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Décisions

CA Dijon, ch. civ. B, 3 septembre 2002, n° 00-01.816

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Timac (SA)

Défendeur :

Thimale (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Littner

Assesseurs :

Mme Arnaud, M. Richard

Avoués :

SCP Bourgeon & Kawala, SCP Fontaine-Tranchand & Soulard

Avocats :

Mes Lanfumez, Grosjean

T. com. Chaumont, du 23 oct. 2000

23 octobre 2000

EXPOSE DE L'AFFAIRE

La société anonyme Timac a fait appel du jugement rendu le 23 octobre 2000 par le Tribunal de commerce de Chaumont, qui l'a déboutée de ses demandes et condamnée à payer à la SARL Thimale la somme de 914,69 euro (6 000 F) au titre des frais irrépétibles.

Par des conclusions du 23 janvier 2002, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, elle expose que s'adressant aux mêmes clients dans le mêmes secteur géographique et commercialisant des produits identiques, la société intimée gérée par la compagne de M. Fabrice Labbe, ancien salarié de la société appelante, a adopté une dénomination " Thimale " de nature à créer une confusion évidente avec la SA Timac, que disposant des références de la clientèle de cette dernière, la société intimée a fait prospecter systématiquement les clients de la SA Timac, que la SARL Thimale par l'intermédiaire de M. Labbe profite de cette confusion vis-à-vis de la clientèle, qui a toujours l'impression d'être en relation avec la SA Timac, et qu'en employant M. Labbe comme responsable commercial, la société intimée se rend complice de la violation de la cause de non-concurrence imposée à cet ancien salarié.

Elle conclut à la réformation du jugement entrepris, à la condamnation de la SARL Thimale à lui verser la somme de 30 409,80 euro à titre de dommages-intérêts plus celle de 3 048,98 euro au titre des frais irrépétibles et à l'interdiction sous astreinte par la SARL Thimale de visiter la clientèle de l'appelante ainsi que de conserver la dénomination " Thimale " entraînant confusion.

La SARL Thimale, par des écritures du 25 septembre 2001, auxquelles il est pareillement fait référence, répond que la société appelante n'a pas démontré d'acte de concurrence déloyale commis par elle, que la dénomination " Thimale " représente les initiales des trois enfants de la gérante (Thibaut, Marie et Léa), que rien ne lui interdit de prospecter une clientèle constituée d'agriculteurs habitant un secteur géographique proche de son siège social, qu'à ce jour M. Labbe n'est plus tenu par une clause de non-concurrence, que s'il avait été envisagé d'engager M. Labbe comme responsable commercial, cela n'a pas été fait dans le but de respecter cette clause et qu'enfin la SA Timac ne justifie d'aucun préjudice.

Elle conclut à la confirmation du jugement, dont appel, en ce qu'il a débouté la SA Timac de ses demandes et à la condamnation de cette dernière à lui verser une somme de 4 573,47 euro (30 000 F) à titre de dommages-intérêts plus celle de 3 048,98 euro (20 000 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que M. Fabrice Labbe, qui a travaillé à la SA Timac, laquelle commercialise des engrais et des amendements calcaires, du 1er juin 1987 au 1er septembre 1999, date de sa démission, en qualité d'attaché commercial pour les départements de la Haute-Marne ainsi que partie des Vosges et de la Meuse, a signé une clause lui interdisant toute activité portant sur la commercialisation de produits susceptibles de concurrencer ceux vendus par la SA Timac pendant une année sur l'ensemble de son secteur ;

Attendu que Mlle Nathalie Monperrus, concubine de M. Labbe, a fait immatriculer le 6 septembre 1999 au registre du commerce la SARL Thimale, ayant un objet social identique à celui de la SA Timac et dont le siège social est situé au domicile des consorts Labbe-Monperrus ;

Attendu que si la ressemblance des raisons sociales est frappante, il n'est pas démontré que cette analogie ait crée dans l'esprit de la clientèle de la société appelante un risque de confusion ;

Attendu, en revanche, que de nombreux témoignages (M. Samuel Chaudouet, M. Michel Menetrier, M. Lionnel Roux, M. Jean Roussel) ainsi que des bons de commande démontrent, comme l'a relevé la chambre sociale de la Cour de Dijon dans son arrêt du 13 novembre 2001, que M. Labbe après sa démission, alors qu'il était lié par une clause de non-concurrence, a exercé comme salarié de la SARL Thimale une activité entrant dans le champ d'application de ladite clause ;

Attendu que ces violations à la clause de non-concurrence sont confirmées par un courrier de la SARL Thimale adressé aux clients de la société appelante par M. Labbe, qui se présente comme responsable commercial, libellé ainsi :

" Depuis douze années vous m'avez fait confiance, je vous en remercie très sincèrement. Aujourd'hui parce que crois à l'agriculture malgré une conjoncture difficile, j'ai décidé d'étendre une gamme de produits et de services afin de mieux répondre à vos besoins. C'est pourquoi je ne facturerai plus par l'organisme stockeur habituel mais par une société indépendante et privée Thimale SARL .... " ;

Attendu que la gérante de la SARL Thimale, laquelle a son siège et son principal établissement au domicile commun des consorts Labbe-Monperrus, ne pouvait ignorer les agissements déloyaux à l'égard de la société appelante commis par son salarié et concubin, M. Labbe ;

Attendu que les nombreux actes de concurrence déloyale rapportés plus haut ont nécessairement occasionné à la SA Timac un préjudice, dont la cour fixe l'indemnisation à la somme de 2 500 euro, étant précisé que la chambre sociale de la Cour a déjà ordonné à M. Labbe de lui rembourser la somme de 19 455,54 euro (127 620 F), correspondant aux indemnités compensatoires de la clause de non-concurrence ;

Attendu que cette clause de non-concurrence de M. Labbe ayant pris fin, il n'y a pas lieu d'interdire à la SARL Thimale de prospecter les clients de la société appelante, sauf si elle utilise à l'avenir des moyens déloyaux;

Attendu que la somme accordée à l'appelante sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sera fixée à 750 euro ;

Attendu que l'intimée, qui succombe, ne peut prétendre ni à dommages-intérêts, ni à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR : Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Condamne la SARL Thimale à payer à la SA Timac la somme de 2 500 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de l'activité de concurrence déloyale exercée, plus celle de 750 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la SARL Thimale aux dépens d'instance et d'appel et dit que la SCP Bourgeon Kawala, avoués, pourra recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.