CA Pau, ch. soc., 24 janvier 2002, n° 01-00869
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gaston
Défendeur :
Société de Prévoyance et de Capitalisation ESCA (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zanghellini
Avocats :
SCP Montamat Chevallier Fillastre Larroze Gachassin, SCP Simonnet-Metzger.
Monsieur Gaston a été engagé en janvier 1996 par la SA ESCA en qualité de conseiller de clientèle.
Le 16 mars 1997 Monsieur Gaston conclut avec la SA ESCA un contrat de travail de délégué d'inspection.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 décembre 1999 Monsieur Gaston est convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute ;
La lettre précise qu'il fait l'objet d'une mise à pied conservatoire jusqu'à la décision définitive le concernant, au maximum le 17 janvier 2000.
Le 10 janvier 2000 Monsieur Gaston est licencié pour les motifs suivants : " insuffisance professionnelle persistante, rappelée par les courriers du 3 juin 1998, 28 septembre 1998, 27 novembre 1998, 27 juillet 1999 et 1er décembre 1999 ; acte d'indiscipline caractérisé en refusant d'obéir à des consignes écrites des supérieurs. "
Monsieur Gaston saisit le conseil de prud'hommes de Tarbes.
Celui-ci, par jugement en date du 16 février 2001, déboute Monsieur Gaston de toutes ses demandes ; le condamne à verser à la SA ESCA la somme de 2 000 F (soit 304,90 euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Gaston a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Il soutient devant la cour qu'une même faute ne peut faire l'objet de deux sanctions successives et qu'un licenciement motivé par les seuls griefs déjà sanctionnés sur le plan disciplinaire, est illégitime ;
Que sans laisser à Monsieur Gaston le temps de réagir au sujet des fautes qui étaient reprochées et alors qu'il n'avait pas été mis en demeure jusque là, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement.
Monsieur Gaston soutient avoir le statut de voyageur représentant placier.
Il estime pouvoir réclamer une indemnité de clientèle ainsi qu'une contrepartie financière à la clause de non concurrence.
Monsieur Gaston demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris ;
- de dire et juger que son licenciement n'est fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
- de condamner la société ESCA à lui payer :
- 108 000 F (soit 16 464,49 euro) à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié ;
- 27 000 F (soit 4 116,12 euro) à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 9 000 F (soit 1 372,04 euro) au titre du salaire dû pour la période de mise à pied ;
- 7 200 F (soit 1 097,63 euro) à titre d'indemnité de licenciement ;
Subsidiairement,
- dire et juger que la faute grave ne peut être retenue et condamner la société ESCA à payer à Monsieur Gaston une indemnité de préavis, celle de licenciement et le salaire de la période de mise à pied ;
En tout état de cause requalifier le contrat de travail et dire que Monsieur Gaston est fondé à bénéficier du statut de voyageur représentant placier ;
Condamner en conséquence la société ESCA à lui payer :
- 54 000 F (soit 8 232,25 euro) à titre d'indemnité de clientèle ;
- 48 000 F (soit 7 317,55 euro) correspondant à la contrepartie à la clause de non concurrence pour la période de janvier à août 2000 ;
- 6 000 F (soit 914,69 euro) par mois pour la période d'août 2000 à la fin d'interdiction ;
- 10 000 F (soit 1 524,49 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA ESCA réplique qu'il résulte de l'ensemble des documents versés aux débats que l'insuffisance professionnelle est tout à fait flagrante ;
Que l'existence de nouveaux griefs autorise l'employeur à tenir compte des griefs antérieurs, même déjà sanctionnés par un avertissement ;
Que depuis le 27 juillet 1999 Monsieur Gaston n'avait transmis aucun rapport d'activité ce qui constituait une obligation contractuelle ;
Que Monsieur Gaston a refusé de se conformer aux instructions de sa direction ;
Qu'enfin Monsieur Gaston ne peut se prévaloir du statut de voyageur représentant placier.
La SA ESCA demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris ;
- de débouter Monsieur Gaston de l'intégralité de ses demandes ;
- de le condamner au paiement d'une somme de 15 000 F (soit 2 286,74 euro) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- de le condamner aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
La lettre de licenciement est particulièrement explicite quant aux motifs justifiant le licenciement qui se trouvent être, d'une part, l'insuffisance professionnelle et d'autre part, une insubordination caractérisée.
II est à noter que Monsieur Gaston ne conteste en aucune façon son insuffisance professionnelle.
Dans un courrier en date du 13 décembre 1999 adressé à la société ESCA Monsieur Gaston admet " d'autre part que vous envisagiez mon licenciement pour insuffisance professionnelle, je vous le concède ".
Dans un courrier du chef du service de la gestion administrative des inspections, Monsieur René Schoenbnberg, en date du 4 janvier 2000 et adressé à Monsieur Gaston, il est expressément indiqué : " par ailleurs, j'ai fait part de vos observations à la direction générale, à savoir que vous reconnaissiez une insuffisance professionnelle. "
L'insuffisance professionnelle de Monsieur Gaston s'est poursuivie jusqu'à son départ de l'entreprise ; pour le seul mois de décembre 1999 Monsieur Gaston n'a effectué aucune commission d'acquisition.
Il est incontestable que la persistance des faits ayant donné lieu à des avertissements antérieurs autorise l'employeur à licencier le salarié ;
Sur l'indiscipline :
Dans son contrat de travail de délégué à l'inspection, en date du 16 mars 1999, il est clairement précisé que Monsieur Gaston devait remettre à son supérieur l'ensemble des rapports d'activité des conseillers de clientèle dont il devait organiser et surveiller l'activité, ainsi que le sien.
Par courrier en date du 27 juillet 1999, il était rappelé à Monsieur Gaston son obligation d'effectuer des rapports d'activité journaliers par minitel, ainsi que des plans de journée à adresser hebdomadairement au siège de la société.
Par courrier en date du 28 septembre 1999, le directeur des ventes France de la société ESCA observait que depuis plusieurs jours Monsieur Gaston envoyait ses rapports d'activité journaliers par minitel, ce qui laisse supposer qu'auparavant ce n'était pas le cas.
La société ESCA devait également relever qu'aucun document relatif aux plans de journée qui devaient être renvoyés hebdomadairement au siège ne lui était parvenu.
La société ESCA demandait donc à Monsieur Gaston de bien vouloir se conformer aux instructions de sa direction.
Par courrier en date du 20 octobre 1999 la société déplorait le fait que ses précédents courriers étaient restés sans réponse et qu'aucun rapport d'activité hebdomadaire ne lui était parvenu.
La société ESCA demandait instamment à Monsieur Gaston de lui faire parvenir l'ensemble de ces documents.
Par courrier du 1er décembre 1999, la société ESCA devait à nouveau se plaindre de l'absence de transmission des documents demandés et mettait en demeure Monsieur Gaston d'obtempérer et de lui envoyer l'ensemble des plans de journée à compter de la semaine 39 et ce par retour de courrier.
II convient donc de constater que Monsieur Gaston s'est refusé obstinément à fournir des plans de journées et des rapports d'activité alors que son contrat lui en faisait l'obligation et que son employeur lui avait rappelé cette obligation à maintes reprises.
Le comportement de Monsieur Gaston constitue un acte d'indiscipline caractérisé pouvant constituer une faute grave.
Sur la qualification du contrat de travail :
La définition des fonctions de Monsieur Gaston correspond en tous points à l'annexe 3 de la Convention Collective relative aux échelons intermédiaires des sociétés de capitalisation, à savoir :
" À la qualité de E (Echelon Intermédiaire) la personne de l'un ou l'autre sexe qui, liée par un contrat de louage de services à l'employeur à qui elle est tenue de consacrer l'exclusivité de son temps, est essentiellement chargée dans le cadre de la mission à elle confiée normalement sous l'autorité d'un inspecteur du cadre, d'assister de façon permanente les travailleurs salariés de la base, ainsi que les producteurs non salariés en vue de la souscription du contrat de capitalisation.
Cette personne peut être chargée accessoirement d'autres fonctions permanentes ou temporaires telles que présentations ou formations de travailleurs salariés de la base ou producteurs non salariés, productions directes, encaissements. "
Ceci correspond aux fonctions effectivement réalisées par Monsieur Gaston qui avait non seulement un rôle de prospection, de production mais encore, exécutait des missions de recrutement, d'animation et de contrôle d'un réseau de conseillers clientèle et de mandataires ainsi que des missions de gestion.
Par ailleurs, Monsieur Gaston qui a eu sous ses ordres deux conseillers clientèle, n'exerçait pas d'une façon exclusive et constante une profession de représentant, de même qu'il n'a jamais eu de carte de voyageur représentant placier, ni n'a été affilié aux organismes des Voyageurs Représentants Placiers.
Monsieur Gaston ne satisfait donc pas aux conditions énoncées par l'article L. 751-1 du Code du travail et ne peut se prévaloir du statut de voyageur représentant placier.
De surcroît Monsieur Gaston ne justifie nullement avoir apporté, créé ou développé une clientèle dont il serait privé pour l'avenir.
Au vu de ces éléments il convient de confirmer purement et simplement la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur Gaston de ses demandes.
Pour des raisons tirées de l'équité il n'y a pas lieu de condamner Monsieur Gaston au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : Et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort ; En la forme, Reçoit l'appel de Monsieur Gaston ; Au fond, Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 16 février 2001 en ce qu'il a débouté Monsieur Gaston de toutes ses demandes ; Déboute la SA de Prévoyance et de Capitalisation ESCA de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Gaston aux dépens.