CA Paris, 5e ch. C, 15 septembre 2000, n° 1999-14417
PARIS
Arret
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Fiat Auto France (SA)
Défendeur :
Etablissement Sodam (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
MM Bouche, Savatier, Avoués : SCP Bernabe-Chardin-Cheviller, SCP Vogel, SCP Threard Léger Bourgeon Meresse, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Guillin, Henry
La société de diffusion des automobiles montalbanaises (la société Sodam) était concessionnaire de la marque Fiat pour le secteur de Montauban, en vertu d'un contrai de concession à durée indéterminée conclu le 31 décembre 1985 et résiliable moyennant un préavis minimum d'un an.
Par courrier du 14 février 1995 la société Fiat Auto France, conformément à l'article 6 du contrat, a notifié au concessionnaire la résiliation dudit contrat, au 15 février 1996. A la suite de la cessation du contrat, par acte du 16 avril 1997 la société Sodam a assigné la société Fiat en paiement de diverses sommes dont elle s'estimait créancière, à savoir les primes Mos (minimum opérating standard) calculées en fonction de critères qualitatifs, s'élevant respectivement à 150 806,28 F et 92 960 F pour les années 1995 et 1996 ainsi que la somme de 8.024,89 F au titre des intérêts ic retard dus sur sa créance au 15 février 1996.
Par jugement rendu le 7 avril 1999, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a accueilli partiellement la demande de la société Sodam en lui allouant la somme de 150 806,28 F à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice constitué par l'entrave apportée par la société Fiat à sa liberté commerciale au cours du second trimestre 1995 du fait de la modification des critères d'attribution de la prime Mos 1995 ainsi que la somme de 7 783,17 F TTC au titre des intérêts de retard contractuels.
Les premiers juges ont débouté la Sodam de sa demande au titre de la prime Mos 1996, au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions d'obtention de la prime qui est allouée au concessionnaire titulaire d'un contrat de vente en cours au 31 décembre de l'exercice.
La société Fiat Auto France a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions en date du 25 mai 2000 auxquelles il est renvoyé la société Fiat Auto France prie la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre et à le confirmer en ce qu'elle a rejeté la demande de règlement de la prime Mos 1996, de dire qu'elle n'est redevable d'aucune somme envers la société Sodam au titre des primes Mos ni des intérêts de retard, de débouter la société Sodam de toutes ses demandes et d'ordonner la restitution à la société Fiat Auto France de la somme de 158.589,45 F qu'elle a versée à la société Sodam en exécution de la décision déférée.
La société appelante soutient que la société Sodam ne démontre ni les contraintes commerciales prétendument subies ni le préjudice qui serait résulté de l'instauration des nouveaux critères d'attribution de la prime Mos 1995 qui n'ont pas été appliqués.
Elle relève que du fait de la résiliation intervenue le 15 février 1996, la société Sodam ne peut prétendre à l'attribution d'une prime Mos au titre de l'exercice 1996 et soutient, à titre subsidiaire, que le calcul de cette prime effectué par la société Sodam est erroné.
Elle ajoute que la société Sodam ne démontre pas qu'elle lui a réglé avec retard les sommes. qui lui étaient dues.
En tout état de cause elle poursuit la condamnation de la société Sodam à lui payer la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions en date du 25 mai 2000 auxquelles il est renvoyé, la société Sodam conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Fiat Auto France à lui payer la somme de 150 806,28 F à titre de dommages-intérêts au titre de la prime Mos et à lui payer des intérêts de retard contractuels qu'elle chiffre à 10.533,42 F ainsi que la somme de 20 000 F au litre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Elle fait valoir à cet égard que même si la condition d'un contrat en cours n'était pas réalisée par la société Sodam puisque le contrat s'est trouvé résilié le 15 février 1996. La société Fiat Auto France s'est rendue coupable de pratiques discriminatoires au regard de l'article 36-1 de l'ordonnance du ler décembre 1986 en versant un prorata temporis de la prime Mos 1996 à deux concessionnaires.
Elle réclame la condamnation de la société Fiat à lui payer la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce LA COUR :
Considérant que le litige dont la Cour est saisie porte sur l'attribution de la prime Mos (minimum opérating standard) que la société Fiat Auto France a décidé de mettre en place en 1994; que selon la circulaire du 10 février 1994 adressée par la société Fiat à ses concessionnaires, la prime Mos, allouée dans le cadre d'un contrat de vente en cours au 31 décembre de l'exercice, venait en plus de la prime de volume, avait pour but de prendre en considération la qualité du service, et les installations et était calculée à partir de points attribués aux concessionnaires multipliés par un indice de satisfaction de la clientèle la prime variant de 0 % à 2,5 % du montant des achats annuels du concessionnaire auprès de la société Fiat en fonction du nombre de points obtenus;
Considérant que la société Sodam n'a pas contesté les points ni le montant de sa prime Mos 1994; qu'en revanche, postérieurement à la résiliation de son contrat, elle a le 16 avril 1997 contesté le montant de 377 701,57 F qui lui a été alloué pour la prime Mos 1995 non pas en ce qui concerne le nombre de points obtenus, ni le montant de la facturation sur laquelle le pourcentage a été appliqué, mais en se fondant sur le fait que la société Fiat Auto France aurait modifié les conditions d'octroi de la prime; quelle expose qu'en juillet 1995 la société Fiat Auto France a ajouté des critères supplémentaires par rapport à l'armée 1994 et fait valoir que ces critères auraient entraidé sa liberté commerciale au cours du second semestre 1995, l'empêchant ainsi d'obtenir une prime plus importante; qu'elle a réclamé en conséquence que lui soit réglée, au titre de la prime Mos 1995. La somme de 154 806,28F déterminée par la différence existant entre le montant théorique de la prime de 188 507,85 F correspondant au nombre maximum de points et au taux maximum de 2,5% du chiffre des achats effectués en 1995 auprès de la société Fiat Auto France et le montant de 37 701,57 F que lui a versé la société Fiat au titre de la prime Mos de l'année 1995.
Considérant que pour faire droit à la demande de la société Sodam et lui allouer la somme de 150 806,28F réclamée pour la prime Mos 1995, les premiers juges ont énoncé que l'action commerciale de la société Sodam s'est trouvée manifestement perturbée pendant le second trimestre de l'année 1995 du fait de la modification, introduite dans une circulaire du 26 juin 1995, des conditions d'octroi de cette prime, tenant à l'existence de critères supplémentaires parmi lesquels la réalisation d'un chiffre d'affaires minimum en véhicules d'occasion et le recours à des financements spécifiques Fiat Auto France pour le crédit à la clientèle.
Considérant que la société Fiat Auto France fait à juste titre valoir que les critères concernés n'ont jamais été appliqués; que la circulaire du 26 juin 1995 contestée par le groupement amical des concessionnaires au cours d'une réunion tenue le 13 septembre 1995 à laquelle ont participé à la fois les membres de la société Fiat Auto France et les membres du groupement amical des concessionnaires, n'a jamais été mise en œuvre et que la société Fiat Auto France a officiellement renoncé à la date du 13 septembre 1995 à appliquer ces nouveaux critères.
Considérant que la société Sodam prétend avec mauvaise foi n'avoir pas été informée que la nouvelle grille de la prime Mos ne serait pas appliquée ; que le procès verbal de la réunion du 13 septembre 1995 comportant la décision prise par la société Fiat Auto France de rendre caduque sa circulaire du 25 juin 1995 lui a été adressée, ainsi qu'à l'ensemble des concessionnaires, dès le 29 septembre 1995 ; que l'information ainsi donnée au réseau par le groupement amical des concessionnaires sur les modifications apportée à la circulaire de la société Fiat Auto France du 26 juin 1996 n'est pas contestable, et que contrairement aux affirmations erronées de la société Sodam. Cette information était de nature à donner tous apaisements à la société Sodam quant à l'exécution du contrat et aux critères retenus pour l'attribution de la prime Mos dont elle savait de la sorte que les modalités demeuraient inchangées.
Considérant que dans ces conditions, la société Sodam ne peut prétendre que la modification envisagée le 26 juin 1995, mais définitivement abandonnée dès le 13 septembre 1995, a pu entraver sa liberté commerciale; qu'elle ne verse d'ailleurs aucun élément justifiant d'une révision de sa politique commerciale l'ayant empêchée de remplir d'autres critères pris en compte par le concédant; qu'elle ne justifie pas davantage de l'existence d'un préjudice résultant des prétendues contraintes qu'elle allègue mais ne démontre pas.
Considérant que la société Sodam soutient encore qu'elle aurait été privée de quarante points relatifs à sa notation quant à sa surface de vente et d'exposition; qu'à supposer démontrée cette argumentation ce qu'aucun document produit n'établit, celle-ci se révèle inopérante dès lors que l'adjonction de 40 points supplémentaires aux 520 obtenus pour l'année 1995 par la société Sodam ne pouvait modifier sa prime, puisqu'il convenait d'obtenir 600 points pour passer de la prime de 0,5 % qui lui a été allouée à celle de 1 %.
Considérant qu'il y a lieu en conséquence, faute pour la société Sodam de démontrer l'existence dans son action commerciale de prétendues perturbations que lui aurait causées l'attitude de la société Fiat Auto France et la réalité du préjudice qui en résulterait d'infirmer le jugement ayant alloué à la société Sodam la somme de 150.806,26F à titre de dommages-intérêts; qu'il échet en conséquence d'ordonner le remboursement des sommes versées en exécution du jugement ainsi infirmé.
Considérant que faisant grief au tribunal d'avoir rejeté sa demande d'attribution de la somme de 92 960F au titre de la prime Mos afférente à l'année 1996, la société Sodam prétend vainement que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, elle n'a pu être "parfaitement informée des conditions d'attribution de la prime 1996 ; qu'elle soutient que les conditions de la prime Mos 1995 n'ont été connues que par une circulaire datée du 16 février 1996 et donc postérieure à l'expiration du préavis de résiliation d'un an ouvert par sa lettre du 14 février 1995, de sorte que selon elle cette circulaire ne lui serait pas opposable.
Considérant que, contrairement aux affirmations inexactes de la société Sodam, la simple lecture des diverses circulaires Mos mises aux débats, apporte la preuve que la condition de l'existence d'un contrat en cours au 31 décembre de l'année correspondant à la prime Mos est une condition qui existait déjà dans la circulaire du 27 décembre 1994 concernant la prime Mos 1995; qu'il est ainsi établi que la société Sodam connaissait les conditions d'obtention de cette prime;
qu'ainsi puisque le contrat de concession s'est trouvé interrompu par la résiliation opérée le 15 février 1996 au terme du préavis d'un an et qu'en conséquence, elle n'était plus titulaire d'un contrat de concession en cours du 31 décembre de l'exercice donné, condition requise pour l'octroi de la prime Mos, elle ne peut prétendre avoir droit au paiement prorata temporis de la prime Mos 1996;
qu'enfin on comprend mal comment la société Sodam peut à la fois revendiquer une prime au titre d'une circulaire du 16 février 1996 et soutenir que ce texte ne lui est pas opposable.
Considérant que l'argumentation que développe la société Sodam pour dénoncer le caractère prétendument discriminatoire au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 de la pratique de la société Fiat Auto France qui aurait alloué le montant de la prime Mos 1996 à deux concessionnaires ayant fait l'objet de décision de résiliation prenant effet avant le 31 décembre 1996 est inopérante;
que la société Sodam ne démontre pas que les entreprises ayant perçu des sommes de la société Fiat Auto France aient été ses concurrentes c'est à dire qu'elles opéraient sur les même marchés géographiques qu'elle même, de sorte que la société Sodam ne peut invoquer l'article 36-1 de l'ordonnance du ler décembre 1986 qui vise des pratiques établissant un désavantage ou un avantage dans la concurrence, ni l'un ni l'autre établis en l'espèce.
Considérant qu'il y a lieu en conséquence, conformément à la décision des premiers juges, de débouter la société Sodam de sa demande de paiement de la prime Mos 1996.
Considérant que pour s'opposer au paiement des intérêts à un taux de 9% sur les sommes qu'elle a réglées à la société Sodam, à la suite de la cessation du contrat de concession, la société Fiat Auto France prétend qu'elle n'a pas réglé avec retard les sommes qu'elle devait à la société Sodam et que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'un tel retard.
Que la société Fiat Auto France ne Conteste pas qu'au 15 février 1996 les comptes entre parties faisaient ressortir, toutes compensations opérées, une situation créditrice en faveur de la société Sodam de 769 609,75 F; que cette somme a été réglée par la société Fiat Auto France à la société Sodam non pas en trois fois comme indiqué par erreur par le tribunal mais en quatre virements adressés par courriers mis aux débats:
-le 5 mars 1996 pour 438 294,84 F
-le 3 avril 1996 pour 281 645,03 F
-le 20 mai 1996 pour 61 968,57 F
-le 31 juillet 1996 pour 14 201,31F
que l'article 8 du contrat de concession du 31 décembre 1985 stipule:
"A la cessation du présent contrat il y aura déchéance du terme des engagements réciproques et les créances et dettes réciproques entre lesquelles il sera opéré compensation, seront immédiatement et de plein droit exigibles; le solde en faveur de l'une ou l'autre des parties portera intérêts au jour de la cessation du contrat au taux de base du Crédit Lyonnais, arrondi au demi-point supérieur et majoré de deux points TVA en sus";
qu'ainsi selon le taux de 9 % aux de base du Crédit Lyonnais en 1996, majoré de trois points et arrondi au demi-point supérieur, le décompte d'intérêts établi sur la base de ce taux fait ressortir un total d'intérêts de 10 533,42F TIC qui n'est pas contesté;
que la société Fiat Auto France ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que la société Sodam aurait apporte un retard délibéré à lui transmettre les éléments nécessaires à l'apurement des comptes. Circonstance qui pourrait le cas échéant la dispenser du paiement des intérêts dus malgré les stipulations de l'article 8 du contrat;
Qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision prononcée par les premiers juges en portant à la somme de 10 533,42F TTC la somme due par la société Fiat Auto France au titre des intérêts de retard,
Considérant qu'étant donné le sort de l'appel, il y lieu de partager par moitié entre les parties les dépens exposés devant les deux degrés de juridiction en déboutant chacune d'elles de ses demandes formées tant devant le tribunal que devant la Cour sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Déclare recevable l'appel formé par la société Fiat Auto France, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute la société Sodam de ses demandes en paiement de sommes dues, au titre des primes Mos. Ordonne à la société Sodam de restituer à la société Fiat Auto France les sommes versées en exécution du jugement infirmé, avec intérêts au taux légal courus à compter de la signification du présent arrêt. Condamne la société Fiat Auto France à payer à la société Sodam la somme de 10 533,42F au titre des intérêts de retard contractuel. Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs. Fait masse des dépens de première instance et d'appel et les partage par moitié entre les parties avec admission des avoués concernés au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.