CA Paris, 16e ch. B, 16 juin 2000, n° 1998-07080
PARIS
arrêt
PARTIES
Demandeur :
Société de Frêt et de Services (SA)
Défendeur :
Europe Manutention (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Garban
Conseillers :
MM. Le bail, Provost-Lopin
Avoués :
Mes Huyghe, Bodin-Casalis
Avocats :
Mes Wilner, Bertolotti
Par contrat en date du 28 novembre 1994 la société Europe Manutention a donné en location-gérance à la société de Frêt et de Services le fonds de commerce de manutention et de magasinage lui appartenant, exploité sur l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle, et comprenant :
"- la clientèle des transitaires telle qu'elle résulte d'un état qui restera annexé aux présentes,
- le matériel servant à son exploitation, dont un inventaire contradictoire détaillé et chiffré est également annexé aux présentes, à l'exclusion de tout droit au bail de locaux d'habitation" ;
Le contrat prévoit que "sont exceptées de la présente convention toutes créances sur la clientèle ou sur tout débiteur quelconque, ayant leur origine antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent contrat"
Au titre des obligations de la société Europe Manutention, le contrat du 28 novembre 1994 prévoit également ,
" ....obligations du loueur :
2. Garantie de non-concurrence
Le Loueur garantira le Locataire-Gérant de tous troubles, revendications, saisies ou évictions pouvant affecter son droit à la libre jouissance de l'exploitation du fonds loué.
En conséquence, le loueur sera tenu, pendant toute la durée du Présent bail à ne pas s'intéresser, directement ou indirectement à un fonds de commerce de la nature de celui ci-dessus désigné..."
Arguant de ce que la société Europe Manutention n'avait pas respecté cette clause de non-concurrence en continuant à se livrer aux mêmes activités qu'antérieurement en matière de manutention et de magasinage, la société de Frêt et de Services a assigné la société Europe Manutention devant le Tribunal de commerce de Créteil afin d'entendre notamment prononcer la résolution du contrat de location-gérance en date du 28 novembre et condamner la société Europe Manutention au paiement de 500 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi que 30 000 F HT au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Devant le tribunal de commerce, la société Europe Manutention a répliqué qu'elle avait scrupuleusement respecté les termes du contrat liant les parties, et qu'elle n'avait pas enfreint son obligation de non-concurrence ;
Le tribunal de commerce, par jugement du 21 janvier 1998 déféré à la cour, a :
- Dit que la société de Frêt et de Services n'apporte pas la preuve que la société Europe Manutention n'a pas respecté la clause de non-concurrence, et par voie de conséquence,
- Débouté la société de Frêt et de Services en sa demande de résolution du contrat de location-gérance du 28 novembre 1994 et en sa demande de dommages et intérêts subséquente, faute de preuve,
- Constaté que le contrat s'est poursuivi en toutes ses conséquences, faute d'avoir été dénoncé dans les termes requis,
- Accueilli la société Europe Manutention partiellement en ses demandes reconventionnelles,
- Condamné la société de Frêt et de Services à payer à la société Europe Manutention la totalité des loyers restés impayés, à raison de 8 000 F/mois HT (9 648 F TTC), ainsi que toute autre facture demeurée impayée, en deniers ou quittances valables,
- Dit n'y avoir lieu à ordonner présentement la restitution par la société Europe Manutention à la société de Frêt et de Services de la caution qu'elle détient à hauteur de 198 000 F,
- Ordonné l'exécution provisoire sous réserve qu'en cas d'appel il soit fourni une caution bancaire égale au montant de la condamnation,
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- Condamné la société de Frêt et de Services à payer à la société Europe Manutention la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté pour le surplus,
- Condamné la société de Frêt et de Services aux dépens ;
La société de Frêt et de Services a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 27 février 1998 ;
D'autre part, par exploit en date du 21 août 1998, la société de Frêt et de Services a fait assigner la société Europe Manutention devant le Tribunal de commerce de Meaux à l'effet de :
- Vu la clause d'exclusivité et la clause de non-concurrence contractées par M. Kermoal dans le cadre du contrat de travail conclu avec la société de Frêt et de Services,
- Vu le procès-verbal de constat du 9 Février 1998,
- Vu les fonctions de Président Directeur Général occupées par M. Kermoal au sein de la société Europe Manutention tant pendant l'exécution du contrat de travail au sein de SFS que postérieurement à sa réalisation,
- Vu l'objet social et l'activité de manutention et de magasinage de la société Europe Manutention,
- Voir constater les activités de concurrence déloyale pratiquées par la société Europe Manutention au détriment de la société SFS.
- En conséquence, voir condamner Europe Manutention à verser à SFS la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts,
- Assortir la décision à intervenir de l'exécution provisoire,
- Voir condamner la société Europe Manutention à payer à la société SFS une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens ;
Le Tribunal de commerce de Meaux, après avoir constaté que les parties demandaient conjointement le renvoi de l'affaire devant la Cour d'appel de Paris 16ème Chambre B, a, par décision du 22 juin 1999 :
- Reçu les demandes de la société de Frêt et de Services et de la société Europe Manutention,
- Pris acte que la société de Frêt et de Services ne s'oppose plus aux exceptions de connexité et de litispendance soulevées par la société Europe Manutention,
Vu les articles 100 et suivants du nouveau Code de procédure civile,
- Renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris 16ème Chambre B,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ni à dommages et intérêts,
- Ordonné l'exécution provisoire,
- Condamné la société de Frêt et de Services en tous les dépens ;
Par ordonnance du 3 novembre 1999, le conseiller de la Mise en Etat a procédé à la jonction des deux dossiers ;
LA COUR
Vu l'appel interjeté par la société de Frêt et de Services SA à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 21 janvier 1998, et le jugement du Tribunal de commerce de Meaux en date du 22 juin 1999 ;
Vu les dernières écritures signifiées le 4 mai 2000, par lesquelles la SA société de Frêt et de Services demande à la cour de :
- La déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en ce qu'il a fait partiellement droit aux demandes de la société Europe Manutention,
- Prendre acte de ce que la société de Frêt et de Services a entièrement déféré à l'injonction de communiquer ordonnée par le Conseiller de la Mise en Etat dans l'ordonnance du 25 février 1999,
Et statuant à nouveau,
- Prononcer la fin des relations contractuelles entre les parties issues du contrat de location-gérance en date du 28 novembre 1994,
- Condamner la société Europe Manutention à verser à la société de Frêt et de Services la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts,
- Condamner la société Europe Manutention à verser à la société de Frêt et de Services la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
- La déclarer mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,
- La condamner à verser à la société de Frêt et de Services la somme de 60 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel
Vu les dernières écritures signifiées le 27 avril 2000, par lesquelles la société Europe Manutention demande à la cour de :
- Prendre acte de ce que la société SFS n'a pas déféré complètement à l'injonction de communiquer les états mensuels certifiés et détaillés des chiffres d'affaires réalisés avec les transitaires, injonction telle qu'ordonnée par la cour le 25 février 1999,
Au surplus, à titre principal,
- Débouter la société SFS de sa demande en résolution du contrat de location-gérance et en paiement de dommages et intérêts,
- La débouter de son action en concurrence déloyale et en paiement de dommages et intérêts,
- La débouter pour le surplus de toutes ses demandes,
Reconventionnellement,
- La condamner à payer la somme de 243 491,40 F au titre des redevances restées impayées,
- La condamner à payer la somme de 154 000 F hors taxes au titre de la valeur du matériel non restitué,
- La condamner à payer la somme de 750 000 F au titre de l'indemnisation de la clientèle non restituée et du préjudice lié à la non-restitution du fonds de commerce,
- La condamner à une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
- La condamner à une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance, de l'ordonnance du 25 février 1999 et d'appel,
Subsidiairement,
- Limiter dans le temps l'effet de la rétroactivité,
- Fixer la résolution judiciaire à compter du jour de la décision et non à compter du 23 novembre 1994, et ce pour tenir compte de l'exécution du contrat de location-gérance, et de l'absence d'éviction totale,
- Débouter la société SFS de sa demande de dommages et intérêts et de ses autres demandes,
- La condamner à payer la somme de 243 491,40 F au titre des redevances restées impayées,
- La condamner à payer la somme de 154 000 F hors taxes au titre de la valeur du matériel non restitué,
- La condamner à payer la somme de 750 000 F au titre de l'indemnisation de la clientèle non restituée, et du préjudice lié à la non-restitution du fonds de commerce,
- La condamner à une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- La condamner à une somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de première instance, de l'ordonnance du 25 février 1999 et d'appel;
Sur ce
Sur la demande de résolution du contrat de location-gérance :
Considérant que la société SFS fait grief au jugement déféré d'avoir dit qu'elle ne démontrait pas l'existence de violations de la clause de non-concurrence figurant au contrat et n'apportait aucune preuve substantielle des pertes de clientèle, de chiffre d'affaires ou d'activités qu'elle aurait subies, et de l'avoir en conséquence déboutée tant de sa demande de résolution du contrat que de sa demande de dommages et intérêts ;
Considérant que la société SFS soutient que la société Europe Manutention n'a jamais cessé d'exercer l'activité donnée en location-gérance, que notamment, elle a procédé à des travaux de manutention et magasinage pour la société Yusen & Sea Service, que ces travaux ont été réalisés dans le cadre d'un contrat de sous-traitance signé le 7 juillet 1995 ;
Considérant que la société Europe Manutention rétorque qu'elle n'a jamais démarché de transitaires ou clients potentiels de SFS, que la seule difficulté dont fait état cette société concerne les relations entre Europe Manutention et la société Yusen, lesquelles étaient compatibles avec les termes du contrat signé le 28 novembre 1994, et d'ailleurs bien connues de la société SFS ;
Considérant qu'elle explique qu'antérieurement au contrat passé avec SFS, Europe Manutention avait conclu un contrat de location-gérance, le 1er octobre 1993, avec la société "Sud Est Air Services", dont les termes étaient identiques à celui qui sera passé le 28/11/94 ; que parallèlement à ce contrat de location-gérance, M. Kermoal, dirigeant de Europe Manutention, signait, le 29/09/93, un contrat de travail avec la société Sud Est Air Services pour y occuper les fonctions de responsable d'exploitation de l'agence de Paris; que Sud Est Air Services n'ayant pas voulu prendre la totalité des activités que possédait Europe Manutention et l'ensemble des trafics dans le cadre du contrat de location-gérance, cette dernière société est demeurée dans le cadre d'autres activités, notamment de sous-traitance et de mise à disposition de personnel, sans jamais venir empiéter sur les clients figurant sur la liste reprise en annexe au document contractuel ; que dès cette époque, Europe Manutention a travaillé pour la société Yusen, de manière parfaitement ostensible, et en parfait accord avec Sud Est Air Services :
Considérant qu'Europe Manutention indique ensuite que le contrat de location-gérance conclu avec Sud Est Air Services a été résilié le 28/11/94, et que l'acte constatant la résiliation précise "que la société de Frêt et de services -SFS-, dans le cadre de l'acquisition d'une partie du fonds de commerce de la société Sud Est Air Services et SFS au terme d'un acte sous seing privé en date de ce jour, est intéressée également par la poursuite de l'activité de manutention et magasinage exploitée jusqu'à présent en location gérance par Sud Est Air Services";
Qu'en conséquence, SFS et Europe Manutention vont conclure le 28 novembre 1994 un contrat de location gérance qui est la copie conforme de celui qui avait été conclu précédemment avec Sud Est Air Services, qu'on retrouve notamment, en annexe, la même liste de transitaires, avec toutefois un transitaire supplémentaire, la société Socotel ;
Qu'en outre, parallèlement, le contrat de travail existant entre Sud Est Air Services et M. Kermoal était repris par SFS, avec maintien des avantages individuels en vigueur, notamment les conditions de "rémunération, qualification actuelle et ancienneté", ainsi qu'il résulte de la lettre adressée à M. Kermoal par M. Bijaoui, directeur général de SFS, le 30 novembre 1994 ;
Considérant qu'Europe Manutention explique qu'il n'a été porté aucune atteinte à la jouissance paisible du fonds de commerce donné en location-gérance, dans la mesure ou il résultait clairement du contrat du 28/11/94 que Europe Manutention pouvait demeurer dans le cadre d'autres activités que celles données en location-gérance, qui comprenaient :
"- la clientèle des transitaires telle qu'elle résulte d'un état qui restera annexé aux présentes,
- le matériel servant à son exploitation, dont un inventaire contradictoire détaillé et chiffré est également annexé aux présentes,
à l'exclusion de tout droit au bail au locaux d'habitation", étant précisé que "sont exceptées de la présente convention toutes créances sur la clientèle ou sur tout débiteur quelconque, ayant leur origine antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent contrat" ;
Qu'en effet aucune atteinte n'a été portée au champ d'application ainsi limité du contrat de location-gérance que d'ailleurs, SFS ne se prévaut d'aucune atteinte à la liste de clients annexée au contrat ;
Considérant qu'Europe Manutention souligne ensuite qu'aucune difficulté ne s'est jamais manifestée avant l'assignation, et que le contrat de location-gérance, qui aurait pu être résilié en septembre 1996, a été reconduit alors que les documents dont se prévaut SFS pour arguer d'une activité concurrentielle étaient connu de cette société dès avant cette époque ;
Considérant qu'Europe Manutention ajoute que l'activité qu'elle a conservée au profit de la société Yusen, et dont SFS lui fait grief, est distincte de l'activité donnée en location-gérance ;
Qu'en effet, la société SFS est groupeur de Frêt aérien, et effectue ainsi de la traction, de la manutention, du magasinage, du dégroupage et du stockage, dans son propre magasin ; qu'elle est prestataire de services d'assistance fournis aux compagnies aériennes dans le domaine du Frêt aérien, prestations reprises sous le nom de "handling cargo"; que les transitaires confient à SFS le "handling de leur Frêt, qui est traité à l'intérieur du magasin de SFS, et que pour exercer cette activité, il faut, ce qu'avait mais n'a plus Europe Manutention, des locaux importants, un magasin, des autorisations douanières, des cautionnements légaux, une autorisation d'exercice des aéroports de Paris (ADP), l'activité étant fortement réglementée ;
Qu'Europe Manutention en déduit qu'il lui est impossible de concurrencer SFS sur son terrain, alors qu'elle ne possède plus les attributs nécessaires : qu'elle précise que Yusen a son propre magasin, dans une autre zone de Frêt, et ne serait jamais venu dans les locaux de SFS dans le cadre du contrat de location-gérance ; que d'ailleurs, l'activité exercée au profit de Yusen est une activité de sous-traitance constituée par la mise à disposition de personnel technique et de matériel dans les locaux privatifs de Yusen Air Service ;
Considérant qu'à l'appui de ces explications, la société Europe Manutention produit les contrats passés avec Sud Est Air Services et avec SFS, ainsi que les correspondances échangées avec ces sociétés, qu'il en résulte clairement que la société SFS a pris la suite de Sud Est Air Services dans les relations que celle-ci avait entretenues avec Europe Manutention, et que le contrat de location-gérance portait sur une clientèle déterminée par la liste annexée au contrat;
Considérant que la société Yusen ne figurant pas sur cette liste de transitaires, la société SFS ne saurait tirer argument des relations de travail entretenues entre Europe Manutention et Yusen pour soutenir qu'il a été porté atteinte à l'activité donnée en location-gérance ; que les constatations du procès-verbal de constat du 9 février 1998 relatives à ces relations sont en conséquence totalement inopérantes;
Considérant que la société SFS ne démontre aucune autre relation d'affaires d'Europe Manutention avec des transitaires opérant sur l'aéroport de Roissy ; que de surcroît, ainsi que le relève le premier juge, elle ne rapporte aucune preuve substantielle de pertes de clientèle, de chiffre d'affaires ou d'activité, que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société de Frêt et de Services de sa demande de résolution du contrat de location-gérance et de la demande de dommages et intérêts afférente;
Sur la violation de la clause de non-concurrence :
Considérant que la société SF8 demande également la condamnation d'Europe Manutention au paiement de 500 000 F à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale en se fondant sur la clause de non concurrence contenue dans le contrat de travail de M. Kermoal ;
Considérant que SFS est bien fondée à soutenir que la clause de non concurrence contenue dans le contrat de travail passé le 29 septembre 1993 entre la société Sud Est Air Service et M. Kermoal continuait à s'appliquer dans les rapports entre SFS et M. Kermoal après transfert du contrat de travail à cette société en 1994 ; qu'en effet, Europe Manutention ne saurait sérieusement soutenir que ce transfert ne concernait que les avantages individuels dont il est spécialement fait mention dans la lettre du 29 novembre 1994, sans aucune références aux obligations que M. Kermoal avait contractées vis à vis da la société dont SFS reprenait l'activité; et que la modification du contrat de travail dont se prévaut Europe Manutention n'est nullement démontrée;
Mais considérant que le champ d'application de cette clause de non concurrence est nécessairement le même, et qu'il ne saurait être tiré argument des relations d'Europe Manutention avec la société Yusen pour démontrer la violation de cette clause alors qu'il, résulte de ce qui a été dit plus haut qu'il était admis par Sud Est Air Service qu'Europe Manutention conserve une activité de mise à disposition de personnel et de moyens techniques dans des locaux privatifs, ainsi qu'il résulte de la note de service de M. Devaublanc, et que SFS a pris la suite de Sud Est Air Service dans ses relations avec Europe Manutention;
Que SFS sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;
Sur la demande reconventionnelle de Europe Manutention :
Considérant qu'Europe Manutention indique que SFS s'est abstenue de régler les redevances dues au titre de la location-gérance depuis le mois de septembre 1996, que l'arriéré s'élève au 30 septembre 1999, à 243 491,40 F dont elle demande le paiement, avec intérêts au taux légal à compter de chaque mise en demeure ;
Considérant qu'il est constant que le contrat de location-gérance s'est poursuivi jusqu'au 30 septembre 1999, et que SFS ne conteste pas s' être abstenue de tout versement à compter de septembre 1996 ; qu'il sera donc fait droit à la demande de paiement; qu'au vu des mises en demeure et des décomptes versés aux débats, les intérêts au taux légal courront :
sur 92 717,28 F du 9 juin 1997 au 7 novembre 1998,
sur 112 097,70 F du 8 novembre 1998 au 7 janvier 1999,
sur 141 041,70 F du 8 janvier 1999 au 4 février 1999,
sur 150 689,70 F du 5 février 1999 au 7 octobre 1999,
et sur 243 491,40 F à compter du 8 octobre 1999 ;
Considérant que la société Europe Manutention indique que, malgré la demande qui lui en a été faite par lettre recommandée avec avis de réception du 22 septembre 1999, la société SFS n'a fait aucune diligence pour restituer au propriétaire du fonds les éléments qui avaient été donnés en location-gérance, et spécialement le matériel et la clientèle ; qu'elle demande en conséquence la condamnation de la société SFS à lui payer 154 000 F hors taxes au titre de la valeur du matériel non restitué, et 750 000 F au titre de l'indemnisation de la clientèle non restituée, et du préjudice lié à la non-restitution du fonds de commerce ;
Considérant que sans contester l'absence de restitution du matériel évalué dans le contrat de location-gérance à 154 000 F, SFS indique que la valeur vénale donnée en 1994 à du matériel professionnel de base, soumis à des conditions rigoureuses d'utilisation, ne peut être demeurée la même en 1999, et sollicite la restitution de la caution de 198 000 F par elle versée ;
Qu'en ce qui concerne la clientèle, SFS répond que plusieurs transitaires figurant sur la liste annexée au contrat de location-gérance ne lui ont jamais confié de Frêt, et que la plupart des autres ont cessé de travailler avec elle, et qu'elle soupçonne Europe Manutention d'avoir récupéré leur clientèle d'une manière ou d'une autre ;
Considérant que la clientèle, détachée des éléments matériels d'un fonds de commerce, est un élément volatile, qui ne saurait donner lieu à restitution ni à indemnisation;
Considérant d'autre part qu'Europe Manutention ne fournissant aucun élément permettant d'estimer la valeur actuelle du matériel donné location-gérance, et SFS s'étant abstenue de répondre à la demande à elle adressée le 22 septembre 1999, qui, seule aurait permis d'établir un compte entre les parties, celles-ci seront déboutées de leurs demandes, tant en ce qui concerne l'indemnisation du matériel et de la clientèle qu'en ce qui concerne la restitution du dépôt de garantie ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'Europe Manutention demande la condamnation de SFS à lui payer 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, mais ne démontre pas de circonstances ayant fait dégénérer en abus le droit de celle-ci d'agir en justice ; qu'elle sera donc déboutée de ce chef ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Europe Manutention l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer, que SFS sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que la société SFS qui succombe pour l'essentiel supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ;
Par ces motifs : Déboute la société de Frêt et de Services de toutes ses demandes, Condamne la société de Frêt et de Services à payer à la société Europe Manutention la somme de 243 491,40 F (deux cent quarante trois mille quatre cent quatre vingt onze francs et quarante centimes), Dit que les intérêts au taux légal courront sur 92 717,28 F du 9 juin 1997 au 7 novembre 1998, sur 112 097,70 F du 8 novembre 1998 au 7 janvier 1999, sur 141 041,70 F du 8 janvier 1999 au 4 février 1999, sur 150 689,70 F du février 1999 au 7octobre 1999, et sur 243 491,40 F à compter du 8 octobre 1999, Condamne la société de Frêt et de Services à payer à la société Europe Manutention la somme de 20 000 F (vingt mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société Europe Manutention de ses autres demandes, Condamne la société de Frêt et de Services aux entiers dépens de première instance et d'appel, Admet Me Bodin Casalis, Avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.