TPICE, 1re ch., 6 avril 1995, n° T-142/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Usines Gustave Boël (SA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kirschner
Juges :
MM. Bellamy, Vesterdorf, García-Valdecasas, Lenaerts
Avocats :
Mes Vandersanden, Defalque, Coutrelis
LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
Les faits à l'origine du recours
1 La présente affaire a pour objet la décision 89-515 de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (31.553 - Treillis soudés, JO L 260, p. 1, ci-après "décision"), par laquelle celle-ci a infligé à quatorze producteurs de treillis soudés une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le produit faisant l'objet de la décision est le treillis soudé. Il s'agit d'un produit préfabriqué d'armature, constitué de fils d'acier tréfilés à froid, lisses ou crantés, qui sont assemblés par soudage de chaque point de croisement pour former un réseau. Il est utilisé dans presque tous les domaines de la construction en béton armé.
2 A partir de 1980, un certain nombre d'ententes et de pratiques, qui sont à l'origine de la décision, se seraient développées dans ce secteur sur les marchés allemand, français et du Benelux.
3 Pour le marché allemand, le Bundeskartellamt a autorisé, le 31 mai 1983, la constitution d'un cartel de crise structurelle des producteurs allemands de treillis soudé, qui, après avoir été prorogé une fois, a pris fin en 1988. Le cartel avait comme objet la réduction des capacités et prévoyait également des quotas de livraison et une régulation des prix qui n'ont toutefois été approuvés que pour les deux premières années de son application (points 126 et 127 de la décision).
4 La Commission française de la concurrence a émis, le 20 juin 1985, un avis relatif à la situation de la concurrence sur le marché des treillis soudés en France, qui a été suivi par une décision n° 85-6, du 3 septembre 1985, du ministre de l'Économie, des Finances et du Budget français, imposant des amendes à diverses sociétés françaises pour avoir mis en œuvre des actions et des pratiques ayant pour objet et pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et d'entraver le fonctionnement normal du marché durant la période allant de 1982 à 1984.
5 Les 6 et 7 novembre 1985, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), des fonctionnaires de la Commission ont procédé, simultanément et sans avertissement, à des inspections dans les bureaux de sept entreprises et de deux associations : à savoir, Tréfilunion SA, Sotralentz SA, Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL, Ferriere Nord SpA (Pittini), Baustahlgewebe GmbH (BStG), Thibo Draad-en Bouwstaalprodukten BV (Thibodraad), NV Bekaert, Syndicat national du tréfilage d'acier (STA) et Fachverband Betonstahlmatten eV; les 4 et 5 décembre 1985, ils ont procédé à d'autres inspections dans les bureaux des entreprises ILRO SpA, GB Martinelli, NV Usines Gustave Boël (afdeling Trébos), Tréfileries de Fontaine-l'Évêque (TFE), Frère-Bourgeois Commerciale SA (FBC), Van Merksteijn Staalbouw BV et ZND Bouwstaal BV.
6 Les éléments trouvés dans le cadre de ces vérifications ainsi que les renseignements obtenus en application de l'article 11 du règlement n° 17 ont amené la Commission à conclure que, entre 1980 et 1985, les producteurs concernés avaient violé l'article 85 du traité par une série d'accords ou de pratiques concertées sur les quotas de livraison et sur les prix du treillis soudé. La Commission a engagé la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, et le 12 mars 1987, la communication des griefs a été envoyée aux entreprises concernées qui y ont répondu. Une audition de leurs représentants a eu lieu les 23 et 24 novembre 1987.
7 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision. Selon celle-ci (point 22), les restrictions de la concurrence consistaient en une série d'accords et/ou de pratiques concertées ayant pour objet la fixation de prix et/ou de quotas de livraison ainsi que la répartition des marchés du treillis soudé. Ces ententes avaient, selon la décision, trait à différents marchés partiels (les marchés français, allemand ou celui du Benelux), mais affectaient le commerce entre Etats membres puisqu'y participaient des entreprises établies dans plusieurs Etats membres. Selon la décision: "il s'agit moins en l'espèce d'une entente globale entre tous les producteurs de tous les Etats membres concernés que d'un ensemble d'ententes différentes entre des participants parfois différents eux aussi. Toutefois en réglementant les différents marchés partiels, cet ensemble d'ententes a eu pour effet de réglementer dans une large mesure une partie substantielle du marché commun."
8 La décision comporte le dispositif suivant:
"Article premier
Les entreprises Tréfilunion SA, Société métallurgique de Normandie (SMN), CCG (TECNOR), Société de treillis et panneaux soudés (STPS), Sotralentz SA, Tréfilarbed SA ou Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL, Tréfileries de Fontaine-l'Évêque, Frère-Bourgeois Commerciale SA (maintenant Steelinter SA), NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos, Thibo Draad-en Bouwstaalprodukten BV (maintenant Thibo Bouwstaal BV), Van Merksteijn Staalbouw BV, ZND Bouwstaal BV, Baustahlgewebe GmbH, ILRO SpA, Ferriere Nord SpA (Pittini) et GB Martinelli fu GB Metallurgica SpA ont enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en participant, entre le 27 mai 1980 et le 5 novembre 1985, dans un ou plusieurs cas, à un ou plusieurs accords et/ou pratiques concertées (ententes) qui consistaient à fixer des prix de vente, à restreindre les ventes, à se répartir les marchés et à prendre des mesures visant à appliquer ces ententes et à contrôler cette application.
Article 2
Dans la mesure où elles continuent à exercer une activité dans le secteur des treillis soudés dans la Communauté, les entreprises citées à l'article 1er sont tenues de mettre fin immédiatement aux infractions constatées (si elles ne l'ont pas encore fait) et de s'abstenir à l'avenir, en ce qui concerne cette activité, de tous accords et/ou pratiques concertées ayant un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises citées ci-après pour les infractions constatées à l'article 1er :
1) Tréfilunion SA (TU): une amende de 1 375 000 écus;
2) Société métallurgique de Normandie (SMN): une amende de 50 000 écus;
3) Société des treillis et panneaux soudés (STPS): une amende de 150 000 écus;
4) Sotralentz SA: une amende de 228 000 écus;
5) Tréfilarbed Luxembourg-Saarbruecken SARL: une amende de 1 143 000 écus;
6) Steelinter SA: une amende de 315 000 écus;
7) NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos: une amende de 550 000 écus;
8) Thibo Bouwstaal BV: une amende de 420 000 écus;
9) Van Merksteijn Staalbouw BV: une amende de 375 000 écus;
10) ZND Bouwstaal BV: une amende de 42 000 écus;
11) Baustahlgewebe GmbH (BStG): une amende de 4 500 000 écus;
12) ILRO SpA: une amende de 13 000 écus;
13) Ferriere Nord SpA (Pittini) : une amende de 320 000 écus;
14) GB Martinelli fu GB Metallurgica SpA: une amende de 20 000 écus.
..."
9 Selon la décision [points 14 et 195, sous f)], l'entreprise NV Usines Gustave Boël, afdeling Trébos, est une division, non dotée de la personnalité juridique, de la société NV Usines Gustave Boël. La Commission a donc adressé la décision à cette dernière. Il sera donc fait référence à la requérante indistinctement sous le nom de Boël, Trébos ou Boël/Trébos.
La procédure
10 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 17 octobre 1989, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision. Dix des treize autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours.
11 Par ordonnances du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les dix autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1). Ces recours ont été enregistrés sous les numéros T-141-89 à T-145-89 et T-147-89 à T-152-89.
12 Par ordonnance du 13 octobre 1992, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 50 du règlement de procédure.
13 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 22 avril et le 7 mai 1993, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal.
14 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
15 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 14 au 18 juin 1993.
Conclusions des parties
16 La requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:
- reconnaître le présent recours recevable et fondé;
- en conséquence et à titre principal, annuler la décision, constatant une infraction à l'article 85 du traité CEE dans le chef de la requérante;
- à titre subsidiaire, réduire l'amende de 550 000 écus infligée à la requérante;
- en tout état de cause, réduire le taux d'intérêt appliqué à l'amende à 9 %;
- condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.
17 La Commission a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours comme non fondé;
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
18 La requérante invoque, en substance, deux moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité; le second est pris de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 1,
du traité
I - Sur l'établissement des ententes
A - Sur le marché français
1. Pour la période 1981-1982
Acte attaqué
19 La décision (points 23 à 50 et point 159) fait grief à la requérante d'avoir participé, entre avril 1981 et mars 1982, à une première série d'ententes sur le marché français. Ces ententes auraient impliqué, d'une part, les producteurs français (Tréfilunion, STPS, SMN, CCG et Sotralentz) et, d'autre part, les producteurs étrangers opérant sur le marché français (ILRO, Ferriere Nord, Martinelli, Boël/Trébos, TFE, FBC et Tréfilarbed). Elles auraient eu pour objet de définir des prix et des quotas, en vue de limiter les importations de treillis soudés en France.
Arguments des parties
20 La requérante reconnaît avoir participé aux réunions des ententes, mais soutient que c'est à tort que la Commission infère sa participation aux ententes de sa participation aux réunions.
21 Elle fait valoir, en premier lieu, que, en raison de sa petite part de marché en France, elle n'a pas joué un rôle déterminant dans les réunions et que son objectif en y participant était de s'informer de l'évolution du marché et de déterminer, en conséquence, son attitude en toute liberté, en fonction de ses intérêts commerciaux.
22 En ce qui concerne les prix, la requérante conteste que la prétendue entente ait permis une hausse spectaculaire des prix. Elle ajoute que la Commission n'a pas apporté la preuve de l'identité des prix qu'elle a pratiqués avec ceux des autres producteurs.
23 En ce qui concerne les quotas, la requérante reconnaît avoir procédé à des échanges de vues concernant les répartitions idéales de marchandises, mais elle nie avoir participé à un accord de quotas et s'y être tenue. Elle conteste la conclusion que la Commission tire d'une note manuscrite de Ferriere Nord au point 49 de la décision annexe (ann.) 25 à la communication des griefs (c.g.), à savoir que, si le volume de ventes pour les Belges en France était de 8 000 tonnes et que 4 000 tonnes étaient attribuées à TFE/FBC - FBC commercialisant la production de TFE -, le quota de Boël/Trébos devait également s'élever à 4 000 tonnes.
24 La Commission relève que la requérante a reconnu sa participation aux réunions dans le cadre des ententes et qu'elle ne conteste pas l'objet anticoncurrentiel de celles-ci. Le fait que cette participation avait pour but de s'informer de l'évolution du marché et d'avoir des échanges de vues quant aux répartitions idéales des produits n'ôterait pas à cette participation son caractère d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisqu'une telle participation serait par elle-même contraire à cette disposition.
25 Elle ajoute que les documents mentionnés dans la décision suffisent à établir que la requérante a pris une part active aux ententes. Le fait que la requérante n'ait pas respecté les prix et les quotas n'altérerait pas l'existence de l'infraction.
26 La Commission rappelle enfin que la hausse des prix est la conséquence d'une situation à caractère artificiel (point 24 de la décision) et qu'elle a indiqué (points 40 à 45 de la décision) que des différends concernant les prix se sont manifestés entre les parties, ce qui a provoqué des plaintes de la part de la requérante (points 40 et 50 de la décision).
Appréciation du Tribunal
27 Le Tribunal constate que la requérante admet sa participation aux réunions, mais qu'elle nie avoir souscrit à des accords de prix et de quotas. Il convient cependant de relever que la requérante ne conteste pas que les réunions auxquelles elle a participé avaient pour objet de fixer des prix et des quotas. Il faut donc examiner si c'est à bon droit que la Commission a inféré de la participation de la requérante à ces réunions sa participation aux ententes.
28 Le Tribunal estime que les documents avancés par la Commission permettent d'établir que la requérante a participé aux ententes mises en œuvre sur le marché français en 1981 et en 1982. En effet, il ressort de la note de Ferriere Nord (ann. 25 c.g., point 49 de la décision), relative à la réunion qui s'est tenue à Paris le 1er avril 1981 entre les producteurs français, italiens et belges, qu'à ce moment un volume de 8 000 tonnes avait "déjà" été "négocié" pour les producteurs belges. Une autre note, datée du 23 octobre 1981, de Tréfilunion (ann. 1 c.g., points 46 et 48 de la décision), montre que, selon les "accords récents", le quota de l'autre producteur belge était de 4 000 tonnes. C'est à bon droit que la Commission a déduit de ces deux documents que la requérante s'était vu octroyer un quota de 4 000 tonnes aux termes des accords conclus, dont, selon le second document, Tréfilarbed s'est plainte qu'ils réservaient "une part trop belle aux producteurs italiens et belges".
29 Un télex du 15 mars 1982, émanant de Boël et adressé à Ferriere Nord, montre que "l'accord franco-belgo-italien du début de l'année 1981" portait également sur les prix dans la mesure où M. Castelnuovo, de Boël, s'y plaint de ce que "M. Montanelli d'ILRO vend, par l'intermédiaire d'une société de Briançon, des quantités assez importantes de treillis en France, à des prix nettement inférieurs à ceux qui ont été convenus" dans le cadre de cet accord et s'associe à M. Boël pour remercier M. Pittini, de Ferriere Nord, de "préserver le marché de coups" (ann. 17 c.g., point 50 de la décision).
30 En avril 1982, la requérante a pris part à des discussions en vue d'adapter et de faire respecter les accords à l'avenir comme le montrent une note de M. Cattapan, de Ferriere Nord, relative à une réunion du 6 avril 1982 (ann. 19 c.g., point 50 de la décision) ainsi qu'un télex de ce dernier, adressé à Italmet, l'agent en France de Ferriere Nord et de Martinelli, et daté du 20 avril 1982, qui reproduit un télex du 19 avril 1982 adressé aux représentants d'ILRO, Martinelli et Tréfilunion (ann. 20 c.g., point 50 de la décision), selon lequel il y a été fait état de "l'initiative prise par quelques producteurs français de sortir sur le marché à des conditions non conformes aux dernières directives".
31 Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante aux ententes qui avaient pour objet de définir des prix et des quotas sur le marché français durant la période 1981-1982.
32 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.
2. Pour la période 1983-1984
Acte attaqué
33 La décision (points 51 à 76 et 160) fait grief à la requérante d'avoir participé à une seconde série d'ententes impliquant, d'une part, les producteurs français (Tréfilunion, STPS, SMN, CCG et Sotralentz) et, d'autre part, les producteurs étrangers opérant sur le marché français (ILRO, Ferriere Nord, Martinelli, Boël/Trébos, TFE, FBC et Tréfilarbed). Ces ententes auraient eu pour objet de définir des prix et des quotas, en vue de limiter les importations de treillis soudés en France. Cette série d'ententes aurait été mise en œuvre entre le début de l'année 1983 et la fin de l'année 1984 et aurait été formalisée par l'adoption, le 14 octobre 1983, d'un "protocole d'accord" conclu pour la période du 1er juillet 1983 au 31 décembre 1984. Ce protocole regrouperait les résultats des différentes négociations entres les producteurs français, italiens, belges et l'Arbed concernant les quotas et les prix à appliquer sur le marché français et fixerait les quotas de la Belgique, de l'Italie et de l'Allemagne à 13,95 % de la consommation sur le marché français "dans le cadre d'une convention établie entre ces producteurs et la profession française". La requérante n'aurait plus respecté ces ententes après juin 1984 (point 76 de la décision).
Arguments des parties
34 La requérante nie avoir participé à la réalisation effective des quotas et avoir eu le quota de 2,86 % que la Commission lui impute en se basant sur des documents provenant de l'Association technique pour le développement de l'emploi du treillis soudé (ci-après "ADETS"). Elle soutient qu'elle n'est devenue membre de l'ADETS qu'en 1986 et qu'elle n'a jamais marqué son accord sur le contenu de ces documents. Elle prétend avoir effectué des livraisons bien supérieures aux soi-disant quotas.
35 Elle ajoute qu'elle n'est pas mentionnée dans le protocole d'accord du 14 octobre 1983 et ne l'a pas signé.
36 La requérante fait observer qu'il y a une contradiction entre les tableaux figurant à l'annexe 42 à la communication des griefs, qui se réfèrent aux mois de janvier, février et mars 1984, et le point 65 de la décision, qui, prétendument, reproduit les données desdits tableaux, mais qui, en réalité, concerne la période de juillet 1983 à mars 1984.
37 La Commission fait valoir que les documents établis par l'ADETS (ann. 40 à 43 c.g., point 62 de la décision) correspondent exactement aux termes du protocole d'accord, d'où ressort la participation belge (point 60 de la décision) du fait de l'existence d'une convention établie entre les producteurs étrangers et la profession française. Elle fait observer que les tableaux produits par la requérante ne prouvent rien car ils ne contiennent pas de données comparables aux documents de l'ADETS et que, en tout cas, les livraisons très supérieures aux quotas n'ont eu lieu que postérieurement à la date que la décision a retenue pour délimiter la durée de l'infraction (points 73 et 76). La Commission estime que, dans un tel contexte, le fait que la requérante n'ait pas signé le protocole ne signifie pas qu'elle n'ait pas participé aux ententes. Au surplus, la Commission souligne que l'annexe 42 a été établie pour le mois de mars 1984, mais concerne les livraisons de treillis soudés sur le marché français, en chiffres cumulés pour toute la période allant de juillet 1983 à mars 1984, exactement comme le tableau figurant au point 65 de la décision.
Appréciation du Tribunal
38 Le Tribunal constate que la décision fait grief à la requérante d'avoir participé à l'ensemble des ententes conclues sur le marché français (point 51) qui ont été préparées durant la première moitié de l'année 1983 et ont débouché sur un protocole d'accord où sont regroupés les résultats de ces différentes négociations (point 60). Selon la décision [point 60, sous c)], "la participation belge ressort du protocole d'accord lui-même", tandis que le quota attribué à Boël ressort de documents établissant des comparaisons mensuelles et cumulées entre les quotas et les livraisons réelles (point 62). La décision relève que, en mai et en juin 1984, les sociétés belges ont commencé à dépasser leurs quotas en chiffres cumulés (point 73) pour en conclure que Boël et les autres n'ont plus respecté les ententes après juin 1984 (point 76).
39 A titre liminaire, il y a lieu de relever que la Commission ne dispose d'aucune preuve de l'implication de Boël dans les discussions de l'année 1983. En effet, la requérante n'était pas présente à la réunion de Milan du 23 février 1983, au cours de laquelle ces discussions ont eu lieu (ann. 27 et 29 c.g., point 53 de la décision). Par ailleurs, le télex de M. Chopin de Janvry, représentant de Sacilor, du 24 mai 1983, relatif à une réunion du 19 mai (ann. 30 c.g., point 55 de la décision), n'a pas été communiqué à la requérante et ne peut donc être retenu contre elle.
40 Il importe toutefois de vérifier si l'implication de Boël ne peut être déduite de documents postérieurs. A cet égard, il convient de relever que la Commission a produit deux types de documents pour établir la participation de Boël aux ententes de quotas conclues sur le marché français pour la période 1983-1984. Il s'agit, d'une part, d'un document intitulé "protocole d'accord 'Treillis soudé'", daté du 14 octobre 1983, et, d'autre part, d'une série de tableaux reprenant pour les mois de janvier, février, mars, mai et juin 1984 les chiffres de vente des différents producteurs sur le marché français et leur part de ce marché, et comparant ces chiffres par rapport à des "références".
41 Le Tribunal constate que les attendus du protocole d'accord insistent sur la nécessité de "limiter et réguler les importations belges, italiennes et allemandes (hors Tréfilarbed) en les fixant à 13,95 % de la consommation du marché, dans le cadre d'une convention établie entre ces producteurs et la profession française" et que ce chiffre correspond parfaitement à la "référence" attribuée dans les tableaux aux producteurs belges et italiens.
42 Cette correspondance parfaite prend un relief tout particulier à la lumière du fait que la requérante a été étroitement associée à l'élaboration de ces tableaux. En effet, Tréfilunion disposait, en janvier 1984, des chiffres des ventes mensuelles pour la requérante en France depuis juillet 1983, puisque ceux-ci sont repris dans le chiffre cumulé de ses ventes dans le tableau de janvier 1984 (ann. 42 c.g., points 62 et suivants de la décision). Or, les chiffres repris dans les tableaux correspondent à peu de chose près aux ventes effectives de la requérante, telles qu'elles ressortent des chiffres qu'elle a produits lors de l'audience, et celle-ci n'a avancé aucune explication quant à la manière dont ces chiffres ont été transmis à l'ADETS dont elle n'était pas membre à l'époque.
43 A ces éléments, il convient d'ajouter le fait que les chiffres de vente de la requérante figurent sous la rubrique "total contractants" et qu'ils sont comparés, en termes absolus et en termes de part de marché, avec des chiffres figurant dans la colonne intitulée "références".
44 Ces éléments sont enfin corroborés par le fait qu'il ressort d'un télex du 13 avril 1984 que la requérante a été conviée à une réunion pour le 15 mai 1984, dont l'objet était "d'établir un bilan de notre coopération, faire un tour d'horizon du marché européen et construire, à partir du constat de celui-ci, un calendrier des hausses dont les valeurs restent à établir et l'interpénétration des marchés" (ann. 47 c.g., point 67 de la décision).
45 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal estime que c'est à bon droit que la Commission a conclu que la requérante avait participé aux ententes de quotas relatives au marché français jusqu'en juin 1984.
46 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.
B - Sur le marché du Benelux
47 La décision fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes concernant le marché du Benelux et comportant notamment, d'une part, des ententes sur les quotas et, d'autre part, des ententes sur les prix.
1. Les ententes sur les quotas
Acte attaqué
48 La décision (point 164) souligne que, bien qu'il n'y ait pas eu de fixation de quotas au cours des réunions de Breda et de Bunnik (Pays-Bas) (des propositions en ce sens auraient été examinées, mais n'auraient apparemment pas été adoptées), il n'en reste pas moins que des données relatives à des entreprises individuelles ont été communiquées à des concurrents en vue de préparer un cartel de quotas et, en particulier, que les chiffres d'exportation ont été communiqués par Tréfilunion à Boël/Trébos (point 85 de la décision), ce qui constitue une infraction à l'article 85 du traité.
49 La décision [points 78, sous b), et 171] fait aussi grief à la requérante d'avoir participé à des ententes entre les producteurs allemands, d'une part, et les producteurs du Benelux ("club de Breda"), d'autre part, consistant en l'application de restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers la Belgique et les Pays-Bas ainsi qu'en la communication des chiffres d'exportation de certains producteurs allemands au groupe belgo-néerlandais.
Arguments des parties
50 La requérante nie le fait qu'après la réunion du 26 août 1982 des mesures aient été mises en vigueur en commun pour réaliser un cartel de quotas.
51 La Commission estime qu'il est incontestable qu'après la réunion du 26 août 1982 des tentatives ont été faites en vue de créer un cartel de quotas, tentatives qui n'ont pas réussi (point 112 de la décision). Cependant, l'échange des informations entre concurrents qui pouvaient être utilisées potentiellement pour créer un tel cartel constituait, à tout le moins, une pratique concertée au sens de l'article 85 du traité.
Appréciation du Tribunal
52 Le Tribunal constate que la décision ne fait pas grief à la requérante d'avoir participé à un cartel de quotas, mais d'avoir échangé des informations qui pouvaient être utilisées pour créer un tel cartel.
53 La requérante n'ayant pas contesté l'existence de cet échange d'informations, que révèle d'ailleurs le document mentionné au point 85 de la décision, il y a lieu de conclure que la Commission a prouvé à suffisance de droit l'existence d'une pratique concertée au sens de l'article 85 du traité (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711, points 258 à 261).
54 En outre, le Tribunal constate que la requérante ne conteste aucunement sa participation aux ententes sur les restrictions quantitatives aux exportations allemandes vers le Benelux ainsi que sur la communication des chiffres d'exportation.
2. Les ententes sur les prix
Acte attaqué
55 La décision [points 78, sous a) et b), 163 et 168] fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes sur les prix entre les principaux producteurs vendant sur le marché du Benelux, y compris les producteurs "non Benelux", et à des ententes entre les producteurs allemands qui exportent vers le Benelux et les autres producteurs vendant dans le Benelux sur le respect de prix fixés pour le marché du Benelux. Selon la décision, ces ententes ont été arrêtées lors de réunions qui ont eu lieu à Breda et à Bunnik entre août 1982 et novembre 1985, réunions auxquelles ont participé (point 168 de la décision) au moins Thibodraad, Tréfilarbed, Boël/Trébos, FBC, Van Merksteijn, ZND, Tréfilunion et, parmi les producteurs allemands, au moins BStG. La décision se base sur de nombreux télex envoyés à Tréfilunion par son agent pour le Benelux. Ces télex contiennent des données précises sur chaque réunion [date, lieu, participants, absents, objet (discussion de la situation du marché, propositions et décisions concernant les prix), fixation de la date et du lieu de la prochaine réunion].
Arguments des parties
56 La requérante admet avoir participé à des réunions relatives au marché du Benelux pendant lesquelles ont été échangées des informations sur les prix pratiqués, mais elle souligne qu'elle n'y assistait que pour s'informer sur les conditions du marché, qu'elle a joué un rôle purement passif et ne s'est jamais engagée vis-à-vis des autres participants. Au surplus, afin de contester un éventuel rôle de locomotive dans ce domaine, elle nie que la réunion du 26 août 1982 tenue à Breda ait été convoquée par Trébos à l'initiative de M. Boël (point 84 de la décision), et souligne qu'elle l'a été par M. Broekman, de Thibodraad.
57 La Commission souligne que Trébos a été présente à toutes les réunions à Breda et à Bunnik au cours desquelles des prix ont été fixés et que son intérêt particulier pour cette entente ressort de son télex du 26 mars 1984, mentionné au point 97 de la décision. S'agissant de la réunion du 26 août 1982, la Commission souligne qu'il est inscrit au compte rendu de Tréfilunion sur ladite réunion qu'elle a été "organisée par Trébos suite à l'initiative de M. Boël" et que la requérante n'apporte aucune preuve pour récuser cette affirmation.
Appréciation du Tribunal
58 Le Tribunal constate que la requérante admet sa participation aux réunions, mais qu'elle nie avoir souscrit à des accords de prix. Il convient cependant de relever que la requérante ne conteste pas que les réunions auxquelles elle a participé avaient pour objet de fixer des prix. Il faut donc examiner si c'est à bon droit que la Commission a inféré de la participation de la requérante à ces réunions sa participation aux ententes.
59 Le Tribunal estime que, contrairement à ce qu'elle affirme, la requérante ne s'est pas bornée au cours des réunions à récolter des informations sur le marché, mais qu'elle y a pris une part active. A cet égard, il n'est pas important que la requérante n'ait pas organisé la réunion du 26 août 1982; il suffit, en effet, de relever les interventions de M. Boël lors de ladite réunion, au cours de laquelle il a exigé qu'une solution intervienne sur le marché belge, ou l'attitude de M. De Hornois, représentant de Boël/Trébos, telle qu'exprimée dans son télex du 26 mars 1984 (ann. 68 c.g., point 97 de la décision) à M. Marie, de Tréfilunion, où l'on peut lire ce qui suit: "Suite à la réunion du marché belge du 22 mars 1984, les prix pour les treillis soudés ont été remontés de 17 400 BFR à 18 500 BFR pour mars/avril et une hausse de 500 BFR pour mai est prévue... Nous vous prions de donner ces instructions à M. Peters, parce que nous avons constaté que vous êtes actif et intéressé au marché belge, néanmoins (sic) les explications de M. Peters à la dernière réunion de Breda." Au surplus, il y a lieu de rappeler que le télex du 3 avril 1984 de Tréfilunion à Trébos (mentionné au point 97 de la décision, ann. 69 c.g.) montre le rôle joué par M. Boël en ce qui concerne l'introduction de Tréfilunion sur le marché belge.
60 En outre, à supposer même que la requérante n'ait pas pris une part active aux réunions, le Tribunal considère que, eu égard au caractère manifestement anticoncurrentiel de l'objet de celles-ci, démontré par les nombreux télex de M. Peters à Tréfilunion mentionnés par la décision, la requérante, en y participant sans se distancier publiquement de leur contenu, a donné à penser aux autres participants qu'elle souscrivait au résultat des réunions et qu'elle s'y conformerait (arrêts du Tribunal, Hercules Chemicals/Commission, précité, point 232, et du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, points 98 à 100).
61 Il résulte de ce qui précède que la Commission a prouvé à suffisance de droit la participation de la requérante aux ententes sur le marché du Benelux pendant la période d'août 1982 à novembre 1985 et qui ont porté sur les prix.
62 Le grief de la requérante doit donc être rejeté.
C - Sur le marché allemand
Acte attaqué
63 La décision (points 147 et 182) fait grief à la requérante d'avoir participé à des ententes sur le marché allemand ayant pour objet, d'une part, de réguler les exportations des producteurs du Benelux vers l'Allemagne et, d'autre part, de respecter les prix en vigueur sur le marché allemand. Selon la décision, à ces ententes auraient participé la requérante, Tréfilarbed (Roermond), TFE/FBC, Thibodraad et BStG (points 150, 153, 154, 179 et 181 de la décision).
Arguments des parties
64 La requérante nie sa participation aux ententes relatives au marché allemand. Elle fait valoir qu'elle n'avait aucun intérêt à exporter vers le marché allemand du fait qu'elle avait une filiale à 100 % en Allemagne, à travers laquelle elle était parfaitement tenue informée des décisions prises par le cartel allenand de crise structurelle et, d'autre part, à travers ou en accord avec laquelle elle effectuait ses ventes en Allemagne.
65 Elle ajoute que ses exportations vers l'Allemagne ont été particulièrement importantes entre 1983 et 1986, ce qui établirait qu'elle n'a pas participé à l'entente de quotas.
66 Enfin, la requérante fait valoir qu'elle vendait systématiquement à un prix inférieur de 10 DM au prix fixé par le cartel. Lors de l'audience, elle a souligné qu'il n'était pas interdit à une entreprise de vendre ses produits à un niveau proche des prix imposés sur un marché, d'autant plus que ce prix était élevé et que sa filiale était obligée de respecter ce prix en raison de son appartenance au cartel.
67 La Commission relève que les documents mentionnés dans la décision suffisent à établir la participation de la requérante aux ententes.
68 En ce qui concerne l'existence de la filiale de la requérante, la Commission estime qu'elle ne suffit pas à prouver qu'elle n'avait pas d'intérêt à pénétrer le marché allemand. Elle ajoute que le fait que le tonnage expédié en Allemagne a été important pendant cette période montre précisément l'intérêt qu'avait Boël à pénétrer le marché allemand.
69 Elle relève que l'augmentation des exportations de Boël vers le marché allemand en 1982-1983 s'explique par la hausse des prix du marché allemand liée à la constitution du cartel de crise et fait observer que les exportations de Boël se sont stabilisées entre 1983 et 1985, années qui correspondent à celles des ententes à la différence des autres années. Elle y voit une conséquence de la concertation étroite entre Trébos et BStG à laquelle se réfère M. Mueller, directeur général de BStG, dans son télex du 15 décembre 1983 [ann. 65 (b), c.g., point 92 de la décision]).
70 Quant à la question des prix, la Commission relève que la requérante avoue implicitement s'être située par rapport aux prix du cartel, ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait agi uniquement en fonction des forces du marché.
Appréciation du Tribunal
71 Le Tribunal estime que la participation de la requérante aux ententes relatives au marché allemand ressort du télex daté du 15 décembre 1983 adressé par M. Mueller à Thibodraad, suite à une réunion tenue à Breda le 5 décembre 1983, à laquelle a participé la requérante, dans lequel il est dit: "Je me permets toutefois de faire observer que les échanges transfrontières qui ont le plus augmenté sont les échanges de la Belgique vers l'Allemagne, augmentation qui, étant donné la concertation étroite avec Boël, est manifestement imputable au deuxième producteur belge." L'implication de la requérante dans ces ententes est confirmée par un télex daté du 11 janvier 1984, adressé par M. Peters à M. Marie, qui fait référence à une réunion tenue à Breda le 5 janvier 1984 à laquelle ont participé la requérante, FBC, Tréfilarbed, Tréfilunion, BStG et d'autres entreprises néerlandaises. Ce télex précise ce qui suit: "Les participants habituels demandent aux représentants de Baustahlgewebe de ne plus perturber les marchés du Benelux par des exportations importantes et à très bas prix vers ces marchés. Les Allemands se défendent en expliquant que les Belges (Boël et plus récemment Frère-Bourgeois) exportent vers l'Allemagne des tonnages comparables. Les Belges précisent que eux respectent les prix du marché allemand, que l'on doit parler de pourcentage de marché et non de tonnes. Rien de concret n'est décidé." Ces deux éléments de preuve sont également corroborés par une note interne datée du 24 avril 1985 (ann. 112 c.g., point 153 de la décision) élaborée par M. Debelle, de FBC, à propos d'une réunion tenue le même jour à Bunnik, selon laquelle "M. Ruthotto (représentant de BStG) a confirmé en séance que les deux usines belges respectaient scrupuleusement les accords de prix décidés à la Baustahlgewebe".
72 Il ressort donc de ces documents que la requérante a participé à une concertation relative à ses exportations vers le marché allemand avec BStG et qu'elle a tenté, à tout le moins, de donner l'impression qu'elle respectait les prix et les volumes de vente convenus.
73 Face à ces différents éléments, la requérante ne saurait se prévaloir de l'importance et de l'augmentation de ses exportations vers l'Allemagne et du fait que, ayant une filiale en Allemagne, elle n'avait pas d'intérêt à exporter vers ce marché. En effet, le Tribunal constate que l'augmentation des exportations de la requérante vers l'Allemagne observée entre 1982 et 1983 montre l'intérêt que présentait pour la requérante le marché allemand et dément, de ce fait, son affirmation selon laquelle le fait qu'elle ait eu une filiale en Allemagne lui faisait perdre tout intérêt à exporter vers ce marché. Force est en outre de constater que, après l'augmentation observée entre 1982 et 1983, les exportations de la requérante vers le marché allemand se sont stabilisées à un niveau élevé.
74 Par ailleurs, en ce qui concerne les prix, le Tribunal constate que la requérante n'a avancé aucune preuve de ce qu'elle vendait systématiquement à un prix inférieur de 10 DM au prix fixé par le cartel allemand et n'a donc pu renverser la force probante qu'il convient d'attacher aux télex du 11 janvier 1984 et du 24 avril 1985, mentionnés au point 90 de la décision, dont il ressort que les producteurs belges respectaient les prix du marché allemand.
75 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante avait participé aux ententes de prix et de quotas sur le marché allemand.
76 Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.
II - Sur l'absence de caractère contraignant des accords
Arguments des parties
77 La requérante soutient qu'elle a simplement participé à un certain nombre de réunions dans le but de s'informer. Elle souligne qu'elle ne s'est aucunement engagée ni sentie liée par les propositions de prix ou de quotas formulées au cours des réunions, propositions qui n'ont d'ailleurs pas été respectées et n'ont pas fait l'objet de sanctions effectives.
78 La Commission rappelle les faits qu'elle a établis dans la décision pour en tirer la conclusion de l'existence d'une intention commune des participants de contrôler en permanence l'évolution du marché et de substituer aux risques de la concurrence une coopération permanente.
Appréciation du Tribunal
79 Le Tribunal considère que les faits établis démentent le prétendu caractère passif de la requérante dans le cadre des ententes, ainsi que son affirmation selon laquelle elle ne se serait pas engagée ni sentie liée par les prix et les quotas fixés au cours de réunions. A cet égard, il importe de relever que, au cours des contacts qu'elle a eus avec ses concurrents, la requérante s'est efforcée de donner l'impression qu'elle respectait et respecterait les décisions adoptées dans le cadre des ententes, ce qui suppose qu'elle avait pris à leur égard des engagements.
80 Il s'ensuit que la requérante ne saurait prétendre, en fait, que les ententes n'avaient pas de caractère contraignant. Il y a donc lieu de rejeter le grief de la requérante.
III - Sur l'absence de caractère "sensible" de la restriction de concurrence
Arguments des parties
81 La requérante fait valoir que ses parts de marché étaient tellement minimes que sa participation aux réunions incriminées ne pouvait en aucune manière avoir pour objet de fausser, empêcher ou restreindre la concurrence intracommunautaire.
82 Elle soutient que, en raison de la transparence du marché du treillis soudé, due au fait que son prix dépend à concurrence de 70 % à 80 % de celui du fil machine et qu'il dépend également de celui des ronds à béton, qui est un produit concurrent dont les prix sont publics, les prétendues ententes n'ont pu avoir sur la concurrence qu'un effet négligeable qui ne saurait satisfaire à l'exigence d'une affectation sensible de la concurrence, telle qu'elle a été définie par une jurisprudence constante de la Cour.
83 Par ailleurs, la requérante souligne que, eu égard au fait que tant le produit de base (le fil machine) qu'un produit concurrent (les ronds à béton) étaient soumis à un régime de quotas imposés en vertu du traité CECA, les entreprises productrices de treillis soudé ont été amenées à prendre elles-mêmes, à défaut d'instrument juridique spécifique prévu par le droit communautaire, des dispositions pour faire face aux difficultés structurelles du secteur. Elle estime que la Commission aurait dû en tenir compte non seulement au niveau de la fixation du montant de l'amende, mais également au niveau de la constatation de l'infraction.
84 La Commission répond que les ententes qu'elle a constatées ont eu un effet sensible sur la concurrence. En effet, la participation de la requérante aux ententes ne devrait pas être appréciée isolément, mais dans le cadre plus général des ententes conclues entre les différents participants sur différents marchés partiels.
85 La Commission souligne que, s'il est vrai que la valeur ajoutée du treillis soudé est relativement faible, c'est précisément la concurrence effective qui demeure qui ne doit pas être faussée (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, points 133 et 134).
86 La Commission déclare ne pas ignorer les conséquences économiques de la situation décrite sur les treillis soudés et les avoir pris en compte lors du calcul du montant de l'amende (point 201 de la décision). Toutefois, elle n'en tire pas les mêmes conséquences juridiques que la requérante, qui s'est crue autorisée à enfreindre de ce fait les règles de concurrence du traité. La Commission souligne que, si les entreprises sont fondées à prendre les mesures nécessaires pour s'adapter aux nécessités économiques, c'est à condition de le faire dans le respect du traité et, à cet égard, elle rappelle l'existence de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
Appréciation du Tribunal
87 L'article 85, paragraphe 1, du traité interdit comme étant incompatibles avec le marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
88 Le Tribunal relève qu'il résulte du texte de l'article 85, paragraphe 1, du traité que les seules questions pertinentes sont celles de savoir si les accords auxquels la requérante a participé avec d'autres entreprises avaient pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. Par conséquent, la question de savoir si la participation individuelle de la requérante à ces accords pouvait, malgré sa petite taille, restreindre la concurrence est dépourvue de pertinence (arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission, T-6-89, Rec. p. II-1623, point 216).
89 En ce qui concerne l'absence d'effets des ententes, le Tribunal rappelle qu'il résulte de la jurisprudence de la cour que la prise en considération des effets concrets des ententes est superflue, dès lors qu'il apparaît, comme c'est le cas en l'espèce, que celles-ci ont pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun (arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, C-277-87, Rec. p. I-45).
90 En tout état de cause, force est de constater que les ententes ont eu pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en limitant les ventes effectuées sur certains marchés et en permettant ainsi des hausses artificielles de prix, (comme l'attestent les documents mentionnés aux points 50, 84 à 112 et 153 de la décision).
91 Par ailleurs, la faible valeur ajoutée du treillis soudé par rapport au fil machine et sa substituabilité par rapport aux ronds à béton, produits qui étaient tous deux soumis à un régime de quotas en vertu du traité CECA, avaient certes comme conséquence une réduction de la marge de concurrence subsistant sur le marché du treillis soudé. En effet, le prix du fil machine constituait un plancher, tandis que, comme l'a relevé la Commission dans la décision (point 202), la substituabilité des ronds à béton par rapport au treillis soudé a pour conséquence de limiter l'écart de prix qui peut exister entre les deux produits et donc de réduire la marge de concurrence sur les prix. Toutefois, la marge subsistante était suffisante pour permettre une concurrence effective sur le marché sur laquelle les ententes constatées par la décision ont pu avoir un effet sensible (arrêt Van Landewyck e.a./Commission, précité). La subsistance de cette marge de concurrence effective est corroborée par l'existence des ententes sanctionnées par la décision puisque de telles ententes ayant pour objet de restreindre la concurrence auraient été dépourvues de tout intérêt pour les producteurs si aucune concurrence n'avait pu subsister sur le marché.
92 Quant au fait qu'il aurait été compréhensible que les producteurs comblent l'absence de réglementation communautaire pour un produit aussi affecté par les régimes de quotas mis en place en vertu du traité CECA que le treillis soudé, il y a lieu d'observer que les producteurs disposaient de la faculté de notifier à la Commission leurs ententes en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, ce qui aurait, le cas échéant, permis à la Commission de statuer sur la conformité de ces ententes aux critères définis par cette disposition. La requérante n'ayant pas fait usage de cette faculté, elle ne saurait se prévaloir de l'inaction de la Commission pour justifier la mise en place d'ententes secrètes contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
93 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.
IV - Sur l'absence d'affectation du commerce entre les Etats membres
Arguments des parties
94 La requérante fait valoir, en premier lieu, qu'elle n'a jamais eu l'intention, en participant aux réunions incriminées, de cloisonner les marchés et qu'elle ne s'est jamais engagée, même verbalement, à s'abstenir de vendre à tel ou tel client ou de vendre à tel ou tel prix.
95 En second lieu, elle soutient que la Commission n'a pas prouvé que le commerce entre Etats membres ait réellement été affecté par les accords et pratiques en cause. A cet égard, elle souligne, d'une part, que le commerce intracommunautaire du treillis soudé n'est particulièrement intense que dans des régions frontalières du fait des frais de transport élevés. D'autre part, elle fait observer que la Commission ne saurait prétendre que le commerce entre Etats membres a été affecté en raison de l'existence d'une entente globale. En effet, la Commission n'aurait pu prouver une telle entente globale et aurait examiné chaque marché partiellement et individuellement.
96 La Commission fait observer que l'intention de la requérante, en ce qui concerne le cloisonnement des marchés, est indifférente pour apprécier son comportement au regard de l'article 85, paragraphe 1, dès lors qu'elle a participé à une entente ayant effectivement eu pour objet de restreindre la concurrence. En outre, elle fait valoir qu'il n'y a pas de contradiction dans le fait, d'une part, d'examiner chaque marché partiel pour individualiser chaque entente et chacun des participants, et d'autre part, de considérer leurs effets cumulatifs qui doivent nécessairement être évalués en tenant compte du contexte global. La Commission n'a pas simplement déduit qu'il s'agissait d'accords susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, mais a conclu que ce commerce était bien affecté (points 160, 168 et 189 de la décision).
97 Au surplus, elle rappelle que, dans son arrêt du 1er février 1978, Miller/Commission, (19-77, Rec. p. 131, point 15), la cour a jugé que "l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige pas qu'il soit établi que (les) accords ont, en effet, sensiblement affecté (les) échanges (entre Etats membres), preuve qui dans la plupart des cas ne saurait d'ailleurs que difficilement être administrée à suffisance de droit, mais demande qu'il soit établi que ces accords sont de nature à avoir un tel effet".
98 Enfin, elle fait observer que les frais de transport ne représentent pas un obstacle insurmontable lorsque le prix du produit est relativement élevé sur le marché concerné (point 5 de la décision).
Appréciation du Tribunal
99 Il résulte du texte de l'article 85 du traité que les seules questions pertinentes sont celles de savoir si les accords auxquels la requérante a participé avec d'autres entreprises étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres (arrêt Enichem Anic/Commission, précité, point 224). Par conséquent, la question de savoir si la requérante a eu l'intention de cloisonner les marchés et, de ce fait, de violer l'article 85 du traité, est dépourvue de pertinence.
100 Il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence constante que, pour qu'une décision, un accord ou une pratique concertée soit susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, ils doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre Etats membres (arrêt Van Landewyck e.a./Commission, précité, point 170).
101 Il convient d'ailleurs de relever que l'article 85, paragraphe 1, du traité n'exige ni que les auteurs des pratiques restrictives de la concurrence aient eu l'intention de restreindre par celles-ci les échanges entre Etats membres, ni que ces pratiques aient effectivement affecté sensiblement les échanges entre Etats membres, mais requiert uniquement qu'il soit établi qu'elles aient été de nature à avoir un tel effet (arrêt Miller/Commission, précité).
102 En tout état de cause, il y a lieu de souligner que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue, puisqu'elles avaient pour objet et ont eu pour effet de contingenter les importations des différents producteurs et de fixer des prix sur les différents marchés. A cet égard, force est de relever qu'ont participé à ces ententes des producteurs allemands, belges, français, italiens et néerlandais. C'est, dès lors, à juste titre que la Commission a constaté que les ententes auxquelles a participé la requérante ont été susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.
103 Le grief de la requérante ne peut donc pas être accueilli.
104 Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 85 du traité doit être rejeté.
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 15 du règlement n° 17
I - Sur l'absence d'individualisation des critères de détermination de la gravité des infractions
Arguments des parties
105 La requérante soutient que bien qu'elle soit citée à plusieurs reprises dans l'exposé en fait de la décision, rien par contre dans la partie de la décision consacrée à l'appréciation juridique n'indique avec précision la gravité des infractions qui lui sont reprochées. Or, l'article 15 du règlement n° 17 exigerait que la Commission individualise tant les éléments constitutifs des infractions que les critères retenus pour l'imposition des amendes. La Commission l'aurait mise dans l'impossibilité d'apprécier la gravité de son comportement par rapport à celui des autres entreprises alors que les amendes varient considérablement d'une entreprise à l'autre. Enfin, la requérante indique que, si la Commission affirme avoir tenu compte de certaines circonstances atténuantes, celles-ci sont néanmoins décrites de manière sommaire, sans faire aucune référence aux entreprises en cause.
106 La Commission répond que c'est l'ensemble de la décision qu'il faut considérer et non pas seulement sa partie en droit. Elle énumère tous les points de la décision où elle a analysé les circonstances particulières de la participation de la requérante aux ententes pour chaque marché. Elle en conclut qu'elle a suffisamment individualisé les éléments constitutifs de chaque infraction et présenté les critères d'évaluation de la gravité des infractions, notamment en ce qui concerne les circonstances atténuantes retenues pour chaque entreprise.
Appréciation du Tribunal
107 Le Tribunal relève qu'il est de jurisprudence constante que la Commission peut imposer une amende unique pour différentes infractions et cela d'autant plus dans un cas comme en l'espèce, où les infractions constatées par la décision ont eu pour objet les mêmes types d'agissements sur les différents marchés, notamment la fixation de prix et de quotas et l'échange d'informations (voir à cet égard les arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663, du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27-76, Rec. p. 207, et du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825). On ne peut pas ignorer que, comme la Commission l'a relevé à juste titre, la requérante participait, à un moment donné, à des ententes sur les marchés français, allemands et du Benelux.
108 En l'espèce, force est de constater que la requérante procède à une lecture de la décision qui isole artificiellement une partie de celle-ci, alors que, la décision constituant un tout, chacune de ses parties doit être lue à la lumière des autres. En effet, le Tribunal considère que la décision, prise dans son ensemble, a fourni aux intéressés les indications nécessaires pour savoir si elle est ou non bien fondée et lui a permis d'exercer son contrôle sur sa légalité. En ce qui concerne les circonstances atténuantes, il y a lieu de rappeler que, dans sa réponse écrite aux questions posées par le Tribunal, la Commission a indiqué que la requérante ne bénéficiait d'aucune circonstance atténuante ni aggravante.
109 Par conséquent, le grief doit être rejeté.
II - Sur l'absence de propos délibéré
Arguments des parties
110 La requérante invoque sa bonne foi et nie avoir agi de propos délibéré lors des infractions. Elle fait valoir que les entreprises opérant sur le marché du treillis soudé ne pouvaient imaginer que leurs échanges d'informations et leur concertation avaient un caractère infractionnel, compte tenu du contexte économique de crise et du lien étroit unissant le marché du treillis soudé avec le marché du fil machine et celui des ronds à béton, qui étaient couverts par les "mesures de crise" prises par la Commission en faveur de l'industrie sidérurgique en vertu du traité CECA. A cet égard, la requérante mentionne l'existence de commissions pour les produits CECA et notamment pour le fil machine qui réunissent les producteurs les plus importants afin de discuter des prix et des quantités.
111 Par ailleurs, elle fait valoir que le marché allemand du treillis soudé faisait lui-même l'objet d'un cartel de crise structurelle, autorisé par le Bundeskartellamt et toléré par la Commission pendant quatre ans. Il est incontestable, comme il est dit dans la décision (point 206), que l'existence de ce cartel avait amené les producteurs des autres États membres à se protéger.
112 La requérante conclut qu'une concertation aussi étroite étant admise pour le fil machine et un cartel de crise ayant été autorisé en Allemagne pour le treillis soudé, il est évident que les producteurs de treillis soudés ont pu penser en toute bonne foi avoir également le droit de se réunir et d'échanger des informations.
113 La Commission fait observer que le treillis soudé relève du traité CEE, qui a ses propres règles de concertation et qui interdit formellement toute forme de concertation sur les quantités ou sur les prix. Si les producteurs pensaient qu'une concertation était indispensable en raison de la crise structurelle dans le domaine du treillis soudé, ils devaient néanmoins respecter les règles propres au traité CEE. La Commission ajoute que les ententes en cause ne sont pas des cartels de crise, qui impliquent nécessairement un plan de restructuration et qui ne peuvent être autorisés qu'après notification en vue d'obtenir une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. La Commission fait observer qu'elle a tenu compte, lors du calcul de l'amende, des conséquences économiques dérivées pour les treillis soudés de son rapport avec le fil machine et le rond à béton.
114 En ce qui concerne le cartel de crise allemand, la Commission fait valoir qu'il n'existe pas une compétence communautaire à l'égard d'une entente de crise nationale et qu'il est très délicat d'apprécier quand les mesures nationales dépassent l'intérêt national et affectent l'intérêt communautaire. Quant à sa prétendue inaction, la Commission prétend qu'il ne s'est écoulé que deux ans entre le moment où elle a reçu notification du cartel par le Bundeskartellamt et le moment où elle a commencé ses investigations. La Commission affirme avoir agi dès qu'elle a eu connaissance des effets perturbateurs du cartel allemand sur les échanges intracommunautaires.
115 Au surplus, la Commission rappelle qu'elle a exposé, au point 197 de la décision, que les entreprises participantes ont agi, la plupart du temps, en dissimulant leurs pratiques. La Commission rappelle que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour (arrêts du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-86, Rec. p. 2117, point 41 et du 8 février 1990, Tipp-Ex/Commission, C-279-89, Rec. p. I-261), pour qu'une infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, "il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction de l'article 85 du traité; il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence". Tel serait bien le cas en l'espèce, où il s'agit d'accords de quotas et de prix.
Appréciation du Tribunal
116 Le Tribunal rappelle que pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre ces règles, il suffit qu'elle n'ait pu ignorer que sa conduite avait pour objet de restreindre la concurrence (arrêts Belasco e.a./Commission et Tipp-Ex/Commission, précités; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Chemie Linz/Commission, T-15-89, Rec. p. II-1275, point 350).
117 Au surplus, le Tribunal relève que la Commission a tenu compte d'un ensemble de circonstances applicables à toutes les entreprises, ce qui l'a conduite à limiter les amendes à un montant qui se situe nettement au-dessous du montant qui se justifierait dans des circonstances normales (point 208 de la décision). Parmi ces circonstances se trouvent le fait que le prix du treillis soudé dépend, à raison de 75 à 80 %, du prix du fil machine, produit soumis à des quotas de production, la situation de recul structurel de la demande, l'existence de capacités excédentaires, les fluctuations à court terme du marché et la rentabilité peu satisfaisante du secteur (point 201 de la décision) ainsi que l'interdépendance entre le treillis soudé et le rond à béton (point 202 de la décision). En outre, la décision a aussi tenu compte, en tant que circonstance atténuante, de l'existence du cartel de crise structurelle en Allemagne, situation qui a amené les parties établies dans d'autres Etats membres à chercher de leur côté à se protéger, sans toutefois justifier les mesures illicites qu'elles ont prises (point 206 de la décision).
118 Le grief doit donc être rejeté.
III - Sur la prise en compte des effets de l'infraction
Arguments des parties
119 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur d'appréciation en qualifiant l'infraction de grave, parce que la gravité de l'infraction doit être fonction des effets sur le marché et que, dans le cas d'espèce, ces effets ont été absolument négligeables. Il y aurait donc lieu de ramener à une plus juste proportion l'amende infligée à la requérante.
120 La Commission fait remarquer qu'elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, la gravité d'une infraction n'est pas seulement fonction des effets sur le marché. Les accords de prix et de quotas sont expressément cités à l'article 85, paragraphe 1, du traité et constituent, en soi, des infractions particulièrement graves aux règles de concurrence. Au surplus, la Commission considère qu'elle a pris en considération les effets réels des infractions sur le marché pour évaluer le degré de gravité propre à l'espèce.
Appréciation du Tribunal
121 Le Tribunal rappelle que les ententes auxquelles a participé la requérante ont eu pour objet et pour effet la fixation des prix ainsi que des volumes des exportations et importations sur le marché des Etats membres originaires de la Communauté et que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, les effets de ces ententes ne peuvent, en aucun cas, être considérés comme négligeables.
122 Le Tribunal estime que les comportements constitutifs des ententes doivent être considérés comme graves du fait du caractère patent de l'infraction à l'article 85 et, en particulier, à ses points a) et c). Au surplus, il convient de relever que la décision (point 200) a tenu compte du fait que, dans certains cas, les prix et quantités convenus n'avaient pas été respectés par les parties, ce qui, dans une certaine mesure, a atténué les conséquences économiques directes de ces infractions.
123 Il s'ensuit que la Commission a correctement tenu compte des effets de l'infraction en vue d'apprécier la gravité de celle-ci.
124 Le grief de la requérante doit donc être rejeté.
IV - Sur le caractère disproportionné de l'amende
Arguments des parties
125 Lors de l'audience, la requérante a fait valoir, en premier lieu, que, ramenée en pourcentage de son chiffre d'affaires (3 %), l'amende qui lui a été infligée apparaît disproportionnée par rapport à celle infligée à d'autres entreprises. En effet, en ces termes, l'amende qui lui a été infligée serait presque identique à celle des entreprises auxquelles la Commission a attribué un rôle moteur dans les ententes (3,15 % pour BStG et 3,60 % pour Tréfilunion), alors que cette circonstance aggravante ne pourrait lui être appliquée. En outre, la Commission aurait omis de tenir compte de ce qu'elle n'appartient pas à une entité économique puissante, qu'elle est une entreprise familiale, indépendante et non subventionnée.
126 Lors de l'audience, la requérante a fait grief, en second lieu, à la Commission d'avoir pris, comme base de l'imposition de l'amende, son chiffre d'affaires pour l'année 1985, alors qu'il s'agirait du chiffre d'affaires le plus élevé de toute la période considérée. Elle estime que la Commission aurait dû retenir comme base de son calcul la moyenne des chiffres d'affaires réalisés sur l'ensemble de la période considérée.
127 La Commission fait valoir que, comme elle l'a expliqué dans la décision, Boël est une grande entreprise qui possède des filiales au moins dans deux autres Etats membres et que c'est pour cette raison qu'elle n'a pas considéré la conclusion qu'elle appartenait au groupe des indépendants.
Appréciation du Tribunal
128 Le Tribunal constate, d'une part, qu'il ressort des réponses données par la Commission aux questions qu'il lui avait posées et de ses mémoires que la Commission n'a tenu compte d'aucune circonstance ni atténuante ni aggravante à l'égard de la requérante et, d'autre part, que la requérante s'est vu infliger une amende représentant 3 % de son chiffre d'affaires alors que BStG et Tréfilunion se sont vu infliger une amende représentant respectivement 3,15 % et 3,60 % de leur chiffre d'affaires en treillis soudé, tout en s'étant vu reconnaître une circonstance aggravante.
129 Le Tribunal estime que la requérante ne fournit pas d'indices suffisants pour établir que, eu égard à la durée et à la gravité particulière des infractions constatées à son encontre, elle aurait été traitée plus sévèrement que les entreprises BStG et Tréfilunion.
130 En effet, en ce qui concerne la différence entre le pourcentage appliqué à la requérante, 3 %, et celui appliqué à Tréfilunion, 3,60 %, le Tribunal estime qu'elle est proportionnée au fait que Tréfilunion se voit appliquer une circonstance aggravante. En ce qui concerne la différence entre le pourcentage appliqué à la requérante, 3 %, et celui appliqué à BStG, 3,15 %, force est de constater que, même si BStG se voit appliquer une circonstance aggravante - le fait d'avoir été l'une des initiatrices et l'une des principales actrices des comportements sanctionnés - il n'en est pas moins vrai que la décision impute à la requérante d'avoir participé aux ententes sur le marché français, pendant les périodes 1981-1982 et 1983-1984, et que, en revanche, la participation à ces ententes n'est pas reprochée à BStG.
131 Néanmoins, le Tribunal considère que c'est à tort que la Commission a refusé de compter la requérante au nombre des entreprises n'appartenant pas à une entité économique puissante, pour lesquelles elle a tenu compte, comme circonstance atténuante, "du moindre effet de leur comportement infractionnel". En effet, Boël/Trébos n'appartient pas plus à une entité économique puissante que Sotralentz ou ILRO, à la différence notamment de FBC, qui, elle, appartient à une telle entité.
132 Il s'ensuit que, en n'appliquant pas à la requérante la circonstance atténuante mentionnée, c'est à tort que la Commission lui a infligé une amende représentant 3 % de son chiffre d'affaires en treillis soudé pour l'année 1985.
133 Quant au choix de l'année 1985 comme année de référence pour déterminer le chiffre d'affaires de la requérante pris en compte pour fixer le montant de l'amende, il importe de relever que la requérante affirme, sans être contredite par la Commission, qu'il s'agit de l'année où ses livraisons en treillis soudé ont été les plus élevées, alors que pour la plupart des autres producteurs il s'agissait d'une année où les livraisons étaient moins importantes (voir décision, tableau 2). Par conséquent, le choix de cette année, qui n'a été révélé que postérieurement à la décision, n'a fait qu'accentuer le caractère disproportionné de l'amende infligée à la requérante. En effet, le chiffre de 3 % du chiffre d'affaires pour l'année 1985 constitue pour la requérante une amende plus importante que celles infligées aux autres producteurs.
134 Il y a donc lieu d'accueillir le grief de la requérante.
135 Au vu de ces différents éléments, le Tribunal considère, au titre de sa compétence de pleine juridiction, que le montant de l'amende de 550 000 écus infligée à la requérante doit être diminué d'un cinquième et fixé à 440 000 écus.
Sur le taux d'intérêt exigé par la Commission en cas de recours
Arguments des parties
136 La requérante fait valoir que la lettre recommandée de la Commission accompagnant la décision indique que, en cas de recours, la créance portera intérêt au taux de 10,50 %. Ce taux serait celui appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus, tel qu'il a été arrêté le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la décision a été adoptée et publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO 1989, C 197, p. 1), majoré d'un point et demi. La requérante considère que cette majoration est arbitraire et ne se justifie que par le souci de la Commission de décourager les recours devant le Tribunal. C'est pourquoi elle demande au Tribunal de réduire le taux d'intérêt appliqué à l'amende à 9 %.
137 La Commission estime que ce grief est dépourvu de tout fondement, car l'article 4 de la décision dispose que, en cas de non-paiement de l'amende dans les trois mois, l'intérêt est de 12,50 %. C'est donc en faveur des entreprises, afin précisément de ne pas décourager leur action devant le Tribunal, que ce taux est réduit en cas de recours.
Appréciation du Tribunal
138 Le Tribunal considère que la Commission a pu, à bon droit, majorer le taux du Fonds européen de coopération monétaire en cas de retard de paiement et, en tout état de cause, en cas de recours, pour empêcher l'introduction de recours manifestement non fondés dont le seul but serait de retarder le paiement de l'amende (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107-82, Rec. p. 3151, point 141).
139 Le Tribunal relève que la lettre d'accompagnement prévoit non une augmentation du taux d'intérêt en cas de recours, mais une diminution de ce taux dans cette hypothèse par rapport à celui qui serait dû en cas de retard de paiement.
140 Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la Commission n'a pas entendu décourager les recours.
141 Par conséquent, ce grief doit être rejeté.
Sur les dépens
142 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement en un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l'une et l'autre conclu à la condamnation de l'autre aux dépens, le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que trois cinquièmes des dépens de la Commission.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête:
1) Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision 89-515 de la Commission, du 2 août 1989, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (31.553 - Treillis soudés) est fixé à 440 000 écus.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La requérante supportera ses propres dépens et trois cinquièmes des dépens de la Commission.
4) La Commission supportera deux cinquièmes de ses propres dépens.