CA Douai, 2e ch., 6 avril 2000, n° 1999-04072
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Seda (SA)
Défendeur :
Philippe Geny "Entreprise et communication" (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gondran de Robert
Conseillers :
Mme Schneider, M. Testut
Avoués :
Mes Carlier-Regnier, Quignon
Avocats :
Mes Anave, Frapech, Ricouart-Maillet
I - Données devant la cour
La décision attaquée :
Par jugement du 2 juin 1999, le Tribunal de commerce de Lille :
* a dit l'exception d'incompétence soulevée par la SA Seda recevable mais mal fondée;
* s'est dit compétent;
* a dit que la SA Seda a rompu brutalement et abusivement les relations commerciales avec la SARL Philippe Geny;
* a condamné la SA Seda à payer à la SARL Philippe Geny les sommes de :
- 1 761 154,97 F TTC au titre du préjudice matériel
- 313 262,14 F TTC au titre des factures impayées
- 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
* a ordonné l'exécution provisoire sur le principal
* a condamné la SA Seda aux entiers frais et dépens
* a débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires
La procédure
Par déclaration en date du 15 juin 1999, la SCP Carlier Regnier, agissant au nom de la SA Seda, a fait appel de cette décision.
Par ordonnance du 9 juillet 1999, le Premier Président de la cour a aménagé l'exécution provisoire du jugement, après avoir constaté que les parties en fait convenaient du principe de cet aménagement.
Les prétentions de la société Seda
Elle demande voir la cour :
* Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986,
* Vu les usages et la jurisprudence,
réformer le jugement rendu le 2 juin 1999 par le Tribunal de commerce de Lille en ce qu'il a condamné (la SA Seda) à verser à la SARL Philippe Geny la somme de 1 761 154,97 F TTC au titre du préjudice matériel
réformer ledit jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SARL Philippe Geny la somme de 313 262,14 F au titre des factures impayées
* vu l'article 1382 du Code civil et le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle
* confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté la SARL Philippe Geny de sa demande de paiement d'une somme de 200 000 F au titre du préjudice moral
* débouter la SARL Philippe Geny de l'intégralité de ses demandes
* la condamner aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, avec distraction.
Les prétentions de l'intimée
Elle demande voir la cour :
* Vu l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Vu les usages et la jurisprudence en la matière,
Vu l'article 1382 du Code civil,
* confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que la société Seda Point. S avait rompu brutalement et abusivement ses relations commerciales avec elle (la société Philippe Geny Entreprise et communication)
* réformer la décision attaquée lorsqu'elle a limité la réparation du préjudice matériel à la somme de 1 761 154,97 F
* en conséquence, condamner la société Seda :
1) en réparation du préjudice matériel à la somme de 2 383 119 F HT
2) en réparation du préjudice moral de son dirigeant à la somme de 200 000 F
3) au titre des factures impayées à la somme de 318 273,22 F sous déduction de la somme de 273 589,64 F réglée au titre de l'exécution provisoire à la suite de l'arrêt rendu le 9 juillet 1999 par ordonnance du Premier Président de la Cour d'appel de Douai
4) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamner la société Seda Point. S au paiement de la somme de 60 000 F
* la condamner aux entiers frais et dépens de la procédure avec distraction.
II - Argumentation de la cour
La Cour se réfère, pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions et argumentation des parties en première instance, à la décision attaquée.
Il convient de la confirmer et de débouter l'appelante par adoption des motifs répondant aux moyens déjà présentés en première instance et repris en appel pour l'essentiel, sauf à présenter les précisions ci-dessous.
En premier lieu, si la mission de l'intimée était permanente, elle n'était pas complète, ne comprenant pas notamment l'achat d'espace publicitaire. Elle ne peut valablement se voir attribuer la qualification de "conseil en communication".
Pour autant, du fait de la rupture abusive de l'appelante, unilatérale, brutale et sans motif légitime, l'appelant doit réparation complète à l'intimée en raison de sa déloyauté contractuelle, règle confortée par la loi Galland.Avant même la décision du 15 décembre 1998, l'appelante avait décidé de prendre un autre "chef d'orchestre" pour sa communication (cf. en particulier "Femme Actuelle" n° 736 de novembre 1998 et l'attestation de Mme S. Dmytryk du 17 novembre 1999).
Le fait que l'intimée était en situation de dépendance économique a aggravé les conséquences de la rupture. Mais seul le préjudice réel doit être indemnisé, c'est-à-dire que doit être prise en compte la seule perte de bénéfices bruts et non celle de la chute du chiffre d'affaires. La cour dispose d'éléments d'information et d'appréciation suffisants pour fixer à 800 000 F la somme principale due, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que la marge bénéficiaire de l'intimée était de 37 %.
La facture de 301 500 F est justifiée par le travail antérieur au 15 décembre 1998 qu'elle représente, comme en atteste la négociation bien engagée avec l'entreprise SONY dès septembre 1998.
L'intimée doit être débouté de sa demande pour préjudice moral, non justifiée, qu'elle a présentée au nom de son dirigeant.
Par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'équité commande que la société Seda soit condamnée à payer à la SARL Philippe Geny "Entreprise et communications" une indemnité pour frais d'appel, non compris dans les dépens, de 20 000 F.
Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de la société Seda, avec droit de recouvrement direct contre elle, au bénéfice de l'avoué de l'intimée, pour deux des frais dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision préalable, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
III- Décision de la cour
Par ces motifs : et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, 1) confirme le jugement en tous ses points attaqués, sauf à fixer à 800 000 F au lieu de 1 761 154,97 F, l'indemnité de rupture; Dit que le règlement s'opérera en deniers ou quittances; 2) y ajoutant, condamne la société Seda : * à payer 20 000 F à titre d'indemnité procédurale d'appel à la SARL Philippe Geny "Entreprise et communication"; * à payer les dépens d'appel avec la distraction susvisée; 3) rejette les demandes autres, plus amples ou contraires.