CJCE, 7 juin 1983, n° 100-80
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Musique Diffusion française (SA), C. Melchers & Co (Sté), Pioneer Electronic Europe NV (Sté), Pioneer High Fidelity GB Ltd (Sté)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mertens de Wilmars
Présidents de chambre :
MM. Pescatore, O'Keeffe, Everling
Avocat général :
Sir Gordon Slynn
Juges :
MM. Bosco, Koopmans, Due, Bahlmann, Galmot
Avocats :
M. Collin, de Gryse, Bellis, Van Bael, Waelbroeck, Rayner-James, Hall
1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour les 21, 24 et 25 mars 1980, les quatre sociétés Musique Diffusion Française SA, C. Melchers & Co., Pioneer electronic (Europe) NV et Pioneer high fidelity (GB) Ltd ont introduit, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, des recours visant à l'annulation de la décision 80-256 de la Commission, du 14 décembre 1979, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/29.595 - Matériel hifi Pioneer, JO L. 60, 1980, p. 21) .
2. Les quatre parties requérantes font partie du réseau européen de distribution de matériel de reproduction sonore de haute fidélité fabriqué par Pioneer electronic corporation, à Tokyo. La plupart des produits Pioneer vendus en Europe sont importés par la filiale Pioneer electronic (Europe) (ci-après dénommée " Pioneer ", dont le siège est à Anvers. A l'époque où se déroulaient les faits qui sont à la base de la décision litigieuse, la distribution exclusive en France, en république fédérale d'Allemagne et au Royaume-Uni était confiée respectivement à trois sociétés indépendantes, à savoir Musique Diffusion Française (ci-après " MDF "), C. Melchers & Co. (ci-après " Melchers ") et Shriro UK Ltd (ci-après " Shriro "). Entre-temps, cette dernière est devenue une filiale de Pioneer et a transformé sa raison sociale en Pioneer high fidelity (GB) Ltd (ci-après " Pioneer GB ").
3. Dans la décision litigieuse, la Commission a constaté que les quatre sociétés requérantes ont participé à des pratiques concertées, contraires à l'article 85, paragraphe 1, du traité, ayant consisté à entraver les importations de matériel Pioneer provenant de la république fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni vers la France, en vue de maintenir un niveau de prix plus élevé dans ce dernier Etat membre. La Commission a constaté en outre l'inapplicabilité, à ces pratiques, de l'article 85, paragraphe 3, et elle a infligé une amende de 850 000 UCE à MDF, de 4 350 000 UCE à Pioneer, de 1 450 000 UCE à Melchers et de 300 000 UCE à Pioneer GB.
4. Selon la décision, la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers, entravant les importations en provenance de la république fédérale d'Allemagne, s'est manifestée par un refus de la part de Melchers de livrer une commande passée le 20 janvier 1976 par un grossiste allemand, Otto Gruoner kg (ci-après " Gruoner "), pour du matériel Pioneer d'une valeur d'environ 550 000 DM, qui devait être livré par le grossiste à un groupe d'achats français, dont M. B. Iffli de Metz était le directeur général. La pratique concertée entre MDF, Pioneer et Shriro, entravant les importations en provenance du Royaume-Uni, se serait manifestée notamment par deux lettres des 28 et 29 janvier 1976, que le directeur de Shriro, M. Todd, a envoyées au directeur général de l'Audiotronic group et au président de Comet radiovision services Ltd, ces deux entreprises (ci-après " Audiotronic " et " COMET ") étant les clients principaux de Shriro, en les invitant à ne plus exporter des produits Pioneer.
5. Les moyens que les requérantes font valoir à l'encontre de la décision peuvent, en substance, être regroupés comme suit :
A - Violation des formes substantielles en ce que :
A) La Commission cumule les fonctions de décision et d'accusation ;
B) La communication des griefs ne mentionne pas tous les griefs retenus dans la décision, ni les critères sur la base desquels la Commission entendait calculer les amendes ;
C) Malgré les demandes des requérantes à cette fin, la Commission n'a pas divulgué, en temps utile, tous les documents sur lesquels la décision est fondée ;
D) L'avis du Comité consultatif n'a pas été communiqué aux requérantes.
B - Appréciation et qualification erronées des faits sur la base desquels la Commission a constaté des infractions à l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne :
A) le prétendu refus de livrer de la part de Melchers ;
B) les effets des lettres envoyées par M. Todd ;
C) la durée des prétendues pratiques concertées ;
D) la participation de Pioneer à ces pratiques ;
E) la part du marché hifi détenue par les requérantes en France et au Royaume-Uni et, partant, l'affectation du commerce entre Etats membres par les pratiques concertées.
C - Méconnaissance des circonstances qui excluent l'application d'amendes :
A) la légitime défense et l'état de nécessité en ce qui concerne MDF ;
B) la possibilité d'exempter les pratiques concertées en vertu de l'article 85, paragraphe 3 ;
C) le fait que le comportement de Melchers était conforme à ses engagements contractuels notifiés à la Commission ;
D) un principe allégué selon lequel des actes commis par des employés n'ayant pas reçu d'instructions des associés de l'entreprise ne peuvent pas être imputés à celle-ci ;
E) la coresponsabilité pour le cloisonnement du marché français incombant à la Commission, qui a autorisé la république française à interdire l'importation parallèle.
D - Méconnaissance des circonstances justifiant des amendes moins élevées :
A) appréciation erronée de la gravité des infractions en vue de déterminer le niveau général des amendes et violation du principe de l'égalité de traitement, en ce que les amendes sont beaucoup plus élevées que celles infligées à d'autres entreprises pour des infractions similaires, commises pendant la même période ;
B) absence de propos delibéré en ce qui concerne Pioneer ;
C) base de calcul erronée, en ce que les amendes sont proportionnelles au chiffre d'affaires global des entreprises, que, dans le cas de Melchers, l'amende dépasse les 10 % du chiffre d'affaires pertinent et que, dans les cas de MDF et de Pioneer, le chiffre d'affaires utilisé concerne un exercice différent de celui des autres requérantes ;
D) appréciation erronée de la durée des pratiques concertées ;
E) violation, à l'égard de MDF et Pioneer, du principe allégué selon lequel une amende unique ne peut être infligée en cumulant plusieurs amendes pour des infractions séparées ;
F) caractère de confiscation de l'amende infligée à Melchers et violation du principe de proportionnalité, en ce que l'amende infligée à MDF dépasse les capacités économiques de l'entreprise.
A - Sur les moyens relatifs à la violation des formes substantielles
A) Sur le cumul des fonctions de décision et d'accusation
6. MDF soutient que la décision litigieuse est illégale du seul fait qu'elle a été prise dans le cadre d'un système dans lequel la Commission cumule les fonctions d'accusation et de décision, ce qui serait contraire à l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme.
7. Cette argumentation manque de pertinence. Comme la Cour l'a dit dans l'arrêt du 29 octobre 1980 (Fedetab, 209 à 215 et 218-78, Recueil 1982, p. 3125), la Commission ne saurait être qualifiée de " tribunal " au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
8. Il importe toutefois d'ajouter, ainsi que la Cour l'a fait dans l'arrêt précité, que, lors de la procédure administrative devant la Commission, celle-ci est tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire.
9. C'est ainsi que l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962 (JO p. 204) oblige la Commission, avant de prendre une décision, à donner aux intéressés l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qu'elle a retenus à leur égard et que la Commission, dans son règlement n° 99-63, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 du règlement n° 17 (JO p. 2268), a institué une procédure de caractère contradictoire comportant une communication des griefs par la Commission, la possibilité donnée aux entreprises de répondre par écrit à cette communication dans un délai déterminé et, le cas échéant et surtout dans les affaires ou la Commission envisage d'infliger des amendes, une audition. Aux termes de l'article 4 dudit règlement de la Commission, celle-ci ne peut, dans ses décisions, retenir contre les entreprises destinataires que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.
10. Ainsi que la Cour l'a rappelé dans son arrêt du 13 février 1979 (Hoffmann-La Roche, 85-76, Recueil 1979, p. 461), ces dispositions font application d'un principe fondamental du droit communautaire qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure, même de caractère administratif, et qui implique notamment que l'entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation de l'existence d'une infraction au traité.
11. Il s'ensuit que, si le moyen général invoqué par MDF doit être rejeté en ce qu'il est fondé sur une appréciation erronée du caractère de la procédure devant la Commission, le droit communautaire contient tous les éléments nécessaires pour examiner et, le cas échéant, faire droit aux moyens suivants relatifs à des violations alléguées des droits de la défense des parties requérantes.
B) Sur l'absence, dans la communication des griefs, de certaines circonstances retenues dans la décision
12. En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission, dans les articles 1 et 2 de sa décision, a constaté que les deux pratiques concertées ont commencé à la fin de 1975, que la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers a cessé en février 1976 et que celle entre MDF et Shriro a duré jusqu'a la fin de 1977, alors que la Commission, selon sa communication des griefs, n'envisageait de constater l'existence des deux infractions que pour la période " fin janvier/début février 1976 ".
13. La Commission soutient que c'est sur la base des informations contenues dans les réponses à la communication des griefs et recueillies au cours de l'audition qu'elle a conclu, dans la décision, que les infractions ont duré plus longtemps qu'elle ne l'avait estimé au moment de l'élaboration de la communication des griefs.
14. Ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, la communication des griefs doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se base à ce stade de la procédure. Cette indication peut être faite de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs. La Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative, soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu'en droit son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient, à condition toutefois qu'elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer et qu'elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à la défense.
15. Comme la durée de l'infraction figure parmi les éléments à prendre en considération lors de la fixation de l'amende conformément à l'article 15, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement n° 17, il résulte de ladite jurisprudence que la Commission, en particulier lorsqu'elle envisage d'infliger des amendes, doit indiquer, en tant qu'élément essentiel, la durée retenue par elle sur la base des informations dont elle dispose au moment de l'élaboration de la communication des griefs. La Commission peut étendre la période ainsi indiquée si des informations supplémentaires recueillies au cours de la procédure administrative le justifient, pourvu que les entreprises aient eu l'occasion de s'expliquer à cet égard.
16. Dans les présentes affaires, il est constant que la Commission n'a pas indiqué aux requérantes qu'elle entendait constater des infractions d'une durée plus longue que celle énoncée dans la communication des griefs et que les entreprises n'ont pas eu l'occasion de s'expliquer en ce qui concerne des périodes qui n'y sont pas mentionnées.
17. Dans ces circonstances, il convient, pour apprécier la durée des infractions constatées par la décision litigieuse, de se limiter à la période fin janvier/début février 1976.
18. En second lieu, les requérantes font valoir que la décision litigieuse fait état de certaines circonstances qui n'ont pas été mentionnées dans la communication des griefs. En particulier, Pioneer et Pioneer GB se réfèrent à l'exposé, dans les deux documents, relatif à la réunion qui s'est tenue au siège de Pioneer à Anvers les 19 et 20 janvier. Ce n'est que dans la décision (n° 52 et 62) que la Commission a fait valoir l'absence de toute trace écrite de cette réunion et qu'elle en a déduit que celle-ci avait, au moins partiellement, pour objet de discuter des importations parallèles.
19. En ce qui concerne le réunion d'Anvers, déjà la communication des griefs indique qu'un des points essentiels de cette réunion était la discussion des importations parallèles en France et elle expose toutes les informations recueillies par la Commission à ce sujet auprès des participants. Il ressort, en outre, de la transcription de l'audition que l'objet de la réunion a été discuté de manière approfondie à cette occasion. Il s'ensuit que les requérantes ont eu toute possibilité de s'exprimer et d'apporter des preuves sur ce point. La même constatation s'impose pour les autres circonstances mentionnées par les requérantes et il convient donc de rejeter cette partie du moyen.
20. En dernier lieu, les requérantes font valoir que la Commission a violé leur droit d'être entendues, en ne leur indiquant pas, au cours de la procédure administrative, le cas échéant dans une communication de griefs complémentaire, les critères sur la base desquels elle entendait calculer l'amende, sans parler du montant ou même de l'ordre de grandeur approximatif de celle-ci. Cette violation serait d'autant plus grave en l'espèce que le niveau des amendes infligées a été considérablement relevé par rapport à celles imposées dans le passé et qu'elles ont été calculées en application d'une formule, liée au chiffre d'affaires des entreprises en question. En outre, Pioneer fait valoir que la Commission ne saurait lui infliger une amende d'un montant présupposant que l'infraction a été faite de propos délibéré lorsqu'elle n'a pas, dans la communication des griefs, qualifié le comportement de Pioneer de cette manière.
21. Cette partie du moyen non plus ne saurait être accueillie. Dans sa communication des griefs, la Commission a indiqué expressément qu'elle allait examiner s'il convenait d'infliger des amendes aux entreprises et elle a également indiqué les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d'entraîner l'imposition d'une amende, tels que la gravité et la durée de l'infraction supposée et le fait d'avoir commis celle-ci " de propos délibéré ou par négligence ". Ce faisant, la Commission a rempli ses obligations sur ce point, en ce qu'elle a donné aux entreprises les indications nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l'infraction mais également contre l'imposition d'amendes. Donner des indications concernant le niveau des amendes envisagées, aussi longtemps que les entreprises n'ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur les griefs retenus contre elles, reviendrait à anticiper de façon inappropriée la décision de la Commission.
22. La Commission n'était pas tenue non plus d'indiquer, dans la communication des griefs, la possibilité d'un changement éventuel de sa politique en ce qui concerne le niveau général des amendes, possibilité qui dépendait de considérations générales de politique de concurrence sans rapport direct avec les circonstances particulières des affaires en cause.
23. Enfin, en ce qui concerne les chiffres d'affaires, la Commission, en demandant aux entreprises de lui fournir les informations concernant ceux réalises par elles au cours du dernier exercice, a donné aux entreprises l'occasion de s'expliquer sur ce point et d'y ajouter toute information supplémentaire qu'elles jugeaient utile à cet égard.
C) Sur la non-divulgation de documents
24. En premier lieu, Pioneer et Pioneer GB font valoir que, malgré leurs demandes à cet égard, la Commission ne leur a pas communiqué, en temps utile, les documents qui sont à la base des constatations faites par la Commission en ce qui concerne les effets des lettres envoyées par M. Todd de Shriro aux dirigeants des entreprises Comet et Audiotronic.
25. Sur ce point, la Commission affirme dans sa décision (n° 50) qu'il a été établi que Comet a cessé d'exporter du matériel Pioneer pour la revente, à la suite de l'intervention de Shriro. Selon la décision, Audiotronic a remplacé Comet dans l'approvisionnement d'un des clients, Euro-Electro à Bruxelles ; elle a reçu des commandes considérables en mars 1976, mais elle n'a pu en exécuter qu'une partie, en raison des difficultés faites par Shriro.
26. Comme la période à prendre en considération pour apprécier la durée des infractions, ainsi qu'il est dit ci-dessus, doit être limitée à fin janvier/début février 1976 et comme les affirmations de la Commission relatives aux effets sur les exportations d'Audiotronic concernant justement une période ultérieure, l'examen de cette partie du moyen peut se borner à la situation de COMET.
27. En ce qui concerne cette dernière entreprise, la Commission s'est basée essentiellement sur une déclaration écrite du directeur de COMET, M. Mason, ainsi que sur les rapports de ses inspecteurs relatifs aux visites à Comet et à Euro-Electro et sur des documents concernant la comptabilité de COMET.
28. La déclaration de M. Mason a été communiquée aux requérantes par la Commission le 9 octobre 1978, mais seulement en partie. La Commission a refusé de divulguer les points pertinents de la déclaration, en se prévalant de leur caractère confidentiel, lequel n'a toutefois pas empêché M. Mason lui-même d'envoyér aux requérantes, sur leur demande, copie intégrale de la déclaration.
29. Si, en raison de leur propre diligence, les requérantes ont ainsi pris connaissance de l'ensemble de la déclaration de M. Mason juste avant l'audition, il est constant qu'elles n'ont pas connu ou n'ont connu que partiellement les autres documents mentionnés ci-dessus avant que la Commission adopte sa décision. Partant, elles n'ont pas eu l'occasion, en temps utile, de faire connaître leurs points de vue au sujet du contenu et de la portée de ces documents, ni de s'assurer et de produire, le cas échéant, des moyens de preuve allant en sens contraire. Il s'ensuit que c'est à tort que la Commission a basé sa décision sur le contenu de ces documents.
30. Comme les affirmations que la Commission a fondées sur lesdits documents, dont les requérantes n'ont pas pu prendre connaissance, concernent des circonstances de caractère purement accessoire par rapport aux infractions constatées aux articles 1 et 2 de la décision, cette violation des droits de la défense ne saurait affecter la validité de celle-ci dans son ensemble. En revanche, il y a lieu pour la Cour de faire abstraction du contenu de ces documents lors de l'examen du bien-fondé de la décision.
31. En second lieu, MDF, Pioneer et Pioneer GB font valoir qu'elles n'ont pas pu prendre connaissance du rapport de Mackintosh consultants Co., à Londres, dont la Commission a fait usage, au n° 25 de la décision, en vue de déterminer les marchés hifi en France, au Royaume-Uni et en république fédérale d'Allemagne. Elles soulignent surtout que la connaissance de la définition du matériel hifi sur laquelle ce rapport a basé ses estimations était indispensable pour la défense des requérantes en ce qui concerne leurs parts de marché telles que la Commission les a indiquées dans sa décision.
32. Dans la communication des griefs, la Commission avait constaté que la part de marché des produits Pioneer en 1976 était au moins de 7 à 10 % en France et de 8 à 9 % au Royaume-Uni. MDF et Pioneer GB ont contesté ces chiffres dans leurs réponses à la communication des griefs. La Commission a ensuite chargé Mackintosh consultants Co., à Londres, d'établir un rapport sur le volume du marché hifi dans les Etats membres en cause. Sur la base de ce rapport et des chiffres d'affaires des deux requérantes en ce qui concerne les produits Pioneer, la Commission a évalué la part des produits Pioneer du marché hifi français en 1976 à 11,5 %, et celle du marché britannique à 10,5 %.
33. Toutefois, au n° 25 de sa décision, la Commission a maintenu les chiffres indiqués dans la communication des griefs. Elle ne s'est donc pas basée sur le volume de ces marchés tel qu'il était estimé dans le rapport. Celui-ci a été demandé dans le seul but de vérifier les estimations initiales de la Commission, qui avaient été mises en doute par les requérantes au cours de la procédure administrative. Cette partie du moyen ne saurait donc être accueillie.
D) Sur l'absence de communication de l'avis du Comité consultatif
34. MDF et Pioneer font valoir que l'article 10, paragraphe 6, du règlement n° 17, selon lequel l'avis du Comité consultatif n'est pas rendu public, est à interpréter de façon à permettre une communication confidentielle de l'avis aux " entreprises directement intéressées ". Au cas où une telle interprétation ne saurait être retenue, la disposition précitée serait invalide parce que contraire au principe du respect des droits de la défense.
35. L'article 10, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne saurait être interprété dans le sens avancé par les requérantes. Il ressort dudit article que la consultation du Comité consultatif représente le dernier stade de la procédure avant l'adoption de la décision et que l'avis est rendu sur la base d'un avant-projet de celle-ci. Donner aux entreprises l'occasion de s'exprimer sur cet avis et, partant, sur l'avant-projet de la décision équivaudrait à rouvrir le stade antérieur de la procédure, ce qui est contraire au système voulu par le règlement.
36. L'absence de communication de l'avis n'est pas contraire au principe du respect des droits de la défense. Comme il a été rappelé ci-dessus, ce principe implique que la Commission doit, au cours de la procédure administrative, divulguer aux entreprises en question tous les faits, circonstances ou documents sur lesquels elle se base, pour leur permettre de faire connaître utilement leurs points de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de ses allégations. Quel que soit l'avis du Comité, la Commission ne peut baser sa décision que sur des faits sur lesquels les entreprises ont eu l'occasion de s'expliquer. Par conséquent, ce moyen ne saurait être retenu.
B - Sur l'appréciation et la qualification des faits sur la base desquels la Commission a constaté des infractions à l'article 85, paragraphe 1
A) Sur le prétendu refus de livrer de la part de Melchers
37. Il ressort du dossier qu'en novembre 1975, des magasins appartenant au groupe d'achats dont M. Iffli était le directeur ont été à même d'offrir du matériel Pioneer, en provenance de la Belgique, à des prix inférieurs de 26 à 31 % aux prix de détail pratiques en France. En vue de trouver une source alternative, entre autres, de produits Pioneer, M. Iffli s'est adressé à Gruoner par l'intermédiaire de M. Weber, directeur de l'entreprise Willi Jung, à Sarrebruck, qui était devenue à l'époque une succursale de Gruoner.
38. Après un entretien avec M. Iffli le 12 décembre 1975, au siège de Gruoner à ROMMElshausen, l'acheteur principal de cette société, M. Schreiber, a demandé, entre autres à Melchers, par télex du 15 décembre 1975, de lui soumettre des listes de prix. Melchers l'a mis en contact avec son représentant local, qui a rendu visite à Gruoner. Sur la base des informations ainsi obtenues, y compris la dernière liste de prix de 1975, M. Schreiber a, le 31 décembre 1975, envoyé à M. Iffli une offre, notamment pour du matériel Pioneer, à des prix inférieurs jusqu'a 30 % à ceux pratiqués par MDF à l'époque.
39. Les 12 et 14 janvier 1976, M. Iffli a passé à M. Weber deux commandes d'une valeur totale d'environ 1 million de DM. M. Weber a immédiatement transmis ces commandes à Gruoner, mais ce n'est que le 20 janvier 1976, soit le jour même ou M. Weber a assuré à M. Iffli qu'une partie des marchandises était déjà en route vers ROMMElshausen, que M. Schreiber a commandé par télex, auprès de Melchers, des marchandises correspondant aux commandes de M. Iffli, mais d'une valeur de seulement environ 550 000 DM. Selon les explications de M. Schreiber, celui-ci avait eu, entre-temps, un nouvel entretien avec le représentant local de Melchers et il avait obtenu une nouvelle liste de prix applicables à partir de février 1976.
40. Les 21 et 22 janvier 1976, M. Iffli a obtenu, des autorités françaises, les licences d'importation nécessaires. Aux mêmes dates, Melchers, de son coté, a vérifié ses stocks par rapport à la commande de Gruoner et s'est assuré auprès d'une compagnie d'assurance que celle-ci était prête à couvrir la commande pour un montant de 200 000 DM. Le 23 janvier 1976, Melchers, en réponse à un nouveau télex de M. Schreiber, a confirmé la commande et a indiqué le nom du transporteur qui allait livrer la marchandise. Selon les explications de Melchers, ce télex de confirmation aurait été envoyé par erreur.
41. Le 28 janvier 1976, M. Schreiber a adressé à M. Weber un télex rédigé en allemand l'informant qu'une conversation téléphonique avec le directeur des ventes de Melchers avait donné les résultats suivants :
" Le bureau de Pioneer-Europe, à Anvers, est déjà informé de la licence pour l'importation d'appareils Pioneer. La succursale allemande a reçu l'ordre de n'approvisionner en aucun cas l'entreprise Jung. Nous ne pouvons être approvisionnés que si nous nous engageons à ne pas exporter. "
42. M. Iffli, informé par M. Weber, s'est plaint auprès de celui-ci et de Gruoner. Par télex du 6 février 1976, M. Weber a indiqué à Gruoner qu'il pouvait prouver que du matériel Pioneer vendu par Melchers avait antérieurement été importé en France, en partie par l'intermédiaire d'un grossiste à Bruxelles et en partie par l'entreprise EVB à Stuttgart. L'original du télex porte des notes manuscrites de M. Schreiber, qui indiquent, concernant la livraison via Bruxelles : " pas livré lui-même, est connu à Brême. Mais pas via Allemagne, Melchers le nie absolument ". En ce qui concerne la livraison par EVB, les notes disent : " exact, c'était en novembre 1975, énormes ennuis d'où, maintenant, prudence ".
43. Le 11 février 1976, une réunion s'est tenue à ROMMElshausen entre Gruoner et les dirigeants de la division hifi de Melchers. Devant la Cour, les participants à cette réunion ont nie que le sujet de l'exportation vers la France ait été abordé à cette occasion.
44. Dans un télex du 18 février 1976, M. Schreiber, en faisant référence à " l'entretien avec les dirigeants de l'entreprise Melchers ", a donné à M. Weber des informations identiques à celles contenues dans ses notes manuscrites sur le télex du 6 février. Le télex du 18 février continue comme suit :
" 3. L'intégration d'appareils Pioneer dans notre programme de vente nous intéresse vivement. Nous ne pouvons effectuer des livraisons en quantité suffisante que si Melchers a l'assurance que nous fournissons les appareils livrés au commerce de détail allemand.
4. Il ne peut pas être parlé d'une pression commerciale et cet élément ne peut malheureusement pas être modifié d'un jour à l'autre. Il est en fin de compte déterminant pour les ventes en Europe de maintenir le niveau des prix. "
45. Dans un memorandum du 19 février 1976, concernant la réunion à ROMMElshausen du 11 février, M. Schreiber précise, entre autres, qu' " après les discussions avec... Melchers..., rien ne s'oppose plus à une collaboration ".
46. Le 20 février 1976, M. Schreiber a adressé à M. Iffli un télex l'informant que les prix qui lui avaient été offerts le 31 décembre 1975, entre autres pour les produits Pioneer, n'étaient plus valables " en raison de l'évolution des prix ". Ainsi, la commande de M. Iffli a définitivement été abandonnée.
47. Dans la décision litigieuse, la Commission en tire la conclusion que la non-exécution de la commande de M. Iffli était due au fait que Melchers avait exigé de Gruoner l'assurance que la marchandise ne serait pas exportée. Elle se base, outre sur les faits indiqués ci-dessus, sur une déclaration écrite du 18 mai 1977, dans laquelle M. Schreiber confirme les évènements qu'il a décrits dans ses télex à M. Weber et déclare que les dirigeants de Melchers, lors de la réunion à ROMMElshausen, avaient répété que cette entreprise ne pouvait livrer que pour le commerce spécialisé allemand.
48. De son coté, Melchers affirme que sa non-exécution de la commande de Gruoner était due uniquement aux faits, d'une part, que l'état des stocks de Melchers ne permettait pas de livrer les marchandises commandées et, d'autre part, que la commande était prématurée en ce que les discussions entre M. Schreiber et le représentant local n'étaient qu'une " première prise de contact " ne permettant pas à Melchers, habituée à vendre presque uniquement à des détaillants, d'établir des relations commerciales avec Gruoner. Ce seraient ces faits, et non un refus quelconque de livrer des marchandises destinées à l'exportation, que les employés de Melchers auraient communiqués à M. Schreiber avant que celui-ci adresse son télex du 28 janvier 1976 à M. Weber.
49. Toujours selon Melchers, si la marchandise n'a pas été livrée après que les relations commerciales entre les deux entreprises ont finalement été établies lors de la réunion à ROMMElshausen du 11 février 1976, c'est parce que Gruoner avait perdu tout intérêt à l'exécution du contrat conclu avec M. Iffli. M. Schreiber aurait effectivement découvert qu'il avait commis une erreur en calculant les prix offerts à M. Iffli le 31 décembre 1975. Outre les divers rabais indiqués par le représentant local, il aurait déduit 11 pour cent au titre de la TVA allemande, alors que les prix de base n'incluaient pas la TVA.
50. A cet égard, Melchers se fonde notamment sur une formule mathématique écrite à la main par M. Schreiber sur une liste de prix de produits autres que du matériel Pioneer, que les avocats de Melchers auraient trouvée à l'occasion d'une visite chez Gruoner, ainsi que sur une déclaration écrite du 5 septembre 1980 dans laquelle M. Schreiber admet avoir inventé l'histoire relative au refus de Melchers pour couvrir l'erreur de calcul commise par lui. Cette déclaration a été confirmée, en substance, par M. Schreiber lors de son audition comme témoin devant la Cour.
51. En présence des thèses opposées des parties et des déclarations contradictoires de M. Schreiber, il faut examiner si les autres moyens de preuve sont susceptibles de confirmer l'une ou l'autre de ces thèses.
52. En ce qui concerne celle de la Commission, il y a lieu de rappeler que le télex envoyé par M. Schreiber à M. Weber le 28 janvier 1976 indiquait que " le bureau de Pioneer-Europe, à Anvers, est déjà informe de la licence pour l'importation d'appareils Pionneer ". Il est en effet constant que MDF a informé Pioneer des licences délivrées à M. Iffli les 21 et 22 janvier 1976 et que Pioneer a transmis cette information à Melchers. Dans ces circonstances, l'explication donnée par M. Schreiber dans sa déclaration du 5 septembre 1980 et selon laquelle ce serait M. Iffli qui l'a informé de l'octroi des licences n'est pas convaincante.
53. A cet égard, il convient également de rappeler les informations précises sur les exportations antérieures vers la France, que M. Schreiber a notées sur le télex de M. Weber du 6 février 1976 et qu'il a transmises à celui-ci par télex du 18 février. L'exactitude de ces informations n'a pas été contestée et elles n'ont pu venir que des employés de Melchers.
54. Il est donc manifeste que le sujet des exportations vers la France a été abordé lors des discussions entre M. Schreiber et les employés de Melchers et le caractère des informations fournies par ceux-ci présuppose l'existence d'un refus de livrer des marchandises à destination de cet Etat.
55. Quant à la thèse de la requérante, la description des discussions entre M. Schreiber et le représentant local comme n'étant qu'une première prise de contact ne correspond pas aux notes prises par M. Schreiber lors de ces deux entretiens. Ces notes manuscrites, dont le contenu a été précisé par M. Schreiber devant la Cour, décrivent, de manière détaillée, les conditions de vente et de livraison, y compris les divers rabais et bonifications offerts aux détaillants de taille différente, et même au seul grossiste approvisionné précédemment par Melchers. Il se peut que Gruoner, en tant que grossiste important, ait pu espérer obtenir davantage par des négociations prolongées, mais il est impossible de comprendre pourquoi Melchers n'était pas prête à livrer les marchandises commandées à des conditions qui étaient, selon elle, des conditions normales à l'époque. Sauf pour le délai de paiement, il est d'ailleurs difficile de voir une différence quelconque entre les conditions indiquées dans les notes manuscrites concernant le dernier entretien avec le représentant local et celles indiquées au memorandum du 19 février 1976 concernant la réunion à ROMMElshausen.
56. En revanche, le problème de livraison invoqué par Melchers est confirmé par des notes portées sur le télex de commande du 20 janvier 1976 par le magasinier de Melchers. Il en ressort que certains des modèles commandés n'étaient pas en stock, que pour d'autres les stocks n'étaient pas suffisants et que, de toute manière, il s'agissait d'une commande très importante par rapport à l'état des stocks à l'époque, juste après les ventes de noël. Or, comme il est toutefois constant que Melchers pouvait livrer immédiatement une grande partie des marchandises commandées sans vraiment mettre ses stocks en péril et comme Melchers avait envoyé à Gruoner un télex que celui-ci pouvait, à juste titre, considérer comme constituant une acceptation sans réserve, on ne peut comprendre que Melchers n'ait fait aucune offre de livraisons partielles et ne se soit pas informée auprès de Pioneer sur la possibilité d'obtenir le reste des marchandises commandées. L'état des stocks ne saurait donc être accepté comme une explication suffisante de la non-exécution de la commande.
57. En ce qui concerne l'erreur alléguée relative à la TVA, il est vrai que, pour la plupart des modèles, les rabais indiqués par un pourcentage fixe dans les notes manuscrites de M. Schreiber ne suffisent pas pour expliquer les prix bas offerts par M. Schreiber à M. Iffli le 31 décembre 1975, alors qu'une application de la formule indiquée par Melchers permet, lorsqu'on y insère certains de ces pourcentages, d'arriver exactement aux prix offerts. Or, comme la Commission l'a souligné, les listes de prix qui formaient la base des calculs de M. Schreiber indiquaient clairement que les prix étaient cités TVA exclue ; la méthode indiquée par la formule n'est pas celle qu'il faut utiliser pour déduire un taux de TVA de 11 % et l'erreur prétendue n'a, de toute manière, pas été commise pour les prix des haut-parleurs. En outre, lors de l'audition des témoins devant la Cour, M. Schreiber n'a pas été en mesure d'exposer comment il avait pu commettre une telle erreur et de reconstituer ses calculs à cet égard. Même si le niveau exact de la plupart des prix offerts à Iffli reste ainsi sans explication, il faut donc rejeter l'explication proposée par Melchers.
58. Enfin, on ne saurait faire abstraction de l'ordre chronologique des évènements ni du fait qu'ils sont contemporains de ceux relatifs aux importations parallèles à partir du Royaume-Uni. La commande de Gruoner a effectivement été traitée de manière tout à fait normale par Melchers, jusqu'au moment où on peut raisonnablement supposer que celle-ci a reçu l'information relative à l'octroi des licences à Iffli. Ce moment se situe dans la semaine suivant la participation de Melchers à la réunion des 19 et 20 janvier 1976 au siège de Pioneer à Anvers. Lors de cette réunion, MDF s'est plainte des importations parallèles vers la France et, à la suite de la réunion, le directeur de Shriro a invité ses principaux clients, par lettres des 28 et 29 janvier 1976, à ne plus exporter.
59. En outre, le télex que M. Schreiber a envoyé à M. Weber le 18 février 1976 semble avoir un rapport étroit, aussi bien de par son contenu que de par sa date, avec la réunion de Rommelshausen du 11 février et avec le memorandum de M. Schreiber du 19 février concernant cette réunion. Il en est de même pour le télex du 20 février par lequel M. Schreiber a retiré définitivement son offre à M. Iffli. Enfin, le vif intérêt à l'établissement de relations commerciales avec Melchers, dont le télex du 18 février fait état, concorde avec le développement ultérieur de ces relations et suffit pour expliquer le manque d'insistance de Gruoner en ce qui concerne les marchandises destinées à M. Iffli. Si cette séquence dans le temps n'est pas déterminante en elle-même, elle étaye toutefois la thèse de la Commission.
60. Les considérations qui précèdent suffisent pour conclure que la Commission a établi, à suffisance de droit, l'existence d'un refus par Melchers d'exécuter la commande de Gruoner en raison de la destination des marchandises, sans qu'il soit nécessaire de trancher le problème de la crédibilité des déclarations successives de M. Schreiber, ni celui du comportement allégué de celui-ci relatif à des transactions impliquant du matériel hifi d'autres marques et, selon les requérantes, similaire à son comportement dans la présente affaire.
B) Sur les effets des lettres envoyées par M. Todd
61. Pioneer et Pioneer GB contestent les affirmations de la décision litigieuse relatives aux effets des deux lettres que le directeur de Shriro, M. Todd, a envoyées, respectivement le 28 et le 29 janvier 1976, au directeur général d'Audiotronic et au président de COMET. Elles soutiennent que ces lettres n'ont produit que des effets tout à fait insignifiants.
62. A cet égard, il convient d'abord de souligner qu'il est constant que ces lettres faisaient suite à des appels de plus en plus pressants de la part de M. Setton, le propriétaire de MDF, qui avait même procédé à des achats tests auprès d'Audiotronic et de Comet, dont il a produit le résultat à la réunion d'Anvers des 19 et 20 janvier 1976. Les lettres contiennent des invitations non equivoques à cesser les exportations de matériel Pioneer. Elles ont été envoyées aux deux principaux clients, qui réalisaient ensemble environ 45 % des ventes de matériel Pioneer en provenance de Shriro. Dans ces circonstances, les deux lettres constituent, en elles-mêmes, la preuve d'une pratique concertée entre MDF et Shriro qui a eu pour objet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Sous réserve de la position de MDF et de Shriro sur les marchés concernés, question qui est traitée ci-dessous sous e), cette pratique a également été susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres. Le moyen soulevé par les deux requérantes ne concerne donc pas l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, mais uniquement l'effet de cette infraction et, partant, sa gravité.
63. En ce qui concerne Audiotronic, la Commission admet que la lettre envoyée à cette entreprise n'a pas eu des effets immédiats. Au contraire, selon le n° 50 de la décision litigieuse, Audiotronic a même remplacé Comet dans l'approvisionnement d'Euro-Electro à Bruxelles, dès que Comet a cessé d'exporter du matériel Pioneer. C'est seulement à partir de mars 1976, selon la Commission, que la pratique concertée a eu des effets à l'égard d'Audiotronic. Or, comme déjà les moyens concernant les défauts de procédure conduisent à limiter la période à prendre en considération à fin janvier/début février 1976, ces affirmations n'ont pas de pertinence.
64. En ce qui concerne Comet, la Commission affirme, en substance, dans les n° 41, 50, 82 et 98 de sa décision, que cette entreprise a exporté de grandes quantités de matériel Pioneer avant de recevoir la lettre de M. Todd, mais que ces exportations ont cessé à la suite de la lettre, alors que les exportations d'autres marques ont continué.
65. Ces affirmations de la Commission sont basées sur une déclaration écrite faite le 3 juin 1977 par le directeur de Comet, M. Mason, ainsi que sur les rapports de ses inspecteurs relatifs aux visites à Comet et à Euro-Electro et sur des documents concernant la comptabilité de Comet. Parmi ces documents, seule la déclaration de M. Mason a été connue des requérantes avant l'adoption de la décision litigieuse. Ainsi qu'il est dit ci-dessus sous a-c), il convient donc de faire abstraction des informations contenues dans les autres documents.
66. Au point 3 de sa déclaration, M. Mason indique que, vers 1974, Comet a lancé une affaire d'exportation, principalement en matériel hifi, vers les autres Etats membres. Toutefois, jusqu'au mois de décembre 1975, ces exportations n'auraient compris que de petites quantités de matériel Pioneer. En revanche, pour la période allant du 19 décembre 1975 au 16 janvier 1976, date de la dernière expédition, Comet aurait vendu à Euro-Electro à Bruxelles du matériel Pioneer qui représentait au total plus de 33 000 UKL. Pour la période antérieure à la réception de la lettre de M. Todd, la déclaration conforte donc les affirmations de la Commission.
67. Au point 5, M. Mason déclare :
" le 30 janvier 1976, la société a reçu une lettre adressée au président par le directeur général de Shriro (UK) Limited. La société tenait à conserver de bonnes relations avec Shriro et à continuer à obtenir des livraisons satisfaisantes. Une lettre de conciliation a donc été envoyée à Shriro. A la suite de cet échange de correspondance, la question a été examinée avec Shriro, mais rien de plus que ce que contenait la lettre du 30 janvier 1976 n'a été dit.... Depuis janvier 1976, nous avons reçu diverses demandes de matériel Pioneer émanant de l'étranger mais, en raison des effets combinés de la limitation du crédit accordé à nos clients et des marges disponibles, nous n'avons pu jusqu'a présent satisfaire ces demandes que dans une mesure très limitée, bien que la société ait précise clairement à Shriro (UK) Limited qu'elle devait pouvoir commercer librement conformément au droit communautaire. "
68. Les requérantes soutiennent que, si cette déclaration confirme effectivement l'absence d'exportations de matériel Pioneer en grandes quantités après la réception de la lettre de M. Todd, elle indique, en revanche, que ce fait était dû non à cette lettre, mais aux circonstances de caractère commercial.
69. A cet égard, il y a cependant lieu de rappeler qu'a l'époque en cause, Comet, loin de préciser qu'elle devait pouvoir commercer librement, a répondu à la lettre de M. Todd qu'elle " n'exportera pas delibérément des produits Pioneer à des clients commerciaux en dehors du Royaume-Uni ". Il s'ensuit que la dernière phrase de la déclaration de M. Mason concerne une période qui, de toute manière, est ultérieure à celle de fin janvier/début février 1976.
70. Il y a donc lieu de conclure, sur ce point, que la Commission était fondée à constater que Comet avait exporté de grandes quantités de matériel Pioneer avant de recevoir la lettre de M. Todd, mais que ces exportations ont cessé à la suite de cette lettre.
C) Sur la durée des pratiques concertées
71. Compte tenu des considérations énoncées ci-dessus en ce qui concerne la période à retenir pour l'appréciation de la durée des infractions, il n'y a plus lieu d'examiner ce moyen qui ne concerne pas la période retenue.
D) Sur la participation de Pioneer aux pratiques concertées
72. Dans la décision litigieuse, la Commission a constaté que Pioneer a participé aussi bien à la pratique concertée entre Melchers et MDF qu'à la pratique concertée entre cette dernière et Shriro. Elle fonde cette constatation, notamment, sur la position générale de Pioneer vis-à-vis des distributeurs nationaux, sur le déroulement et le résultat de la réunion d'Anvers des 19 et 20 janvier 1976 et sur la transmission par Pioneer à Melchers des plaintes et informations de MDF relatives aux importations parallèles.
73. Pioneer conteste cette qualification de son comportement. Elle fait valoir qu'elle ne se trouvait aucunement dans une position permettant de contrôler le comportement de Shriro ou de Melchers. La réunion d'Anvers n'aurait pas eu pour objet de discuter des importations parallèles. A cette occasion, comme à beaucoup d'autres, les représentants de Pioneer se seraient bornés à écouter les plaintes de M. Setton de MDF et à lui conseiller de baisser les prix. La transmission d'informations sur les importations parallèles entrerait dans le cadre des informations normalement échangées entre fournisseur et distributeur concernant la situation du marché.
74. A cet égard, il y a lieu de rappeler que Pioneer, qui est une filiale à 100 % de la société mère au Japon, a pour objet d'importer du matériel Pioneer en Europe et d'en organiser la vente. A ces fins, elle essaye de trouver un distributeur dans chacun des Etats en cause, elle lui offre un contrat de distribution exclusive, elle repartit les produits importés entre les distributeurs nationaux et elle tente de coordonner leurs efforts de vente, entre autres, par des réunions régulières.
75. Même si ces activités ne confèrent pas nécessairement à Pioneer une influence décisive sur le comportement de chacun des distributeurs, il n'en reste pas moins qu'en raison de sa position centrale, elle était tenue de faire preuve d'une vigilance particulière afin d'éviter que des concertations de ce genre ne favorisent des pratiques contraires aux règles de concurrence.
76. En ce qui concerne le comportement de Melchers, il est constant que Pioneer a transmis à ce distributeur, non seulement les plaintes de M. Setton, mais également les informations concernant les licences d'importation obtenues par M. Iffli des autorités françaises. Dans ces conditions, une telle communication apparaît comme une incitation implicite à l'adresse de Melchers d'essayer de découvrir la source de telles importations et d'y mettre fin.
77. Quant à la réunion d'Anvers, il n'en existe aucune trace écrite, sauf les lettres envoyées par M. Todd, de Shriro, à ses deux principaux clients, et les participants à la réunion n'ont pas été en mesure de préciser son objet de manière uniforme.
78. Dans ses lettres des 28 et 29 janvier 1976, M. Todd explique à ses deux clients qu'il a été convoqué à Anvers pour examiner les doléances du distributeur français contre les importations parallèles ; il expose comment il a été confronté aux résultats des achats tests effectués par MDF auprès des deux clients et il regrette que ceux-ci l'aient placé dans une situation défavorable vis-à-vis de Pioneer (" have caused my principals to look on me with a certain amount of disfavour "). même si ces formules peuvent comporter, comme M. Todd l'a soutenu au cours de la procédure administrative, des exagérations en vue d'impressionner les clients, elles concordent avec d'autres éléments de nature à démontrer que les importations parallèles ont constitué un sujet de discussion important à la réunion.
79. Ainsi, il est constant que M. Setton a effectivement apporté à la réunion les résultats de trois achats tests effectués par des entreprises qu'il dirigeait, auprès des clients britanniques de Shriro, et qu'il a insisté sur la nécessite de mettre fin aux importations parallèles vers la France. En outre, il n'est pas contesté que les lettres de M. Todd à ses clients étaient une conséquence directe de cette réunion et non de contacts ultérieurs avec M. Setton. Dans ces circonstances, Pioneer, qui avait convoqué la réunion et qui en assumait la présidence, doit accepter la responsabilité pour une telle conséquence, compte tenu de la position qu'elle occupe vis-à-vis des distributeurs nationaux, telle que celle-ci est décrite ci-dessus.
80. Il convient donc de conclure que c'est à juste titre que la Commission a constaté la participation de Pioneer aux deux pratiques concertées.
E) Les parts de marché détenues par les requérantes et l'affectation du commerce entre Etats membres
81. Dans sa décision (n° 3), la Commission évalue la valeur globale des produits hifi vendus par Pioneer à ses distributeurs dans les trois Etats membres concernés pendant l'exercice 1975/1976 à environ 735 millions de BFR. Elle indique en outre (n° 25) qu'en 1976 les chiffres d'affaires en produits Pioneer ont été pour MDF de 77 millions de FF, pour Shriro de 7,3 millions de UKL et pour Melchers de 19 millions de DM. Sur la base d'une estimation des marchés hifi dans les trois Etats membres, elle arrive à la conclusion que les parts de marché des produits Pioneer en 1976 étaient d'au moins 7 à 10 % en France, de 8 à 9 % au Royaume-Uni et d'à peu près 2 % en république fédérale d'Allemagne. Elle constate (n° 75 et 82) que ces parts de marché étaient suffisamment importantes pour que le comportement des entreprises puisse, en principe, affecter sensiblement le commerce entre Etats membres.
82. MDF et Pioneer GB contestent ces calculs. D'une part, la Commission aurait inclus, dans les chiffres d'affaires indiqués, des produits autres que du matériel hifi Pioneer ; d'autre part, elle aurait défini le marché hifi de manière trop étroite. Les deux requérantes estiment que leurs parts de marché en 1976 étaient de 3,38 % en France et de 3,18 % au Royaume-Uni. Elles soutiennent que de telles parts de marché ne suffisent pas pour considérer leur comportement comme susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité .
83. Il est constant qu'il n'existe pas de définition généralement reconnue de la notion de produits hifi et que les différentes études de ce marché, sur lesquelles les parties se fondent, varient considérablement à cet égard. Il semble qu'aucune de ces études ne corresponde parfaitement aux types de produits envisagés par les parties lorsqu'elles ont indiqué les chiffres d'affaires des deux entreprises. Toutefois, l'examen de ces problèmes de fait, très techniques et difficiles, peut être superflu si déjà les parts de marché indiquées par les requérantes suffisent au regard de l'article 85, paragraphe 1.
84. A cet égard, il convient de rappeler, ainsi que la Cour l'a dit, entre autres dans son arrêt du 9 juillet 1969 (Volk/Vervaecke, 5-69, Recueil 1969, p. 295), qu'un accord, pour être susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur les courants d'échanges entre Etats membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre Etats. Il y a lieu d'appliquer le même critère en ce qui concerne les pratiques concertées ici en cause.
85. Dans le même arrêt, la Cour a reconnu que même un accord d'exclusivité avec protection territoriale absolue échappe à la prohibition de l'article 85, lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante, compte tenu de la faible position qu'occupent les intéressés sur le marché des produits en cause.
86. Telle n'est pas la position des requérantes dans la présente affaire. Les études produites par MDF et Pioneer GB démontrent que le marché des produits hifi en France et au Royaume-Uni est très ample, mais qu'il est fortement partagé entre un nombre de marques très élevé, de sorte que les pourcentages indiqués par les requérantes dépassent ceux de la plupart de leurs concurrents. Si on se limite à des marques importées, il semble même que les deux requérantes comptaient parmi les plus grands fournisseurs des deux marchés. Dans ces circonstances et compte tenu de leurs chiffres d'affaires absolus, on ne saurait contester qu'un comportement de ces entreprises visant à freiner les importations parallèles, et donc à cloisonner les marchés nationaux, pouvait exercer une influence sur les courants d'échanges entre Etats membres dans un sens susceptible de nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique.
87. Il convient donc de conclure que la Commission était justifiée à constater que le comportement des requérantes était susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres d'une manière sensible.
C - Sur les moyens tirés de la méconnaissance des circonstances qui excluent l'application d'amendes
A) Sur la légitime défense et l'état de nécessité
88. MDF fait valoir que si elle avait commis une infraction, celle-ci aurait été justifiée par un état de nécessité. Elle se serait trouvée dans une situation de légitime défense contre la concurrence déloyale qu'elle subissait de la part des importateurs parallèles.
89. En ce qui concerne le moyen tiré d'une situation de légitime défense, il convient de rappeler, comme la Cour l'a déjà fait dans ses arrêts du 25 novembre 1971 (Beguelin, 22-71, Recueil 1971, p. 949) et du 22 janvier 1981 (Dansk Supermarked, 58-80, Recueil 1981, p. 181), que le fait même de l'importation d'une marchandise, légalement commercialisée dans un autre Etat membre, ne saurait être considéré comme un acte commercial déloyal. Les importations parallèles en provenance d'autres Etats membres ne peuvent donc créer, en soi, une situation de légitime défense.
90. Sans qu'il y ait lieu d'examiner les conséquences éventuelles d'un état de nécessité, il suffit à cet égard de constater que la requérante n'a pas démontré l'existence d'une telle situation. MDF n'a pas établi que son existence était menacée, ni que ses prétendues difficultés économiques étaient dues à des importations parallèles, ni, à plus forte raison, qu'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, était le seul moyen pour assurer la survie de l'entreprise.
91. Il s'ensuit que ces moyens doivent être rejetés.
B) sur l'article 85, paragraphe 3, du traité
92. MDF prétend que les conditions de fond d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, étaient remplies et qu'elle aurait dès lors pu obtenir une exemption moyennant notification. L'infraction consisterait donc non pas en une violation d'un des objectifs principaux du traité, mais seulement en une violation d'une règle de forme, à savoir dans le manquement à l'obligation de notifier et de se procurer une exemption formelle.
93. Ce moyen ne saurait être retenu. La notification ne constitue pas une formalité imposée aux entreprises, mais une condition indispensable pour obtenir certains avantages. Aux termes de l'article 15, paragraphe 5, lettre a), du règlement n° 17, aucune amende ne peut être infligée pour des agissements postérieurs à la notification, pour autant qu'ils restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification. Or, ce bénéfice au profit des entreprises ayant notifié un accord ou une pratique concertée constitue la contrepartie du risque encouru par l'entreprise en dénonçant elle-même l'accord ou la pratique concertée. Cette entreprise risque, en effet, non seulement de faire constater que l'accord ou la pratique viole l'article 85, paragraphe 1, et de se voir refuser l'application du paragraphe 3, mais également d'être sanctionnée par une amende pour ses agissements antérieurs à la notification. A plus forte raison, une entreprise qui n'a pas voulu courir ce risque ne saurait faire valoir, à l'encontre d'une amende imposée pour une infraction non notifiée, la possibilité hypothétique qu'une notification aurait pu donner lieu à une exemption.
C) Sur la conformité du comportement de Melchers à ses engagements contractuels notifiés à la Commission
94. Melchers estime que l'amende qui lui a été infligée viole l'article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17 en ce qu'elle punit un comportement conforme à son contrat de distribution avec Pioneer, lequel a été notifié à la Commission. Melchers n'aurait pu fournir les marchandises commandées par Gruoner sans violer l'obligation, contenue dans ce contrat, de veiller à ce que le marché allemand demeure dûment approvisionné.
95. Il suffit, pour rejeter ce moyen, de renvoyer à l'appréciation que la Cour a faite ci-dessus sous b-a) de l'état des stocks de Melchers à l'époque et de l'absence de toute tentative de la part de celle-ci de se procurer les marchandises nécessaires.
D) Sur l'absence d'instructions de la part des associés
96. Selon Melchers, une entreprise ne peut se voir infliger une amende que s'il est établi que l'infraction est imputable à l'entreprise même, c'est-à-dire, en l'espèce, aux associés commandités de Melchers. Or, la Commission n'aurait pas démontré que ceux-ci entendaient commettre la prétendue infraction, ni qu'ils agissaient par négligence.
97. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que l'article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17, autorise la Commission à infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes lorsque " de propos délibéré ou par négligence " elles ont commis des infractions. L'application de cette disposition ne suppose pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l'entreprise concernée, mais l'action d'une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l'entreprise.
98. La requérante n'a pas démontré que les dirigeants de la division hifi de Melchers ont outrepassé les pouvoirs que les associés leur ont attribués en les employant dans ces postes. En ce qui concerne le représentant local, la requérante a même soutenu que celui-ci a toujours agi, dans ses relations avec Gruoner, d'après les instructions directes desdits dirigeants. Ce moyen doit donc être rejeté.
E) Sur l'éventuelle coresponsabilité de la Commission dans les présentes affaires
99. Melchers fait valoir que la Commission a autorisé la république française, sur la base de l'article 115 du traité, à exclure du traitement communautaire certains produits hifi originaires du Japon et mis en libre pratique dans d'autres Etats membres. Ce fait constituerait un élément d'appréciation justifiant l'annulation ou, du moins, une réduction substantielle de l'amende.
100. C'est à bon droit que la Commission relève à cet égard que d'éventuelles restrictions imposées par des autorités publiques ne sont pas susceptibles de justifier la mise en œuvre, par des particuliers, de pratiques concertées visant à restreindre la concurrence. Le moyen doit par conséquent être rejeté.
D - Sur les moyens relatifs aux montants des amendes
A) Sur le niveau général des amendes
101. Les requérantes font valoir qu'en déterminant les montants des amendes, la Commission a méconnu l'article 15, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement n° 17, aux termes duquel il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci. Selon elles, la Commission ne s'est pas fondée sur la gravité de leur comportement ni sur la durée de celui-ci. Elle aurait profité de ces affaires pour introduire une nouvelle politique visant à augmenter le niveau général des amendes en ce qui concerne certaines infractions au droit communautaire, sans que ce changement de politique ait été justifié ni par la nature des infractions en cause ni par les circonstances particulières des affaires. L'application d'amendes aussi élevées dans les présentes affaires tiendrait donc au seul fait que la Commission s'en est saisie à l'époque où elle changeait de politique, ce qui ne serait pas seulement contraire aux prescriptions du règlement, mais conduirait en réalité à l'arbitraire.
102. En outre, la méthode ainsi décrite serait manifestement discriminatoire. Les faits des présentes affaires seraient apparus en même temps que ceux d'autres procédures dans lesquelles la Commission aurait pris une décision avant celle de l'espèce, en appliquant des amendes nettement moindres.
103. La Commission admet que les présentes affaires sont les premières pour lesquelles elle a appliqué un niveau d'amendes considérablement plus élevé que dans le passé. Avant l'adoption de la décision litigieuse, elle n'aurait pas, même pour des infractions graves, infligé des amendes dépassant 2 % du chiffre d'affaires global des entreprises. Or, dans les affaires actuelles, les amendes se situent en substance entre 2 et 4 % du chiffre d'affaires.
104. Cependant, selon la Commission, un tel niveau est pleinement justifié par la nature des infractions. Après 20 années de politique de concurrence communautaire, une élévation sensible du niveau des amendes s'impose, à son avis, du moins pour les types d'infractions définis depuis longtemps et connus des intéressés tels que les interdictions d'exportation et d'importation. Celles-ci constitueraient en effet les infractions les plus graves, car elles priveraient les consommateurs de tous les avantages résultant de l'élimination des restrictions tarifaires et quantitatives ; elles entraveraient l'intégration des économies des Etats membres et laisseraient les distributeurs et les détaillants dans un état de subordination vis-à-vis des producteurs. Des amendes plus lourdes seraient particulièrement nécessaires lorsque, comme dans le cas d'espèce, l'infraction a principalement pour but de maintenir un niveau de prix plus élevé pour les consommateurs. La Commission indique que beaucoup d'entreprises maintiennent des comportements qu'elles savent être contraires au droit communautaire, parce que le profit qu'elles tireront de leur comportement illégal sera plus grand que le montant des amendes infligées jusqu'ici. De telles attitudes ne pourraient être découragées qu'avec des amendes plus lourdes que par le passé.
105. A cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire. Cette mission comprend certainement la tache d'instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises.
106. Il s'ensuit que, pour apprécier la gravite d'une infraction en vue de déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération non seulement les circonstances particulières de l'espèce mais également le contexte dans lequel l'infraction se place et veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d'infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de la Communauté.
107. De ce point de vue, c'est à juste titre que la Commission a qualifié d'infractions très graves les interdictions d'exportation et d'importation visant à maintenir artificiellement des différences de prix entre les marchés des différents Etats membres. De telles interdictions mettent en danger la liberté des échanges intracommunautaires, qui est un principe fondamental du traité, et elles empêchent la réalisation d'un des objectifs de celui-ci, à savoir la création d'un marché unique.
108. Il était également loisible à la Commission de tenir compte du fait que des pratiques de ce type sont encore, bien que leur illégalité ait été établie des le début de la politique communautaire de concurrence, relativement fréquentes en raison du profit que certaines des entreprises intéressées peuvent en tirer et, partant, d'estimer qu'il y avait lieu d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer l'effet dissuasif de celles-ci.
109. Pour les mêmes raisons, le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau dans les limites indiquées au règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence. Au contraire, l'application efficace des règles communautaires de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.
110. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen.
B) Sur la prétendue absence de propos délibéré de Pioneer
111. Pioneer fait valoir qu'elle n'a pas agi de propos délibéré, étant donné qu'elle ne pouvait pas savoir que son comportement était illégal.
112. Sur la base de l'appréciation des moyens de preuve apportés en ce qui concerne le comportement de Pioneer, que la Cour a effectuée ci-dessus sous b-d), il convient de constater que cette entreprise a dû être pleinement consciente de ce qu'un tel comportement était de nature à promouvoir des restrictions au jeu de la concurrence. Une telle connaissance suffit pour considérer cette entreprise comme ayant agi de propos délibéré. Ce moyen doit donc être rejeté.
C) Sur la référence au chiffre d'affaires comme base de calcul des amendes
113. Melchers fait valoir qu'il est illégal de fixer les amendes proportionnellement au chiffre d'affaires des entreprises, comme la Commission l'aurait fait dans les présentes affaires. Le chiffre d'affaires ne donnerait en réalité aucune indication sur la rentabilité de l'entreprise ni sur la capacité de celle-ci à payer une amende.
114. En tout état de cause, Melchers, de même que MDF et Pioneer prétendent que le montant de l'amende ne peut être calculé, comme la Commission l'aurait fait également en l'espèce, à partir du chiffre d'affaires global de l'entreprise, dès lors que les marchandises qui ont fait l'objet de l'infraction ne représentent qu'une partie de ce chiffre d'affaires.
115. Pioneer en conclut que l'amende qui lui a été infligée doit être réduite, parce que le chiffre d'affaires sur lequel la Commission s'est basée concernait également ses ventes de matériel hifi dans des pays non concernés par l'infraction.
116. Selon Melchers, la Commission aurait dû prendre en compte la circonstance qu'environ 10 % seulement du chiffre d'affaires de son entreprise concernait des produits hifi, tandis que pour les autres requérantes ces produits constituaient la totalité du chiffre d'affaires. Melchers ajoute qu'en fixant à 10 % du chiffre d'affaires la limite des amendes pouvant être imposées, l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 se réfère au chiffre d'affaires dans le secteur où l'infraction a été commise. Parce que la Commission n'a pas respecté ce mode de calcul, Melchers se serait vu infliger une amende qui représente 18 % de son chiffre d'affaires sur le marché hifi, dépassant ainsi la limite fixée par la disposition précitée.
117. La Commission répond que seul le chiffre d'affaires global d'une entreprise est de nature à donner une indication sur le montant maximal de l'amende que l'entreprise peut payer. Pour cette raison, la limite fixée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 doit être comprise, selon elle, comme se référant à ce chiffre. Également dans tous les autres cas où, selon la Commission, il y a lieu de tenir compte du chiffre d'affaires en vue de déterminer le montant d'une amende, ce serait le chiffre d'affaires global qui importe, et non celui qui résulte des transactions concernées par l'infraction. Elle souligne cependant qu'en raison du grand nombre de critères non quantifiables à prendre en considération pour la détermination d'une amende, aucune formule mathématique d'application générale n'est possible.
118. Aux termes de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes de mille unités de compte au moins et d'un million d'UC au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalise au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction. Pour déterminer le montant de l'amende à l'intérieur de ces limites, ladite disposition prescrit la prise en considération de la gravité et de la durée de l'infraction.
119. La seule référence expresse au chiffre d'affaires de l'entreprise concerne donc la limite supérieure d'une amende dépassant un million d'UC. Dans ce cas, cette limite vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l'importance de l'entreprise et, comme seul le chiffre d'affaires global peut effectivement donner une indication approximative à cet égard, il convient, ainsi que la Commission l'a soutenu, de comprendre ce pourcentage comme se référant au chiffre d'affaires global. Il s'ensuit que la Commission n'a pas dépassé la limite indiquée à l'article 15 du règlement.
120. Pour apprécier la gravité d'une infraction, il faut tenir compte d'un grand nombre d'éléments dont le caractère et l'importance varient selon le type d'infraction en cause et les circonstances particulières de l'infraction concernée. Parmi ces éléments peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché.
121. Il s'ensuit, d'une part, qu'il est loisible, en vue de la détermination de l'amende, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise qui constitue une indication, fut-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique que de la part de ce chiffre qui provient des marchandises faisant l'objet de l'infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l'ampleur de celle-ci. Il en résulte, d'autre part, qu'il ne faut pas attribuer ni à l'un ni à l'autre de ces chiffres une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d'appréciation et, par conséquent, que la fixation d'une amende appropriée ne peut être le résultat d'un simple calcul basé sur le chiffre d'affaires global. Il en est particulièrement ainsi lorsque les marchandises concernées ne représentent qu'une faible fraction de ce chiffre. Il convient, pour la Cour, de tenir compte de ces considérations en procédant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, à l'appréciation de la gravité des infractions en cause.
122. Dans la mesure où il y a lieu de se fonder sur le chiffre d'affaires des entreprises impliquées dans une même infraction en vue de déterminer les relations entre les amendes à infliger, il convient de délimiter la période à prendre en considération de manière que les chiffres obtenus soient aussi comparables que possible. Or, les moyens soulevés à cet égard par MDF et Pioneer ne sont pas de nature à influencer sensiblement l'appréciation globale faite par la Cour. Aussi n'y-a-t-il pas lieu de procéder à un examen approfondi de ces moyens.
D) Sur la durée des pratiques concertées
123. Selon MDF et Pioneer, les pratiques concertées n'ont pu commencer que les 19 et 20 janvier 1976, lors de la réunion d'Anvers. Pioneer et Melchers font observer que la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Melchers a été accomplie le 27 janvier 1976, lorsque les employés de cette dernière entreprise auraient dit à M. Schreiber que la marchandise ne serait pas livrée. Les requérantes soutiennent enfin qu'il n'existe aucune preuve que la pratique concertée entre MDF, Pioneer et Shriro a duré deux années. Comme la durée de l'infraction constitue un des éléments à prendre en considération pour la détermination d'une amende, il y aurait donc lieu de réduire considérablement les amendes à ce titre.
124. Après la limitation de la durée des infractions constatées à la période fin janvier/début février 1976, et vu les constatations concernant le refus de livrer de Melchers, il n'y a plus lieu de prendre position sur ces moyens. La durée des pratiques concertées retenue par la Cour entrera dans l'appréciation globale à faire par elle dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction.
E) Sur l'imposition d'une amende unique pour deux pratiques concertées
125. Selon MDF, il est permis de penser que la Commission a considéré que les deux pratiques concertées, auxquelles MDF a participé, constituent deux infractions distinctes. En cumulant les amendes calculées pour chacune de ces deux infractions en une amende unique, la Commission aurait violé le principe général concernant le concours d'infractions.
126. Pioneer, de son coté, fait valoir que la Commission a violé les droits de la défense en lui imposant une amende unique pour deux infractions. A défaut d'amende spécifique pour chaque infraction, il ne serait pas possible de savoir comment la Commission a évalué la gravite de chacune d'elles et si les critères appliqués en considérant chaque infraction étaient adéquats.
127. A cet égard, il suffit de constater que la Commission soutient avoir considéré qu'il y avait unité d'infractions dans le cas de MDF et de Pioneer et avoir par conséquent imposé une amende unique à chacune d'elles. En effet, rien n'indique que la Commission n'a pas suivi ce procédé, qui est justifié en l'espèce dès lors que MDF et Pioneer ont participé à deux pratiques concertées visant toutes deux à entraver les importations parallèles, dans un pays déterminé, de produits provenant d'un même producteur. Il convient donc de rejeter ces moyens, sans qu'il y ait lieu de prendre position sur l'existence éventuelle de principes juridiques communautaires concernant le cumul d'amendes encourues au titre de plusieurs infractions séparées.
E - Conclusion
Sur la demande en annulation
128. Ainsi qu'il est dit ci-dessus sous a-b), il convient de limiter les constatations concernant la durée des infractions à la période fin janvier/début février 1976. Il y a donc lieu d'annuler la décision pour autant qu'elle constate que les pratiques concertées ont dépassé cette période. Pour le reste, la demande en annulation doit être rejetée.
Sur la demande en réduction des amendes
129. Pour la détermination des montants des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée ainsi retenue et de tous les éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité des infractions tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d'elles dans l'établissement des pratiques concertées, le profit qu'elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de la Communauté.
130. Par rapport aux éléments d'appréciation sur lesquels la Commission s'est fondée en déterminant les montants des amendes, il convient surtout de tenir compte, pour toutes les entreprises concernées, de la durée plus courte des infractions résultant de l'annulation partielle de la décision litigieuse ainsi que des considérations énoncées ci-dessus sous d-c) et concernant les relations entre le chiffre d'affaires global des entreprises et les autres éléments à prendre en considération en vue d'apprécier la gravité des infractions.
131. Sur la base de toutes ces considérations et compte tenu des circonstances particulières propres à chacune des entreprises, il convient de fixer les amendes comme suit.
132. En ce qui concerne Pioneer, il y a lieu de tenir compte notamment de la position centrale que cette entreprise occupe dans le réseau de distribution des produits en cause et qui lui a permis de jour le rôle d'intermédiaire en exerçant une influence considérable sur le comportement des distributeurs nationaux. Pour cette entreprise, il convient de fixer l'amende à 2 000 000 d'ECU, soit 80 679 000 BFR.
133. A MDF qui était à l'origine des deux pratiques concertées lesquelles ont essentiellement profité à cette entreprise, il y a lieu d'infliger une amende de 600 000 UCE, soit 3 488 892 FF.
134. Après l'annulation partielle de la décision litigieuse, il n'y a pas de différence entre la durée des deux pratiques concertées dans lesquelles Melchers et Shriro (maintenant Pioneer GB) ont été respectivement impliquées. Pour établir la relation entre les amendes à infliger à ces deux entreprises, il convient, dès lors, de prendre en considération en particulier le fait que Shriro était totalement dépendante de Pioneer pour la poursuite de ses activités, alors que Melchers, en raison de la diversité de ses activités dont la vente de produits Pioneer ne constituait qu'une faible partie, aurait pu plus facilement résister à la pression exercée contre elle. Compte tenu également de toutes les autres circonstances dans ces affaires, il y a lieu de fixer l'amende de Melchers à 400 000 UCE, soit 992 184 DM, et celle de Pioneer GB à 200 000 UCE, soit 129 950 UKL.
135. Compte tenu de la réduction des amendes décidée ci-dessus et du fait que depuis la date de la décision litigieuse, les entreprises ont pu disposer des sommes en cause sans devoir déposer de garantie ni payer d'intérêts, les moyens tirés par MDF et Melchers des difficultés que le paiement des amendes entraînerait pour elles doivent être écartés. Cela vaut également pour la demande de MDF d'être admise à s'acquitter de l'amende en plusieurs échéances. Il appartient à la Commission de statuer, le cas échéant et compte tenu de la situation économique actuelle des entreprises, sur l'opportunité de délais de paiement ou de paiements échelonnés.
Sur les dépens
136. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu du paragraphe 3 du même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.
137. Étant donné que chaque partie a succombe sur certains chefs, il y a lieu de compenser les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
Declare et arrête :
1) La décision 80-256 de la Commission, du 14 décembre 1979, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV/29.595 - Matériel hifi Pioneer), est annulée pour autant qu'elle constate que les pratiques concertées ont dépassé la période fin janvier/début février 1976.
2) Les amendes infligées aux requérantes sont fixées :
- pour MDF (100-80) à 600 000 UCE, soit 3 488 892 FF,
- pour Melchers (101-80) à 400 000 UCE, soit 992 184 DM,
- pour Pioneer (102/80) à 2 000 000 d'UCE, soit 80 679 000 BFR,
- pour Pioneer GB (103/80) à 200 000 UCE, soit 129 950 UKL.
3) Les recours sont rejetés pour le surplus.
4) Chacune des parties supportera ses propres dépens.