Livv
Décisions

CA Poitiers, ch. soc., 21 mars 2000, n° 99-01390

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GAN Vie (Sté)

Défendeur :

Suire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dubois

Rapporteur :

Mme Descard Mazabraud Conseillers : Mmes Albert

Avocats :

Mes Meyer, Iorio.

Cons. prud'h. Les Sables d'Olonne, du 18…

18 mars 1999

Un litige est né entre les parties sur la clause de non-concurrence et monsieur Suire a saisi le Conseil des prud'hommes des Sables d'Olonne qui par jugement en date du 18 mars 1999, a pour partie fait droit aux demandes de monsieur Suire en limitant la portée de la clause de non-concurrence aux clients apportés par monsieur Suire à la compagnie GAN Vie, et ce pendant deux ans.

Il a débouté les deux parties de leurs demandes de dommages-intérêts.

La compagnie GAN Vie a régulièrement relevé appel de la décision. Au soutien de son appel elle expose que les chargés de mission avaient une fonction essentiellement commerciale et travaillaient surtout avec les agents généraux.

Monsieur Suire ayant souhaité changer de statut, n'avait pu trouver d'accord avec la compagnie GAN Vie. Il avait été convenu que sa démission était acceptée et que la clause de non-concurrence serait respectée.

Celle ci ne peut être remise en cause dans sa validité. Elle était limitée dans le temps et dans l'espace. Elle n'était pas de nature à empêcher monsieur Suire de retrouver un emploi.

Il est constant que monsieur Suire s'est livré à une activité concurrentielle. Le jugement qui a réduit la portée de la clause de non-concurrence sera réformé et monsieur Suire sera condamné à 20 000 F de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.

Monsieur Suire forme appel incident et demande une indemnité de 700 000 F.

Il aurait souhaité pouvoir travailler en qualité de courtier avec la compagnie GAN Vie mais, après dans un premier temps avoir donné son accord, il lui a été répondu qu'il ne pouvait travailler avec le GAN qu'en qualité de salarié. C'est dans ce contexte qu'il a démissionné.

Il rappelle que depuis le 1er janvier 2000, il a retrouvé toute sa liberté mais il souhaite tout de même obtenir une indemnisation.

Cette clause ne pouvait s'appliquer car le contrat avait été modifié.

Il y avait une disproportion de traitement entre le chargé de mission et l'agent général.

En tout état de cause, cette clause portait gravement atteinte à la liberté du travail.

Nombre de produits ont été changés et remplacés par des produits moins performants.

La vie de monsieur Suire s'était organisée en Vendée et le fait de ne pouvoir travailler ni en Vendée ni dans les départements limitrophes rendait impossible sa réinstallation.

Monsieur Suire a strictement respecté le jugement déféré et réclame 700 000 F de dommages-intérêts.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour justifier la réduction de la clause de non-concurrence aux clients du GAN, et en maintenir la durée à deux ans, le Conseil des prud'hommes des Sables d'Olonne a retenu que la compagnie GAN Vie démontrait que cette clause de non-concurrence était nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et que la liberté de monsieur Suire de travailler devait être respectée.

Le contrat de travail initial de monsieur Suire comportait une clause de non-concurrence aux termes de laquelle, le salarié s'interdisait toute activité d'assurance pendant un délai de deux ans dans le ou les départements dont l'exploitation lui a été confiée ainsi que les départements limitrophes.

A la fin de l'année 1997, des courriers ont été échangés entre la compagnie GAN Vie et monsieur Suire car celui ci souhaitait changer de statut en adoptant celui de courtier qui lui aurait permis de continuer à travailler avec le GAN.

La compagnie GAN Vie a toujours clairement refusé à monsieur Suire cette modification de statut et celui-ci ne peut tirer un argument quelconque de ce refus sur lequel il n'y a jamais eu d'ambiguïté.

C'est dans ce contexte que monsieur Suire a donné sa démission, dont il n'a jamais contesté par la suite qu'elle était libre et non équivoque.

Dans le courrier par lequel la compagnie GAN Vie acceptait la démission, elle a rappelé à monsieur Suire le contenu et la portée de la clause de non-concurrence dont elle n'entendait pas le délier.

Par un courrier du 30 décembre 1997, l'employeur lui indiquait qu'il lui serait versé une indemnité en compensation de cette clause et que cette indemnité correspondant à deux années sur le portefeuille d'assurances collectives était en voie de calcul.

Monsieur Suire saisissait alors le Conseil des prud'hommes des Sables d'Olonne pour lui demander d'annuler ou tout au moins de réduire la clause aux clients qu'il avait pu amener.

La clause de non-concurrence litigieuse était valablement contenue dans le contrat de travail.

Elle était limitée dans le temps et dans l'espace.

Monsieur Suire ne peut soutenir qu'il y ait eu une modification de son contrat de travail. En effet, il n'a connu une baisse de revenus significative que sur l'année 1997 mais qui a pu s'expliquer par les difficultés conjoncturelles que traversait le GAN mais aussi par le fait que monsieur Suire se sentait apparemment démotivé.

Enfin, la différence de traitement avec les agents généraux ne peut être retenue, les agents généraux n'étant pas liés au GAN par un contrat de travail.

C'est dès lors de manière tout à fait juste que le Conseil des prud'hommes des Sables d'Olonne a recherché si la clause litigieuse était de nature à porter atteinte à la liberté du travail de monsieur Suire et si elle était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'employeur.

La nature exclusivement commerciale de l'activité de monsieur Suire, la manière dont il présente, dans son CV, son réseau de relations dans la Vendée et dont il insiste sur la qualité des liens de confiance qu'il a pu nouer avec les dirigeants et les experts comptables des PME établissent de façon claire qu'il était indispensable pour la protection légitime des intérêts de l'entreprise, de prévoir une clause de non-concurrence

Cependant, il est constant qu'en raison de la spécificité de l'activité professionnelle de monsieur Suire, de son age et de la composition de sa famille, le respect stricto sensu de la clause de non-concurrence, interdisant à monsieur Suire de travailler en Vendée et dans les départements limitrophes, constituait une entrave à sa liberté de travailler.

En limitant la portée de la clause de non-concurrence à l'interdiction faite à monsieur Suire de démarcher les clients de GAN Vie pendant une durée de deux ans, le Conseil des prud'hommes des Sables d'Olonne a à la fois pris en considération la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et la liberté du travail du salarié.

Le jugement sera confirmé sur ce point, le conseil des prud'hommes n'ayant fait qu'une exacte application des pouvoirs qui sont les siens de réduire le champ d'application d'une clause qui constituerait une atteinte à la liberté du travail.

Alors que la cour est amenée à examiner le litige après l'expiration de la période de non-concurrence, force est de constater que ni la compagnie GAN Vie ni monsieur Suire n'amènent aucun élément objectif et chiffré permettant de prouver que l'un ou l'autre aurait subi un préjudice. C'est donc de manière tout à fait adaptée que le Conseil des prud'hommes des Sables d'Olonne les avait déboutés tous les deux de leurs demandes.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'intimé, l'intégralité de ses frais irrépétibles et il lui sera alloué une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour un montant de 3 000 F.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré ; Condamne l'appelant à verser à monsieur Suire une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile d'un montant de 3 000 F ; Condamne l'appelant aux dépens de première instance et d'appel.