CA Paris, 18e ch. A, 24 janvier 1995, n° 94-32340
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Abeille
Défendeur :
Larousse (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Madame Quenson (faisant fonctions)
Conseillers :
Mmes Trochain, Dujardin
Avocats :
Mes Gonsard, Halard
LA COUR est saisie de l'appel interjeté par Madame Claire Abeille d'un jugement rendu le 5 février 1993 par le Conseil de prud'hommes de Paris qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SARL Diffusion directe.
LES FAITS ET LA POSITION DES PARTIES
Claire Abeille a été engagée le 21 décembre 1990 avec effet au 7 janvier 1991 par la société Diffusion directe en qualité de représentant exclusif à temps partiel.
Il était prévu au contrat une rémunération sous forme de commission (15 % du chiffre d'affaires hors taxe pour un quota minimum de 25 000 F par mois, avec possibilité d'une commission complémentaire pour un chiffre d'affaires d'un montant supérieur).
Une rémunération avance et minimale brute de 5 000 F par mois était prévue avec régularisation conditionnelle le troisième mois.
Par lettre du 20 février 1991 Madame Abeille a été convoquée pour un entretien préalable à une mesure de licenciement.
Elle a été licenciée le 23 avril 1991 pour motif économique et a été dispensée d'effectuer le préavis d'un mois.
Elle a perçu, à titre de solde de tout compte, une somme de 1 460,64 F et à titre de commission une somme de 1 467,33 F
Estimant n'avoir pas perçu pendant l'exécution de son contrat l'intégralité des salaires auxquels elle avait droit, elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris d'une demande en paiement dont elle a été déboutée le conseil considérant qu'elle avait été remplie de ses droits.
Devant la cour Madame Abeille demande l'infirmation de cette décision.
Elle sollicite le versement d'une somme de 20 000 F à titre de rappel de salaire de quatre mois, la somme de 1 750 F à titre d'indemnité de congés payés et la somme de 7 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
Elle demande que son contrat de travail à temps partiel soit requalifié en contrat à temps plein dans la mesure où il ne respecte pas les dispositions de l'article L. 212-4-3 du Code du travail pour absence de précision sur la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Elle considère qu'il doit être fait application de l'article 5 de la Convention collective des VRP qui prévoit une rémunération minimale forfaitaire à laquelle aucune disposition moins favorable ne peut déroger, fût-elle contractuelle.
Elle estime ainsi avoir droit à un complément de rémunération au titre de cet article 5 de la Convention collective.
La société s'oppose aux demandes et sollicite la confirmation du jugement.
Elle estime que l'activité de Madame Abeille correspondait bien à une activité à temps partiel et que l'absence d'horaire dans son contrat de travail s'explique par le caractère spécifique de l'activité de représentant, spécificité reconnue par l'article 5 de la Convention collective.
Elle en déduit que la salariée a reçu les rémunérations correspondant à son activité réelle et telle que prévue au contrat.
DECISION
L'article 5 de la Convention collective des VRP mentionne expressément que la ressource minimale forfaitaire à laquelle a droit un représentant ne s'applique pas au représentant qui exerce une activité réduite à temps partiel.
Madame Claire Abeille a signé (paraphé plus exactement) un contrat de représentation à temps partiel,
En raison de la nature particulière de l'emploi de VRP, particularité reconnue par la Convention collective dans son renvoi de l'article 5 qui précise: "l'expression à plein temps a pour objet non d'introduire une notion d'horaire de travail généralement inadaptée à la profession de représentant de commerce" l'absence de clause contractuelle précisant la répartition de la durée du travail ne saurait comme le demande la salariée en invoquant les dispositions de l'article L. 212-4-3 du Code du travail, entraîner une requalification du contrat.
Il convient plutôt de rechercher la commune intention des parties au moment de la signature du contrat.
Le contrat prévoyait que la salariée exercerait son activité à temps partiel et ne pourrait prétendre à l'application de la ressource minimum forfaitaire conventionnelle.
L'annexe à ce contrat, signée le même jour par les parties, fixe un taux de commission de 15 % du chiffre d'affaires et règle les conditions d'attribution d'avances sur commissions (80 argumentations plus rapports d'activité), ce qui impliquait de la part de la salariée une prestation de travail dont elle devait rendre compte.
La contrepartie de cette prestation devait entraîner de la part de l'employeur le versement d'un minimum salarial.
L'examen des comptes-rendus de Madame Abeille révèle qu'elle a bien exercé son activité à temps partiel:
- 33 argumentations pour le mois commercial de janvier 1991 avec une vente de 2 900 F (2 à 4 visites par jour).
- 51 argumentations pour le mois commercial de février 1991 avec trois ventes de 9 800 F (2 à 4 visites par jour).
Ne pouvant bénéficier de la rémunération minimale forfaitaire conventionnelle, elle aurait dû être rémunérée pour son activité sur la base d'un salaire égal à la moitié du SMIC (mi-temps) pour les mois travaillés.
Les parties devront faire leur compte sur cette base et saisiront la cour en cas de difficultés.
Par ces motifs, Déclare recevable en la forme l'appel interjeté par Madame Claire Abeille, Infirme le jugement déféré, Dit que Madame Abeille a droit à réclamer à la société un SMIC mi temps pour la période travaillée, Invite les parties à se rapprocher et à faire leur compte sur les bases visées dans le présent arrêt, Dit que l'une ou l'autre des parties pourra saisir la cour en cas de difficultés par lettre simple, Met les dépens à la charge de la société.