autunt, l'examen de sa cundidature n'a été effectué par le conseil d'administration de la société Allô Taxi que le 9 août 1996, après qu'un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a enjoint à cette société de "prendre position conformément à l'article 10 de ses statuts sur l'agrément..." ;
Considérant que, selon une note du vice-président de la société Allô Taxi, il "convenait d'éviter le développement et la prolifération des transporteurs occasionnels (dits loi LOTI) ; que, toujours selon cette même note, "M. Bouchet, auquel a succédé M. Laporte, voulait entrer dans la coopérative, ce [qui a été] refusé par crainte de voir nos taxis cannois vendre leurs licences et se mettre en loi LOTI ;
Considérant qu'il résulte de ces déclarations que la société Allô Taxi avait pour objectif, en écartant la cundidature de M. Laporte et en l'empêchant ainsi d'accéder au standard téléphonique dont elle assure la gestion, de décourager le rachat d'autorisations de stationnement d'exploitants de taxi ayunt quitté la profession pour poursuivre une activité de transporteur occasionnel ; que la société Allô Taxi visait, par la, à empêcher le développement d'une offre de transports occasionnels concurrente de celle des exploitants de taxi ; qu'une telle pratique, qui avait pour objet et a pu avoir pour effet de limiter l'accès au marché et le libre jeu de la concurrence, est prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne les statuts et le règlement intérieur de la société Allô Taxi :
Considérant, en premier lieu, que l'article 3, alinéa 4, du règlement intérieur de la société Allô Taxi dispose : "Il est interdit à tout membre associé de posséder ou d'utiliser tout moyen de communication autre que le radiotéléphone agréé par la coopérative sous peine d'exclusion définitive" ; qu'aux termes de l'article 8, alinéa 3, de ce même règlement est sanctionné le "non-respect de l'interdiction de charger à un hôtel ou à une résidence hôtelière non desservie par une station de taxi sans être passé par le standard" ;
Considérant que l'arrêté du 30 décembre 1986 relatif à l'exploitation des taxis de la ville de Cannes dispose en son article 27 que : "Dans un but d'ordre public et de juste concurrence un conducteur ne devra pas répondre à un appel adressé à lui par des concierges, voituriers ou autres personnels. Les appels devront être adressés aux stations" ; qu'en corollaire l'article 28 du même texte précise : "II est interdit de venir charger des voyageurs aux hôtels devant lesquels se trouve une station sans être passé par la station..." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un exploitant de taxi contacté directement à son domicile ne pourra licitement effectuer une course que dans la mesure où l'appel lui a été adressé par un client depuis son domicile ou depuis un hôtel non desservi par une station ;
Considérant que ces interdictions sont énoncées dans le contexte d'un marché où, d'une part, sur les 148 taxis activité, 145 adhérent à la société Allô Taxi et où, d'autre part, cette société bénéficie d'une réorientation des appels téléphoniques adressés aux unciennes bornes de tête de station alors qu'une part importante des recettes d'un exploitant de taxi est générée par des commandes téléphoniques ; qu'en conséquence "l'interdiction de charger à un hôtel ou une résidence hôtelière non desservie par une station sans être passé par le standard" énoncée à 1'article 8, alinéa 3, du règlement intérieur, qui interdit toute communde directe par un client, et l'interdiction de détention de moyens de télécommunication autres que ceux agréés par la société Allô Taxi énoncée à l'article 3, alinéa 4, du même texte, qui supprime la possibilité pour les exploitants d'être contactés directement dans leurs véhicules, conduisent à entraver la liberté commerciale des associés en les empêchunt de se constituer une clientèle propre;
Considérant que, d'une part, la société Allô Taxi fait valoir que l'article 3, alinéa 4, du règlement intérieur doit s'interpréter comme visunt à empêcher "les taxis [de] recevoir des appels de clients privés ou d'hôtels moyennant commission" ; que, d'autre part, s'agissant de l'article 8, alinéa 3, la société Allô Taxi soutient que cet article "est peut-être mal libellé ce qui cause une mauvaise interprétation du règlement intérieur ; en effet, quand nous disons sans être passé par le standard, il faut comprendre sans en avoir averti le standard" ; que, toujours selon les mêmes observations, la société Allô Taxi n'interdit "nullement les réservations aux hôtels aux coopérateurs associés (mais demande) tout simplement qu'ils veulent bien au préalable en avertir le standard, cela pour deux raisons : 1° lui protéger sa course, en effet le client au dernier moment peut chunger I'horaire de la course... la seule chose possible dans ce cas-là serait d'envoyer un autre taxi et le taxi réservé se dérungerait inutilement ; 2° ... éviter un choix préférentiel d'un taxi qui serait établi sur la base d'un commissionnement hotelier, cela ne pouvunt être qu'au détriment de la clientèle sur le plan tarifaire" ;
Mais considérunt que <sfc>l'interdiction de détention de moyens de télécommunication personnels imposés aux exploitants de taxi adhérents de la société Allô Taxi (art. 3, al. 4) les empêche de recevoir une communde directe effectuée par un client depuis son domicile et donc de se constituer une clientèle propre ; que l'expression "passer par le standard" doit être unalysée à la lumière de l'arrêté municipal du 30 décembre 1986 qui prévoit que les exploitants de taxi doivent " être passés" par la station et ne saurait s'interpréter, eu égard à l'interdiction de détention de moyens de télécommunication personnels par ailleurs énoncée, que comme l'obligation de ne prendre en charge que les courses demundées par l'intermédiaire du standard téléphonique de la société Allô Taxi ; qu'enfin même si la société Allô Taxi pouvait légitimement chercher à éviter le commissionnement de ses adhérents, elle ne saurait pour atteindre un tel objectif mettre en œuvre une pratique de nature à restreindre le jeu de la concurrence sur un marché ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles 3, alinéa 4, et 8, alinéa 3, du règlement intérieur de la société Allô Taxi, qui ont pour objet et ont pu avoir pour effet d'empêcher le libre jeu de la concurrence entre les exploitants de taxi adhérents à la société Allô Taxi, sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1°' décembre 1986;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 2 A du règlement intérieur de la société Allô Taxi dispose : "Tout chauffeur de taxi utilisunt dans son véhicule un téléphone ou un moyen de communication privé se verra interdire, ainsi que ses successeurs, l'entrée de la coopérative;
Considérant que cette disposition empêche l'utilisation d'un radiotéléphone par un exploitant de taxi non adhérent, alors qu'un tel moyen de communication est indispensable à l'exercice de l'activité de taxi dans un contexte où jusqu'à 80 p. 100 des recettes peuvent résulter de commandes téléphoniques et où, de plus, la société Allô Taxi bénéficie de la dérivation des appels téléphoniques adressés aux unciennes bornes de tête de stations; qu'une telle clause vise à décourager la constitution d'une clientèle propre par un exploitant non adhérent en lui faisant prendre, en outre, le risque d'une dévalorisation de son autorisation de stationnement des lors que son successeur ne pourra bénéficier du service du standard téléphonique de la société Allô Taxi ; que cette disposition a eu pour conséquence de provoquer l'entrée dans la société coopérative de plusieurs exploitants de taxi qui ont ainsi déclaré, par procès-verbal du 3 juillet 1995, avoir adhéré par crainte de ne pouvoir "céder leur licence" dans la mesure où leurs "successeurs ne pourraient entrer dans la coopérative " ; qu'une telle pratique qui a pour objet et pour effet de limiter le jeu de la concurrence en limitunt l'accès au marché est prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 12, alinéa 4, des statuts de la société Allô Taxi dispose : "Tout membre associé se retirant ou étunt exclu de la société ne pourra exercer la profession de transport de personnes dans un rayon de 50 kilomètres autour de Cannes durunt une période de trois uns, en utilisant un téléphone, un radiotéléphone ou tout autre moyen de liaison radioélectrique. Toutefois, le démissionnaire ou l'exclu conservera la possibilité de poursuivre la profession de taxi ;
Considérant que l'interdiction d'utilisation de moyens de télécommunication dans un rayon de 50 kilomètres autour de la ville de Cannes pendant une durée de trois ans qui s'impose à tout uncien associé n'apparaît pas justifiée, eu égard tant au savoir-faire nécessaire pour l'exercice de la profession d'exploitant de taxi qu'aux modalités de fonctionnement de la société, qui, par les différentes prohibitions et obligations imposées aux adhérents, empêchent la constitution d'une clientèle propre ; que la durée de l'interdiction d'utilisation de moyens de télécommunication de trois uns et l'étendue de la zone géographique d'exclusion sont excessives par rapport à la nature et aux conditions d'exercice de l'activité ;
Considérant que ces dispositions, qui empêchent le développement de la concurrence tunt des transporteurs occasionnels que des exploitants ayunt choisi d'exercer la profession de taxi sans adhérer à la société Allô Taxi, ont pour objet et peuvent avoir pour effet de limiter l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence ; qu'elles constituent, par suite, une pratique prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société Allô Taxi a élaboré des prix de course forfaitaires, "bons de transport indicatifs ", "accords de pacquage ", "chèques taxis ", en accord avec certains dirigeunts d'hôtels ou apporteurs d'affaires ; que cette société estime que ces forfaits constituent un avantage pour le consommateur dans la mesure où, d'une part, ils sont inférieurs aux maximaux licites et où, d'autre part, ils réduisent le caractère incertain du prix de la course lié aux aléas de circulation ;
Considérant que l'élaboration de prix forfaitaires applicables à certaines courses ne constitue pas en soi une pratique de nature unticoncurrentielle ; qu'en l'espèce, il n'a pas été établi que les prix forfaitaires proposés par la société Allô Taxi aient revêtu un caractère autre qu'indicatif, ni qu'ils aient été supérieurs aux prix affichés au compteur horokilométrique pour les mêmes courses, dont, en tout état de cause le client final pourrait toujours se prévaloir ; que si l'article 8 du règlement intérieur sanctionne " le non-respect des tarifs ", il n'a pas été démontré que ces dispositions s'appliquaient aux forfaits proposes par la société Allô Taxi et qu'elles leur auraient donné le caractère de prix minimaux imposés, entravent la liberté commerciale des adhérents ; que, dès lors, il n'est pas établi que l'élaboration et la mise en œuvre de forfaits pour certaines courses par la société Allô Taxi aient pu faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché et constituent des pratiques prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les sanctions :
Considérant qu'aux termes de I'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importunce du dommage cause à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'orgunisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en Frunce au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs" ; qu'aux termes de I'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "la commission permanente peut prononcer les peines prévues à l'article 13. Toutefois, la sanction pécuniaire prononcée ne peut excéder 500 000 F pour chacun des auteurs des pratiques prohibées" ;
Considérant que l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques de la société Allô Taxi, au sein de laquelle étaient associés au moment des faits 145 des 148 exploitants de taxi en activité de la ville de Cannes, résulte de ce qu'elles visaient, d'une part, à empêcher le développement d'entreprises concurrentes, transporteurs occasionnels où taxis indépendants, et, d'autre part, à empêcher la constitution d'une clientèle privée par les adhérents ; que la gravité des pratiques se trouve renforcée par le fait que la société Allô Taxi bénéficiait d'un quasi-monopole des commandes téléphoniques de courses de taxi du fait de la centralisation des appels aux bornes situées en tête des stations vers son propre standard ;
Considérant que la société Allô Taxi a réalisé en 1995, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires de 1 086 951 F ; qu'il y a lieu, au vu des éléments ci-dessus exposés, de lui infliger une sanction pécuniaire de 35 000 F ;
Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à la société Allô Taxi de supprimer de ses statuts les dispositions de l'article 12, alinéa 4, ainsi que les dispositions des articles 2 A, 3, alinéa 4, et 8, alinéa 3, du règlement intérieur en ce qu'ils disposent que le "non-respect de l'interdiction de charger à un hôtel ou à une résidence hôtelière non desservi par une station sans être passé par le standard" est passible d'une sanction ;
Considérant au surplus qu'il y a lieu d'ordonner la publication de la présente décision aux frais de la société Allô Taxi dans l'édition du journal Nice Matin couvrunt le département des Alpes-Maritimes,
Décide :
Article 1
II est enjoint à la société Allô Taxi, dans un délai de dix mois de supprimer les dispositions de l'articLe 12, alinéa 4, de ses statuts, ainsi que les dispositions de son règlement intérieur contenues à l'article 2 A, à l'article 3, alinéa 4, et à l'article 8, alinéa 3, en ce qu'il dispose que le "non-respect de l'interdiction de charger à un hôtel où à une résidence hôtelière non desservi par une station sans être passé par le standard" est passible d'une sanction.
Article 2
II est infligé à la société Allô Taxi une sanction pécuniaire de 35 000 F.
Article 3
Dans un délai maximum de deux mois, la société Allô Taxi fera publier à ses frais la présente décision dans l'édition du journal Nice Matin couvrunt le département des Alpes-Maritimes.