CA Versailles, 5e ch. A, 25 novembre 1988, n° 486-88
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Société Pétrolière d' Importation
Défendeur :
Grolleau
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hianne
Conseillers :
Mmes Mazars, Philipps
Avocats :
Mes Meresse, Escaravage
Considérant que, le 15 décembre 1982, la société Pétrolière d'Importation dite SPI a donné à dame Monique July épouse Grolleau mandat de vendre des produits pétroliers fournis exclusivement par la société mandante suivant un tarif établi par cette firme et en utilisant un matériel fourni par cette dernière;
Considérant que, le même jour, la société SPI a donné en location gérance à dame Grolleau un fonds de commerce 2 stations service sis à Gennevilliers 40 avenue de Colombes et destine au négoce des accessoires automobiles;
Considérant que, le 19 septembre 1985, la SPI a mis fin à ces deux contrats à compter du 31 décembre 1981;
Considérant qu'un contrôle effectué ayant révélé un déficit. la société mandant a demandé à sa mandataire de lui régler 74 723,34 F;
Considérant que dame Grolleau, sans contester ce chiffre, a, cependant, soutenu qu'il lui était du, d'une part, des frais en rapport avec l'exécution du mandat et d'autre part, des salaires et a refusé de régler ladite somme de 74 723,34 F;
Considérant que c'est dans ces conditions qu'elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande en paiement de salaires et d'indemnité de rupture;
Considérant que, de son côté, Christian Grolleau a également formé devant cette juridiction une demande tendant aux mêmes fins;
Considérant qu'avant qu'il ait été statué sur l'instance prud'homale engagée par les époux Grolleau, le Tribunal de commerce de Nanterre, disant n'y avoir lieu a sursis, a condamné dame Grolleau à payer à la SPI 74 723,64 F plus 2 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que, le 5 mai 1988, la Cour d'appel de Versailles, réformant ce jugement, a sursis a statué jusqu'à décision de la juridiction prud'homale;
Considérant que, le 26 juin 1987, le Conseil des prud'hommes de Nanterre a dit Christian Grolleau irrecevable en sa demande, a jugé qu'il existait lien de subordination entre la SPI et dame Grolleau, s'est déclaré compétent pour connaître du litige opposant les parties, et avant dire droit plus avant, a ordonné expertise comptable, la SPI étant condamnée a verser à dame Grolleau 40 000 F à titre de provision et a lui délivrer certificat de travail;
Considérant que, le 17 juillet 1987, la SPI a relevé appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 8 juillet 1987;
Considérant que cet appel, régulier en la forme est intervenu dans le délai de la loi;
Considérant qu'il est recevable, de la décision attaquée ayant tranché une partie du principal;
Considérant que l'appelante ne critique pas cette décision en ce qu'elle a dit Christian Grolleau irrecevable en sa demande;
Considérant qu'elle soutient qu'il n'existe aucun lien de subordination entre elle et dame Monique Grolleau et que cette dernière est donc mal fondée à se prévaloir des dispositions particulières prévues au bénéfice des salariés;
Considérant qu'elle conclut, en conséquence, à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il s'est reconnu compétent et en ce qu'il a fait droit, en leurs principes, aux prétentions de dame Grolleau;
Considérant, en revanche, que les intimés soutiennent, d'une part, que non seulement dame Grolleau mais encore Christian Grolleau étaient employés comme salariés au service de l'appelante;
Considérant qu'interjetant appel incident, ils demandent que la décision attaquée soit infirmée en ce qu'elle a dit la demande de Christian Grolleau irrecevable;
Considérant qu'ils demandent également que la société Pétrolière d'Importation soit condamnée des à présent a leur payer 50 184 F à titre de provision sur salaires pour las heures normales et 200 000 F à titre de provision sur salaires pour heures supplémentaires, 10 541,66 F pour chacun d'eux à titre d'indemnité de brusque rupture, 126 500 F pour chacun d'eux a titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et, enfin, 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant, enfin, qu'ils requièrent confirmation du jugement dont s'agit en ce qu'il a ordonné expertise;
Considérant, en droit, que les locataires gérants de station service ont, en principe, quelité de salarié de la personne leur procurant las produits pétroliers qu'ils sont charges de livrer aux automobilistes de passage suivant las conditions et le tarif prévus par leur fournisseur;
Considérant, cependant, qu'ils ne bénéficient des dispositions du Code du travail qu'à la condition qu'ils exercent leurs activités professionnelles dans un local mis à leur disposition par l'entreprise qui leur fournit la totalité ou la quasi-totalité des marchandises dont ils assurant la vente au détail;
Considérant, par ailleurs, qu'il appartient à la juridiction saisie d'apprécier en fait la nature des relations de travail liant une société pétrolière et les locataires gérants, sans qu'il y ait lieu de s'arrêter aux termes et quelifications juridiques utilisés par las parties contractantes;
Considérant, plus particulièrement, que la circonstance que la convention réglant leurs rapports soit relatée dans deux documents distincts est sans incidence sur la solution du litige pouvant survenir à l'occasion de l'exécution de ladite convention;
Considérant, en fait, qu'il appert des documents de la cause que la société Pétrolière d'Importation et dame Grolleau étaient liés par deux conventions apparemment distinctes, l'une intitulée convention de mandat at l'autre de location-gérance;
Considérant cependant, que ces deux contrats en réalité forment un tout, l'un ne pouvant être exécute indépendamment de l'autre;
Considérant, à cet égard, que l'activité quelifiée de "mandataire" s'exerçait dans le local donné a dame Grolleau en sa quelité de locataire gérante et à l'aide du matériel installé en ce local;
Considérant que le premier juge a exactement constaté que Monique Grolleau était tenue de se fournir en produits pétroliers exclusivement auprès de SPI suivant les tarifs et conditions imposées par cette société concernant notamment las cartes de crédit, les modalités de livraison aux automobilistes et le matériel utilisé;
Considérant qu'elle était, en outre, tenue de verser la totalité des sommes provenant de la vente des produits pétroliers à un compte spécial ouvert au nom de la société SPI et d'établir un relevé quotidien des ventas remis a cette firme qui exerçait un contrôle complet sur ses activités;
Considérant qu'elle avait possibilité d'embaucher du personnel, sans toutefois "céder' ses fonctions à un tiers;
Considérant, de même, pour ce qui est de la vente des "articles accessoires automobiles" que dame Grolleau était obligée d'utiliser la marque "AVIA" et de se conformer strictement a la destination et à "l'image de marque" de la société Pétrolière d'Importation interdiction lui étant faite de traiter avec "une marques d'automobiles, de motos ou da vélomoteurs et de vendre des articles et des produits d'une autre entreprise déjà commercialisés" par SPI;
Considérant que c'est donc par une juste application de la loi aux faits de la cause qui lui étaient soumis que le Conseil de prud'hommes a estimé que les relations existent entre la SPI étaient soumises a l'article L. 781-1 du Code du travail;
Considérant en revanche, qu'en l'état de la procédure dame Grolleau ne verse au débat aucun document sérieux de nature à démontrer qu'elle a effectué des heures supplémentaires lui permettant ne prétendre à rémunération majorée;
Considérant qu'il s'en suit que l'allocation d'une provision est actuellement injustifiée;
Considérant qu'il échet, en conséquence d'infirmer sur ce point la décision attaquée, l'expertise ordonnée ayant précisément pour objet d'estimer la créance éventuelle de dame Grolleau;
Considérant enfin, sur la demande de Christian Grolleau, que ce dernier ne produit aucune justification de nature a établir qu'il ait été partie au contrat liant sa femme à la SPI ou qu'il ait exécuté pour le compte de cette firme un travail donnant lieu à rémunération;
Considérant pour ce qui est de la délivrance d'un certificat de travail que cette partie du jugement ne fait l'objet d'aucune critique;
Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement, on matière prud'homale et en dernier ressort; Reçoit les appels; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Pétrolière d'Importation dite SPI, a payer a dame Monique Grolleau 40 000 F (quarante mille francs) à titre de provision et à lui délivrer un certificat de travail; Le réformant en ce qu'il a dit Christian Grolleau irrecevable en sa demande; Statuant à nouveau, dit Christian Grolleau mal fondé en sa demande et l'en déboute; Le confirme en ce qu'il existait un lien de subordination entre dame Grolleau et la société Pétrolière d'Importation; La complétant, dit ces relations de travail liant les parties soumises aux dispositions da l'article L. 781-1 § 3 du Code du travail; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné expertise; confiée à Monsieur Gabriel Paumier, expert, domicilié : 79 - 81 rue des chênes à 92150 Suresnes; Complétant la mission donnée à l'expert, dit que ce technicien devra fournir à la cour tout élément permettant d'apprécier la créance dont dame Grolleau pouvait éventuellement se prévaloir à l'encontre de la SPI compte tenu de ce qu'elle a effectivement perçu, du déficit qu'elle a reconnu et de la rémunération a laquelle Elle peut légitimement prétendre; Dit que l'expert devra donner son avis sur la réalité et éventuellement sur l'importance des heures supplémentaires qu'elle a effectuées; Dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour dans un délai da 4 mois à compter du jour où il sera suivi de se mission ainsi précisée par le présent arrêt; Confirme la décision du premier juge en ce qu'il a condamné la société Pétrolière d'Importation a délivrer certificat de travail à dame Grolleau; Réserve les dépens.