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Décisions

CA Pau, ch. soc., 28 février 2000, n° 98-03542

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Noël France (SA)

Défendeur :

Vessot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zanghellini

Conseillers :

Mme Poque, M. Pouysegur

Avocats :

Mes Ardanuy, Froment.

Cons. prud'h. Mont-de-Marsan, du 16 sept…

16 septembre 1998

Monsieur Richard Vessot a été engagé le 16 août 1989 en qualité de voyageur représentant placier monocarte par la société Noël France.

Il a été licencié le 6 juillet 1995 dans le cadre d'une mesure collective pour des raisons économiques.

Monsieur Vessot, contestant la retenue effectuée par l'employeur sur le bulletin de salaire de juillet 1995 pour un montant de 61 799,76 F, a saisi le Conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan le 5 décembre 1997 en règlement de diverses sommes faisant compte au titre de la rupture.

Par jugement du 16 septembre 1998, le Conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan a condamné la SA Noël France à verser à Monsieur Vessot :

- au titre de l'indemnité de congés payés pour la période du 1er juin 1994 au 6 juillet 1995 la somme de 22 429,03 F brut,

- au titre de la prime d'objectif : 10 000 F,

- au titre des commissions la somme de 31 864,19 F brut,

- au titre de l'indemnité de préavis : 17 000 F brut,

- au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ancienneté : la somme de 69 700 F (5 ans, 4,1 mois),

- au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ancienneté 5 ans (0,85 mois) la somme de 3 060 F, avec complément et modification du bulletin de salaire du mois de juillet 1995 du 1er au 6 juillet 1995 outre la somme de 3 290,32 F.

- la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'employeur était débouté de sa demande reconventionnelle et de ses prétentions relatives aux retenues effectuées sauf à régulariser les cotisations IRPVRP 94 et 95 au vu des justificatifs à fournir.

La société Noël France a relevé appel le 13 octobre 1998. L'appelant fait reproche au jugement de ne pas avoir tenu compte du système contractuel de rémunération convenu à partir d'un fixe et d'avances mensuelles qui faisaient l'objet année par année d'un décompte fourni à Monsieur Vessot, aucune disposition légale n'imposant une périodicité quelconque au titre des régularisations et soulignant notamment que le conseil n'a pu objectivement constater une absence de concordances entre les bulletins de salaire et les sommes portées au compte puisque seuls les états de frais étaient fournis. Il justifie au contraire par la fourniture du "grand livre des comptes généraux" le parfait enregistrement comptable des sommes dues au titre du fixe et des commissions. La société demande donc à la cour de faire prévaloir le mécanisme contractuel qu'il n'appartenait pas aux premiers juges de dénaturer par de simples déductions.

De ce fait, il ne peut être retenu le principe d'une rémunération forfaitaire contraire au contrat.

La SA Noël souligne la contradiction à retenir un tel système et d'accorder le paiement de commissions à hauteur de 31 864,19 F.

L'appelante demande la validation du décompte, ne contestant pas l'indemnité de l'ICP, des congés payés, de la prime d'objectifs, de l'indemnité de préavis, de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Outre la somme de 8 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société demande la réforme du jugement entrepris.

Par conclusions en réplique, la société Noël France rééditera sa démonstration en répondant à Monsieur Vessot qu'il n'a jamais contesté bénéficier d'avances mensuelles. Elle considère sa demande d'indemnité de clientèle sans fondement et au demeurant non justifiée au vu de l'évolution du chiffre d'affaires dans son secteur.

Il s'oppose au règlement cumulatif de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité spéciale de rupture et de l'indemnité conventionnelle de rupture. Il conviendrait de déduire l'indemnité de licenciement déjà liquidée à hauteur de 42 308,46 F.

De même l'indemnité d'échantillonnage ne peut être réclamée sauf à confondre les commissions sur les ordres pris avant son départ et le fait de percevoir pendant 4 mois des commissions comme s'il s'agissait d'un préavis supplémentaire.

S'agissant du remboursement des divers frais, le contrat ne le prévoit nullement et Monsieur Vessot percevait des indemnités forfaitaires. Il en est de même pour les primes réclamées, non contractuellement prévues, y compris pour la prime d'objectifs de 10 000 F.

La SA Noël considère que l'article L. 144-1 du Code du travail est inopérant, rappelant que ni le contrat ni la convention n'imposent une périodicité particulière de régularisation.

Compte tenu de la position prise par Monsieur Vessot, la SA Noël réédite en tant que de besoin sa demande de restitution de l'avance mensuelle.

Monsieur Vessot, partie intimée, soutient que la compensation opérée lors de la rupture est illégale comme contraire au principe de l'article L. 144-1 du Code du travail et au regard des principes régissant conventionnellement son contrat de travail. A cet égard, il précise en tout premier lieu qu'à aucun moment il n'a reçu de notification de compte intermédiaire et qu'au contraire, il était avisé d'un salaire garanti figurant sur le bulletin.

Il réclame une indemnité de licenciement, spéciale et conventionnelle de rupture sur la base de 5,1 mois soit 86 700 F + 7 000 F soit 93 700 F, l'indemnité de préavis, 17 000 F soit un mois, les indemnités de congés payés soit 26 928 F.

Monsieur Vessot se prévaut du contrat pour indiquer que le salaire devait être réglé régulièrement, rendant ainsi la retenue finale ainsi que celle du mois de juin 1995 injustifiées.

Monsieur Vessot demande aussi que la SA Noël justifie sous astreinte les bases de calcul du au titre du retour sur échantillonnage l'évaluant à 47 600 F en l'état.

Il réclame de même une indemnité de clientèle chiffrée à 285 600 F. Monsieur Vessot sollicite de même la prise en compte des ventes qu'il a pu faire et non réglées pendant la période de 4 mois suivant son licenciement.

Il effectue un nouveau calcul de ses remboursements de frais qu'il juge créditeur pour 52 068,58 F.

Monsieur Vessot réclame en outre le règlement de diverses primes. Clients nouveaux pour 4 000 F et objectifs réalisés : 30 000 F.

Monsieur Vessot souligne l'absence de critique pertinente du raisonnement des premiers juges, l'employeur ne pouvant unilatéralement décider de l'application des règles du droit du travail.

Motivation

Monsieur Vessot était bénéficiaire d'un contrat de travail en date du 16 août 1989 auprès de la société Noël France comme voyageur représentant placier monocarte pour la prospection et la vente de vêtements de sport, pulls et chaussettes.

L'article 4 du contrat prévoit en annexe un système de rémunération prévoyant un fixe, une indemnité forfaitaire par journée de déplacement ou participation à des salons et manifestations commerciales ainsi qu'un règlement de commissions au taux de 4 %.

Il est stipulé que les commissions seront versées chaque trimestre sur la base des ordres facturés au cours des trois mois précédant le début du trimestre. Un acompte pourra être versé mensuellement. De même les commissions sur mauvaises créances seront déduites sur relevé chaque trimestre en fonction des remises au contentieux effectuées au cours des mois précédant le début du trimestre.

Il importe de relever que le contrat stipule de façon expresse les dispositions des articles L. 751 et suivants du Code du travail et de la Convention Collective Nationale Interprofessionnelle des Voyageurs Représentants Placiers du 3 octobre 1975.

Il convient de rappeler à ce titre que suivant l'article L. 751-12 du Code du travail, les commissions dues aux voyageur et représentants du commerce donnent lieu à un règlement au moins tous les 3 mois.

Cet impératif est repris au niveau de la Convention Collective. Il y a lieu de noter que cette référence permet notamment de vérifier et de calculer la rémunération minimale due par trimestre à raison de 520 fois le taux horaire du SMIC.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que du fait du système d'avances forfaitaires mis en place, Monsieur Vessot percevait de façon régulière, notamment à compter d'août 1993 une "avance mensuelle" de 17 000 F (elle était précédemment de 11 000 F) avec l'adjonction de primes exceptionnelles ou du salaire fixe prévu contractuellement.

Alors que le contrat ne prévoit nullement un report perpétuel du règlement des commissions ou des frais professionnels, ni la répétition indéfinie d'avances d'un mois sur l'autre pas plus que l'apurement d'un solde en fin de contrat mais au contraire la rémunération trimestrielle des commissions. Les avances du fait de leur fixité et de leur régularité, en l'absence de régularisations opérées conformément aux principes conventionnels, constituent des appointements fixes non remboursables. Au demeurant, ils sont soumis à ce titre au précompte des organismes sociaux et servent de base pour apprécier le net finalement imposable.

L'employeur, en ne procédant pas aux régularisations nécessairement imposées du fait du statut de voyageur représentant placier, a transformé par une novation contractuelle l'avance en une rémunération forfaitaire ayant le caractère de salaire et absorbant la partie fixe, les commissionnements et les frais professionnels.

En conséquence, la retenue opérée par l'employeur à hauteur de 61 799,76 F devient dès lors sans fondement. De ce fait, les indemnités liées à la rupture du contrat de travail doivent être calculées sur la base de 17 000 F mensuel, en tenant compte de la mise en œuvre de la convention de conversion.

En revanche et du fait de la novation opérée, le salarié ne peut prétendre ni à l'indemnité de retour sur échantillonnage ni à l'indemnité de clientèle, ni au règlement des frais inclus dans le salaire et dont le remboursement au réel n'est prévu dans le contrat.

L'articulation prévue aux articles 13 et 14 de la Convention Collective des Voyageurs Représentants Placiers impose un calcul distributif de l'indemnité conventionnelle de rupture et de l'indemnité spéciale de rupture suivant les barèmes fixés et compte tenu d'une embauche du 16 août 1989, la durée du préavis subsistant, exécuté ou non, devant être intégré pour le calcul des années entières pour calculer l'indemnité de licenciementà savoir :

3600 x 5 : 0,20 soit la somme de 3 600 F pour l'indemnité conventionnelle de rupture.

et pour l'indemnité spéciale de rupture la somme de (1 mois par année entière) 13 400 x 5 soit la somme de 67 000 F.

Il est dû en outre le préavis en sus de la convention de conversion (17 000 F) et le montant des congés payés pour la période du 1er juin 1994 au 6 juillet 1995 soit la somme de un dixième sur 13 mois et sur les 6 premiers jours de juillet soit la somme totale de 22 429,03 F.

S'agissant des primes ; il résulte d'un courrier du 29 avril 1994, adressé par la SA Noël que la prime de 10 000 F figurant sur le grand livre reste due en l'absence de justification de son paiement. Pour les autres primes, en l'absence d'engagement contractuel précis ou ultérieur confirmés par la réalisation d'objectifs effectivement réalisés Monsieur Vessot sera débouté de ses demandes.

Monsieur Vessot ne subit d'autre préjudice que celui d'avoir dû exposer des frais de procédure qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge et qui seront évalués à la somme de 3 000 F en cause d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort. Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou non fondées, Reçoit la société SA Noël en son appel et Monsieur Vessot en son appel incident, Au fond, déboute la société SA Noël de toutes demandes, fins et conclusions, Confirme le jugement en ce qu'il a retenu une novation contractuelle portant sur le mode de rémunération du voyageur représentant placier, Dit que la retenue opérée par la SA Noël à hauteur de 61 799,76 F est sans fondement et que Monsieur Vessot bénéficiait d'un salaire régulier à hauteur de 17 000 F, Condamne la SA Noël à verser à Monsieur Vessot outre le règlement des journées du mois de juillet 1995 : - le montant de congés payés : 22.429,03 F, - le montant du préavis : 17 000 F, l'indemnité conventionnelle de rupture : - 3.600 F, l'indemnité spéciale de rupture : 67 000 F, - la prime 1994 soit la somme de 10 000 F. Déboute Monsieur Vessot de ses demandes dues au titre des commissions et de l'indemnité de clientèle et de retour sur échantillonnage et pour le surplus de ses demandes, Condamne la SA Noël à payer à Monsieur Vessot la somme de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA Noël aux entiers dépens.