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Décisions

Cass. crim., 27 novembre 2002, n° 01-87.804

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Soulard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Ricard

TGI Metz, JLD, du 1er mars 2001

1 mars 2001

LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société X, la société Y contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Metz, en date du 1er mars 2001, qui a autorisé l'administration de la concurence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des opérations de visite et de saisie de documents, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Joignant les pourvois en raison de leur connexité ; - Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce et défaut de motifs :

" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé, le 1er mars 2001, M. Z, chef de service régional à Metz, faisant fonction de directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Lorraine, Alsace, Champagne-Ardennes, avec le concours de divers agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux de différentes sociétés dont les sociétés X ;

" aux motifs que, les documents communiqués à nous par l'Administration à l'appui de sa requête, ont été obtenus dans les conditions prévues aux articles 46 et 47 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 (désormais articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code de commerce ;

" alors qu'il appartient au juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance saisi d'une requête tendant à l'autorisation d'opérations de visites et saisies, de s'assurer que les pièces obtenues par l'Administration, l'ont été dans des conditions apparemment licites ; qu'en l'espèce, l'ordonnance se contente d'indiquer les conditions dans lesquelles ont été obtenues les pièces, sans même constater qu'elles ont une origine apparemment licite ; que le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Metz a, ce faisant, violé l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

" qu'en tout état de cause, est entaché de défaut de motifs l'ordonnance qui se borne à affirmer que des documents aient été obtenus " dans les conditions prévues " par les textes applicables, sans exposer en fait quelles sont ces conditions et vérifier concrètement leur adéquation par rapport aux exigences du texte ;

" alors qu'il en est d'autant plus ainsi qu'il appartient au juge des libertés et de la détention saisi d'une demande d'autorisation, de vérifier que les pièces produites par l'Administration et qui ont été obtenues dans le cadre d'une enquête diligentée par les agents de l'Administration dans les conditions prévues aux articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code de commerce ont été obtenues de manière licite ; qu'il doit ainsi et en premier lieu préciser quel était l'objet de l'enquête ayant permis d'obtenir les pièces en question et, dans le cas où l'enquête avait pour objet la recherche de la preuve d'agissements distincts de ceux visés dans la demande sur laquelle le juge statue, préciser au moyen de quelle procédure l'Administration a distrait ces pièces de la précédente enquête ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se contente de préciser que les pièces communiquées ont été obtenues dans les conditions prévues aux articles L. 450-2 et L. 450-3 du Code de commerce, sans préciser quel était l'objet de cette enquête et, dans le cas où elle aurait visé des faits différents, au moyen de quelle procédure ces pièces auraient été transmises ; que ce faisant, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Metz a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce " ;

Attendu que l'ordonnance mentionne que les pièces produites à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite; que toute contestation au fond sur ce point relève du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions éventuellement appelées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme :

" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé, le 1er mars 2001, M. Z, chef de service régional à Metz, faisant fonction de directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Lorraine, Alsace, Champagne-Ardennes, avec le concours de divers agents de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux de différentes sociétés dont les sociétés X et A ;

" aux motifs que " les faits qui viennent d'être relevés à la suite de l'examen de la requête et de ses annexes susvisées, nous permettent de présumer des pratiques prohibées en application du livre IV du Code de commerce, mais que la portée de ces présomptions doit être précisée au regard des qualifications prévues à l'article L. 420-1 en ses points 2 et 4, du Code de commerce ; (...) ; que la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues aux points 2 et 4, de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; que les entreprises qui ont proposé des offres tarifaires pour les trente trois lots décrits ci-dessus, à l'exception des sociétés B, C, D et E, sont susceptibles d'être impliqués dans les pratiques présumées ; que toutefois, les opérations de visite et saisie dans les locaux de l'ensemble de ces entreprises ne nous apparaissent pas nécessaires à l'apport de la preuve des pratiques présumées ; qu'il convient, en conséquence, de rechercher les lieux où se trouvent vraisemblablement les documents nécessaires à l'apport de la preuve ; que certaines entreprises ont tout particulièrement bénéficié des pratiques mentionnées ci-dessus ; qu'en outre, existent des informations concordantes sur leur comportement ; que, par conséquent, il est vraisemblable que les documents utiles à l'apport de la preuve des pratiques présumées se trouvent dans les locaux des entreprises qui ont été attributaires seules de plusieurs lots (A est la seule dans ce cas) ou ont obtenu l'attribution de lots dans un groupement comprenant la société A ; qu'il s'agit des entreprises suivantes : A, F, G, H, I, J, K, L, X, M, N, O, P, Q, R, S, T ; que la visite des locaux de ces entreprises se réalisera aux adresses figurant dans les documents sus-décrits ;

" alors que, le juge qui autorise la perquisition est, dès lors, tenu de vérifier le caractère nécessaire des pouvoirs d'enquête demandés ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se borne pour justifier la perquisition à énoncer qu'existent des présomptions que les entreprises dont elle autorise la visite aient été impliquées dans les pratiques prohibées et qu'il est vraisemblable que les documents utiles à l'apport de la preuve des pratiques litigieuses se trouvent dans les locaux de ces entreprises ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les pièces déjà en possession de l'Administration étaient insuffisantes ou incomplètes pour engager des poursuites et, d'autre part, que l'Administration ne disposait d'aucun autre moyen que les visites domiciliaires coercitives pour obtenir les informations complémentaires qu'elle recherchait autrement, le juge des libertés et de la détention près le Tribunal de grande instance de Metz a violé ensemble les articles L. 450-4 du Code de commerce et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme " ;

Attendu que le juge, s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme :

Rejette les pourvois.