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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 8 novembre 2000, n° 98-00966

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Age d'Or Expansion (SARL)

Défendeur :

Dade

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ruffier

Avoués :

Me Estival, SCP Delvincourt-Jacquemet

Avocats :

Mes Laraize, Berger Tardivon

T. com. Troyes, du 26 janv. 1998

26 janvier 1998

FAITS ET PROCÉDURE

Le 14 juin 1994, Monsieur Jean-Marie Dade a conclu avec la société L'Age d'Or Expansion un contrat de franchise d'une durée de trois ans relatif à l'exploitation sur le territoire exclusif d'Orléans et de ses environs de t'enseigne "L'Age d'Or Services" et de son activité d'accompagnement et d'assistance aux personnes seules, âgées et handicapées. Le jour de la signature de l'acte, Monsieur Dade a acquitté un droit d'entrée d'un montant de 62 858 F TTC en application de l'article 8 du contrat de franchise.

Monsieur Dade a obtenu le 1er juillet 1994 son certificat d'inscription sur le registre des entreprises de transport public routier et de personnes tenu par la Préfecture du Loiret au titre du transport occasionnel. En revanche, sa demande de Conventionnement pour être autorisé à exercer le transport " à la demande " a été rejetée par le conseil général du Loiret, puis par la commune de Saint Pryvé Saint Mesmin,

Estimant consécutivement être dans l'impossibilité de pouvoir régulièrement exercer son activité, Monsieur Dade a demandé à la société L'Age d'Or Expansion la restitution de son droit d'entrée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 4 octobre 1994.

Par acte introductif d'instance signifié le 9 novembre 1995, Monsieur Dade a fait attraire la société L'Age d'Or Expansion devant le Tribunal de commerce de Troyes pour obtenir l'annulation du contrat de franchise pour absence de cause ou, à titre subsidiaire, sa résolution pour inexécution par le franchiseur de ses prestations, ainsi que la restitution du droit d'entrée et le versement d'une somme de 25 000 F à titre de dommages-intérêts et d'une somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le 26 janvier 1998, le Tribunal de commerce de Troyes a prononcé la résolution du contrat litigieux et condamné la SARL L'Age d'Or Expansion à la restitution de la somme de 53 000 F hors taxes, soit 62 858 F TTC, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société L'Age d'Or Expansion a relevé appel de ce jugement le 1er avril 1998.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 31 juillet 1998, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de son argumentation en application des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la société L'Age d'Or Expansion sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Troyes le 26 janvier 1998 et demande à la cour de débouter Monsieur Dade de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner en conséquence à lui verser la somme de 18 000 F en indemnisation de ses frais irrépétibles.

Dans ses conclusions en défense signifiées le 21 janvier 1999, auxquelles il est également expressément renvoyé pour l'exposé de son argumentation en application des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, Monsieur Dade conclut au débouté et, formant appel incident, demande à la cour de prononcer la nullité du contrat de franchise pour absence de cause et de condamner l'appelante, autre à la restitution du droit d'entrée d'un montant de 62 858 F, au paiement d'une somme de 25 000 F à titre de dommages et intérêts et d'une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 août 2000.

DISCUSSION

Il y a lieu de rejeter des débats comme tardives, les conclusions " récapitulatives et responsives " déposées par l'appelant le 25 août 2000, mais signifiées à l'intimé le jour de l'ordonnance de clôture, auxquelles ce dernier, qui ne sollicite pas la rétractation de cette ordonnance, a été dans l'incapacité de répondre utilement.

Sur la nullité du contrat

Monsieur Dade soutient que le contrat serait dépourvu de cause dans la mesure où l'activité qui en est l'objet serait administrativement impossible. Il expose que pour exercer cette activité d'accompagnement, il était dans l'obligation d'obtenir un Conventionnement en application de l'article 28 du décret du 16 août 1985.

Toutefois, il est constant que dans les contrats synallagmatiques, la cause de l'obligation de chaque contractant réside dans l'obligation de l'autre. En l'occurrence, la cause du contrat de franchise litigieux consiste pour Monsieur Dade dans le droit d'exploiter l'enseigne " Age d'Or Expansion " selon la formule du franchiseur sur le territoire exclusif. L'appelante fait valoir à juste titre que le contrat n'est pas dépourvu de cause pour l'intimé dans la mesure où il n'est pas contesté que le réseau de franchisés poursuit actuellement son activité d'accompagnement et d'assistance de personnes seules, âgées, handicapées en leur offrant toute une gamme de services spécifiques destinés à répondre à leurs besoins et à rompre leur isolement et qui excèdent le seul transport public routier de personnes. Il convient dès lors de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité du contrat.

Sur la résiliation du contrat

La société L'Age d'Or Expansion conteste la motivation du tribunal selon laquelle il existerait une incertitude quant à la qualification de l'activité de transport exercée sous l'enseigne " Age d'Or Services " et qu'en l'absence de réglementation précise de cette activité spécifique, le franchisé resterait dans une totale incertitude, de sorte qu'il ne pourrait être maintenu dans des liens d'un contrat, ne lui offrant aucune sécurité et ne lui permettant pas d'exercer dans des conditions normales.

Elle indique qu'il résulte de la circulaire interne du Ministère du Travail de l'activité d'accompagnement faisant l'objet du contrat de franchise se situe dans le cadre de la loi d'orientation du 30 décembre 1982 sur les transports intérieurs et de l'article 26 du décret n°85-891 du 16 août 1985 modifié et ne nécessite donc pas l'obtention d'une licence de transport, de sorte que contrairement à l'opinion des premiers juges, il n'existe aucune incertitude juridique quant à la qualification de l'activité litigieuse.

D'autre part, l'appelante indique qu'il ressort du décret précité qu'en matière de transport de personnes, les services occasionnels ne nécessitent qu'une autorisation préfectorale, qui n'est au demeurant indispensable que si les itinéraires dépassent les limites du département où est inscrit l'entreprise, et non un Conventionnement de la part du département ou de la commune comme le soutient l'intimé qui fait selon elle un amalgame avec les services de transport à la demande.

Sur ce point, il n'est pas contesté que l'activité des franchisés utilisant l'enseigne " Age d'Or Services ", à laquelle ne s'applique aucune législation spécifique, est considérée au regard de la réglementation en vigueur comme relevant du transport public routier de personnes en ce qui concerne les services d'accompagnement qu'ils offrent aux personnes ne disposant que d'une mobilité réduite, pour lesquelles le transport véhicule automobile s'avère indispensable, de sorte qu'ils doivent se conformer à la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 et au décret n° 85-891 du 16 août 1985.

Dans ce cadre, il s'avère que l'activité de services la plus importante des franchisés, à savoir le déplacement et l'accompagnement à titre onéreux de sa clientèle spécifique, ne peut entrer dans le cadre des services privés visés par l'article 29 de la loi d'orientation, ni des services occasionnels de transport public définis par l'article 32 du décret précité, puisqu'il ne s'agit, sauf de manière marginale, ni d'un circuit à la place, ni d'un service collectif dont la définition fait référence au transport d'un groupe de personnes. Il s'ensuit que l'activité de transport public routier du franchisé ne peut être effectuée que dans le cadre de la réglementation applicable aux voitures dites de " petite remise " pour les transports individuels ou dans le cadre du transport à la demande visé par l'article 26 du décret du 16 août 1985 pour les services collectifs, ce dernier service ne pouvant être autorisé qu'à la condition de faire l'objet d'une Convention entre le transporteur et une autorité organisatrice de transports conformément à l'article 29 de la loi d'orientation.

L'exigence d'un Conventionnement pour permettre sinon l'exercice de l'activité du franchisé, du moins son développement dans des conditions de rentabilité normales, ainsi que l'illustre les négociations qu'il a entreprises avec une association oeuvrant au profit des handicapés, n'a d'ailleurs pas échappé au franchiseur en dépit de l'argumentation qu'il développe devant la cour. Il résulte notamment d'un courrier recommandé avec avis de réception adressé le 23 septembre 1994 à Monsieur Jean-Marie Dade par le directeur adjoint de la société L'Age d'Or Expansion, que ce dernier a reconnu qu'un tel Conventionnement lui était imposé, comme aux autres agences, par le décret de 1985. En outre, que le contrat de franchise lui-même prévoyait expressément dans son article 5 que le franchiseur avait l'obligation d'assister le franchisé lors de la création de l'activité, notamment en assurant la préparation administrative de la demande de Conventionnement venant compléter la demande de licence de transport.

II est constant que Monsieur Jean-Marie Dade s'est vu refusé ce Conventionnement tant par le conseil général du Loiret que par la commune de Saint Pryvé Saint Mesmin au cours du mois de juillet 1994, sans que l'appelante prétende lui avoir apporté son soutien lors de la constitution de son dossier de demande de Conventionnement.

Sur ce point, c'est vainement que la société L'Age d'Or Expansion fait valoir que le franchisé ne l'aurait pas informée de ses difficultés avant le 20 septembre 1994, de sorte qu'elle n'aurait pu utilement intervenir. Il s'évince en effet de l'analyse des stipulations de l'article 5 du contrat de franchise conclu entre les parties le 14 juin 1994 que l'obligation du franchiseur d'assister le franchisé lors de la création de l'activité, notamment en assurant la préparation administrative de la demande de licence de transport et de la demande de Conventionnement venant la compléter lui imposait l'obligation positive d'intervenir dès la constitution du dossier, ce qu'elle s'est abstenue de faire en l'espèce, de sorte que le grief ne relève pas des stipulations de l'article 6 du contrat, qui lui faisait en outre obligation d'assister le franchisé pendant toute la durée d'exécution du contrat.

II s'ensuit que la société L'Age d'Or Expansion a manqué gravement à ces obligations contractuelles envers Monsieur Jean-Marie Dade et que cette exécution fautive de son devoir d'assistance, qui a effectivement laissé le franchisé dans une incertitude juridique quant à la licéité de son activité, justifie la résolution du contrat de franchise à ses torts et griefs. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point et en ce qu'il a condamné l'appelante à restituer à Monsieur Jean-Marie Dade le montant de son droit d'entrée dans le réseau.

Par ailleurs, il échet de considérer, contrairement à l'opinion des premiers juges, que le manquement par la société L'Age d'Or Expansion à ses obligations contractuelles a causé à l'intimé, qui n'a pu exploiter l'activité franchisée dans des conditions normales entre la conclusion du contrat et sa dénonciation et a dû procéder seul à des démarches administratives complexes sans bénéficier du soutien auquel il été en droit de prétendre, un préjudice que la cour est en mesure de chiffrer au regard des éléments d'appréciation dont elle dispose à la somme de 15 000 F.

Au vu des éléments de la cause, il échet de fixer à la somme de 10 000 F l'indemnité qui sera allouée à Monsieur Jean-Marie Dade au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ce en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; Dit recevable mais mal fondé l'appel formé par la société L'age d'Or Expansion ; Confirme le jugement rendu le 26 janvier 1998 par le Tribunal de commerce de Troyes en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de franchise intervenue entre les parties le 14 juin 1994 et condamné la société L'Age d'Or Expansion à restituer à Monsieur Jean-Marie Dade le montant de son droit d'entrée et à lui payer une indemnité pour frais irrépétibles de 5 000 F ; Y ajoutant, condamne la société L'Age d'Or Expansion à payer à Monsieur Jean-Marie Dade la somme de quinze mille Francs (15 000 F) soit 2 286,74 euro à titre de dommages-intérêts ; Condamne la société L'Age d'Or Expansion aux dépens de l'instance d'appel et autorise la société civile professionnelle Delvincourt Jacquemet, Avoués, à procéder à leur recouvrement direct dans les conditions fixées par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne enfin la société L'Age d'Or Expansion à payer à Monsieur Jean-Marie Dade une indemnité de dix mille F (10 000 F), soit 1 524,49 euro, en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.