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Décisions

CA Aix-en-Provence, 9e ch. A, 24 juin 2002, n° 01-19762

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Guiltat

Défendeur :

Société Commerciale et Meunière Européenne (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lecomte

Conseillers :

MM. Junillon, Bourdy

Avocats :

Mes Maillard, Perie

Cons. prud'h. Marseille, du 19 janv. 199…

19 janvier 1999

M. Bernard Guiltat a été embauché par la SA Commerciale Meuniere Européenne, dite la SA CME dans la suite du présent arrêt, le 18 août 1983, en qualité de VRP exclusif. Il a été déclaré inapte à la suite des deux visites médicales réglementaires, mis en invalidité, 2e catégorie, et licencié le 24 décembre 1996.

Il a régulièrement relevé appel du jugement, en date du 19 janvier 1999, qui l'a débouté de sa demande d'indemnité de clientèle.

Avec la réformation du jugement entrepris, il demande, à titre principal, à la cour de condamner la SA CME à lui payer 68 602,06 euro à titre d'indemnité de clientèle sous déduction de l'indemnité de licenciement perçue, et, à titre subsidiaire, 27 708,13 euro à titre d'indemnité spéciale de rupture, toujours sous déduction de l'indemnité de licenciement perçue.

La SA CME conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement déféré.

Motifs de la décision :

Attendu que M. Bernard Guiltat fait valoir qu'à la suite de la rupture du contrat de travail l'employeur aurait dû lui verser l'indemnité de clientèle et qu'il n'a perçu que l'indemnité de licenciement ;

Attendu que la SA CME réplique, qu'en application de l'article L. 751-9 du Code du travail, l'indemnité de clientèle revient au salarié pour la seule part correspondant à l'importance, en valeur et en nombre, de la clientèle apportée ;

Qu'elle poursuit qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve du développement de clientèle allégué ; que M. Bernard Guiltat se borne à rappeler l'évolution de sa rémunération de 156 564 F à 262 781 F en 9 ans ;

Qu'elle ajoute que M. Bernard Guiltat avait dû interrompre son activité depuis le 14 décembre 1993 et qu'il a vendu sa clientèle à MM. Fatigon et Sciarli ; que, dès lors, il ne pouvait plus prétendre au versement de ladite indemnité de clientèle ;

Attendu que la SA CME verse aux débats les attestations de MM. Fatigon et Sciarli qui déclarent qu'ils ont, dans un premier temps, accepté de suivre la clientèle de M. Bernard Guiltat, pour lui rendre service moyennant le versement de la moitié des commissions qui lui étaient dues, puis que devant la prolongation de son absence, ils se sont mis d'accord à trois, avec M. Bemard Guiltat, pour continuer à visiter la clientèle, les commissions abandonnées correspondant au rachat de la clientèle ;

Attendu que M. Bernard Guiltat demande que ces deux attestations rédigées dans les mêmes termes soient écartées ;

Qu'il ajoute qu'elles sont contredites par la lettre qu'il a adressée, le 1er janvier 1994, à l'employeur pour l'informer qu'il acceptait que pendant son arrêt de travail, la moitié de ses commissions soient versées aux représentants désignés par ce dernier, pour effectuer ses tournées, étant bien entendu qu'il les récupérerait en totalité dès sa reprise normale d'activité ;

Attendu qu'il résulte des bulletins de salaire produits que pendant toute la durée de son arrêt de travail, M. Bernard Guiltat a perçu en sus des indemnités journalières de la Caisse d'assurance maladie, les indemnités complémentaires de l'ISICA, organisme de prévoyance complétant les indemnités de la sécurité sociale etqu'il a perçu les commissions résultant de l'accord passé avec MM. Fatigon et Sciarli dont il conteste aujourd'hui la portée;

Attendu que la SA CME fait valoir que ce versement ne correspond à aucune obligation contractuelle, conventionnelle ou légale et qu'il a eu pour conséquence de faire bénéficier M. Bernard Guiltat d'une somme totale, non critiquée, de 224 844,16 F qui correspond bien au rachat de sa clientèle;

Qu'elle poursuit, qu'en effet, sa rémunération qui traduit exactement l'évolution de son activité, n'a augmenté que de 106 217 F en 9 ans, soit une progression de 67,8 % seulement, incluant l'évolution des prix sur la période et qu'en conséquence la valeur de la clientèle cédée ne peut en aucune façon atteindre les 450 000 F réclamés;

Attendu que c'est à juste titre, que les premiers juges constatant que M. Bernard Guiltat avait bien perçu pendant son absence pour maladie une somme de 224 844,16 F qui ne correspondait à aucune obligation de l'employeur, tandis que MM. Fatigon et Sciarli renonçaient à percevoir la moitié des commissions qui leur étaient dues sans aucune justification particulière, en [ont] justement déduit que ces versements correspondaient à l'accord que ces derniers soutiennent avoir passé avec M. Bernard Guiltat, tendant au rachat de sa clientèle;

Que compte tenu des pièces versées établissant son activité pendant les années antérieures, les sommes perçues correspondent à une équitable évaluation de la clientèle apportée;

Que la cession de clientèle n'étant soumise à aucune forme particulière, l'accord des parties, démontré par son exécution, est établi;

Que c'est en vain que M. Bernard Guiltat fait valoir qu'il a perçu ces commissions sous forme de salaires, assujettis à l'impôt sur le revenu, dès lors qu'aucune disposition ne s'oppose à un tel versement qui s'il entraîne le versement de l'impôt pour le salarié, lui apporte la contrepartie positive de bénéficier des cotisations de retraites supportées principalement par l'employeur ;

Que c'est, en conséquence, à juste titre que les premiers juges ont débouté M. Bernard Guiltat de sa demande principale;

Attendu que M. Bernard Guiltat qui ne justifie pas avoir renoncé au versement de l'indemnité de clientèle pour réclamer le bénéfice de l'indemnité spéciale de rupture, sera nécessairement débouté de cette demande présentée à titre subsidiaire ;

Attendu que l'équité commande de condamner M. Bernard Guiltat à payer à la SA CME, 120 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale, Déclare recevable l'appel interjeté par M. Bernard Guiltat, Confirme le jugement déféré, Déboute M. Bernard Guiltat de ses demandes, Condamne M. Bernard Guiltat à payer à la SA CME 120 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Bernard Guiltat aux dépens.