CCE, 13 décembre 1994, n° 94-894
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Eurotunnel
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, vu le règlement (CEE) n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (2), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, vu la communication (3) faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 et à l'article 26 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 1017-68, après consultation des comités consultatifs en matière d'ententes et de positions dominantes, conformément à l'article 10 paragraphe 3 du règlement n° 17, et à l'article 16 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 1017-68, considérant ce qui sui t:
I. FAITS
A. Notification
(1) La société de droit anglais The Channel tunnel Group Limited (CTG) et la société de droit français France Manche SA (FM) ont notifié le 2 novembre 1987 une convention d'utilisation conclue le 29 juillet 1987 avec British Railways Board (BR) et la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), pour laquelle elles ont demandé une déclaration de non-applicabilité de l'interdiction de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68, conformément à l'article 5 dudit règlement. Cette notification fut approuvée par l'ensemble des parties à la convention.
(2) La Commission a publié un résumé de la notification au Journal officiel des Communautés européennes (4), conformément à l'article 12 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 1017-68.
(3) La Commission a ensuite décidé de laisser s'écouler le délai de quatre-vingt-dix jours prévu à l'article 12 paragraphe 3 dudit règlement sans soulever de doutes sérieux, accordant ainsi une exemption de trois années à compter de la date de publication au Journal officiel, soit jusqu'au 15 novembre 1991. La présente décision a pour objet de renouveler cette exemption.
B. Brève description du lien fixe
(4) Le lien fixe comprend une liaison ferroviaire consistant en un tunnel foré à deux galeries et une galerie de service construite sous la Manche entre Fréthun dans le Pas-de-Calais et Cheriton dans le Kent, ainsi que les terminaux et les installations de contrôle d'entrée et de sortie des tunnels, comprenant en particulier les installations de contrôles frontaliers.
Des traversées jonctions entre les deux galeries à voie unique sont prévues pour faciliter la circulation des trains et des navettes à contresens pendant les périodes d'entretien ou en cas d'incident affectant les trains, les navettes ou les installations fixes.
(5) Le système de signalisation est conçu de telle sorte qu'il permette un espacement de trois minutes entre deux trains et/ou navettes consécutifs et il doit permettre un espacement plus court ultérieurement.
Le système devra pouvoir être modernisé dans le cadre d'une conduite totalement automatisée des rames.
(6) L'infrastructure doit permettre l'exploitation d'une part, de trains internationaux circulant entre des localités situées au Royaume-Uni et des localités situées sur le continent, et d'autre part des navettes permettant le transport entre Fréthun et Cheriton de voitures automobiles, d'autocars, de caravanes et de camions.
(7) Les navettes de voyageurs seront normalement constituées de deux rames comportant chacune treize wagons porte-autos ainsi que les wagons nécessaires au chargement et au déchargement. Les wagons seront soit à deux niveaux pour transporter des véhicules dont la hauteur ne dépasse pas 1,93 mètre, soit à un seul niveau pour transporter des véhicules tels que les autocars et les caravanes.
(8) Les navettes de marchandises seront constituées d'au maximum vingt-cinq wagons porteurs ainsi que de deux wagons nécessaires au chargement et au déchargement. Ces wagons seront conçus pour transporter des camions pesant jusqu'à 44 tonnes. La longueur d'une navette de marchandises, non compris la locomotive, sera de 560 mètres environ et le tonnage du matériel remorqué sera de l'ordre de 2 000 tonnes.
C. Entreprises en cause
(9) The Channel tunnel Group Limited (CTG) est une filiale à 100 % de la société de droit anglais Eurotunnel plc dont le siège est à Londres.
(10) FM est une filiale à 100 % de la société de droit français Eurotunnel SA dont le siège social est à Paris.
(11) L'objet des sociétés CTG et FM est d'entreprendre la conception, le financement, la construction et l'exploitation du tunnel sous la Manche.
(12) L'objet de la société Eurotunnel SA est de prendre des participations dans les sociétés ayant directement ou indirectement pour objet la construction, l'exploitation d'une liaison fixe transmanche ou de toute autre liaison fixe, et plus généralement toutes opérations de nature financière, commerciale et industrielle susceptibles d'en faciliter la réalisation.
(13) L'objet d'Eurotunnel plc est d'acquérir l'intégralité du capital émis de CTG et d'agir à ce titre en qualité de société holding et de coordination et d'entreprendre toutes activités de conception, de développement, de construction, de financement et d'exploitation de tunnels ou d'autres liaisons fixes de transport sous la Manche, ainsi que toutes les activités connexes.
(14) CTG et FM sont concessionnaires et gestionnaires du tunnel sous la Manche, et à cette fin, elles ont créé une société en participation sous le nom Eurotunnel représentée par deux coprésidents. Cette dénomination Eurotunnel est utilisé dans la présente décision pour désigner les deux concessionnaires.
(15) BR et la SNCF sont deux entreprises ferroviaires au sens de l'article 3 de la directive 91-440-CEE du Conseil (5).
D. Concession
(16) Par acte en date du 14 mars 1986, CTG et FM ont conjointement et solidairement obtenu du secrétaire d'Etat au transport du Royaume-Uni et du ministre français des transports, le droit de procéder à la conception, au financement, à la construction et à l'exploitation d'un lien fixe sous la Manche entre le département du Pas-de-Calais en France et le comté du Kent en Angleterre. La durée de cette concession fut initialement fixée à 55 ans, puis portée à 65 ans en 1994.
E. Convention d'utilisation
(17) La convention d'utilisation est un accord conclu le 29 juillet 1987 entre CTG et FM, en qualité de concessionnaires, et BR et la SNCF en qualité d'entreprises ferroviaires utilisatrices du tunnel.
(18) D'une façon générale, la convention concerne les modalités d'utilisation du tunnel permettant le passage de trains de voyageurs et de marchandises exploités par les entreprises ferroviaires, et le passage de navettes transportant des véhicules automobiles et leurs passagers exploitées par Eurotunnel.
(19) Selon les parties, la convention a pour but d'aménager un partage équitable et réalisable de la nouvelle infrastructure que représente la liaison fixe entre les deux marchés distincts que sont, d'une part, les marchés de transport de voyageurs et de marchandises par train, exploités par BR et la SNCF et, d'autre part, le marché du transport de véhicules automobiles accompagnés par un système spécifique de navettes sur lequel opère Eurotunnel. Selon les parties cette séparation trouve sa justification dans le fait que les concessionnaires n'ont ni l'expérience, ni les ressources requises pour fournir eux-mêmes un service complet de transports ferroviaires.
(20) En vertu de la convention, les concessionnaires s'engagent à tenir le tunnel ouvert au passage des trains pour toute la durée de la convention et conformément aux spécifications techniques arrêtées.
(21) La capacité du tunnel est mesurée en sillons standards par heure, dans chaque sens. Les concessionnaires devront s'efforcer de faire en sorte que, à la date d'ouverture, le tunnel ait une capacité d'au moins vingt sillons standards par heure.
(22) Pour leur part, les entreprises ferroviaires s'engagent à exploiter des services commerciaux réguliers de trains de passagers et de marchandises à la date d'ouverture prévue et pour la durée de la convention selon des critères de qualité et de fréquence déterminés. Elles doivent notamment s'efforcer de faire circuler dans le tunnel le niveau de trafic le plus élevé, compatible avec leurs critères commerciaux normaux.
(23) BR et la SNCF s'engagent également à disposer, chacune sur son propre territoire, des infrastructures ferroviaires suffisantes pour permettre le transport dans le tunnel pendant les douze mois qui suivent l'ouverture, de 17 400 000 voyageurs 5 200 000 tonnes de marchandises et 2 900 000 tonnes de marchandises en vrac.
(24) De même, BR et la SNCF doivent disposer lors de l'ouverture du tunnel d'un matériel roulant approprié et suffisant pour permettre l'écoulement du trafic.
(25) Conformément à l'article 6.2 de la convention, BR et la SNCF auront droit à tout moment pendant la durée de la convention à 50 % de la capacité du lien fixe, pour chaque heure et dans chaque sens, pour opérer des trains internationaux de passagers et de fret, à moins qu'elles ne donnent leur accord pour renoncer à une partie de leur droit, le refus devant être justifié.
(26) Eurotunnel s'engage à vendre à BR et la SNCF, en tant que de besoin, jusque 50 % de la capacité du tunnel. BR et la SNCF s'engagent pour leur part à exploiter des services de transport tels que précisés au considérant 22, mais ne s'engagent pas à acheter 50 % de la capacité du tunnel.
(27) Lors de la procédure, BR et la SNCF ont indiqué à la Commission que, à l'horizon de douze ans, la capacité nécessaire pour assurer leurs services de transport représente en moyenne approximativement 75 % de la capacité réservée à BR et la SNCF par la convention d'utilisation (ci-après dénommée "convention").
(28) En contrepartie de l'utilisation du lien fixe, les entreprises ferroviaires devront payer aux concessionnaires des charges d'utilisation comprenant un élément fixe et un élément variable. Au cours des douze premières années d'utilisation, ces charges d'utilisation seront d'un montant minimal prévu à l'article 7.5 de la convention.
(29) Par ailleurs, une partie des coûts engagés par les concessionnaires en relation avec l'exploitation, l'entretien et le renouvellement du lien fixe sera remboursée par les entreprises ferroviaires aux concessionnaires, selon des principes arrêtés à l'annexe V de la convention.
(30) En vertu de l'article 25 de la convention, les concessionnaires et BR/SNCF devront discuter du mode de commercialisation des services en vue d'assurer l'utilisation optimale du lien fixe.
(31) De même, en application de l'article 28.5 de la convention, les concessionaires s'efforceront, dans le cadre du programme d'investissement, de permettre aux entreprises ferroviaires l'exploitation de trains automobiles accompagnés et de trains autos-couchettes, étant entendu que cette exploitation ne devra pas compromettre l'exploitation commerciale des concessionnaires.
(32) La durée de la convention est identique à celle de la concession, soit 65 années.
F. Cadre réglementaire dans lequel fonctionne l'accord
(33) Il y a lieu de rappeler que l'article 61 du traité CE prévoit que la libre prestation des services en matière de transport est régie par les dispositions du titre relatif aux transports. L'application du principe de liberté des prestations de services établi par les articles 56 et 60 du traité doit être réalisée par la mise en place de la politique commune des transports fondée sur l'article 75 du traité.
(34) Tel est l'objectif de la directive 91-440-CEE qui établit, en faveur des entreprises ferroviaires et regroupements internationaux, sous certaines conditions, un droit d'accès à l'infrastructure ferroviaire des Etats membres pour fournir des services de transport ferroviaire international.
(35) La directive 91-440-CEE établit un cadre juridique nouveau à l'intérieur duquel les règles de concurrence entre entreprises doivent déployer leurs effets. Dans ce cadre juridique, les entreprises peuvent conclure des accords dont la licéité doit être appréciée à la lumière des règles de concurrence.
(36) Le champ d'application de ladite directive est défini selon deux critères :
- la directive s'applique d'une part à la gestion de l'infrastructure ferroviaire, telle que définie à l'annexe I partie A du règlement (CEE) n° 2598-70 de la Commission, du 18 décembre 1970, relatif à la fixation du contenu des différentes positions des schémas de comptabilisation de l'annexe I du règlement (CEE) n° 1108-70 du Conseil du 4 juin 1970 (6), à l'exception du dernier tiret,
- la directive s'applique d'autre part aux activités de transport par chemin de fer des entreprises ferroviaires qui sont établies ou s'établiront dans un Etat membre, à l'exception des entreprises ferroviaires dont l'activité est limitée à l'exploitation des seuls transports urbains, suburbains ou régionaux.
(37) En vertu de l'article 13.1 de la convention, les concessionnaires doivent demander aux gouvernements du Royaume-Uni et de France, conformément à la Cotif (7), l'inscription du lien fixe sur la liste des lignes auxquelles s'appliquent les règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des voyageurs et des bagages (CIV) (8), ainsi que les règles uniformes concernant le contrat de transport international ferroviaire des marchandises (CIM) (9). Les concessionnaires doivent être mentionnés comme exploitants desdites lignes en ce qui concerne la circulation des trains.
(38) Par ailleurs, le lien fixe est une infrastructure permettant le passage de trains internationaux et de navettes qui se présentent en fait comme un système de transport ferroviaire dont l'activité est géographiquement limité au tunnel.
(39) Le lien fixe constitue ainsi une infrastructure ferroviaire, au sens de l'article 3 de la directive 91-440-CEE dont le gestionnaire est Eurotunnel. BR et la SNCF sont pour leur part, deux des entreprises ferroviaires qui peuvent faire valoir les droits d'accès à l'infrastructure ferroviaire dans les conditions prévues à l'article 10 de ladite directive.
G. Remarques des tiers
(40) Suite à la communication faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 et à l'article 26 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 1017-68, las Commission a reçu des remarques de dix tiers intéressés qui ont insisté essentiellement sur trois points :
- la nécessité d'assurer le plein effet des dispositions de la directive 91/440/CEE relatives aux conditions d'accès aux infrastructures,
- la nécessité de ne pas réserver à BR et à la SNCF une proportion de sillons trop élevée, qui empêcherait les autres entreprises de faire circuler un nombre de trains suffisant,
- la nécessité de ne pas accorder une exemption d'une durée trop longue, eu égard aux modifications actuelles des conditions de fonctionnement du marché.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. Dispositions juridiques et règlements de procédure applicables
(41) Les parties ont notifié la convention d'utilisation conformément aux règles de procédure édictées par le règlement (CEE) n° 1017-68.
(42) Toutefois la convention porte non seulement sur les services de transport, mais également sur la mise à disposition de capacités d'infrastructure, qui ne constitue pas un service de transport.
(43) Il convient de rappeler à ce propos que l'inapplicabilité du règlement n° 17 au secteur des transports a été posée par le règlement n° 141 du Conseil (10), afin de prendre en compte les aspects speciaux du secteur des transports.
(44) Le troisième considérant du règlement n° 141 dispose à ce sujet : "considérant que les aspects spéciaux des transports ne justifient la non-application du règlement n° 17 qu'à l'égard des accords, décisions et pratiques concertées qui concernent directement la prestation du service des transports".
(45) Selon l'article 1er du règlement n° 141, le règlement n° 17 n'est pas appliqué aux accords, décisions et pratiques concertées dans le secteur des transports qui ont pour objet ou pour effet la fixation des prix et conditions de transport, la limitation ou le contrôle de l'offre de transport ou la répartition des marchés de transport, non plus qu'aux positions dominantes, au sens de l'article 86 du traité, sur le marché des transports. L'offre de transport consistant en la mise à disposition des usagers, dans le cas d'espèce, de trains internationaux de transport de passagers et de marchandises, ainsi que de navettes en mesure de transporter les véhicules routiers. Ces services constituent véritablement les services de transport.
(46) Dès lors, le règlement n° 141 et, par conséquent, les règlements de procédure spécifiques au secteur des transports ne couvrent que les pratiques anticoncurrentielles qui relèvent du marché des transports en tant qu'elles portent sur la prestation même d'un service de transport.
(47) Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice (11) que l'organisation d'opérations portuaires, quoique complémentaires et indispensables aux activités de transport maritime doit néanmoins être distinguée de ces activités dont elle constitue un marché distinct.
(48) Dans ces conditions, une activité de mise à disposition d'infrastructure échappe, selon la Commission, au champ d'application des règlements de procédure specifiques au secteur des transports et relève du règlement n° 17 pour l'application des articles 85 et 86 du traité.
(49) Dès lors, dans le cas d'espèce, le règlement de procédure (CEE) n° 1017-68 est d'application pour la partie de la convention relative aux services de transports et le règlement n° 17 est d'application en ce qui concerne la mise à disposition de capacités d'infrastructures.
(50) Par ailleurs, la convention étant susceptible d'avoir des effets sur le territoire de l'Espace économique européen, il convient d'examiner sa licéité également à la lumière de l'article 53 de l'accord EEE.
B. Marchés en cause
B.1. Marché de la fourniture de sillons horaires pour le transport ferroviaire dans le tunnel sous la Manche
(51) Le tunnel sous la Manche constitue un infrastructure ferroviaire essentielle dont le gestionnaire vend des capacités horaires aux entreprises ferroviaires souhaitant opérer des trains internationaux.
(52) L'utilisation des sillons horaires sur cette infrastructure est indispensable aux entreprises ferroviaires qui fournissent des services de transport et qui incorporent le coût d'achat de ces sillons dans le prix du transport qu'elles facturent à leurs clients qui paient un prix global aux transporteurs.
(53) Néanmoins, la Commission est d'avis que le fait que les usagers versent un prix global aux transporteurs, ne saurait suffire à démontrer que la prestation fournie par le gestionnaire d'infrastructure fait partie intégrante de l'offre de transport au sens de l'article 1er du règlement (CEE) n° 1017-68.
(54) Il convient de rappeler à ce sujet qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice (12) et de la pratique décisionnelle de la Commission (13) que la fourniture de services portuaires peut constituer un marché de référence au sens des règles de concurrence.
(55) La Commission est d'avis que cette analyse est transposable, au cas d'espèce, pour la fourniture de sillons horaires dans le tunnel sous la Manche.
(56) Cette infrastructure constitue une facilité essentielle pour les entreprises ferroviaires souhaitant fournir des services de transport entre le Royaume-Uni et le continent.
(57) Dès lors, la Commission est d'avis que la fourniture des capacités d'infrastructure dans le tunnel sous la Manche constitue un marché de référence dont la dimension géographique est limitée au tunnel et à ses zones d'accès. Conformément à la jurisprudence de la Cour susvisée, ce marché constitue une partie substantielle du Marché commun.
B.2. Marchés du transport international de passagers et de marchandises entre le Royaume-Uni et le continent
(58) Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice que "la notion de marché implique qu'une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d'interchangeabilité en vue du même usage entre tous les services faisant partie d'un même marché" (14).
(59) Dès lors, s'agissant de transports, la seule substituabilité technique entre différents modes de transport ne saurait suffire à démontrer l'appartenance de ceux-ci à un même marché.
(60) Il convient d'apprécier dans quelle mesure ces différents modes de transports présentent pour les usagers un degré suffisant d'interchangeabilité.
(61) Par ailleurs, sur le plan géographique, la Cour de justice a exclu l'existence d'un marché global des transports (15). Les possibilités alternatives de transport doivent être appréciées au niveau de chaque route internationale.
(62) Dès lors, il convient de constater dans le cas d'espèce que les entreprises qui fourniront des services de transport entre le Royaume-Uni et le continent interviendront sur le secteur des transports internationaux qui se subdivise en plusieurs marchés aux caractéristiques différentes et sur lesquels la concurrence intermodale est différente. Les marchés suivants peuvent notamment être identifiés :
(63) Le transport de marchandises circulant dans un même contenant sans déchargement de la marchandise, le contenant pouvant être un véhicule routier, un conteneur ou une caisse mobile.
Suite à l'ouverture du tunnel sous la Manche, ces transports peuvent être réalisés :
- par camions utilisant les services ferroviaires des navettes exploitées par Eurotunnel,
- par camions utilisant les services des transporteurs maritimes,
- par trains internationaux reliant un terminal situé au Royaume-Uni et un terminal situé sur le continent (16).
(64) Le marché du transport de passagers voyageant pour des raisons professionnelles et le marché du transport de passagers voyageant à des fins de loisirs, constituent pour leur part deux marchés différents en raison de la nature des services demandés par les clients, et de la nature de la concurrence intermodale.
(65) Les personnes voyageant pour des raisons professionnelles recherchent un mode de transport rapide, offrant un niveau de confort élevé et des fréquences et horaires adaptés à leurs contraintes professionnelles. Le prix du transport n'intervient pas comme un élément déterminant pour le choix du mode de transport. Celui-ci peut être l'avion, le train à grande vitesse ou le train de nuit possédant un niveau qualitatif élevé.
(66) Les personnes qui effectuent un voyage d'agrément et prennent en charge personnellement le coût du voyage accordent par contre une importance plus grande au prix du transport. La rapidité, le confort et les fréquences ne constituent pas des éléments déterminants. Le transport ferroviaire, le transport routier utilisant en partie les navettes ferroviaires du tunnel sous la Manche ou les services des transporteurs maritimes, ainsi que le transport aérien en classe économique sont susceptibles de constituer des modes de transport substituables (17).
(67) Les marchés mentionnés aux considérants 62 à 66 constituent dès lors une liste non exhaustive.
C. Notion d'accord
(68) La convention d'utilisation signée entre CTG, FM, BR et la SNCF, nonobstant la terminologie utilisée, constitue un accord au sens de l'article 85 du traité.
D. Restrictions de concurrence
D.1. Restrictions de concurrence sur les marchés de transport
(69) En vertu de l'article 10 de la directive 91-440-CEE, dans le domaine du transport de passagers et de fret conventionnel, les regroupements internationaux d'entreprises ferroviaires disposent de droits d'accès sur les infrastructures ferroviaires des Etats membres où elles sont établies ainsi que de droits de transit sur les infrastructures des autres Etats membres aux fins de réaliser des transports internationaux.
(70) Pour effectuer du transport combiné international, chaque entreprise ferroviaire dispose de droits d'accès aux infrastructures ferroviaires situées dans la Communauté.
(71) Ces possibilités sont ouvertes aux entreprises ferroviaires existantes ainsi qu'à d'éventuelles nouvelles entreprises ferroviaires, y compris à des filiales des entreprises ferroviaires existantes qui peuvent s'établir dans un Etat membre comme entreprises ferroviaires.
(72) Par ailleurs, les dispositions de ladite directive laissent aux Etats membres la possibilité d'adopter des législations nationales plus libérales en matière d'accès à l'infrastructure.
(73) Dans le cas d'espèce, la convention d'utilisation consacre tout d'abord une répartition des marchés de transport entre, d'une part, Eurotunnel, qui se consacre à l'exploitation des navettes, et d'autre part, BR et la SNCF, qui exploitent des trains internationaux de transport de pasagers et de marchandises.
(74) En application des dispositions de l'article 28.5 de la convention, BR et la SNCF ont la possibilité d'exploiter des trains automobiles accompagnés et des trains autos-couchettes susceptibles, sous certaines conditions de concurrencer les navettes exploitées par Eurotunnel. Toutefois en vertu de la convention, cette exploitation ne doit pas compromette l'exploitation commerciale d'Eurotunnel.
(75) Or, Eurotunnel en qualité d'entreprise ferroviaire au sens de l'article 3 de la directive 91-440-CEE peut juridiquement exploiter des trains de transport combiné entre le Royaume-Uni et le continent en concurrence avec BR et la SNCF.
(76) De même, Eurotunnel a juridiquement la possibilité de constituer un regroupement international avec une autre entreprise ferroviaire et d'exploiter des trains internationaux de transport de passagers ou de fret conventionnel en concurrence avec BR et la SNCF.
(77) Par ailleurs, le transport de camions au moyen de navettes constitue une forme de transport combiné international de marchandises au sens de la directive 91/440/CEE.
(78) Dès lors, BR et la SNCF ont la possibilité juridique d'exploiter individuellement de tels services ou des services de transport de passagers dans le cadre d'un regroupement international en application de l'article 10 de ladite directive et en concurrence avec Eurotunnel.
(79) Dès lors, en établissant la répartition des marchés susvisés entre BR, la SNCF et Eurotunnel, la convention d'utilisation a pour objet et pour effet d'empêcher ou de restreindre sensiblement la concurrence en violation des dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité.
D.2. Restrictions de concurrence sur le marché de la fourniture de sillons horaires pour le transport ferroviaire dans le tunnel sous la Manche
(80) Eurotunnel, en qualité de concessionnaire du tunnel sous la Manche, possède la totalité des sillons horaires pour exploiter des services de transport dans le tunnel.
(81) Toutefois, il résulte des dispositions de la convention que la moitié de la capacité du tunnel est réservée aux services de navettes et que l'autre moitié est réservée aux trains internationaux de passagers et de marchandises.
(82) Par ailleurs, BR et la SNCF ont droit à tout moment à 50 % de la capacité du tunnel pour exploiter des trains internationaux, soit en fait à 100 % des sillons horaires disponibles pour cette catégorie de transports, à moins qu'elles ne renoncent à une partie de leur droit. En vertu de ces dispositions, BR en la SNCF ne s'engagent pas à acheter 50 % de la capacité du tunnel, mais le gestionnaire s'engage à vendre cette capacité en tant que de besoin.
(83) Dès lors, d'autres entreprises ferroviaires ne peuvent pas obtenir du gestionnaire d'infrastructure les sillons horaires nécessaires pour exploiter des trains internationaux de transport de passagers ou de marchandises en concurrence avec BR et la SNCF.
(84) Il convient donc de constater que l'accord en cause a pour objet et pour effet de restreindre la concurrence sur le marché de la fourniture des sillons horaires pour le transport ferroviaire dans le tunnel ainsi que sur les marchés de transports.
E. Affectation du commerce entre Etats membres
(85) L'accord en cause porte sur les conditions d'utilisation du tunnel sous la Manche qui relie deux Etats membres. Cet accord affecte donc le commerce entre Etats membres au sens de l'article 85 du traité.
F. Article 85 paragraphe 3 du traité et article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68
a) Contribution au progrès économique
(86) Le tunnel sous la Manche est une infrastructure ferroviaire destinée à permettre le transport de passagers et de marchandises entre le Royaume-Uni et le continent.
(87) Les transports seront effectués, d'une part, au moyen de trains internationaux reliant des localités situées au Royaume-Uni et sur le continent, et, d'autre part au moyen de navettes assurant le transport de véhicules entre la France et le Royaume-Uni.
(88) Sur la base des statistiques disponibles, il est difficile de prévoir avec certitude quel sera le niveau de trafic assuré par les navettes et celui assuré par les trains internationaux de passagers et de fret.
(89) En tout état de cause, il convient que les véhicules routiers se présentant à une entrée du tunnel puissent être transportés dans des conditions satisfaisanste. Il est également dans l'intérêt des usagers de pouvoir utiliser dans des conditions efficaces, les services offerts par les trains internationaux dès l'ouverture du tunnel.
(90) À ce sujet, il importe de noter que les transports de véhicules au moyen de navettes, ainsi que les transports ferroviaires internationaux, constituent de nouveaux services qui requièrent des investissements en matériel spécialisé, amortissables sur de longues périodes.
(91) Le matériel spécialisé pour le transport des navettes ne peut être utilisé que pour le transport de véhicules dans le tunnel. De même, si les trains internationaux spécialisés dans le transport via le tunnel peuvent, techniquement, être utilisés sur d'autres itinéraires, une telle utilisation serait économiquement injustifiée.
(92) D'une façon générale, les opérateurs de transport doivent donc disposer de certaines garanties quant à la disponibilité de capacités d'infrastructures, d'une part, dans le secteur des navettes, d'autre part, dans le secteur des trains internationaux.
(93) La disponibilité de capacités, d'une part, pour les services de navettes, d'autre part, pour les trains internationaux, est également importante afin d'assurer le développement de la concurrence entre ces modes de transport.
(94) Dès lors, la Commission est d'avis que la répartition de la capacité du tunnel entre les services de navettes et les trains internationaux, eu égard aux spécificités du tunnel est de nature à promouvoir le progrès économique.
(95) Par ailleurs, il convient de prendre en considération le fait que l'exploitation, d'une part, des services de navettes, d'autre part, des trains internationaux, necessite une haute technicité et un matériel spécialisé, non interchangeable.
(96) Dès lors, il peut être considéré, eu égard au caractère spécifique du cas d'espèce, que la spécialisation de BR et de la SNCF dans le secteur des trains internationaux, et d'Eurotunnel dans le secteur des navettes, est de nature à contribuer au progrès économique.
(97) Il importe également de souligner que la construction du tunnel représente un investissement privé considérable et que l'engagement souscrit par BR et la SNCF d'exploiter des trains internationaux pendant la durée de la concession en utilisant les sillons horaires vendus par Eurotunnel contribue de façon notoire à la réussite du projet. Il convient également de souligner à ce sujet l'engagement de BR et de la SNCF de payer un montant forfaitaire de redevances au cours des douze premières années. Cet engagement contribue directement à l'équilibre financier du projet.
(98) Ces engagements constituent également des garanties importantes pour les banques qui assurent le financement du projet global relatif à Eurotunnel.
(99) Dès lors, la Commission est d'avis que l'accord en cause est de nature à promouvoir le progrès économique.
b) Avantages pour les utilisateurs
(100) Les utilisateurs retireront un avantage direct de la mise en place de services réguliers, d'une part, de navettes, d'autre part, de trains internationaux pendant toute la durée de la convention, offrant une source alternative de transport à travers la Manche. Les utilisateurs tireront notamment un avantage direct de l'essor de la concurrence qui résultera de la mise en place des nouveaux services.
c) Caractère indispensable des restrictions
(101) La répartition de la capacité du tunnel entre les services de navettes et les trains internationaux apparaît indispensable eu égard notamment aux impératifs de politique de transport de la Communauté et des Etats membres.
(102) Toutefois, à la lumière des prévisions de trafic et du nombre de sillons effectivement utilisés, la réservation à BR et à la SNCF de la totalité des sillons horaires disponibles pour les trains internationaux n'apparaît pas indispensable pour que celles-ci puissent réaliser leurs prestations de transport et participer à la réussite du projet. L'article 6.2 de la convention prévoit d'ailleurs que les concessionnaires peuvent demander à BR et à la SNCF de renoncer à une partie de leur droit à utiliser le lien fixe et qu'un accord ne doit pas être refusé de façon injustifiée. Il convient en tout état de cause, d'assurer des effets minimaux sur la concurrence en garantissant effectivement la faculté pour d'autres entreprises ferroviaires que BR et la SNCF d'obtenir des sillons horaires pour exploiter des trains internationaux. La Commission a dès lors l'intention d'assortir sa décision de conditions et de charges.
d) Absence d'élimination de la concurrence
(103) Pour les mêmes raisons que celles exposées au considérant 102, il convient que l'accord en cause n'élimine pas toute concurrence, et la Commission a l'intention à cet effet d'assortir sa décision de conditions et de charges.
G. Modalités de l'exemption
(104) En vertu des dispositions de l'article 13 du règlement (CEE) n° 1017-68 et de l'article 8 du règlement n° 17, la décision d'exemption doit indiquer à quelle période elle s'applique et peut être assortie de conditions et de charges.
(105) Concernant la période de l'exemption, il convient de prendre en considération le caractère exceptionnel de l'infrastructure en cause et la nécessité de créer les conditions propres à assurer sa réussite.
(106) À ce sujet, l'importance de l'accord en cause dans le cadre du projet doit être soulignée.
(107) Le financement du projet est assuré en grande partie par des prêts bancaires dont le remboursement s'échelonne, pour l'essentiel, sur une période d'environ trente années. Or, les engagements de BR et de la SNCF dans le cadre de la convention d'utilisation contribuent de façon notoire à la garantie de ces prêts.
(108) Dès lors, la Commission considère, eu égard aux conditions exceptionnelles du cas d'espèce, qu'une exemption d'une durée de trente années peut être accordée.
(109) L'exemption doit toutefois être soumise à certaines conditions et charges afin que les restrictions de concurrence n'excèdent pas ce qui est indispensable et que l'accord ne donne pas aux entreprises en cause la possibilité d'éliminer la concurrence.
(110) À ce sujet, la SNCF et BR ont indiqué à la Commission : "À l'horizon de douze ans, et dans les limites que comportent naturellement de telles prévisions, la capacité nécessaire pour assurer l'ensemble de ces trafics représente en moyenne approximativement 75 % de la capacité réservée à BR et à la SNCF par la convention d'utilisation passée avec Eurotunnel. Ce chiffre tient compte des caractéristiques diverses en terme de vitesses des différents types de circulations dans le tunnel. Le taux moyen de 75 % est par ailleurs susceptible de varier autour de cette valeur selon les moments de la journée, sans qu'il soit pour l'instant possible d'être plus explicite étant données les incertitudes sur le schéma de la demande".
Eurotunnel a indiqué que, sur la base de ses estimations de trafic, la réservation de 75 % des capacités à BR et à la SNCF ne lui paraissait pas criticable.
(111) L'article 6.2 de la convention dispose qu'Eurotunnel peut demander à BR et à la SNCF de renoncer à une partie de leur droit à acheter des capacités dans le lien fixe et que celles-ci ne peuvent pas refuser de façon injustifiée.
(112) La Commission est dès lors d'avis qu'il serait injustifié que BR et la SNCF s'opposent à ce que d'autres entreprises ferroviaires achètent des sillons horaires au gestionnaire d'infrastructure, aux fins de fournir des services de transport ferroviaire international de passagers ou de marchandises.
(113) BR et la SNCF doivent toutefois pouvoir disposer des sillons horaires nécessaires pour assurer un niveau de service approprié, soit 75 % de la capacité du tunnel réservée aux trains internationaux aux fins d'opérer leurs propres services et ceux de leurs filiales. Bien que BR et la SNCF aient indiqué que le pourcentage de 75 % doit être entendu de façon journalière, la Commission est d'avis que la réservation de 75 % des capacités à ces entreprises doit être fixée de façon horaire pour les raisons suivantes :
(114) D'une part, l'accord conclu entre Eurotunnel et BR/SNCF relatif à la réservation de capacités est établi sur une base horaire et non quotidienne.
(115) D'autre part, il est indispensable que les entreprises ferroviaires autres que BR et la SNCF puissent obtenir des sillons horaires à toutes les heures de la journée y compris aux heures de pointe. Il est en effet constant que pour le service déterminé, tous les sillons horaires n'ont pas la même utilité ni la même valeur. S'agissant par exemple du transport d'hommes d'affaires, il est indispensable que les services proposés leur permettent d'arriver dans les principales capitales européennes en début de matinée et de rejoindre leur domicile en fin d'après-midi. La substituabilité entre différents trains internationaux est donc limitée à certaines plages horaires. Or, il est indispensable que les usagers puissent effectivement faire jouer la concurrence entre plusieurs transporteurs aux heures qui les intéressent.
(116) Cette disposition ne doit pas s'opposer à ce que la proportion de sillons soit ajustée dans le cadre d'accords entre le gestionnaire d'infrastructure, BR, la SNCF et d'autres entreprises ferroviaires intéressées.
(117) BR et la SNCF doivent ainsi pouvoir utiliser en tant que de besoin plus de 75 % de la capacité horaire lorsque le gestionnaire dispose de capacités disponibles.
(118) De même, les autres entreprises ferroviaires doivent pouvoir utiliser plus de 25 % de la capacité horaire si le gestionnaire dispose de capacités disponibles.
(119) Ces ajustements ne doivent toutefois pas s'opposer au droit de BR et de la SNCF d'utiliser jusqu'à 75 % des sillons horaires réservés aux trains internationaux, ni au droit des autres entreprises ferroviaires d'utiliser jusqu'à 25 % des sillons horaires susvisés.
(120) La fixation du pourcentage des sillons horaires dont BR et la SNCF ont effectivement besoin est liée aux prévisions de trafic dont l'élaboration sur une période de trente années est extrêmement difficile.
(121) Dès lors, il convient que le pourcentage de 75 % de sillons réservés à BR et à la SNCF soit rééxaminé par la Commission après douze années, soit au plus tard le 31 décembre 2006.
(122) Eu égard à la longue durée de l'exemption, il convient également que tous les ans les entreprises ferroviaires en cause fassent connaître à la Commission le nombre de sillons horaires effectivement utilisés, et qu'Eurotunnel fasse connaître le nombre de demandes de sillons éventuellement non honorées en raison d'une pénurie de sillons.
(123) La présente décision ne préjuge pas de l'applicabilité de l'article 86 du traité, notamment quant à la fixation des redevances d'utilisation du tunnel, ni de l'applicabilité de la directive 91-440-CEE.
(124) La présente décision rend inapplicable les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité, de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 et de l'article 53 paragraphe 1 de l'accord EEE à la convention d'utilisation conclue entre BR, la SNCF et Eurotunnel le 29 juillet 1987, et ne préjuge pas de la position de la Commission en cas de modification quant aux parties ou quant au contenu de cet accord ou en cas de modification majeure en ce qui concerne les conditions de fonctionnement du marché,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité, à l'article 5 du règlement (CEE) n° 1017-68 et à l'article 53 paragraphe 3 de l'accord sur l'Espace économique européen, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité, de l'article 2 du règlement (CEE) n° 1017-68 et de l'article 53 paragraphe 1 de l'accord EEE sont déclarées inapplicables pour une période de trente années à compter du 16 novembre 1991, à la convention d'utilisation du 29 juillet 1987 conclue entre the Channel tunnel Group Limited, France Manche SA, the British Railways Board et la Société nationale des chemins de fer français.
Article 2
L'exemption visée à l'article 1er est assortie des conditions et des charges suivantes.
A. Conditions
a) En application des dispositions de l'article 6.2 de la convention d'utilisation, BR et la SNCF ne peuvent s'opposer à ce que le gestionnaire de l'infrastructure en cause vende à d'autres entreprises ferroviaires les sillons horaires nécessaires pour fournir des services de transport international de passagers et de marchandises.
b) BR et la SNCF doivent toutefois pouvoir disposer des sillons horaires nécessaires pour assurer un niveau de service approprié au cours de la période expirant au 31 décembre 2006, soit jusque 75 % de la capacité horaire du tunnel dans chaque sens, réservée aux trains internationaux de transport de passagers et de marchandises aux fins d'opérer leurs propres services et ceux de leurs filiales.
c) Au cours de la période visée au point b), les autres entreprises ferroviaires et regroupements d'entreprises ferroviaires doivent pouvoir disposer d'au moins 25 % de la capacité horaire du tunnel dans chaque sens pour exploiter des trains internationaux de passagers et de marchandises.
d) Les conditions visées aux points b) et c) ne s'opposent pas à ce que BR et la SNCF pendant la période visée au point b) utilisent plus de 75 % de la capacité horaire si les autres entreprises ferroviaires n'utilisent pas 25 % de la capacité restante.
e) Les conditions visées aux points b) et c) ne s'opposent pas non plus à ce que les autres entreprises ferroviaires utilisent pendant la période visée au point b) plus de 25 % de la capacité horaire si BR et la SNCF n'utilisent pas 75 % de la capacité qui leur est réservée.
f) Ces ajustements ne doivent toutefois pas s'opposer au droit de BR et de la SNCF d'utiliser en tant que de besoin pendant la période visée au point b), jusque 75 % des sillons horaires réservés pour les trains internationaux, ni au droit des autres entreprises ferroviaires d'utiliser jusqu'à 25 % de la capacité en cause.
g) La proportion de sillons horaires réservés à BR et à la SNCF sera réexaminée par la Commission avant le 31 décembre 2006.
B. Charges
h) Tous les ans à compter du 1er janvier 1995, BR et la SNCF feront connaître à la Commission le nombre moyen de sillons horaires utilisés, par heure et dans chaque sens, déterminé sur une base mensuelle.
i) Tous les ans à compter du 1er janvier 1995, the Channel tunnel Group Limited et France Manche SA feront connaître à la Commission le nombre moyen de demandes de sillons horaires formulées par des entreprises ferroviaires ou regroupements d'entreprises ferroviaires autres que BR et la SNCF, et non honorées en raison d'une absence de sillons disponibles.
Article 3
La présente décision est adressée à :
1) British Railways Board
Euston House
24, Eversholt Street
GB-London NW1 1OZ.
2) SNCF
88, rue Saint-Lazare
F-75009 Paris.
3) The Channel Tunnel Group Limited
The Adelphi
John Adam Street
GB-London WC2N 6JT.
4) France Manche SA
112, avenue Kléber
Boîte postale 116 - Trocadéro
F-76770 Paris Cedex 16.
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° L. 175 du 23. 7. 1968, p. 1.
(3) JO n° C 210 du 30. 7. 1994, p. 15.
(4) JO n° C 292 du 16. 11. 1988, p. 2.
(5) JO n° L. 237 du 24. 8. 1991, p. 25.
(6) JO n° L. 278 du 23. 12. 1970, p. 1.
(7) Convention relative aux transports internationaux ferroviaires du 9 mai 1980.
(8) Appendice A à la Cotif.
(9) Appendice B à la Cotif.
(10) JO n° 124 du 28. 11. 1962, p. 2751/62.
(11) Arrêt du 10 décembre 1991, affaire C-179-90: Porto di Genova, Recueil 1991, p I-5923.
(12) Voir note de bas de page visée au considérant 47.
(13) Décision 94-19-CE, Sea Containers contre Stena Sealink (JO n° L. 15 du 18. 1. 1994, p. 8).
(14) Notamment l'arrêt du 13 février 1979 dans l'affaire 85-76 : Hoffmann-La Roche contre Commission, Recueil 1979, p. 461, point 28 des motifs.
(15) Notamment l'arrêt du 11 avril 1989, dans l'affaire 66-86 : Ahmed Saeed Flugreisen. Recueil 1989, p. 803.
(16) Voir en ce sens la décision 94-594-CE de la Commission, ACI (JO n° L. 224 du 30. 8. 1994, p. 28).
(17) Voir en ce sens la décision 94/663/CE de la Commission, Night Services (JO n° L. 259 du 7. 10. 1994, p. 20).