Ministre de l’Économie, 25 octobre 2002, n° ECOC0200417Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société GGBA
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI
Maître,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 20 septembre 2002, vous avez notifié l'acquisition par la société GGBA de l'intégralité du capital de la société SNAT.
I. - Les parties et l'opération
GGBA est une société anonyme ayant son siège social à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dont le capital est détenu par des personnes physiques, parmi lesquelles son PDG M. Jean-Marie Zodo. GGBA est à la tête de plusieurs sociétés exerçant essentiellement des activités de commerce et de réparation de véhicules automobiles dans le cadre de concessions de marques.
GGBA détient 26 concessions automobiles représentant sept marques de constructeurs. Ces concessions sont réparties dans les régions Nord-Pas-de-Calais (15 concessions) ainsi qu'en Ile-de-France (6 concessions), en Lorraine (4 concessions) et en Picardie (1 concession). GGBA distribue principalement des véhicules de marque Renault via 17 concessions dont 10 sont situées dans le Nord - Pas-de-Calais. En outre, GGBA distribue notamment les marques Mercedes, Chrysler, Smart et Nissan dans le département du Nord. GGBA exploite par ailleurs une société de location de véhicules automobiles sous contrat de franchise Hertz, deux sociétés actives dans le contrôle technique et une société de négoce de pièces.
Le groupe GGBA a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires consolidé de 433,7 Meuro, quasi exclusivement (428,7 Meuro) en France.
La société SNAT est une société anonyme ayant son siège social à Tourcoing (Nord), dont le capital est détenu par des personnes physiques.
La société SNAT exploite une concession automobile Renault sur le secteur géographique de Tourcoing, Neuville-en-Ferrain, Mouvaux, via deux établissements situés à Tourcoing.
La société SNAT a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires de 17,7 Meuro, exclusivement en France.
Aux termes du protocole de cession d'actions signé le 8 juillet 2002 et assorti d'un avenant en date du 2 septembre 2002, GGBA détiendra le contrôle de la société SNAT. Cette opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Elle ne revêt pas une dimension communautaire au sens du règlement (CE) no 4064-89 du 21 décembre 1989. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, elle est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.
Vous précisez par ailleurs que la présente opération s'accompagne de la revente par GGBA à la société RFA Nord, filiale du groupe Renault, d'une concession automobile distribuant des véhicules automobiles de cette marque sur le secteur géographique de Villeneuve-d'Ascq (59). Cette seconde opération, soumise à notification séparée, conformément aux dispositions de l'article L. 430-3 du Code de commerce, est en cours d'instruction. Compte tenu de la proximité de la zone géographique concernée par cette deuxième opération, il convient cependant d'en tenir compte dans l'analyse de l'impact de la présente concentration sur la concurrence.
II. - Analyse concurrentielle
A. - Les marchés de produits
Marchés de la vente au détail de véhicules automobiles
En matière de distribution automobile il convient d'opérer une première distinction entre le marché du neuf et le marché des véhicules d'occasion (VO), compte tenu notamment des différences existant dans la structure de l'offre, les prix des produits et les modes et circuits de commercialisation.
S'agissant de la vente au détail de véhicules neufs, une deuxième segmentation, couramment retenue par la Commission européenne lors de l'examen de concentrations dans le secteur de l'automobile, est fondée sur les catégories d'usage auxquelles sont destinés les véhicules. Ainsi, les véhicules de tourisme ou voitures particulières (VP) doivent en particulier être distinguées des véhicules dits " commerciaux ". Parmi les véhicules " commerciaux ", il convient en outre de distinguer entre plusieurs marchés selon le type de véhicule et d'usage auquel il est destiné : véhicules utilitaires légers neufs (VUL) ainsi que diverses catégories de " véhicules industriels " tels que poids lourds de différentes catégories (cf. note 1), autobus, autocars de tourisme, machines agricoles.
En outre, à l'occasion de l'examen d'opérations de concentrations entre constructeurs automobiles (cf. note 2), la Commission européenne a observé qu'il était possible de subdiviser en neuf segments le marché de la vente au détail de VP neufs en fonction de critères objectifs tels que la puissance des moteurs ou les dimensions des modèles. Une telle segmentation, fondée sur des critères de substituabilité du point de vue de la demande finale de modèles de VP, qui sont les plus appropriés en l'espèce, apparaît également pertinente pour l'appréciation des effets d'une concentration au stade de la distribution au détail. Toutefois, la Commission n'a pas jugé nécessaire de conclure définitivement quant à la question de savoir si ces segments constituent ou non des marchés de produits distincts, sachant notamment que des facteurs déterminant la demande d'un modèle tels que le prix, l'image de la marque, l'équipement du véhicule ou l'offre d'options ne permettent pas, dans la plupart des cas, d'opérer une séparation nette entre chacun de ces segments (cf. note 3).
Il n'apparaît pas non plus nécessaire de trancher cette question au cas d'espèce, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quel que soit le segment considéré, compte tenu notamment du fait que les parties à la présente concentration distribuent toutes deux une gamme couvrant la plupart de ces segments.
Toujours concernant la vente au détail de VP neufs, il convient en troisième lieu de distinguer entre un marché des véhicules destinés à une clientèle constituée de particuliers (y compris les ventes de véhicules destinés par exemple à l'exercice d'une profession libérale), et un marché de la vente des VP destinés à une clientèle constituée de professionnels (renouvellement d'un parc automobile pour les besoins d'une entreprise par exemple ou achat de flotte). Ces deux marchés sont en effet caractérisés tout d'abord par la nature différente de la demande, relative dans un cas à l'achat individuel d'un véhicule faisant partie de la gamme standard du constructeur et, dans l'autre cas, à l'achat en plus grande quantité de véhicules pouvant éventuellement recevoir un aménagement spécifique (" véhicules de société " biplaces ou couleur spécifique de la carrosserie par exemple). En outre, les modalités et les conditions de ventes diffèrent substantiellement selon les catégories d'acheteurs.
Concernant la vente au détail de VP neufs destinés à une clientèle professionnelle, il n'apparaît pas nécessaire au cas d'espèce d'examiner plus précisément la question de savoir s'il convient de distinguer plusieurs segments (tels que la vente de véhicules destinés aux sociétés de gestion de flotte par exemple), dans la mesure où les conclusions de l'analyse n'en seraient pas modifiées.
Le cas échéant, il y a lieu en revanche d'exclure des marchés de la vente au détail de VP neufs les ventes des concessionnaires aux distributeurs agréés d'un réseau secondaire (VAR Renault par exemple), dans la mesure où ces derniers les revendent à leurs propres conditions aux utilisateurs finaux, quelle que soit la catégorie de clientèle à laquelle ils appartiennent. Une telle exclusion ne saurait cependant préjuger de l'analyse des relations entre concessionnaires d'une marque et distributeurs agréés du réseau secondaire de cette même marque, dans l'appréciation des conditions de la concurrence intra-marque.
Marchés de la vente de pièces de rechange et d'accessoires automobiles
Les entreprises du secteur automobile distribuent également des pièces de rechange et accessoires soit au stade du gros, soit à celui du détail. Les pièces de rechange indispensables au fonctionnement du véhicule, principalement fournies par les constructeurs ou les fabricants équipementiers de l'industrie automobile sous l'appellation " pièces d'origine " peuvent tout d'abord être distinguées des simples accessoires pour automobiles. Au stade du gros, les pièces de rechange sont distribuées par les concessionnaires des réseaux de constructeurs et les grossistes des réseaux de fabricants aux réparateurs agréés par les constructeurs, pour la plupart membres des réseaux de distribution, et aux réparateurs indépendants qui les montent dans le cadre de leurs services de réparation et d'entretien ou les revendent au détail. La Commission européenne distingue trois types de pièces en fonction de la catégorie à laquelle appartiennent leurs fournisseurs : " pièces d'origine " fournies par le constructeur, " pièces d'origine " identiques fournies par les fabricants de pièces détachées et " pièces de rechange de qualité équivalente " fournies par d'autres fabricants de pièces de rechange.
Les parties distribuent principalement des " pièces d'origine " aux réparateurs agréés situés dans le périmètre de leurs concessions et vendent " au comptoir " des pièces de rechange et des accessoires de toute nature.
Il n'apparaît cependant pas nécessaire au cas d'espèce de définir avec plus de précision les marchés de la vente de pièces détachés concernés par l'opération, dans la mesure où les conclusions de l'analyse demeurent inchangées quelle que soit la définition du marché retenue.
Marchés des services d'entretien et de réparation de véhicules automobiles
S'agissant des services d'entretien et de réparation des véhicules automobiles, une première segmentation peut être envisagée entre les services après-vente rendus dans le cadre de la garantie contractuelle du constructeur et les autres prestations de services de réparation et d'entretien.
Par ailleurs, la brochure explicative et les documents publiés par la Commission européenne à l'occasion de l'entrée en vigueur du nouveau règlement d'exemption relatif au secteur de l'automobile (cf. note 4) montrent que le consommateur dispose d'un choix plus ou moins large de prestataires de services selon le type d'intervention recherchée. Le remplacement de pièces détachées d'origine ou les travaux effectués, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la garantie contractuelle, seront par exemple généralement réalisés par le concessionnaire auprès duquel le véhicule a été acquis ou par un revendeur agréé de son réseau secondaire. En revanche, le recours à une offre alternative en dehors de ce réseau est plus fréquent lorsque l'utilisateur décide de remplacer certaines pièces, dites d'usure, non spécifiques au modèle de véhicule, telles que batteries ou pots d'échappement par exemple, ou lorsqu'il souhaite faire effectuer des réparations ou des contrôles relativement peu sophistiqués, qualifiées de " services express " par la profession.
Il n'apparaît cependant pas non plus nécessaire, pour les besoins de la présente décision, de définir avec plus de précision les marchés en cause en matière de services d'entretien et de réparation automobile, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées quelle que soit la définition du marché alternativement considérée.
Autres marchés de services (location de courte et longue durée, financement de crédit)
L'opération ne produit pas de chevauchement d'activités dans le secteur de location automobile de courte durée. En revanche, les parties à l'opération offrent toutes deux des services de crédit ainsi que des services de location longue durée (" LLD "), avec ou sans option d'achat, qui pourraient éventuellement être considérés, du point de vue de l'offre, comme une alternative de financement complémentaire de l'offre de crédit. Toutefois, les parties n'offrent ces services de crédit ou de LLD avec ou sans option d'achat qu'en qualité d'intermédiaires agissant soit pour le compte des sociétés du groupe Diac, filiales de Renault spécialisées dans les domaines du crédit automobile et de la LLD, soit pour celui d'autres sociétés financières partenaires des concessionnaires. Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire au cas d'espèce de définir plus précisément les marchés de services de financement ou de location de véhicules concernés, ni de trancher de manière définitive la question de savoir s'il convient d'inclure dans le marché de la vente au détail de VP neufs une partie des services de locations longue durée, notamment les LLD dont l'option d'achat est réalisée. En effet, les conclusions de l'analyse demeurent inchangées quelle que soit la définition des différents marchés retenue, compte tenu notamment, soit de l'absence de chevauchement d'activités entre les parties, soit du nombre limité de contrats LLD qu'elles réalisent, soit du rôle marginal qu'elles jouent en matière de financement de crédit.
B. - Les marchés géographiques
Marchés de la vente au détail de véhicules automobiles
Concernant la dimension géographique des marchés, il convient de rappeler en premier lieu que les marchés de la distribution au détail de biens manufacturés destinés aux consommateurs revêtent en général une dimension locale, dont l'étendue recouvre une ou plusieurs zones d'attraction pouvant être parfois regroupées en ensembles plus larges, en tenant compte de l'existence éventuelle de chaînes de substitution.
Toutefois, il peut être observé que les marchés de la vente au détail de VP neufs présentent plusieurs caractéristiques susceptibles de leur conférer une dimension plus large que d'autres marchés de produits manufacturés. En premier lieu, le caractère de bien relativement durable et onéreux que revêt un véhicule automobile est susceptible d'inciter les consommateurs à parcourir une distance plus élevée pour l'acquérir. Il convient cependant de ne pas surévaluer cette incitation compte tenu de la propension des acheteurs à faire exécuter les services d'entretien et de réparation, notamment dans le cadre de la garantie contractuelle, à proximité du lieu de garage principal du véhicule.
Il peut également être remarqué que le maillage territorial et l'organisation centralisée des réseaux de distribution automobile, la cohérence de l'image de marque des constructeurs, l'existence d'un service après-vente uniforme, la publication de prix conseillés au plan national et l'application par certains constructeurs de tarifs et de conditions générales de vente identiques pour tous les concessionnaires sur l'ensemble du territoire national confèrent un rôle déterminant aux orientations commerciales stratégiques décidées au plan national par chaque constructeur en fonction de la concurrence dite inter-marque qui l'oppose aux autres constructeurs.
En outre, il peut être présumé que le marché de la vente de VP neufs aux professionnels possède une dimension géographique généralement plus large que le marché de la vente de VP neufs aux particuliers, notamment lorsque la demande s'exprime essentiellement par voie d'appels d'offres auprès des constructeurs.
Par ailleurs, les marchés de la vente au détail de VP neufs sont, d'une manière générale, susceptibles de connaître une ouverture progressive à la suite de l'entrée en vigueur des mesures de décloisonnement des marchés nationaux mises en place par le nouveau régime communautaire d'exemption applicable à la distribution automobile (cf. note 5) Cependant, l'appréciation des effets d'une opération sur le marché des VP neufs destinés aux particuliers doit accorder une attention particulière aux aspects locaux de marchés sur lesquels le système actuel de distribution sélective et exclusive tend à limiter la concurrence intra-marque à l'intérieur des territoires attribués aux concessionnaires et revendeurs agréés. Toutefois les recoupements entre les territoires attribués par les différents constructeurs à leurs concessionnaires et les regroupements entre territoires voisins d'une même marque permettent à la concurrence, inter-marque et intra-marque, de jouer sur des zones géographiques plus larges telles qu'un département ou une région.
En effet, si l'organisation de la distribution en réseaux de marques et les orientations stratégiques communes à tous les constructeurs tendent à renforcer l'homogénéité des conditions de concurrence d'une région à l'autre, chaque concessionnaire d'une même marque se voit octroyer par le constructeur un ensemble de remises dont certaines varient selon la situation du concessionnaire (prime sur la qualité de l'accueil des clients par exemple). Le constructeur peut en outre accorder une remise exceptionnelle à un de ses concessionnaires afin de faciliter ponctuellement une vente.
Ce système permet aux revendeurs de moduler les remises (cf. note 6) et les conditions particulières qu'ils octroient eux-mêmes, notamment en vue de réagir à une concurrence par les prix au plan local. La concurrence au plan local peut donc jouer à la fois lors de la négociation entre l'acheteur et les revendeurs de modèles comparables mais de marques différentes, et lors de la négociation portant sur un même modèle offert par plusieurs concessionnaires d'une même marque situés à distance raisonnable l'un de l'autre, notamment dans le même département.
L'opération ne provoquant des chevauchements d'activités entre les parties que sur les marchés de la vente au détail de VP dans le département du Nord, il n'apparaît cependant pas nécessaire, au cas d'espèce, de déterminer avec plus de précision la dimension géographique du marché pertinent. En effet, même dans l'hypothèse d'une dimension géographique limitée à ce département, l'opération ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché de la vente au détail de VP aux particuliers.
Marchés de la vente de pièces de rechange et d'accessoires
Les mêmes observations qu'en matière de vente de VP neufs peuvent être faites s'agissant au moins de la distribution de " pièces d'origine ", organisée également en réseaux animés par les concessionnaires et les grossistes en pièces détachées. La vente au détail des pièces de rechange et des accessoires revêt en particulier une dimension probablement locale. Il n'apparaît toutefois pas nécessaire, au cas d'espèce, de déterminer avec plus de précision la dimension géographique des marchés pertinents. En effet, même dans l'hypothèse de marchés géographiques de la vente de pièces automobiles limités au département du Nord, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Marchés des services d'entretien et de réparation
A la différence des marchés de la vente au détail de VP neufs, les marchés de l'entretien et de la réparation des véhicules présentent des aspects locaux plus marqués, en raison des contraintes de proximité manifestes, liées à la prestation de tels services de réparation ou de maintenance.
Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire au cas d'espèce de définir plus précisément les marchés pertinents concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées même sur la base la plus étroite envisageable de marchés de dimension locale.
Autres marchés de services (location automobile et financement de crédit)
Il n'apparaît en tout état de cause pas nécessaire au cas d'espèce de définir plus précisément les marchés pertinents concernés, les conclusions de l'analyse demeurant inchangées même sur la base la plus étroite envisageable de marchés de dimension locale.
III. - Appréciation des effets de l'opération sur la concurrence
Compte tenu des activités exercées par les parties, l'impact de la concentration concerne essentiellement le marché de la vente au détail de VP neufs aux particuliers, et en second lieu les marchés de la vente de pièces de rechange. Compte tenu de la structure fragmentée de l'offre sur les marchés de la vente au détail de véhicules d'occasion, de l'entretien et de la réparation automobile ainsi que sur les divers autres marchés de services (LLD et financement de crédit), ainsi que du volume d'activité limité de la société acquise dans ces domaines, tout risque d'atteinte à la concurrence peut être exclu sur ces différents marchés.
Marchés de la vente au détail de VP neufs aux particuliers
La présente opération s'inscrit dans le mouvement de concentration progressif qui caractérise l'évolution générale du secteur de la distribution automobile en France et en particulier celle des réseaux de marques nationales. Selon Le Journal de l'Automobile, à la fin de l'année 2001, les différents réseaux de marques ont ainsi compté 261 " investisseurs " et 89 concessionnaires en moins par rapport à l'année précédente (soit une réduction de respectivement 8 % et 2 % toutes marques confondues). La Tribune du Concessionnaire recense pour sa part une trentaine de reprises notables de concessions sur la période 2001-2002, dont une dizaine est relative à la reprise de concessions Renault.
Ces reprises illustrent en outre le mouvement de concentration particulièrement marqué du réseau de distribution Renault, qui demeure encore le premier réseau de distribution automobile en France, en termes de nombre de sites primaires (cf. note 7) comme de sites secondaires (cf. note 8) .
Avec environ 18 000 VP principalement de marque Renault, livrés chaque année essentiellement dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Lorraine et Ile-de-France, le groupe GGBA se distingue par sa taille largement supérieure à la moyenne des revendeurs indépendants titulaires de concessions automobiles en France et se classe au troisième rang parmi les revendeurs du réseau national Renault (cf. note 9). Selon ses propres estimations, l'essentiel des livraisons réalisées par le groupe GGBA est destiné à des particuliers.
L'opération conduisant à l'absorption par GGBA de la société SNAT active dans le département du Nord, il convient d'examiner en particulier ses effets sur ce département.
Compte tenu du fait qu'une majorité des immatriculations de voitures de tourisme enregistrées dans le département du Nord en 2001 peut être attribuée à des particuliers, une évaluation des parts de marché sur la base du rapport entre les ventes de VP neufs réalisées par les parties dans ce département et le total des immatriculations de VP dans le même département peut, au cas d'espèce, être retenue comme un indicateur suffisamment fiable de la position détenue par la nouvelle entité sur un marché local de la vente au détail de VP neufs aux particuliers. Sur cette base, la part du marché VP neufs détenue par GGBA n'excède pas 5 %. En effet GGBA est principalement implanté dans le département voisin du Pas-de-Calais. En outre, dans l'hypothèse d'une réalisation de la cession, notifiée parallèlement à la présente opération, d'une autre concession automobile détenue par GGBA dans le même département, l'addition de parts de marché résultant de la présente acquisition de SNAT se verrait entièrement neutralisée, GGBA cédant un potentiel de ventes de VP équivalent à celui qu'il acquiert. En tout état de cause, les ventes de SNAT ne représentent que 797 VP immatriculés dans ce département la même année, soit une part de marché marginale.
Si l'acquisition de la concession Renault de Tourcoing permet à GGBA d'étendre son activité dans le département du Nord, elle ne modifie pas l'équilibre de la concurrence inter-marque dans cette région, compte tenu de la prépondérance de la marque Renault dans les ventes réalisées par les parties et de la présence de nombreux autres revendeurs de marques concurrentes. Or, la concurrence inter-marque constitue l'élément moteur du jeu de la concurrence en matière de distribution automobile, y compris au plan local, le système actuel de distribution sélective et exclusive tendant à limiter la concurrence intra-marque. La concentration ne modifie pas non plus substantiellement la position relative de GGBA vis-à-vis de ses principaux concurrents locaux, compte tenu de la taille relativement limitée de SNAT.
S'agissant des effets de l'opération sur la concurrence intra-marque au plan local, il peut être conclu de l'instruction du dossier que la concentration ne permettra pas à GGBA d'augmenter unilatéralement ses prix de ventes de véhicules Renault dans le département du Nord, compte tenu notamment de la présence dans ce département de deux puissants concurrents distribuant la marque Renault, au premier chef desquels le constructeur lui-même au travers de sa filiale Renault France Automobiles (RFA), le second concurrent de GGBA étant le groupe Granjon qui figure parmi les grands groupes de concessionnaires automobiles nationaux et a récemment acquis les concessions Renault du secteur d'Arras. Outre ces deux opérateurs, le groupe Conraux représente un troisième concurrent notable dans ce département.
De plus, compte tenu de la localisation des entreprises de la nouvelle entité dont la principale concession dans le département du Nord sera celle jusqu'alors exploitée par SNAT dans la zone à forte densité urbaine de Tourcoing, l'hypothèse que GGBA ne tente de mettre en œuvre une telle augmentation de prix de manière circonscrite à cette zone d'attractivité principale de la partie de son territoire peut être également exclue. En effet, compte tenu de la proximité immédiate des agglomérations de Roubaix et Lille d'une part et de la frontière belge d'autre part, toute tentative de hausse de prix des véhicules Renault vendus par la concession de Tourcoing entraînerait en effet un risque de report significatif des achats de véhicules de marque Renault, soit vers les sites de Roubaix et Lille exploités par la filiale du constructeur, soit vers les concessionnaires Renault situés dans les régions limitrophes de Belgique, soit encore vers d'autres marques présentes à Tourcoing, en particulier Peugeot, Citroën et Ford.
Compte tenu de ces éléments, et notamment de la présence de concurrents réels et potentiels suffisamment nombreux et puissants, tout risque d'atteinte à la concurrence sur un marché local de la vente au détail de VP neufs aux particuliers dans le département du Nord peut donc être exclu.
Il en va de même a fortiori sur les autres marchés du secteur de la distribution automobile, sur les marchés des services de réparation et d'entretien et sur les autres marchés de services précités car, soit les parties disposent de positions plus faibles encore que sur le marché de la vente de VP neufs, soit la concentration ne produit aucun ou quasiment aucun chevauchement d'activités.
En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que la concentration notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement de position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Notes :
(1) La Commission a notamment distingué entre " light duty trucks " " medium duty trucks " et " heavy duty trucks ".
(2) Cf. par exemple décision Ford/Volvo no IV/M.1452 en date du 26 mars 1999.
(3) Les neuf segments envisagés sont ainsi dénommés : A " mini cars ", B " small cars ", C " medium cars ", D " large cars ", E " executive cars ", F " luxury cars ", S " sport coupés ", M " multi purpose cars ", J " sport utility cars ".
(4) Règlement (CE) no 1400-2002 du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.
(5) Règlement CE no 1400-2002 précité.
(6) Dont la proportion s'élèverait à environ 8 % en moyenne en France selon une étude publiée par la Commission européenne.
(7) Le réseau primaire Renault compte à ce jour plusieurs centaines de sites, organisés autour de 62 succursales et 342 concessions indépendantes.
(8) Le réseau secondaire Renault compte 5 548 agents, dont 124 revendeurs agréés (VAR).
(9) GGBA est d'une taille approximativement comparable au groupe Gueudet (cf. décision Gueudet/Degand du 17 octobre 2002, en instance de publication).