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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 31 janvier 1991, n° 89-001153

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Migot

Défendeur :

IDF Vidéo (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rouchayrole (faisant fonction)

Conseillers :

M. Thery, Mme Garnier

Avoués :

Me Blin, SCP Fisselier, Chiloux, Boulay

Avocats :

Mes Papin Le Brestec, Marty Baschet

T. com. Paris, 9e ch., du 27 oct. 1988

27 octobre 1988

Mme Marie-Françoise Ploe épouse Migot a interjeté appel d'un jugement rendu le 27 octobre 1988 par le Tribunal de commerce de Paris qui :

- a constaté la résiliation anticipée et unilatérale du contrat de franchise conclu avec la SA PEF Vidéo, à ses torts ;

- l'a condamnée à payer à la société IDF Vidéo la somme de 18 000 F en réparation du préjudice ainsi causé, et une de 2 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- lui a donné acte de ce qu'elle avait cessé d'utiliser la dénomination Vidéo Point et s'engageait à l'avenir, à ne plus l'utiliser.

Par acte du 22 mars 1986, intitulé "protocole d'accord provisoire", Mme Migot s'est portée candidate auprès de la société IDF Vidéo pour la création d'un magasin en franchise sous l'enseigne Vidéo Point.

Le 23 mai 1986, les parties ont conclu un contrat de concession de franchise pour une durée de cinq ans.

Estimant que la société IDF Vidéo ne respectait pas les engagements souscrits, Mme Migot, par lettre recommandée avec accusé réception du 15 décembre 1986 a résilié le contrat avec effet au 31 décembre 1986.

Par acte du 29 juin 1987, la société IDF Vidéo a assigné Mme Migot ; elle demandait au tribunal :

- de constater que celle-ci avait résilié par anticipation et unilatéralement le contrat de franchise ;

- de dire qu'elle-même avait subi un préjudice certain ;

- de condamner Mme Migot à lui payer la somme de 150 000 F ;

- d'interdire à celui-ci l'utilisation de la dénomination Vidéo Point.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement déféré à la cour.

Mme Migot, appelante, demande à la cour :

- de débouter la société IDF Vidéo de ses prétentions ;

- de la recevoir en sa demande reconventionnelle, et de condamner la société IDF Vidéo à lui payer la somme de 120 000 F en réparation du préjudice par elle subi du fait du non-respect des clauses du contrat par le franchiseur, et celui de 7 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société IDF Vidéo, intimée, sollicite la confirmation de la décision entreprise, et la condamnation de Mme Migot au paiement de la somme de 150 000 F en application de l'article 14 c du contrat et de l'article 1382 du Code civil, et de celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

1) Sur la résiliation du contrat :

Considérant que Mme Migot fait valoir que la société IDF Vidéo n'a pas respecté les clauses du contrat et n'a rempli aucune des prestations qu'elle était en droit d'attendre d'un franchiseur ;

Qu'elle n'a reçu ni aide, ni assistance notamment pour l'installation et l'aménagement de son magasin, l'obtention des crédits bancaires et pour sa formation professionnelle ;

Considérant que le protocole d'accord provisoire en date du 22 mars 1986 stipule que :

- "le candidat a un délai d'un mois pour la signature du contrat de franchise ; en délai... pouvant être prolongé d'un autre mois, en accord avec la société, si les modalités d'obtention de prêt ou la recherche d'un magasin n'ont pas encore abouti ;

- durant cette période, la société s'engage à réserver au candidat en exclusivité, la zone de chalandise et à lui apporter ses Conseils pour le choix du point de vente, l'établissement des devis pour l'aménagement et tous renseignement des devis pour l'aménagement et tous renseignements nécessaires au montage du dossier de crédit éventuel";

Considérant que le contrat de franchise signé le 23 mai 1986 stipule :

- à l'article A de son préambule :

"le franchiseur fournira au franchisé l'aide nécessaire à celui-ci pour accomplir son activité avec efficacité, notamment par une contribution technique, commerciale et administrative" aux campagnes de publicité et aux promotions de vente,

- à l'annexe 1 :

- "en contrepartie des droits d'entrée et privilège accordés au franchisé, en particulier du droit d'acquérir les marchandises, matériels, exercices du droit d'utiliser la marque, les enseignes... etc. les services, Conseils marketing administratifs et publicitaires, le franchisé paiera au franchiseur un droit fixe forfaitaire de 55 000 F" ;

Considérant que Mme Migot précise dans des écritures qu'elle a arrêté "l'implantation du magasin, fin février 1986, avant de contacter la société IDF";

Considérant qu'il résulte des pièces entièrement versées aux débats :

- que la société IDF Vidéo a réalisé pour le compte de Mme Migot une étude d'implantation du magasin, comprenant une étude de marché, compte d'Exploitation prévisionnel, et la détermination des investissements à réaliser ;

- que par lettre du 13 novembre 1986, adressée au Conseil juridique de Mme Migot, la société IDF Vidéo a précisé :

- Que Mme Migot avait confectionné un dossier de financement en reprenant l'ensemble des indications qui lui avaient été données verbalement, et que les représentants de IDF Vidéo avaient procédé avec elle, le 2 avril 1986 à la présentation de ce dossier dans deux banques de Nantes ;

- que Mme Migot, arguant de sa qualité "d'architecte d'intérieur décorateur (avait) prétendu pouvoir réaliser un aménagement très proche du style Vidéo Point à un coût fortement imprécis", et qu'elle avait accepté cette "dérogation dans l'aménagement" du magasin ;

- que Mme Migot n'avait pas cru devoir prendre contact avec le franchisé d'Angers pour convenir, avant l'ouverture du magasin d'un rendez-vous en vue d'effectuer un stage de formation commerciale ;

Considérant que c'est à l'insu d'une période de préparation de deux mois que Mme Migot a conclu le contrat de franchise ; Que c'est donc, comme l'a à juste titre relevé le tribunal, en connaissance de cause qu'elle s'est engagée vis-à-vis du franchiseur ;

Que dans ces conditions, elle est mal fondée à lui reprocher au cours de la période précisant le début de ses activités une absence d'aide et d'assistance, dont, du surplus, elle ne rapporte pas la preuve;

Considérant que Mme Migot fait valoir qu'elle souscrit légitimement compter sur les Conseils marketing qui lui avaient été promis lors de la signature du contrat, mais a constaté une absence totale d'assistance de la part du franchiseur;

Mais considérant que Mme Migot ne produit aucun document établissant qu'elle a sollicité une assistance ou des Conseils;

Que la société IDF Vidéo précise dans le titre du 13 novembre 1986 qu'elle n'a pas reçu de réclamations de Mme Migot stipulant qu'elle avait un besoin particulier de se justifier sur des points précis ;

Que cet argument est donc inopérant ;

Considérant que Mme Migot expose en outre, avoir constaté qu'elle pouvait seule et strictement obtenir des conditions commerciales, administratives et financières très supérieures à celles proposées par le franchiseur;

Mais considérant que Mme Migot ne verse aux débats aucun document probant à l'appui de ses allégations;

Que l'article A de la Convention qu'elle invoque, ne saurait s'appliquer aux achats ;

Considérant que l'affiliation à un réseau de franchise a pour objet notamment de faciliter l'accès des franchisés à l'ensemble des fournisseurs de la chaîne, et d'obtenir des remises ;

Considérant qu'il résulte des termes du contrat que la liste des articles et services pouvant être commercialisés sous l'enseigne Vidéo Point était fournie dans le catalogue et son tarif annexé audit contrat ;

Que Mme Migot a déclaré approuver les méthodes de la chaîne ;

Considérant en conséquence, que Mme Migot ne rapporte pas la preuve d'une violation par la société IDF Vidéo de ses obligations contractuelles.

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a constaté la résiliation anticipée et unilatérale aux torts de Mme Migot ;

Qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise, et de la débouter de ses demandes ;

Considérant dès lors que la résiliation du contrat est prononcée aux torts de Mme Migot, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens soulevés de ce chef par la société IDF Vidéo ;

2) Sur le préjudice de la société IDF Vidéo :

Considérant que la société IDF Vidéo sollicite l'application des dispositions de l'article 14 du contrat, et l'allocation d'une somme de 150 000 F se décomposant comme suit :

- moyenne des royalties sur deux ans : 87 697 F TTC ;

- le complément représentant des dommages intérêts pour utilisation du syste après la rupture ;

Considérant que Mme Migot fait valoir que la société IDF Vidéo ne rapporte pas la preuve d'un agissement fautif de sa part de nature à justifier sa demande ;

Considérant que l'article 14 C du contrat de franchise stipule : " en cas de réitération anticipée du contrat... du fait du franchisé, si l'activité est poursuivie par le franchisé, celui-ci versera au franchiseur une indemnité forfaitaire correspondante à deux années royalties sur la moyenne des royalties versées par l'ensemble des magasins de la chaîne" ;

Considérant qu'il résulte des pièces régulièrement versées aux débats :

- que Mme Migot, après la résiliation du contrat, a poursuivi la même activité dans le même magasin sous l'enseigne Spring Vidéo ;

- que la moyenne des royalties versées par les franchisés en 1986 est de 37 518,60 F HT ;

- qu'il s'ensuit que la somme de 87 697 F TTC demandée par la société IDF Vidéo est justifiée ;

Considérant que la société IDF Vidéo produit une facture émise le 14 mai 1987 par la société Mitsubishi à l'ordre de Mme Migot-Vidéo Point ;

Mais considérant que ce document unique, est insuffisant à établir que Mme Migot s'est prévalu, après la résiliation par contrat, de son appartenance au réseau Vidéo Point, dans la mesure où il n'est pas exclu que son libellé est le résultat d'une erreur ;

Qu'il convient donc de débouter la société IDF Vidéo de sa demande complémentaire en dommages intérêts ;

3°) Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Considérant que Mme Migot qui succombe, est mal fondée à solliciter une somme de ce chef ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société IDF Vidéo les frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel, et que la cour fixe compte-tenu des éléments de procédure à 2 000 F ;

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné Mme Migot à payer à la société IDF Vidéo la somme de 18 000 F, Statuant à nouveau, Condamne Mme Marie-Françoise Ploe épouse Migot à payer à la société IDF Vidéo, la somme de 87 697 F TTC, en application des dispositions de l'article 14 du contrat de franchise ; Confirme le jugement pour le surplus ; Y ajoutant, Condamne Mme Migot à payer à la société IDF Vidéo la somme de 2 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute Mme Migot de ses demandes, la société IDF Vidéo du surplus de ses demandes ; Condamne Mme Migot aux dépens d'appel et autorise la SCP Fisselier-Chiloux-Boulay avoué à les recœuvrer conformément aux disposition de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.