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Décisions

Cass. crim., 2 octobre 2002, n° 01-82.454

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Thin

Avocat général :

M. Launay

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

TGI Toulouse, du 2 oct. 2000 ; TGI Toulo…

2 octobre 2000

LA COUR: Statuant sur les pourvois, en ce qu'ils sont formés contre l'ordonnance du 2 octobre 2000:

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour la société M, pris de la violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce;

" en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé le 2 octobre 2000, les agents de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux des sociétés M, E, R, S, Y, Z, " au visa d'une demande d'enquête du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en date du 25 juillet 2000;

" aux motifs que sont annexés à la présente requête les documents suivants: [...] un rapport pour M. le chef de service régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Toulouse, en date du 27 juillet 1999 établi par Mme P, inspectrice de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à Toulouse, accompagné de 32 pièces annexées [...]; que les pièces précitées ont été obtenues dans les conditions suivantes: que les documents et informations communiquées à nous par l'administration à l'appui de sa requête ont été obtenus en application de l'article 279 du Code des marchés publics qui prévoit qu'un représentant du directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est membre des commissions d'appel d'offres des marchés passés au nom des collectivités territoriales et de leurs établissements publics; que, par ailleurs, en application de l'article L. 450-7 du Code de commerce, les enquêteurs peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tous documents ou éléments d'information détenus par les services et établissements de l'Etat et des autres collectivités publiques; qu'en conséquence, ces documents ont bien été recueillis par cette administration à l'occasion de sa participation aux commissions d'appels d'offres en qualité de membre de la commission; que le rapport de Mme P, inspectrice de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Haute-Garonne est établi dans les conditions de l'article L. 450-2 du Code de commerce; que les deux publications au BOAMP sont publiques ou accessibles au public; que, par ailleurs, la lettre datée du 10 juin 1999 et rédigée par la Z a été envoyée directement à l'attention de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Haute-Garonne; qu'ainsi, ces documents nous paraissent avoir une origine licite; " alors, d'une part, qu'il appartient au Président du tribunal de grande instance saisi d'une requête tendant à l'autorisation d'opérations de visites et saisies de s'assurer que les pièces obtenues par l'administration l'ont été dans des conditions apparemment licites; que, par suite, en présence d'un rapport d'enquête établi suivant les modalités de l'article L. 450-2 du Code de commerce, c'est-à-dire en suite d'une enquête diligentée par les agents de l'administration économique, soit en vertu de l'article L. 450-3 du Code de commerce, soit en vertu de l'article L. 450-4 du même Code, le Président du tribunal de grande instance doit vérifier, d'une part, que cette enquête a bien été déclenchée dans des conditions licites et, d'autre part, que les documents obtenus dans le cadre de cette précédente enquête - et produits à l'appui de la requête qui lui est présentée - l'ont été dans des conditions licites; qu'il doit, en particulier, vérifier que ces documents correspondent au champ de cette précédente enquête; qu'en se fondant sur le rapport d'enquête susvisé, sans s'assurer que les éléments qu'il contenait avaient été obtenus de façon licite, le juge délégué du Président du tribunal de grande instance de Toulouse a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce;

" alors qu'il en est d'autant plus ainsi qu'au cas d'espèce, il ressort des faits constatés par l'ordonnance que Mme Perler, qui représentait la Direction Départementale de la Concurrence au sein de la commission d' appel d'offres de l'établissement public de santé, a utilisé les prérogatives qui lui sont conférées à ce titre par l'article 279 du Code des marchés publics pour réaliser une véritable enquête, de sa propre initiative, dans des conditions susceptibles de caractériser un détournement de procédure ";

Attendu que l'ordonnance mentionne que les pièces produites à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite; que toute contestation au fond sur ce point relève du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions éventuellement appelées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour la société M, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 420-1 2°) et 4°), et L. 450-4 du Code de commerce:

- " en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé le 2 octobre 2000 les agents de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux des sociétés M, E, R, S, Y, Z; " aux motifs que l'administration a examiné, dans le cadre d'un marché public, les conditions de passation de procédures d'appels d'offres portant sur la réalisation de l'hôpital mère/femme/couple à l'hôpital B à Toulouse et plus spécialement le lot 1 relatif aux terrassements, gros œuvre, structure, étanchéité, couverture, voiries, et réseaux divers; que les documents décrits indiquent clairement que le centre hospitalier universitaire de Toulouse, en sa qualité de maître de l'ouvrage, a respecté les avis d'appel public à la concurrence; que par cette démarche, il a procédé à une large consultation des entreprises; que les entreprises ou groupement d'entreprises ayant remis des offres lors de l'une ou des deux consultations sont les suivantes: Z, M, R, S, Y et E; que, lors de la première consultation lancée dans le cadre de l'appel d'offres restreint sur 13 entreprises ou groupements d'entreprises admis, seuls cinq ont remis une offre (Z, R, S, Y et E); que, lors de cette première consultation, l'offre d'une seule entreprise est proche de l'estimation, l'offre du deuxième se situant à plus de 12 % du moins-disant; que, lors de la deuxième consultation, dans le cadre de l'appel d'offres ouvert, six offres sont enregistrées, émanant des cinq entreprises ou groupement d'entreprises ayant déjà répondu à la première consultation (Z, R, S, Y, E) plus l'entreprise M qui avait été écartée lors de la première procédure pour défaut de renseignement sur son co-traitant; que la seconde consultation ne suscite pas un nombre plus important d'offres, à l'exception de l'entreprise M; qu'à l'exception de l'entreprise R, qui diminue son offre de 8,6 %, les autres offres se sont que peu modifiées: Z + 0,10 %, S 2,69 %, Y 1,53 %, E 3,88 %; qu' il apparaît que l'attribution de ce marché semble résulter d'un échange d'informations et de pratiques concertées entre les entreprises et que de tels comportements sont de nature à présumer la concertation prohibée par l'article L. 420-I susvisé et qu'il convient de qualifier; que, s'agissant du point 2 de l'article L. 420-1, pour le lot étanchéité, le tableau d'analyse de la structure des offres élaboré par la Direction Départementale de la Concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes de Toulouse met en évidence les éléments chiffrés suivants [...]; que pour ce lot, composé de huit postes, la structure des offres des entreprises S, Y et E est strictement identique, à la deuxième décimale près sur six postes et à la décimale près sur deux postes, alors même que les montants de ce sous-lot présentent des écarts significatifs (7,71 % entre S et Y, 16,4 % entre E et S, 8,75 % entre E et Y; que la structure de l'offre de l'entreprise M est identique, à la décimale près, sur quatre postes, à celle des entreprises S, Y et El-Gcc; que la structure de l'offre du groupement R-F est identique, à la décimale près, sur trois postes, à celle des entreprises S, Y et E; que, pour le sous-lot VRD, le tableau d'analyse de la structure des offres élaboré par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Toulouse met en évidence les éléments chiffrés suivants [...]; que, pour le sous-lot VRD, les structures des offres des entreprises M et R sont très proches sur les huit postes; leur structure est également très proche de celle de l'offre E sur cinq postes; que pour le poste " eau " du sous-lot VRD, les structures des offres des entreprises Z, M, R et E sont très proches, voie similaires entre les entreprises Z et R; qu'est ainsi mise en évidence une similitude dans la structure des offres des entreprises précitées concernant tant le sous-lot étanchéité que le sous-lot VRD; que la présentation initiale des offres, en valeur absolue, ne permet en aucune façon de prendre connaissance de ces structures de prix qui ne peuvent être issues que d'une concertation préalable des offres de soumission; que de tels comportements ne peuvent que faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse; que les faits qui viennent d'être énoncés permettent de présumer des pratiques prohibées au sens du point 2 de l'article L. 420-1 du Code de commerce; que, s'agissant du point 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce, les deux consultations appel d'offres restreint puis appel d'offres ouvert organisées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse n'ont suscité que peu de réponse de la part des entreprises alors même qu'il s'agit d'une opération importante; que la première consultation en appel d'offres restreint se caractérise par un nombre très faible d'offres (5) alors que le dossier de consultation est adressé à treize entreprises ou groupements d'entreprises potentiellement capables de réaliser cet ouvrage; que sur ces cinq offres, une seule se situe au niveau de l'estimation, l'offre de l'entreprise placée en deuxième position se situant à plus de 12 % du moins-disant; que la deuxième consultation ne suscite pas un nombre plus important d'offres à l'exception de celle d'une entreprise (M) écartée lors de la première consultation au motif qu'elle n'avait pas fourni les renseignements concernant son co-traitant; que se trouvent en compétition sur les deux consultations les mêmes entreprises (Z, R, S, Y, E) plus l'entreprise M lors de la deuxième consultation; que les entreprises S, Y et E modifient peu leurs offres lors de la deuxième consultation montrant ainsi peu d'intérêt pour cette opération, confirmée par l'absence de proposition de variante libre pour les entreprises Y et E et seulement deux variantes libres pour l'entreprise S; que les offres des entreprises S, Y et E peuvent être considérées comme des offres de couverture permettant de simuler une concurrence afin de répartir les marchés; qu'en conséquence, l' attribution du marché décrit ci-dessus apparaît avoir été réalisée dans les conditions prohibées par le point 4 de l'article L. 420-1, points 2 et 4 du Code de commerce; qu'ainsi, la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues par l'article L. 420-1, points 2 et 4 du Code de commerce;

" alors, d'une part, que toute personne à l'encontre de laquelle une décision judiciaire non contradictoire est rendue doit disposer d'un recours effectif devant une juridiction; de sorte que viole les textes visés au moyen et ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle l'ordonnance attaquée qui se réduit au descriptif de tableaux ou de documents d'appel d'offres dont rien ne fait ressortir, de quelque manière qu'on les rapproche ou les compare, l'existence d'indices ou de présomptions d'entente, de collusion ou de quelque autre pratique prohibée par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code du commerce, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme;

" alors, d'autre part, que le juge qui autorise des visites et saisies dans les locaux de plusieurs entreprises soupçonnées d'avoir eu un comportement anticoncurrentiel est tenu de motiver sa décision d'autorisation pour chacune des entreprises visées par sa décision; qu'au cas d'espèce, en autorisant une visite et saisie dans les locaux de l'entreprise M, demanderesse, parce qu'il ressortirait de la comparaison des niveaux de prix obtenus à l'issue de deux appels d'offres lancés pour un même marché, que les prix "ne sont que peu modifiés" d'une fois sur l'autre (ordonnance p. 12 et 14), alors même qu'il constatait, par ailleurs, que la demanderesse n'avait pas pu participer à la première procédure, son offre ayant été écartée d'emblée pour défaut de renseignement relatif à la personne de son co-traitant (ordonnance p. 11), le juge délégué du Président du Tribunal de grande instance de Toulouse, qui n'a pas ainsi caractérisé de présomption de participation de la société M à une entente justifiant qu'il soit procédé à des visites et saisies dans ses locaux, a violé les articles L. 450-4 et L. 420-1 du Code de commerce;

" alors, enfin, que le juge saisi d'une demande d'autorisation de visites et saisies par l'administration économique doit vérifier qu'elle est fondée et ne peut y donner suite que si les éléments présentés par les enquêteurs à l'appui de leur requête sont de nature à laisser présumer que les entreprises visées se sont rendues coupables d'une pratique prohibée par les dispositions du livre IV du Code de commerce; qu'ainsi, le juge saisi peut autoriser des visites et saisies chez des entreprises qui ont participé à une entente au sens de l'article L. 420-1 point 2 du Code de commerce, qui prohibe les collusions de nature à peser, à la hausse ou à la baisse, sur le niveau des prix; qu'en revanche ce texte ne sanctionne pas les similitudes qui, du fait des modes de production et de comptabilisation adoptés pour des raisons purement industrielles dans un secteur donné de l'économie, peuvent être constatées dans les structure des prix ou des coûts des entreprises de ce secteur; qu'en retenant, néanmoins, que les entreprises visées par son ordonnance pouvaient être présumées avoir participé à une entente, au simple motif que la structure de leurs prix serait proche, le juge délégué du Président du Tribunal de grande instance de Toulouse a violé les articles L. 450-4 et L. 420-1, point 2, du Code de commerce ";

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé par la société R, pris de la violation des articles L. 420-1, L. 450-4 du Code de commerce, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

- " en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé M. C, directeur général, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées à procéder ou faire procéder dans les locaux de l'entreprise R à l'ensemble des opérations de visite et de saisie de tous documents nécessaires à apporter la preuve que les pratiques relevées concernant le lot 1 relatif au terrassement, gros œuvre, structure, étanchéité, couverture, voirie et réseaux divers pour la réalisation de l'hôpital mère/femme/couple à l'hôpital B, à Toulouse, telles qu'elles ont été énoncées et présumées par notre ordonnance, entrent dans le champ de celles prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce;

" aux motifs que, notamment, lors de la première consultation, l'offre d'une seule entreprise est proche de l'estimation, l'offre du second se situant à plus de 12 % du moins-disant; que, lorsque la deuxième consultation, dans le cadre de l'appel d'offres ouvert, six offres sont enregistrées émanant des cinq entreprises ou groupements d'entreprises ayant déjà répondu à la première consultation (Z, R, S, Y, E), plus l'entreprise M qui avait été écartée lors de la première procédure pour défaut de renseignement sur son cocontractant; que la seconde consultation ne suscite pas un nombre plus important d'offres à l'exception de l'entreprise M; qu'à l'exception de la société R qui diminue son offre de 8,6 %, les autres offres ne sont que peu modifiées: Z + 0,10 %, S - 2,69 %, Y - 1,53 %, E -3,88 %; qu'il apparaît que l'attribution de ce marché semble résulter d'un échange d'information et de pratiques concertées entre les entreprises et que de tels comportements sont de nature à présumer la concertation prohibée par l'article L. 420-1 du Code susvisé et qu'il convient de qualifier; que, s'agissant du point 2 de l'article L. 420-1 du Code de commerce, que pour le sous-lot étanchéité, le tableau d'analyse de la structure des offres élaboré par la Direction Départementale de la Concurrence, de la consommation, de la répression des fraudes de Toulouse, met en évidence les éléments chiffrés suivants; que, pour le sous-lot composé de huit postes, la structure des offres des entreprises S, Y et E, est strictement identique, à la deuxième décimale près, sur les six postes et, à la décimale près, sur deux postes, alors même que les montants de ce sous-lot présentent des écarts significatifs (...); que la structure de l'offre de l'entreprise M est identique, à la décimale près, sur quatre postes, à celle des entreprises S, Y et E; que, pour le sous-lot VRD, le tableau d'analyse de la structure des offres élaborées par la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Toulouse, met en évidence les chiffres suivants; que, pour le sous-lot VRD, les structures des offres des entreprises M et R sont très proches sur les huit postes, leur structure est également très proche de celle de l'offre E sur cinq postes; que, pour le poste " eau " du sous-lot VRD, les structures des offres des entreprises Z, M, R et E sont très proches voire similaires entre les entreprises Z et R; qu'est ainsi mise en évidence une similitude dans la structure des offres des entreprises précitées concernant tant le sous-lot étanchéité que le sous-lot VRD; que la présentation initiale des offres en valeur absolue ne permet, en aucune façon, de prendre connaissance de ces structures de prix qui ne peuvent être issues que d'une concertation préalable aux offres de soumission; que de tels comportements ne peuvent que faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse; que les faits, tels qu'ils viennent d'être énoncés, permettent de présumer des pratiques prohibées au sens du point 2 de l'article L. 420-1 du Code de commerce; que, s'agissant du point 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce, les deux consultations (appel d'offres restreint puis appel d'offre ouvert) organisées par le centre hospitalier de Toulouse, n'ont suscité que peu de réponses de la part des entreprises alors même qu'il s'agissait d'une opération importante; que la première consultation en appel d'offres restreint se caractérise par un nombre très faible d'offres (5) alors que le dossier de consultation est adressé à treize entreprises ou groupements d'entreprises potentiellement capables de réaliser cet ouvrage; que, sur les cinq offres, une seule offre se situe au niveau de l'estimation, l'offre de l'entreprise placée en deuxième position se situant à plus de 12 % du moins-disant; que la deuxième consultation ne suscite pas un nombre plus important d'offres à l'exception de celle d'une entreprise M écartée lors de la première consultation au motif qu'elle n'avait pas fourni les renseignements concernant son co-traitant; que se trouvent en compétition sur les deux consultations les mêmes entreprises (Z, R, S, Y, E) plus l'entreprise M lors de la deuxième consultation; que les entreprises S, Y et E modifient peu leurs offres lors de la deuxième consultation montrant ainsi peu d'intérêt pour cette opération, confirmée par l'absence de proposition de variante libre pour les entreprises Y et E et seulement deux variantes libres pour l'entreprise S; que les offres des entreprises S, Y et E peuvent être considérées comme des offres de couverture permettant de simuler une concurrence afin de répartir les marchés; qu'en conséquence, l'attribution du marché décrit ci-dessus, apparaît avoir été réalisé dans des conditions prohibées par le point 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce;

" alors que le juge apprécie souverainement le bien-fondé de la demande d'autorisation de visite domiciliaire sous réserve de l'insuffisance manifeste de motifs ou de la contradiction de motifs; qu'en l'espèce, les structures des prix pratiqués par les entreprises sur deux des trois postes du lot gros œuvre ne pouvaient permettre d'établir la possibilité d'une concertation quant à la fixation des prix en favorisant artificiellement leur hausse, dès lors que le juge n'a pas constaté que cette similitude dans les structures des prix n'était apparemment pas liée aux coûts des travaux; que, par ailleurs, seule la comparaison des prix en valeur absolue pouvait révéler une présomption d'obstacle à la libre fixation des prix par le jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, alors que le juge a constaté que les prix en valeur absolue ne permettaient pas de révéler une entente en vue de la fixation à la hausse, et sans indiquer quels éléments lui permettaient de considérer qu'il pouvait exister une entente en vue d'atteindre un tel résultat; que le juge délégué s'est donc prononcé par des motifs manifestement insuffisants pour présumer l'existence d'une entente en vue de la fixation des prix à la hausse;

" et alors que l'appréciation de la nécessité d'une visite domiciliaire doit être opérée au regard de la situation de chaque société visée dans la requête; que les motifs par lesquels le juge délégué estime qu'une concertation existait en vue d'une fixation des prix à la hausse ne pouvaient pas être appliqués à la société R sans prendre en compte les particularités de sa situation; que celle-ci avait baissé ses prix entre la première et la seconde offre, cette dernière étant d'ailleurs inférieure à l'estimation faite par le maître d'œuvre à l'occasion du premier appel d'offre si les variantes libres proposées par la société R étaient prises en compte; que les particularités de la situation de la société R empêchaient de présumer qu'elle participait à une entente et que cette entente portait sur une fixation à la hausse des prix pratiqués, sauf au juge à motiver spécialement sa décision sur ce point; que, par conséquent, le juge délégué n'a pas justifié sa décision, les motifs par lesquels il a déduit l'existence d'une entente en vue de la fixation des prix à la hausse entrent directement en contradiction avec le constat qu'il faisait, par ailleurs, de la particularité de la position de la société R lors des deux appels d'offres, sans expliquer aucunement en quoi, malgré ses particularités, la société pouvait être présumée avoir participé à l'entente prohibée;

" et alors que la présomption d'entente en vue de l'attribution du marché étant fondée sur le fait que les mêmes entreprises avaient soumis une offre lors des deux appels d'offres à l'exception de l'entreprise M, et que les prix pratiqués étaient supérieurs à l'estimation du marché par le maître d'œuvre ne suffisait pas à justifier la visite domiciliaire de la société R, dès lors que le juge avait constaté que l'offre faite par cette société, lors du second appel d'offres avait été substantiellement baissée et se rapprochait de l'estimation du maître d'œuvre avec les variantes autorisées; que le juge, qui n'a donc pas expliqué quels éléments lui permettaient de considérer que malgré la particularité de sa situation, la société R pouvait être présumée avoir participé à l'entente en vue de l'attribution du marché, n'a pas légalement justifié sa décision ";

Les moyens étant réunis: - Attendu que le juge s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour la société M, pris de la violation des articles L. 450-3 et L. 450-4 du Code de commerce:

- " en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé, le 2 octobre 2000, les agents de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux des sociétés M, E, R, S, Y, Z;

" aux motifs que la portée de nos présomptions est suffisante au regard des qualifications prévues par l'article L. 420-1, points 2 et 4, du Code de commerce; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée;

" alors que le juge est tenu de vérifier le caractère nécessaire des pouvoirs d'enquête demandés; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se borne à énoncer qu'en l'état de l'existence de présomptions suffisantes ressortant de documents par elle analysés, la recherche d'éléments de preuve complémentaires concernant les pratiques illicites alléguées lui paraît justifiée; qu'en statuant ainsi, sans constater, d'une part, que les pièces déjà en possession de l'administration étaient insuffisantes ou incomplètes pour engager des poursuites, et, d'autre part, que l'administration ne disposait d'aucun moyen pour obtenir les informations complémentaires qu'elle recherchait autrement qu'en mettant en œuvre des pouvoirs coercitifs, le juge délégué du Président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce; " qu'il en est d'autant plus ainsi qu'au cas d'espèce, il ne ressort de rien que les enquêteurs de l'administration économique aient formulé à l'encontre de l'une quelconque des entreprises visées par leur requête, une demande de renseignement dans les conditions de l'article L. 450-3 du Code de commerce, ni, a fortiori, qu'elle ne se soit trouvée confrontée, à cette occasion, à une quelconque résistance ";

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour la société R, pris de la violation des articles L. 420-1 et L. 450-4 du Code de commerce et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

- " en ce que l'ordonnance du 2 octobre 2000 attaquée a autorisé M. C, directeur général, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées à procéder ou faire procéder dans les locaux de l'entreprise R à l'ensemble des opérations de visite et de saisie de tous documents nécessaires à apporter la preuve que les pratiques relevées concernant le lot 1 relatif au terrassement, gros œuvre, structure, étanchéité, couverture, voirie et réseaux divers pour la réalisation de l'hôpital mère/femme/couple à l'hôpital B, à Toulouse, telles qu'elles ont été énoncées et présumées par notre ordonnance, entrent dans le champ de celles prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce;

" alors que le juge n'a pas recherché, avant d'autoriser la visite domiciliaire et les saisies dans les locaux des cinq entreprises présumées avoir participé à une entente frauduleuse, si les autres pouvoirs d'investigation offerts aux agents habilités des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ne suffisaient pas pour découvrir les éléments de preuve de l'entente contraire à l'article L. 420-1 du Code de la consommation ";

Les moyens étant réunis: - Attendu que, pour autoriser la visite sollicitée, le Président du tribunal énonce que la recherche des documents nécessaires pour apporter la preuve des agissements invoqués lui apparaît justifiée; qu'en prononçant ainsi, l'ordonnance n'encourt pas les griefs allégués, dès lors que la possibilité de mise en œuvre du droit de communication par l'administration n'interdit pas à celle-ci de recourir aux visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce; d'où il suit que les moyens doivent être écartés;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour la société M, pris de la violation de l'article L. 450-4 du Code de commerce:

- " en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé le 2 octobre 2000, les agents de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux des sociétés M, E, R, S, Y, Z, et d'avoir donné commission rogatoire au Président du Tribunal de grande instance de Pau pour désigner les officiers de police judiciaire devant assister et contrôler la régularité des opérations de perquisition dans les locaux de la société M;

" aux motifs que, dès lors que ces locaux sont situés en des lieux différents, il est en conséquence nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément dans ces locaux afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels;

" alors que, lorsque le juge autorise des perquisitions et saisies dans des locaux d'entreprises situées en dehors de son ressort, il lui appartient de caractériser concrètement la nécessité d'une action simultanée justifiant la délivrance d'une ordonnance unique; qu'au cas d'espèce, l'ordonnance attaquée, qui déduit la nécessité d'une intervention simultanée de la seule constatation que les locaux des entreprises concernées étaient situés en des lieux différents et qui conviendrait d'éviter qu'elles ne profitent de cette différence de lieu pour dissimuler des éléments de preuve, mais sans caractériser d'aucune façon en quoi concrètement les entreprises visées par son ordonnance seraient susceptibles de se rendre ainsi coupables de l'infraction pénalement sanctionnée à l'article L. 450-8 du Code de commerce, le juge délégué du Président du Tribunal de grande instance de Toulouse a violé l'article L. 450-4 du Code de commerce ";

Attendu que, pour autoriser des visites et saisies domiciliaires dans plusieurs départements dont celui des Pyrénées-Atiantiques, où se trouve le siège de la société M, le Président du Tribunal de grande instance de Toulouse énonce que, dès lors que ces locaux sont situés en des lieux différents, il est en conséquence nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément, afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels;

Attendu que, par ces énonciations exemptes d'insuffisance, le Président du tribunal a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour la société R, pris de la violation de l'article L. 450-4 du Code du commerce, de l'arrêté du 4 avril 2000 portant délégation de signature, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

- " en ce que l'ordonnance du 5 octobre 2000 attaquée, a autorisé M. C, directeur général, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées à procéder ou faire procéder dans les locaux de l'entreprise R à l'ensemble des opérations de visite et de saisie de tous documents nécessaires à apporter la preuve que les pratiques relevées concernant le lot 1 relatif au terrassement, gros œuvre, structure, étanchéité, couverture, voirie et réseaux divers pour la réalisation de l'hôpital mère/femme/couple à l'hôpital B, à Toulouse, telles qu'elles ont été énoncées et présumées par le juge délégué, entrent dans le champ de celles prohibées par les points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce;

" aux motifs que " la requête a été présentée à la suite de " la demande d'enquête du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en date du 25 juillet 2000 relatives aux pratiques relevées à l'occasion de marchés publics sur appel d'offres dans le département de la Haute-Garonne portant sur le lot gros œuvre pour la construction de l'hôpital mère/femme/couple à l'hôpital B à Toulouse, signée par Jérôme G, Directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à Toulouse, en application de l'arrêté du 4 avril 2000 "; " alors que la demande d'autorisation de visites domiciliaires ne peut, en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce émaner que du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ou du Conseil de la concurrence; que, si la demande d'autorisation de visites domiciliaires et de saisies peut être signée par toute personne bénéficiant d'une délégation de signature du ministre de l'économie dans le domaine de la concurrence, elle doit faire la preuve par elle-même de la qualité de la personne qui a reçu la délégation de signature; qu'en l'espèce, la demande d'enquête du 25 juillet 2000 porte l'en-tête " note pour le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ", ce qui atteste que la note n'émane pas de cette personne; que, par ailleurs, la note ne comporte pas la mention dactylographiée du nom de la personne dont elle émane, la signature étant insuffisante pour déterminer la qualité de son auteur; que, par conséquent, le juge délégué qui considère que la note émane du Directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, M. G, ne disposait d'aucun élément permettant d'établir que l'enquête avait été demandée par le ministre de l'économie ou par une personne compétente dans le domaine de la concurrence et ayant reçu une délégation de signature de la part de ce ministre, la production de l'arrêté du 4 avril 2000 portant délégation de signature, étant insuffisante pour faire la preuve de la qualité de la personne ayant ordonné l'enquête, dès lors que son identité n'apparaît pas dans la note du 25 juillet 2000; que, par conséquent, le juge n'a pas légalement justifié sa décision d'autorisation des visites domiciliaires";

Attendu que l'ordonnance vise l'arrêté du 4 avril 2000, portant délégation de signature au profit de G, Directeur général de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes; qu'en cet état, et dès lors qu'il n'est pas allégué que cet arrêté serait assorti de restrictions, l'ordonnance attaquée n'encourt pas le grief invoqué au moyen, lequel ne saurait être admis;

II. Sur les pourvois, en ce qu'ils sont formés contre l'ordonnance rectificative du 11 octobre 2000: - Attendu qu'aucun moyen n'est proposé par la société M;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour la société R, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 16 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

- " en ce que l'ordonnance attaquée du 11 octobre 2000 a modifié l'ordonnance du 2 octobre 2000 en désignant en remplacement du maréchal des logis, M. D, Mme X pour assister aux opérations dans les lieux situés dans le ressort du Tribunal de grande instance de Toulouse;

" alors que selon l'article L. 450-4 du Code de commerce, seuls les officiers de police judiciaire peuvent être désignés pour assister aux opérations de visites domiciliaires; qu'en application de l'article 16 du Code de procédure pénale, seuls les gradés de la gendarmerie ont qualité d'officiers de police judiciaire ou les gendarmes spécialement désignés; que le juge délégué qui nomme Mme X, gendarme, pour assister aux visites domiciliaires en relevant sa qualité de gendarme, sans constater sa qualité d'officier de police judiciaire, n'a pas suffisamment justifié sa décision; que l'annulation de l'ordonnance du 11 octobre 2000 doit nécessairement entraîner celle de l'ordonnance du 2 octobre 2000 avec laquelle elle fait corps ";

Attendu que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que Mme X, gendarme à la section des recherches de Toulouse, désignée par l'ordonnance attaquée, pour remplacer M. D, adjudant à la section des recherches, afin d'assister aux opérations de visite, avait la qualité d'officier de police judiciaire requise par l'article L. 450-4 du Code de commerce; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Et attendu que les ordonnances attaquées sont régulières en la forme:

- Sur les pourvois formés contre l'ordonnance du Président du Tribunal de Toulouse en date du 2 octobre 2000:

Les rejette;

Sur les pourvois formés contre l'ordonnance rectificative du 11 octobre 2000:

Les rejette.