CA Nancy, ch. soc., 27 mars 2002, n° 01-01542
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vinicole du Toulois (SARL)
Défendeur :
Thomas
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Eichler
Conseillers :
MM. Malherbe, Carbonnel
Avocats :
Mes Filliatre, Thomas.
FAITS ET PROCÉDURE MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties ont déjà été exposés par la cour de céans dans son arrêt rendu le 17 octobre 2001 auquel elle renvoie expressément.
A la suite de la réouverture des débats, la cour rappelle seulement que le litige dont elle est saisi relève bien de la compétence matérielle de la juridiction prud'homale et qu'il est de bonne justice de donner une solution définitive à l'affaire et d'évoquer en conséquence le fond en application des dispositions de l'article 89 du nouveau Code de procédure civile.
Elle ajoute que les parties étaient invitées à fournir toutes explications utiles sur l'application aux faits de la cause de la convention collective interprofessionnelle des VRP.
Elle constate que la société Vinicole du Toulois déclare ne pas exercer une activité principale de production et que M. Thomas prétend que la société est affiliée à la convention collective national le FENDEVIS sans autre justification que la simple mention de celle-ci sur un bulletin de paie de décembre 1999 alors que sa démission remonte à août 1998.
Elle considère que compte tenu des termes non équivoques du contrat de travail du 1er janvier 1992, les parties ont entendu se placer nécessairement dans le cadre de l'Accord interprofessionnel des VRP qui constitue un statut d'ordre public, et que dans ces conditions la relation salariale était bien soumise à cet Accord.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties la cour se réfère au jugement attaqué et aux conclusions déposées le 14 juin 2001 pour la société Vinicole du Toulois et le 6 septembre 2001 pour M. Thomas et reprises à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la transaction
Attendu que la validité d'une transaction dépend de l'existence de concessions réciproques appréciables ;
Attendu que la clause de non concurrence contenue dans le contrat de travail de M. Thomas ne comportait aucune contrepartie financière en cas de licenciement ou de démission en violation des dispositions de l'Accord interprofessionnel applicable
Attendu qu'en prévoyant le versement d'une indemnité mensuelle correspondant à la moitié des deux tiers du salaire mensuel - pendant douze mois- à titre de contrepartie pécuniaire à l'engagement de non concurrence la Société Vinicole du Toulois ne faisait qu'une application de l'Accord interprofessionnel ;
Attendu qu'il est patent que la zone d'application géographique de la clause de non concurrence passait de quatre à treize départements ;
Attendu que M. Thomas revendiquait également une indemnité de clientèle, alors que l'Accord inter professionnel ne prévoit de versement que lorsque le contrat de travail est rompu par l'employeur et non en cas de démission ;
Attendu cependant que la transaction conclue librement prévoyait en outre le versement à M. Thomas d' une somme forfaitaire de 40 000 F, dont 20 000 F à l'échéance du 1er avril 1999 et 20 000 F à l'échéance du 1er novembre 1999 ;
Attendu que constitue une transaction, l'accord qui a pour objet de mettre fin à un différend s'étant élevé entre les parties et qui comporte des concessions réciproques quelle que soit leur importance relative ;
Attendu que la transaction litigieuse faisait bien apparaître d'une part une contestation sur la clause de non concurrence et sur l'indemnité de clientèle et d'autre part des concessions réciproques faites entre les parties
Attendu que dans ces conditions, la cour déclare valable la transaction convenue en parfaite connaissance de cause entre les parties ;
Sur la clause de non concurrence :
Attendu que la clause critiquée était limitée dans le temps du 2 novembre 1998 au 31 décembre 2000 ;
qu'elle était également cantonnée territorialement à treize départements du nord-est de la France ;
qu'elle ne visait que la vente des vins des Côtes de Toul AOC gris, rouge, et blanc, les vins mousseux de qualité et pétillants provenant du Toulois, des eaux de vie, alcools, liqueurs, crèmes et sirops élaborés en France et de provenance française, dans les grandes et moyennes surfaces et les supérettes ;
Attendu que l'interdiction avait pour objet de sauvegarder les intérêts légitimes de la société Vinicole du Toulois qui commercialisait depuis plusieurs années ces produits dans cette région de la France ;
qu'elle n'empêchait absolument pas M. Thomas d'exercer son activité de VRP sur le reste du territoire français et même de vendre d'autres produits -régionaux ou non - sur le secteur protégé ;
Attendu que la clause était parfaitement valable ;
Sur la violation de la clause de non concurrence :
Attendu que M. Thomas s'interdisait d'entrer au service d'une entreprise ayant une activité principale concurrente ou de s'intéresser - directement ou indirectement - et sous quelque forme ; que ce soit, en son nom personnel, en qualité d'associé, de dirigeant, de VRP, d'agent commercial à une entreprise de cet ordre ;
Attendu que ce dernier souscrivait cet engagement à titre personnel mais s'engageait également à n'entretenir une quelconque forme de collaboration ayant pour objet de contourner l'application de cet engagement de non concurrence;
Attendu qu'il ressort des nombreuses pièces versées aux débats par la société Vinicole du Toulois, et notamment de bons de commandes ou de bons de livraisons de plusieurs fournisseurs, d'étiquettes de rayons, de photographies et d'un constat d'un huissier, que M. Thomas violait ces engagements,soit directement, soit par l'intermédiaire de sa compagne - Mme Rosière - sous une enseigne commerciale " Producteurs Lorrains " dont l'adresse et les numéros de téléphone et de télécopie correspondaient au domicile de l'intéressé, et ce, en dépit des mises en garde de son ex-employeur en décembre 1999 et janvier 2000;
Attendu que ces faits étaient en particulier corroborés par le témoignage régulier en la forme de M. V. Gorny, viticulteur, qui constatait le travail personnel de M. Thomas sur plusieurs sites de vente lorrains au cours de l'aimée 2000 ;
Attendu que M. Thomas ne pouvait se borner à affirmer qu'il ne vendait personnellement que " des pâtés " et " des confitures " et que sa compagne s'occupait du reste, alors que les termes de la clause de non concurrence étaient parfaitement clairs;
Attendu que la violation de la clause de non concurrence était suffisamment établie;
Sur le préjudice :
Attendu que la société Vinicole du Toulois justifiait d'une perte substantielle de son chiffre d'affaires auprès des grandes et moyennes surfaces entre 1998 et 2000 ;
Attendu, cependant, qu'elle ne rapportait pas la preuve que le comportement de M. Thomas constituait la seule cause de cette baisse importante dudit chiffre d'affaires ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances, la cour condamne en conséquence M. Thomas à verser à la société Vinicole du Toulois une somme de 15 250 euro à titre de dommages et intérêts ;
Sur les autres demandes
Attendu que la société Vinicole du Toulois attendait le 1er mars 2000 pour assigner M. Thomas en concurrence déloyale alors que les premiers faits litigieux se révélaient selon ses propres écritures six mois après la conclusion de la transaction ;
Attendu qu'elle suspendait de sa propre initiative le paiement de la contrepartie pécuniaire et le versement du solde de l'indemnité forfaitaire ;
Attendu que l'indemnité de 15 250 euro fixée ci-avant répare à la fois la violation de la clause de non concurrence et l'inexécution de la transaction :
Sur les demandes reconventionnelles de M. Thomas
Attendu que M Thomas réclamait une somme de 33 211,32 F à titre de complément de " l'indemnité de clientèle " ;
Attendu que la cour rappelle que l'indemnité de clientèle n'est pas due en cas de démission, et que la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence prévue par l'Accord Interprofessionnel est réduite de moitié dans un tel cas ;
Attendu ensuite, que la violation constatée de la clause de non concurrence énoncée dans la transaction légitimait la retenue du solde de l'indemnité forfaitaire (10 000 F) par la société Vinicole du Toulois en raison de l'inexécution fautive de l'accord par M. Thomas ;
Attendu enfin, que la société Vinicole du Toulois était bien fondée à faire valoir ses droits en justice et n'était redevable en conséquence d'aucune indemnité en l'absence de démonstration d'un abus de procédure ;
Sur la demande au titre des frais irrépétibles de procédure :
Attendu que l'équité commande d'allouer à la société Vinicole du Toulois une somme de 800 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement après réouverture des débats ; Condamne M. Thomas à payer à la société Vinicole du Toulois une somme de 15.250 euro à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence et pour inexécution de la transaction du 2 novembre 1998 ; Condamne M. Thomas à verser à la société Vinicole du Toulois une somme de 800 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions ; Condamne M. Thomas aux entiers dépens.