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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 1 février 2002, n° 98-14813

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garage de la Plaine (EURL)

Défendeur :

La Palun Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

MM. Isouard, Jacquot

Avoués :

SCP De Saint Ferreol-Touboul, SCP Martelly-Maynard-Simoni

Avocats :

Mes Barachini, Omaggio

T. com., du 16 juin 1998

16 juin 1998

EXPOSE DU LITIGE

La SARL La Palun Automobiles, concessionnaire Citroën à Gardanne a conclu trois contrats d'agent commercial Citroën avec l'EURL Garage de la Plaine de Gardanne les 4 juillet 1994, 4 juin 1996 et 24 février 1998. Soutenant que ce dernier était débiteur de sommes à son encontre, la SARL La Palun Automobiles a obtenu du président du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence une ordonnance portant injonction de payer la somme de 92 203,65 F. L'agent ayant fait opposition, le tribunal de commerce a nommé, selon jugement avant dire droit du 18 mai 1997, Mme Simone Fayette en qualité d'expert pour faire les comptes entre les parties ; elle a déposé son rapport le 4 mars 1998.

Selon jugement au fond du 16 juin 1998, la juridiction du premier degré a :

- homologué le rapport de l'expert Fayette ;

- condamné la SARL La Palun Automobiles à payer à l'EURL Garage de la Plaine la somme de 125 993,65 F ;

- dit que l'EURL Garage de la Plaine n'a pas correctement respecté les obligations qui étaient les siennes vis-à-vis de la SARL La Palun Automobiles et de même suite l'a condamné à lui payer une somme de 125 993,65 F à titre de dommages-intérêts ;

- ordonné la compensation entre les dettes réciproques des parties ;

- les a condamnées chacune pour moitié aux dépens.

L'EURL Garage de la Plaine est appelante de ce jugement selon déclaration du 26 juin 1998.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 4 janvier 2001, il soutient que :

- le jugement querellé doit être confirmé en ce qu'il porte condamnation de la SARL La Palun Automobiles au paiement de la somme de 125 993,65 F ; mais doit être réformé en ce qu'il porte condamnation au paiement de la même somme par l'EURL Garage de la Plaine dans la mesure où cette seconde condamnation " est entachée de contradiction de motifs, d'erreur de fait et d'erreur de droit " ;

- le tribunal qui a justement considéré que le préjudice allégué par l'intimée n'était par démontré, ne pouvait lui allouer des dommages-intérêts ;

- les premiers juges ont aussi faussement interprété les stipulations contractuelles dans la mesure où la seule obligation pesant sur l'agent commercial est de se fournir en pièces constructeurs sans que pour autant cet approvisionnement soit opéré exclusivement auprès du concessionnaire ;

- au demeurant un approvisionnement auprès du seul concessionnaire est contraire au règlement CEE 1475-95 du 28 juin 1995 ;

- aucune inexécution fautive ne peut être reprochée à l'EURL Garage de la Plaine alors que chronologiquement c'est la SARL La Palun Automobiles qui a méconnu ses obligations à l'égard de son agent ;

- c'est par pure opportunité que cette dernière n'a pas renouvelé le contrat d'agent commercial.

L'EURL Garage de la Plaine réclame outre le paiement de la somme de 125 993,65 F tel qu'ordonné par le tribunal mais avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 1998, celle de 50 000 F à titre de dommages-intérêts, et celle de 20 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'intimée conclut également à l'homologation du rapport de l'expert Fayette et à la confirmation du jugement fixant la somme due par la SARL La Palun Automobiles, après compensation, à 125 993,65 F. Rappelant que la mission de l'expert ne portait que sur l'apurement des comptes entre les parties, la SARL La Palun Automobiles estime que le jugement de première instance doit être réformé en ce qui concerne l'évaluation du préjudice qu'elle allègue. Elle soutient que :

- l'appelant n'a pas respecté l'économie du contrat d'agent commercial et ne l'a pas exécuté de bonne foi ;

- dès 1994 celui-ci s'est approvisionné en véhicules neufs et pièces détachées auprès des concessions de Marseille puis d'Aix-en-Provence empêchant le concessionnaire d'atteindre les objectifs que lui a donnés le concédant, soit le constructeur Citroën ;

- l'appelant ne saurait invoquer un règlement communautaire d'exception pour vider de toute substance le contrat d'agent commercial ;

- l'ensemble des pertes subies peuvent être évaluées à 822 299 F :

- l'appelant persiste dans son attitude négative et préjudiciable depuis l'intervention en 1998 du dernier contrat d'agent commercial, ce qui autorise le paiement d'une indemnité provisionnelle de 100 000 F sur le préjudice financier de 1998.

Invoquant l'article 1134 du Code civil et l'article 4 de la loi du 25 juin 1991 relatif aux agents commerciaux, la SARL La Palun Automobiles réclame paiement d'une somme de 696 305,35 F après déduction de celle de 125 993,65 F arrêtée par les premiers juges avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et de celle de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle demande enfin à la cour d'enjoindre à l'EURL Garage de la Plaine de respecter ses engagements sous astreinte de 10 000 F par jour de retard.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2001.

DISCUSSION

Les parties ne discutent pas de la recevabilité de l'appel. La cour ne relevant aucun élément pouvant constituer une fin de non-recevoir susceptible d'être soulevée d'office, l'appel sera déclaré recevable.

Sur l'application des contrats successifs d'agent commercial :

Les parties ne discutent pas plus des conclusions de l'expert Fayette et admettent toutes deux que leurs comptes réciproques doivent être soldés par le paiement de la somme de 125 993,65 F telle qu'arrêtée par l'expert et mise à la charge de la SARL La Palun Automobiles. La confirmation du jugement s'impose de ce chef et sera prononcée ainsi que le concluent les parties.

Le débat principal ne porte plus dès lors que sur la seule existence du préjudice commercial invoqué par le concessionnaire La Palun Automobiles et les manquements contractuels de l'agent qui en seraient à l'origine.

La cour constate à ce titre que :

- l'ensemble des contrats d'agent souscrits par l'EURL Garage de la Plaine auprès du concessionnaire La Palun Automobiles définissent des objectifs ou quotas de vente de véhicules neufs (de la marque Citroën) et d'occasion (toutes marques) ainsi que de pièces de rechange constructeur ;

- l'agent s'oblige à transmettre au concessionnaire l'intégralité des commandes et des indications de vente de véhicules neufs de la marque Citroën qu'il aura prises (article 4) ;

- les véhicules, pièces de rechange et autres produits contractuels commandés par l'agent sont vendus et facturés par le concessionnaire (article 7).

C'est donc en vain, que l'appelant prétend disposer de toute liberté pour s'approvisionner à la fois en véhicules et en pièces détachées auprès de tous fournisseurs de la marque et qu'il invoque un règlement communautaire qui manifestement ne saurait faire ici échec aux règles régissant le contrat d'agent commercial. En effet :

- ce contrat institue l'agent " en qualité de mandataire du concessionnaire " (article 1) et non du réseau Citroën ; autrement dit, le contrat d'agent commercial est ici un contrat de collaboration qui induit des obligations de préférence et de non-concurrence car il est évident que si l'agent s'approvisionne auprès d'autres concessionnaires de la marque, il fait subir au concessionnaire contractuel des effets tout aussi préjudiciables que s'il s'adressait à un concurrent externe au réseau;

- cette clause d'exclusivité découle de l'économie du contrat d'agent rappelée à juste titre par la SARL La Palun Automobiles qui est elle-même soumise aux objectifs et quotas de vente fixés par le constructeur ; il est aussi évident que ce dernier ne peut les tenir (et se voit ainsi exposé à une résiliation du contrat de concession) si les agents qu'il institue s'approvisionnent hors du territoire géographique de ladite concession ;

- la Commission des Communautés européennes a précisé que l'interdiction édictée par l'article 81 du traité n'était pas applicable aux contrats conclus avec des représentants de commerce dans lesquels ceux-ci s'engagent, pour une partie déterminée du territoire, à négocier des affaires pour le compte d'une entreprise, ou à conclure au nom et pour le compte de celle-ci ou à conclure en leur propre nom et pour le compte de celle-ci ;

- l'article 4 de la loi du 25 juin 1991 qualifie le contrat d'agent commercial comme un contrat d'intérêt commun ce qui suppose une coopération entre les parties. Or l'appelant ne conteste aucunement que dès 1994 il a fait livrer pour partie les véhicules Citroën vendus par lui, par le concessionnaire de Marseille puis par celui d'Aix-en-Provence à compter de 1996 et a procédé de la même manière en ce qui concerne les pièces de rechange. Il est tout autant admis que les objectifs de vente n'ont pas été atteints depuis cette date. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu une inexécution fautive de l'EURL Garage de la Plaine et sa responsabilité contractuelle.

S'agissant du préjudice allégué, qui n'est pas discutable dans son principe, l'intimée produit une attestation de son expert comptable retenant un montant global de 822 299 F. Cette appréciation unilatérale ne saurait emporter la conviction de la cour car, comme l'ont très justement relevé les premiers juges, on comprend mal pourquoi la SARL La Palun Automobiles aurait renouvelé le contrat d'agent commercial en 1996 puis en 1998 si ce renouvellement s'avérait aussi préjudiciable pour elle.

L'intimée ne produisant aucune pièce nouvelle et formulant ses conclusions dans les mêmes termes qu'en première instance, il convient de retenir l'évaluation des premiers juges.

Le jugement sera ainsi confirmé en son entier.

Sur les demandes accessoires :

La SARL La Palun Automobiles demande à la cour de condamner l'EURL Garage de la Plaine à exécuter le dernier contrat d'agent commercial intervenu entre les parties. Cette demande est manifestement irrecevable car :

- il ressort des écritures concordantes de l'appelant et de l'intimée que leur collaboration a cessé puisque le contrat d'agent commercial, souscrit pour une période de deux années, n'a pas été renouvelé ; la cour ne saurait dès lors enjoindre à l'EURL Garage de la Plaine d'exécuter une convention résiliée ;

- elle ne saurait pas plus procéder par voie d'injonction générale, l'astreinte étant destinée à obtenir l'exécution d'obligations circonstanciées et préalablement définies.

L'EURL Garage de la Plaine sollicite paiement d'une " somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts" mais ne donne aucun fondement ni en droit, ni en fait à ce chef de demande. Elle ne précise pas plus le préjudice que cette demande serait censée réparer. Cette prétention, qui apparaît en dernières lignes des écritures récapitulatives de l'appelant, et qui relève de la " clause de style " est rejetée.

Au regard des dispositions de l'article 1153-1 deuxième alinéa du Code civil, aucun motif ne justifie une modification de l'intérêt légal.

De même, aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la cour à écarter l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'EURL Garage de la Plaine qui succombe supportera les dépens en application de l'article 696 du même Code.

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit l'appel ; Confirme le jugement rendu le 16 juin 1998 par le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ; Déboute l'EURL Garage de la Plaine de sa demande en paiement de dommages-intérêts ; Le condamne à payer à la SARL La Palun Automobiles la somme de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le condamne aux dépens et autorise la société civile professionnelle Bruno Martelly - Sylvie Maynard et Corine Simoni, titulaire d'un office d'avoué près la cour, à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision.