CCE, 13 décembre 2000, n° 2003-5
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Carbonate de soude/Solvay, CFK
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216-1999 (2), et notamment ses articles 3 et 15, vu la décision prise par la Commission, le 19 février 1990, d'engager dans cette affaire la procédure d'office en vertu de l'article 3 du règlement n° 17, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963 relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:
PARTIE I
FAITS
A. Résumé de l'infraction
1. Vérifications
(1) La présente décision fait suite aux vérifications effectuées par la Commission en mars 1989 en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 auprès des producteurs de carbonate de soude de la Communauté. Lors desdites vérifications et des demandes subséquentes au sens de l'article 11 du règlement n° 17, la Commission a découvert des documents établissant, notamment, qu'une infraction à l'article 85 du traité CEE (à présent l'article 81 du traité CE) avait été commise par les entreprises suivantes:
- Solvay et Cie SA, devenue Solvay SA, Bruxelles (Solvay),
- Chemische Fabrik Kalk, Cologne (CFK).
2. Infraction à l'article 81 commise par Solvay et CFK
(2) Depuis une date inconnue vers 1987 jusqu'à 1989 au moins, Solvay et CFK ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraires à l'article 81 du traité en vertu desquels, pour chacune des années 1987, 1988 et 1989, Solvay a garanti à CFK un volume minimal de ventes, calculé par référence à une formule fondée sur les ventes réalisées par CFK en Allemagne en 1986, soit 179 kilotonnes, et dédommagé CFK de tout déficit en lui rachetant les quantités nécessaires pour porter ses ventes au minimum garanti.
B. Marché de la soude
1. Produit
(3) Le produit faisant l'objet de la présente procédure est la soude (carbonate de sodium), un produit chimique alcalin principalement utilisé comme matière première dans la production du verre. Le carbonate de soude est la matière de base d'où est tiré l'oxyde de sodium qui agit en tant que fluide dans le procédé de fusion du verre. La soude est également utilisée dans l'industrie chimique, pour la fabrication de détergents, et en métallurgie.
(4) En Europe, la soude est produite à partir de sel ordinaire et de calcaire par le procédé " ammoniaque-soude " inventé par Solvay en 1865. Le procédé Solvay produit d'abord de la soude légère qui exige une nouvelle étape de densification pour produire la forme dense. Les deux formes sont chimiquement identiques, mais la soude dense est la forme préférée pour la production du verre.
(5) Aux Etats-Unis d'Amérique, la soude "naturelle" est extraite de gisements de minerai de trona qui se trouvent essentiellement dans le Wyoming. Après son extraction, ce minerai de trona est purifié et calciné dans des raffineries. La soude naturelle n'est produite que sous forme dense. La soude naturelle se trouve également en Afrique et en Australie.
(6) La totalité de la soude produite aux Etats-Unis d'Amérique est à présent obtenue naturellement (la dernière usine de production synthétique a été fermée en 1986), alors qu'en Europe la production totale consiste en matériau synthétique. En raison de sa faible teneur en sel, la soude naturelle des Etats-Unis d'Amérique se prête particulièrement à la production de verre et certains producteurs de verre qui achètent principalement de la soude synthétique peuvent tenter de la mélanger à la soude naturelle américaine pour obtenir la concentration voulue.
2. Producteurs
(7) Les six producteurs communautaires de soude synthétique étaient les suivants pendant la période considérée:
- Solvay,
- Imperial Chemical Industries (ICI),
- Rhône-Poulenc,
- Akzo,
- Matthes & Weber (M & W),
- Chemische Fabrik Kalk, Cologne (CFK).
(8) Solvay était le premier producteur de soude synthétique, dans le monde et dans la Communauté. Cette société exploitait des usines en Autriche, en Belgique, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne et au Portugal et, avec 60 % environ du marché, elle était sans conteste l'entreprise dominante de l'Europe occidentale.
(9) Solvay avait une direction nationale (DN) établie, pour l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg, la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et la Suisse, qui devait gérer ses activités commerciales, le siège principal de Bruxelles exerçant un rôle de surveillance et de coordination.
(10) ICI Soda Ash Products était gérée depuis 1987 comme une activité distincte à l'intérieur de la division des produits chimiques et des polymères de ICI. Elle faisait précédemment partie de la Mond Division de ICI.
(11) ICI était le deuxième producteur de soude de la Communauté. Cette société possédait deux usines de production à Northwich (Cheshire), mais limitait ses ventes dans la Communauté presque exclusivement au Royaume-Uni et à l'Irlande et détenait plus de 90 % du marché britannique.
3. Marché mondial
(12) La demande mondiale de soude a augmenté d'environ 1 % par an au cours des années quatre-vingt, encore que l'on ait pu distinguer des divergences régionales substantielles. Dans les pays développés, la demande a été généralement statique de 1980 à 1987, année à partir de laquelle le marché a connu un redressement considérable. Plus de la moitié de la soude produite dans le monde était consommée par l'industrie verrière.
(13) La capacité mondiale de production de soude (naturelle et synthétique) en 1989 était d'environ 36 millions de tonnes par an, la part de la Communauté représentant environ 7,2 millions de tonnes. La capacité de Solvay et de ICI dans la Communauté était respectivement d'environ 4,3 millions et 1 million de tonnes. (La capacité pratique ou effective était d'environ 85 à 90 % de la capacité nominale.) La consommation de soude dans la Communauté en 1989 était d'environ 5,5 millions de tonnes par an, pour une valeur d'environ 900 millions d'écus.
(14) Les six producteurs américains de soude naturelle avaient une capacité nominale totale de 9,5 millions de tonnes par an, pour une demande intérieure en 1989 d'environ 6,5 millions de tonnes. La production de soude aux Etats-Unis d'Amérique s'est élevée, en 1989, à environ de 9 millions de tonnes. Les producteurs américains approvisionnaient l'ensemble de leur marché intérieur et exportaient le solde de leur production. Les coûts de production de la soude naturelle sont beaucoup plus bas que ceux du produit synthétique, mais les mines sont très éloignées de leurs principaux marchés, ce qui ne manque pas d'avoir une incidence sur les coûts de distribution.
(15) La concurrence des producteurs américains de soude dense était considérée par les producteurs européens comme la principale menace sur leur marché intérieur. Aux taux de change en vigueur à la fin des années quatre-vingt, ces producteurs pouvaient vendre en Europe à des prix nettement inférieurs à ceux du marché local, sans dumping.
(16) Les producteurs de l'Europe de l'Est, avec une production d'environ 9 millions de tonnes par an, représentaient quelque 30 % de la capacité mondiale de production de soude. L'Union soviétique consommait plus de la moitié de la production et était importateur net. La quasi-totalité de la production excédentaire exportée par les pays de l'Europe de l'Est était de la soude légère. En dépit des droits antidumping, les importations dans la Communauté de soude légère en provenance des pays du CAEM restaient substantielles.
(17) Pendant les années quatre-vingt, on a observé une augmentation sensible de la demande et la totalité de la production de soude a pu être écoulée à l'échelle mondiale. Les unités de production travaillaient à pleine capacité en 1990. La capacité de production de la Chine devait s'accroître d'environ 500 kilotonnes par an et la production au Botswana (pour l'Afrique du Sud) devait augmenter de 300 kilotonnes, ce qui a du entraîner un déplacement des importations au détriment des autres régions de production.
4. Communauté
(18) Solvay était le principal producteur, avec presque de 60 % du marché total de la Communauté et des ventes dans tous les Etats membres, à l'exception du Royaume-Uni et de l'Irlande. Après trois années de stagnation de la demande au milieu des années quatre-vingt, les ventes de soude en Europe de l'Ouest ont commencé à se redresser substantiellement en 1987. En 1988 et 1989, les producteurs ont travaillé à pleine capacité.
(19) Le marché de la soude de l'Europe de l'Ouest à la fin des années quatre-vingt restait caractérisé par une division selon les frontières nationales. Les producteurs avaient tendance à concentrer leurs ventes sur les Etats membres où ils possédaient des capacités de production, encore qu'à partir de 1981 ou 1982 les petits producteurs - CFK, M & W et Akzo - aient accru leurs ventes hors de leur marché "intérieur".
(20) Il n'y avait pas de concurrence entre Solvay et ICI, chacune de ces entreprises limitant ses ventes dans la Communauté à sa "sphère d'influence" traditionnelle, respectivement l'Europe de l'Ouest continentale et le Royaume-Uni. Tant ICI que Solvay avaient des exportations substantielles vers les marchés étrangers non européens qui étaient approvisionnés à partir de la Communauté. Une part importante des exportations de ICI consistait en fait en fournitures livrées par Solvay au nom de ICI.
(21) Dans les Etats membres où Solvay était le seul producteur établi localement (Italie, Portugal et Espagne), cette société avait un monopole quasi-total.
(22) La part de marché de Solvay était de plus de 80 % en Belgique, de 55 % en France, et de 52 % en Allemagne. ICI détenait plus de 90 % du marché britannique, les seules autres sources d'approvisionnement étant les Etats-Unis et la Pologne.
(23) En ce qui concerne la demande, les principaux clients dans la Communauté étaient les fabricants de verre. Quelque 65 à 70 % de la production des entreprises de l'Europe de l'Ouest étaient utilisés dans la fabrication de verre plat et de verre creux (verre d'emballage). La soude était l'un des principaux éléments de coût de la production verrière puisqu'il représentait environ 60 % de la valeur des matières premières nécessaires. La plupart des producteurs de verre exploitent des usines en continu et avaient besoin d'un approvisionnement sûr en soude. Dans la plupart des cas, ils avaient un contrat à assez long terme avec un fournisseur important pour l'essentiel de leurs besoins et avaient un autre fournisseur comme source secondaire. Au cours des années quatre-vingt, l'industrie du verre a fait l'objet, en Europe, d'un important mouvement de concentration, les grands groupes opérant sur une base paneuropéenne et disposant d'unités de production dans plusieurs Etats membres. La part de l'industrie chimique dans la consommation de soude était de 20 % et celle des applications métallurgiques, d'environ 5 %.
5. Soude naturelle américaine
(24) Depuis le développement de l'exploitation de la soude naturelle dans les années soixante, le marché des Etats-Unis d'Amérique accusait des surcapacités importantes par rapport à la demande intérieure. L'excédent disponible pour l'exportation à la fin des années quatre-vingt était d'environ 2,5 millions de tonnes par an.
(25) Etant donné la surproduction et la présence d'un certain nombre de producteurs ayant des coûts similaires, le marché intérieur américain était caractérisé par une forte concurrence des prix. Le produit se vendait aux Etats-Unis d'Amérique avec une ristourne importante sur le "prix de liste" [93 dollars des Etats-Unis (USD) par short ton fob Wyoming], le prix net départ usine étant, fin 1989, d'environ 73 USD par short ton, prix auquel il fallait ajouter les coûts du transport jusqu'aux centres industriels de la côte est. La plupart des producteurs ont porté les prix de liste à 98 USD par short ton avec effet au 1er juillet 1990 et le prix effectif est passé à environ 85 USD.
(26) Confrontés à la nécessité d'exporter, les producteurs américains se sont efforcés de pénétrer le marché européen et d'autres marchés. La soude naturelle a fait son apparition dans la Communauté à la fin des années soixante-dix, principalement au Royaume-Uni. En 1982, les importations américaines dans la Communauté se sont élevées à quelque 100 000 tonnes, dont un peu moins de 80 000 tonnes au Royaume-Uni. L'industrie européenne a demandé et obtenu la mise en place d'une protection antidumping contre les importations de soude dense américaine en 1982. (Des mesures antidumping étaient également appliquées à l'encontre des importations de soude légère, mais non de soude dense, en provenance d'Europe de l'Est, depuis octobre 1982).
(27) Les mesures en vigueur à la fin des années quatre-vingt pour établir une protection antidumping contre la soude dense en provenance des Etats-Unis d'Amérique prévoyaient ce qui suit:
a) pour les deux producteurs alors sur le marché, Allied (à présent General Chemical) et Texas Gulf, un engagement de prix minimal de 112,26 livres sterling (GBP) par tonne départ entrepôt [règlement (CEE) n° 2253-84 de la Commission (4)];
b) pour les producteurs non présents sur le marché, Tenneco, KMG, FMC et Stauffer, un droit antidumping définitif de 67,49 écus par tonne [règlement (CEE) n° 3337-84 du Conseil (5)].
(28) Les engagements de prix négociés prévoyaient la conversion en d'autres devises au taux de change alors en vigueur. Avec la modification des parités à partir de 1984, le prix d'engagement pour l'Allemagne, la France et d'autres marchés se situait nettement au-dessus du prix du marché, si bien que les ventes correspondant à l'engagement étaient commercialement impossibles en dehors du Royaume-Uni.
(29) Texas Gulf a subi une perte en volume à la suite de l'adoption des mesures antidumping et s'est retirée du marché britannique en 1985, de sorte qu'en 1990 General Chemical était le seul producteur américain qui continuait à livrer au Royaume-Uni, encore qu'à raison d'environ 30 000 tonnes seulement par an.
(30) A partir de 1987, General Chemical avait également "ciblé " la France, ce qui avait affecté en particulier Solvay et Rhône-Poulenc qui se partageaient ce marché. Texas Gulf vendait également un certain tonnage en Belgique. Dans les deux cas, les importations ont été exonérées des droits antidumping dans le cadre du régime du trafic de "perfectionnement actif".
(31) Un certain nombre de grands consommateurs communautaires du secteur du verre avaient indiqué leur intention de réduire de façon substantielle leurs achats auprès des producteurs de la Communauté et de s'approvisionner aux Etats-Unis d'Amérique. Toutefois, jusqu'en 1990, les livraisons des producteurs américains en Europe de l'Ouest continentale (hors Royaume-Uni et Irlande) n'ont été que de 40 000 tonnes au total, pour la quasi-totalité sous le régime du "perfectionnement actif".
(32) Les mesures antidumping arrêtées par le règlement (CEE) n° 3337-84 ont expiré en novembre 1989. Un certain nombre de producteurs américains et des représentants de l'industrie verrière communautaire ont demandé en 1988 un réexamen de ces mesures. Le 7 septembre 1990, la procédure de réexamen s'est terminée sans que soient imposées des mesures de protection [décision 90-507-CEE de la Commission (6)].
(33) En 1982, un certain nombre de producteurs américains ont formé une association d'exportation (Export Association) en se prévalant du "Webb-Pommerene Act" de 1918, avec l'approbation du Ministère du Commerce des Etats-Unis d'Amérique. Initialement, les activités de cette association étaient limitées au Japon et trois producteurs seulement y prenaient part. En décembre 1983, les six producteurs de soude naturelle se sont regroupés pour former l'American Natural Soda Ash Corporation (ANSAC).
(34) La fonction de l'ANSAC était d'agir en tant que comptoir de vente pour assurer la commercialisation et la distribution des exportations de soude des producteurs américains hors des Etats-Unis d'Amérique. Ces ventes représentaient environ 250 millions d'USD par an. En prévision de l'extension de ses activités au marché de l'Europe de l'Ouest (en remplacement des ventes par les différents producteurs), l'ANSAC a notifié ses accords à la Commission en sollicitant une attestation négative ou une exemption au titre de l'article 81, paragraphe 3.
(35) La demande de l'ANSAC a fait l'objet de la décision 91-301-CEE de la Commission (7), par laquelle l'exemption a été refusée.
C. Infraction à l'article 81 commise par Solvay et CFK
1. Introduction
(36) CFK était une filiale de Kali et Salz AG (groupe BASF) et l'un des trois producteurs de soude synthétique en Allemagne. Sa capacité de production était d'environ 260 kilotonnes et sa part de marché en Allemagne d'environ 15 %.
(37) Solvay était de loin le premier producteur desservant le marché allemand et sa part de marché était de plus de 50 %. Pendant toute cette période pertinente, cette société réalisait ses activités dans le secteur de la soude en Allemagne par l'intermédiaire de sa filiale Deutsche Solvay Werke (DSW). Jusqu'à 1985, une autre filiale de Solvay, Kali Chemie (KC), opérait également dans le secteur de la soude, mais ses activités étaient alors totalement intégrées à celles de DSW.
(38) En novembre 1989, Solvay a annoncé des projets de réorganisation de ses activités en Allemagne par la création d'une nouvelle société holding à 100 %, Solvay Deutschland GmbH, qui devait contrôler Kali Chemie et détenir 59,7 % des actions de Deutsche Solvay Werke. Ces accords n'affectent pas la responsabilité de Solvay dans l'infraction.
(39) En 1985, DSW semble avoir tenté d'affaiblir la position de CFK sur le marché allemand en prenant certains de ses gros clients, mais ce petit producteur a compensé sa perte d'affaires en prenant lui-même des clients de Matthes & Weber, l'autre producteur allemand.
(40) En 1986, Solvay s'est rendu compte que CFK pratiquait une politique de baisse de prix pour garder ou reprendre des parts de marché. Lors d'un entretien téléphonique entre DSW et le siège de Solvay à Bruxelles en date du 24 octobre 1986, la possibilité d'un "armistice" entre Solvay et CFK a été examinée. Selon DSW, un "armistice " avec CFK était impossible, à moins que l'on envisage une hausse des prix en 1987. La position de Solvay Bruxelles était que CFK devait être informée qu'après une période d'essai de "l'armistice", peut-être au deuxième trimestre de 1987, il pourrait y avoir des discussions au sujet d'une hausse des prix.
(41) Aussi bien Solvay que CFK ont insisté sur le fait qu'aucun "armistice" n'avait été conclu (réponses au titre de l'article 11). Cette dénégation doit toutefois être appréciée à la lumière des preuves documentaires visées aux considérants suivants.
2. Accord de "garantie"
(42) Selon une analyse du marché de la soude effectuée par DSW en mars 1988, les problèmes avec CFK s'étaient "calmés" à ce moment-là. Les documents saisis par la Commission montrent qu'un arrangement ou un accord avait été conclu entre Solvay et CFK, aux termes duquel Solvay "garantissait" à CFK un minimum annuel de ventes sur le marché allemand. Si les ventes de CFK en Allemagne tombaient sous le minimum garanti, Solvay devait racheter le déficit de CFK.
(43) Initialement, la garantie de CFK avait été fixée à 179 kilotonnes, chiffre apparemment fondé sur les ventes réalisées par CFK en Allemagne en 1986. A ce moment, les parties ne prévoyaient pas qu'il y aurait une croissance réelle sur le marché allemand de la soude qui, en 1986 et 1987, représentait environ 1 080 kilotonnes au total.
(44) Pour 1987 et 1988, CFK a réalisé des ventes légèrement supérieures à son minimum garanti de 179 kilotonnes (183 et 180 kilotonnes respectivement). En effet, la demande avait commencé à s'accroître en Allemagne audelà des prévisions et fin 1988 il était devenu évident que le total des ventes pour cette année atteindrait 1 170 kilotonnes, soit une augmentation d'environ 8,3 % par rapport à l'année précédente.
(45) Comme résultat de cette croissance de la demande, CFK a alors exigé une garantie minimale de 194 kilotonnes pour 1988 et 1989. CFK réclamait donc une "compensation " rétroactive pour 1988 de 14 kilotonnes (194 - 180) qui, compte tenu du crédit pour 1987, représentait 11 kilotonnes. Les prévisions internes de CFK pour 1989, révisées en janvier 1990, confirment que cette société avait modifié sa planification initiale afin de tenir compte de ventes de coproducteur de 11 kilotonnes en 1989. Solvay avait en fait acheté 2,5 kilotonnes fin décembre 1988, ce qui laissait un solde de 8,5 kilotonnes que CFK voulait lui faire acheter en 1989.
(46) En réponse à l'exigence de CFK, Solvay a offert une compensation maximale de 4 kilotonnes au lieu de 8,5 kilotonnes pour 1988. Pour 1989, elle a proposé que la garantie ne soit augmentée que de 5,3 % au lieu de 8,3 % en tenant compte d'une "zone neutre" de 3 %. La garantie pour 1989 serait donc de 190 kilotonnes au lieu des 194 kilotonnes que CFK avait initialement exigées.
(47) Une réunion s'est tenue le 14 mars 1989, à laquelle ont assisté des représentants de haut niveau de CFK et de sa société-mère Kali & Salz, d'une part, et DSW, de l'autre. Il est hautement significatif qu'aucun compte rendu ou procès-verbal officiel n'ait été établi de cette réunion. On n'en trouve effectivement aucune trace ni chez CFK, ni chez Kali & Salz. Cependant, une brève note manuscrite relative à cette réunion a été saisie chez DSW. Il est évident que son objet était de résoudre le problème encore en suspens, c'est-à-dire la question de savoir si la compensation devait s'appliquer rétroactivement. Il n'y avait pas de contestation quant au mécanisme de base: on peut lire dans la note de Solvay l'expression de "Verständnis System: I.O." (système de compromis: en ordre). Tout en proposant certaines modifications, Solvay pourrait avoir été satisfaite du fonctionnement du système ("laissons courir et allons de l'avant"). Il ressort de la note que les deux parties avaient convenu que pour les huit prochains mois Solvay achèterait à CFK 1 000 tonnes par mois.
(48) Le mécanisme de compensation a été mis en œuvre: Solvay a racheté à CFK, au cours du premier semestre de 1989, le supplément de 8,5 kilotonnes qui avait été réclamé par CFK.
3. Arguments de la défense
(49) Tant Solvay que CFK ont nié avoir passé un accord ou tout autre arrangement collusoire. Solvay explique que les documents à charge saisis chez DSW se réfèrent à un système conçu sur une base totalement unilatérale, lorsqu'elle envisageait de racheter les activités de CFK vers 1988. Afin de maintenir l'activité de CFK au cours des négociations, (selon Solvay) elle a calculé (là encore sans aucun contact avec CFK) le volume que cette entreprise devrait vendre sur le marché allemand pour atteindre un niveau d'exploitation garantissant sa survie. (Solvay n'explique toutefois pas pourquoi elle devait suivre une politique qui la conduirait à payer plus cher les activités de CFK que s'il en avait été autrement, ni pourquoi, s'il ne s'agissait que d'assurer une utilisation optimale de l'usine, elle avait besoin de se référer spécifiquement à ses ventes sur le marché allemand). Ce "tonnage de survie" a été évalué par Solvay à 179 kilotonnes pour 1986. Les allusions fréquentes à une "demande" ou "exigence" de CFK que l'on trouve dans les documents et les calculs très détaillés sur ce point n'impliquent pas, à ce qu'affirme Solvay, un contact avec cette entreprise, pas plus que ne l'impliquent, par exemple, les allusions à une "offre" de Solvay ou à un "compromis". En ce qui concerne la réunion entre DSW et CFK et Kali & Salz le 14 mars 1989, son objet était simplement de discuter le rachat possible par Solvay d'une participation dans les activités de CFK dans le secteur de la soude: c'est à cette réunion que Solvay a, pour la première fois, donné à CFK une indication de ce qu'elle envisageait d'aider cette société pour qu'elle survive, mais aucun accord concret n'a été pris et la réunion n'a jamais eu de suite.
(50) Solvay n'a pas jugé nécessaire de proposer de trouver les personnes en question pour corroborer ses arguments de fait, ni n'a demandé d'audition.
(51) Pour sa part, CFK a nié toute participation à une collusion: cette société n'a pu donner aucune explication sur les documents saisis chez DSW, faisant valoir qu'il appartient à Solvay, et non à elle, de s'expliquer sur ce point. Elle affirme que rien dans ses propres documents ne peut établir de connexion entre elle et une collusion, quelle qu'elle soit.
(52) La Commission rejette les explications avancées par Solvay, qu'elle juge totalement invraisemblables, et qui sont de toute façon en contradiction totale avec les termes de ses propres documents. Il est également significatif que certains des documents en question aient été transmis par télécopie de DSW au siège de Solvay à Bruxelles, mais qu'il ne se trouve pas de trace de leur réception. En ce qui concerne les arguments de CFK, il est bien établi que les documents saisis dans une entreprise qui en incriminent une autre peuvent constituer des preuves contre cette dernière, de même que contre leur auteur [arrêt de la cour de justice, affaires jointes 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73, Suiker Unie et autres contre Commission (8)]. En tout état de cause, on trouve plusieurs exemples de références détaillées dans les documents de CFK qui font écho aux documents saisis chez Solvay, et ces informations n'auraient pu être connues de Solvay si elles ne lui avaient été communiquées. CFK a été incapable de s'expliquer sur la coïncidence des références figurant dans ses documents avec celles provenant d'un autre producteur.
PARTIE II
APPRECIATION JURIDIQUE
A. Article 81 du traité
1. Article 81, paragraphe 1
(53) L'article 81, paragraphe 1, interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.
(54) L'article 81, paragraphe 1, mentionne expressément comme exemples d'accords interdits ceux qui consistent à fixer, de façon directe ou indirecte, les prix de vente, à limiter ou contrôler les marchés ou à répartir les marchés entre les producteurs.
2. Accords-pratiques concertées
(55) L'article 81, paragraphe 1, interdit tant les accords que les pratiques concertées. En l'espèce, bien que la distinction entre les deux formes de collusion prohibée soit sans objet réel, la Commission estime que l'accord entre Solvay et CFK constitue incontestablement un "accord" au sens de l'article 81, paragraphe 1.
(56) Il y a "accord" lorsque les parties ont abouti à un consensus sur un projet qui limite ou est de nature à limiter leur liberté commerciale en déterminant leur ligne d'action ou d'abstention d'action mutuelle sur le marché. Il n'est pas nécessaire que les parties considèrent l'accord comme juridiquement contraignant; dès qu'elles sont parfaitement conscientes de l'illégalité de leur accord, elles ne peuvent de toute évidence s'attendre à ce qu'il ait force contractuelle. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait des procédures d'exécution, ni qu'un tel accord soit consigné par écrit.
3. Restriction de la concurrence
(57) En l'espèce, il est évident que l'accord a eu pour objet et pour effet de restreindre la concurrence.
(58) Son but était manifestement de réaliser les conditions d'une stabilité artificielle du marché. En contrepartie d'un retour à un comportement en matière de prix qui ne fût pas considéré comme dommageable par Solvay, CFK se voyait garantir une part minimale du marché allemand. En retirant du marché le tonnage que CFK ne pouvait pas vendre, Solvay faisait en sorte que le niveau des prix ne puisse pas être abaissé par le jeu de la concurrence. Il ressort à l'évidence des documents saisis que les accords ont été mis en pratique et ont eu l'effet recherché. De tels accords classiques de type "cartel" restreignent de par leur nature même la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1.
4. Effet sur le commerce entre Etats membres
(59) Le fait que le tonnage minimal garanti concernait uniquement les ventes sur le marché allemand ne fait en aucune façon obstacle à l'application de l'article 81. Il est clair d'après les actions de Solvay à Bruxelles que cet accord faisait partie d'une politique générale pour contrôler le marché de la soude dans la Communauté. L'accord Solvay-CFK avait pour but non seulement de réduire la concurrence de façon substantielle dans la Communauté mais aussi de maintenir la rigidité de la structure de marché et sa séparation suivant des frontières nationales. En outre, en l'absence de cet accord, il est tout à fait probable que le tonnage enlevé par Solvay en application de la garantie aurait été placé par CFK sur d'autres marchés de la Communauté.
5. Conclusion
(60) La Commission estime par conséquent que Solvay et CFK ont enfreint l'article 81 en participant, depuis environ 1986 jusqu'à fin 1990, à un accord aux termes duquel Solvay garantissait à CFK un tonnage minimal annuel en Allemagne et lui achetait les quantités nécessaires pour atteindre ce minimum.
B. Article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
(61) En vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 à 1 million d'euro, pouvant être portées à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, ou de l'article 82. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.
1. Gravité
(62) En l'espèce, la Commission considère que l'infraction est grave. Les accords de partage des marchés constituent par leur nature même des restrictions importantes de la concurrence. En l'espèce, les parties ont restreint la concurrence entre elles par le biais d'un mécanisme destiné à créer des conditions artificielles de stabilité du marché. Les ambitions en matière de volume de CFK ont été satisfaites sans avoir dû mettre le tonnage en question sur le marché des consommateurs à des prix compétitifs. Les accords ont également été mis en ouvre dans des conditions de secret très strictes.
2. Durée
(63) Il n'est pas possible, vu le refus des entreprises de fournir des informations, de déterminer exactement à quelle date l'accord de garantie a été passé. Les accords ont été appliqués pour la première fois aux ventes de CFK pour l'année 1987. Il convient donc de calculer le montant des amendes en considérant que l'accord a été conclu à une date quelconque au cours de cette année.
(64) Pour déterminer le montant de l'amende à infliger à chaque producteur, la Commission a pris en considération la position dominante de Solvay sur le marché en tant que premier producteur en Allemagne et dans la Communauté. Solvay a considéré que, comme telle, elle avait une responsabilité particulière lorsqu'il s'agissait d'assurer la "stabilité" du marché. CFK était un producteur de soude relativement petit, mais a été partie volontaire à la pratique collusoire.
(65) L'infraction a été commise de propos délibéré et les deux parties devaient avoir pleinement conscience de l'incompatibilité évidente de leurs accords avec le droit communautaire.
(66) Solvay s'est déjà vu infliger à plusieurs reprises des amendes substantielles par la Commission pour fait de collusion dans l'industrie chimique [décision 85-74-CEE - peroxydes (9), décision 86-398-CEE - polypropylène (10), décision 89-190-CEE - PVC (11)]. Ses activités dans le secteur de la soude ont fait l'objet d'enquêtes menées par la Commission pendant la période allant de 1980 à 1982. Bien qu'à cette époque la Commission se soit plus particulièrement préoccupée des accords de fourniture exclusive passés par Solvay avec les consommateurs, les responsables des activités dans le secteur de la soude ne peuvent avoir ignoré la nécessité de se conformer au droit communautaire.
C. Procédures devant le Tribunal de première instance et la Cour de justice
(67) Le 19 décembre 1990, la Commission a arrêté dans la présente affaire, en application de l'article 85 du traité CEE, la décision 91-298-CEE constatant qu'une infraction avait été commise par Solvay et CFK et infligeant des amendes de respectivement 3 millions d'écus à Solvay et 1 million d'écus à CFK. La décision a été notifiée aux entreprises par lettre recommandée du 1er mars 1991. Solvay a formé un recours en annulation de cette décision devant le Tribunal de première instance le 2 mai 1991. CFK n'a pas formé de recours contre la décision (laquelle reste valide dans la mesure où elle concerne cette entreprise) et a payé l'amende d'un million d'écus. Le 10 avril 1992, Solvay a déposé un "complément à la réplique", dans lequel elle a soulevé un moyen nouveau visant à ce que la décision attaquée soit déclarée inexistante à la suite de l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance le 27 février 1992 dans les affaires jointes T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89 - BASF et autres-Commission (12). La Cour de justice a statué sur le pourvoi formé par la Commission contre cet arrêt le 15 juin 1994 dans l'affaire C-137-92 P - Commission-BASF et autres (13) et a annulé la décision au motif que la Commission ne s'était pas conformée à l'article 12 de son règlement intérieur dans sa version en vigueur à l'époque, qui exigeait que la décision soit authentifiée dans les langues faisant foi par les signatures du président et du secrétaire général. (68) Dans son arrêt du 29 juin 1995 dans l'affaire T-31-91 - Solvay-Commission (14) (Solvay I) concernant la décision 91-298-CEE de la Commission (15) arrêtée dans la présente affaire le 19 décembre 1990, le Tribunal de première instance a considéré que le moyen nouveau soulevé par Solvay était recevable et, ayant constaté que le texte de la décision attaquée n'avait pas été authentifié avant d'être notifié, il a annulé la décision pour violation d'une forme substantielle au sens de l' article 173 du traité CE (devenu, après modification, l'article 230).
(69) La Commission a formé un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice. Celle-ci a rejeté le pourvoi de la Commission par son arrêt du 6 avril 2000 dans les affaires jointes C-287-95 P et C-288-95 P (16).
(70) Le Tribunal de première instance a considéré dans son arrêt du 20 avril 1999 dans les affaires jointes T-305-94, T-306-94, T-307-94, T-313-94, T-314-94, T-315-94, T-316-94, T-318-94, T-325-94, T-328-94, T-329-94, T-329-94 et T-335-94 - LVM et autres- Commission (PVC II) (17) que la Commission a le droit d'arrêter de nouveau une décision qui a été annulée pour vices de pure procédure. Une nouvelle décision peut, en l'occurrence, être arrêtée sans que soit engagée une nouvelle procédure administrative. La Commission n'est pas tenue d'organiser une nouvelle audition si le texte de la nouvelle décision ne contient pas d'autres griefs que ceux formulés dans la première décision. En outre, il n'y a pas violation des droits de la défense des entreprises concernées si la nouvelle décision est arrêtée dans un délai raisonnable.
(71) Le tribunal de première instance a aussi confirmé l'interprétation donnée par la Commission du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil du 26 novembre 1974 relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (18).
(72) Conformément au règlement (CEE) n° 2988-74, le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes pour violation de fond des règles de concurrence est soumis à un délai de prescription de cinq ans. Pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin (que l'on peut situer, en l'espèce, à la fin de 1990).
(73) En vertu de l'article 2 du règlement (CEE) n° 2988-74, tout acte de la Commission visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction interrompt la prescription en matière de poursuites. Lorsque la prescription est ainsi interrompue, le délai court à nouveau à partir de chaque interruption, mais le pouvoir d'infliger une amende est définitivement prescrit le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que la Commission ait infligé d'amende, c'est-à-dire dix ans à compter de la date à laquelle l'infraction a pris fin.
(74) L'article 2, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2988-74 énumère certains actes de la Commission qui interrompent la prescription, dont la communication des griefs retenus. La liste n'est pas exhaustive. Le Tribunal de première instance a laissé ouverte la question de savoir si l'adoption de la décision annulée constituait elle-même un acte interrompant la prescription. Même en supposant que i) l'infraction a pris fin le 19 décembre 1990, et ii) l'adoption (et la notification) de la décision annulée n'ont pas interrompu le délai de prescription, la Commission aurait disposé d'un délai allant au moins jusqu'à fin 1995 pour arrêter sa décision.
(75) Le délai de prescription doit être prorogé de la période pendant laquelle le recours contre la décision était pendant devant le tribunal. En application de l'article 3 du règlement (CEE) n° 2988-74, la prescription en matière de poursuites est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice (qui, dans ce contexte, s'entend comme incluant le Tribunal de première instance).
(76) Comme le Tribunal de première instance l'a indiqué au point 1098 de son arrêt PVC II, l'objet même de l'article 3 est de permettre la suspension lorsque la décision constatant l'infraction et infligeant une amende est annulée. Le délai de prescription était donc suspendu aussi longtemps que la décision 91-298-CEE faisait l'objet d'une procédure pendante devant le Tribunal de première instance et la Cour de justice.
(77) En l'espèce, le recours de Solvay a été formé devant le Tribunal de première instance le 2 mai 1991 et celui-ci a rendu son arrêt le 29 juin 1995. Le pourvoi de la Commission devant la cour de justice a été formé par requête déposée le 30 août 1995 et l'arrêt a été rendu le 6 avril 2000. Même sans tenir compte du temps qui s'est écoulé entre l'arrêt du Tribunal de première instance et le moment où la Cour de justice a été saisie du pourvoi, la prescription a été suspendue pour une période minimale de huit ans, neuf mois et quatre jours.
(78) Si cette période de suspension est ajoutée au délai arrivé à expiration le 19 décembre 1995, la Commission a jusqu'à septembre 2004 pour arrêter à nouveau la décision annulée,
A ARRETE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
Solvay et Cie SA, devenue Solvay SA (Solvay) a enfreint les dispositions de l'article 85 du traité CE (à présent l'article 81 du traité CE) en participant, à partir de 1987 environ et jusqu'à fin 1990 au moins, à un accord de partage des marchés par lequel Solvay garantissait à CFK un tonnage annuel minimal de ventes de soude en Allemagne calculé par référence aux ventes réalisées par CFK en 1986, et compensait à CFK tout déficit en lui rachetant les tonnages nécessaires pour porter ses ventes au minimum garanti.
Article 2
Une amende de 3 millions d'euro est infligée à Solvay pour l'infraction spécifiée à l'article 1er. L'amende est payable dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, au compte bancaire suivant: compte n° 642-0029000-95 Commission européenne Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) code SWIFT: BBVABEBB - code IBAN: BE76 6420 0290 0095 Avenue des Arts 43 B-1040 Bruxelles. A l'expiration de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision est arrêtée, avec une majoration de 3,50 points de pourcentage, soit 8,32 %.
Article 3
L'entreprise suivante est destinataire de la présente décision: Solvay SA, rue du Prince Albert 33, B-1050 Bruxelles. La présente décision forme titre exécutoire au sens de l'article 256 du traité.
Notes
(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO L. 148 du 15.6.1999, p. 5.
(3) JO 127 du 20.8.1963, p. 2268-63
(4) JO L. 206 du 2.8.1984, p. 15.
(5) JO L. 311 du 29.11.1984, p. 26.
(6) JO L. 283 du 16.10.1990, p. 38.
(7) JO L. 152 du 15.6.1991, p. 54.
(8) Recueil 1975, p. 1663, point 164
(9) JO L. 35 du 7.2.1985, p. 1.
(10) JO L. 230 du 18.8.1986, p. 1.
(11) JO L 74 du 17.3.1989, p. 1.
(12) Recueil 1992, p. II-315.
(13) Recueil 1994, p. I-2555.
(14) Recueil 1995, p. II-1821.
(15) JO L. 152 du 15.6.1991, p. 16.
(16) Recueil 2000, p. I-2391.
(17) Recueil 1999, p. II-931.
(18) JO L. 319 du 29.11.1974, p. 1.