Cass. com., 28 janvier 2003, n° 00-14.724
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Tanguy
Défendeur :
CEIS TM (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Tric
Avocats :
SCP Boré, Xavier, Boré, Me Balat
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Toulouse, 10 février 2000), que suivant contrat du 31 mai 1995, M. Tanguy est devenu agent commercial exclusif de la société CEIS TM, aujourd'hui Elta, pour la Chine populaire ; qu'un contrat cadre de distributeur exclusif a été conclu le 13 juin 1995 entre la société CEIS TM et la société de droit chinois Nanjing Vital Machinery Co Limited ; que le 27 octobre 1995, M. Tanguy a transmis à son mandant une commande de transpondeurs et de balises pour un montant de 1 620 000 US dollars ; que la vente n'a pas eu lieu ; qu'estimant le refus par son mandant d'accepter l'offre de la société chinoise fautif, M. Tanguy la assigné en paiement de la commission prévue au contrat et de l'indemnité contractuelle compensatrice de la rupture du contrat d'agent commercial ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Tanguy reproche à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que la commission est due à l'agent commercial par le mandant dès lors que ce dernier a exécuté ou devrait avoir exécuté l'opération prévue par l'accord conclu grâce à l'intervention de l'intermédiaire ; que M. Tanguy avait fait valoir que la société CEIS TM devait, en exécution du contrat cadre qu'elle avait conclu, le 13 juin 1995, par son intermédiaire, avec la société Nanjing Vital Machinery Co Ltd, vendre à cette dernière les marchandises commandées en se conformant aux conditions, notamment de paiement, ainsi prévues ; qu'en affirmant que seule l'existence d'un contrat de vente pouvait justifier le paiement de la commission et en refusant ainsi de prendre en compte l'obligation de conclure la vente aux conditions de paiement stipulées, imposée à la société CEIS TM par le contrat cadre, la cour d'appel a violé les articles 9 et 10 de la loi du 25 juin 1991, par fausse interprétation ; 2°) qu'un accord cadre peut contraindre un fournisseur à vendre, suivant les conditions stipulées, les biens commandés par son cocontractant ; qu'en affirmant que la société CEIS TM n'était pas tenue d'exécuter les commandes que lui avait adressées la société Nanjing Vital Machinery Co Ltd, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'accord cadre du 13 juin 1995 qui fixait les conditions de vente à intervenir et notamment les modalités de paiement ne contraignait pas la société CEIS TM à accepter et à exécuter suivant les conditions ainsi fixées les offres d'achat ou commandes adressées par la société Nanjing Vital Machinery Co Ltd, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1582 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les dispositions de l'article 7 du contrat d'agent commercial du 31 mai 1995 prévoient que l'agent doit percevoir une commission sur toute vente de tous les produits développés, distribués et/ou commercialisés par la société CEIS TM ou issus de ses actifs, d'un montant de 7 % sur la facture hors taxe émise par la société CEIS TM remise en double à l'agent qui facture à son tour le mandant ; qu'il retient que la commande passée par la société de droit chinois n'a pas eu de suite, la société CEIS TM ayant exigé une garantie de paiement sous forme d'une lettre de crédit irrévocable, ce que le client n'a pas accepté ; qu'il ajoute que la seule réception d'une commande ne peut engendrer, par elle-même, une obligation de livrer la marchandise commandée; qu'il en déduit que le contrat de vente n'a jamais été conclu et que les conditions du droit à commission ne sont pas réunies ; qu'ainsi, la cour d'appel, devant laquelle aucune clause précise du contrat de distribution contraignant le fournisseur à vendre n'était invoquée, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en deux ses branches : - Attendu que M. Tanguy reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant au paiement d'une indemnité compensatrice de la rupture du contrat d'agent, alors, selon le moyen : 1°) qu'il appartient au mandant de l'agent commercial, légalement tenu, par des dispositions d'ordre public, d'indemniser son mandataire dans le cas de cessation des relations contractuelles, de rapporter la preuve de ce qu'il entre dans les cas, limitativement énumérés par la loi, dans lesquels une telle indemnité n'est pas due ; qu'en rejetant la demande de paiement de l'indemnité de rupture en raison de l'incertitude qui subsisterait relativement à l'imputabilité et aux causes de la rupture, la cour d'appel a méconnu les règles relatives à la charge de la preuve et violé les articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991, ensemble l'article 1315 du Code civil ; 2°) qu'en toute hypothèse, il appartient au mandant qui a formellement pris la décision de mettre fin au contrat d'agent commercial, de justifier des motifs qui justifieraient une telle initiative,' qu'en affirmant que l'incertitude relative aux motifs de la rupture ou à son imputabilité justifiait le rejet de la demande d'indemnisation formée par l'agent commercial, tandis qu'elle avait relevé que le mandant avait informé son cocontractant de ce qu'il constatait que la convention avait pris fin, ce qui démontrait qu'il avait pris l'initiative de la rupture et devait justifier de ses raisons, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que M. Tanguy n'ayant pas demandé l'application des articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991, devenus L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce, qui indemnise l'agent du préjudice réellement subi du fait de la rupture du contrat d'agence, sauf au mandant à prouver la faute grave de l'agent ou le fait que la rupture lui est imputable, mais celle de l'article 10 du contrat d'agent commercial qui lui donnait droit à une indemnité représentant vingt quatre mois de commissions sur la base du prévisionnel joint au contrat en cas de rupture du fait du mandant, le moyen est inopérant ;
Attendu, d'autre part, que, dans l'exercice de son pouvoir souverain et sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel a considéré que la lettre de la société CEIS TM, qui prenait acte de la rupture mais l'imputait à M. Tanguy, n'établissait pas que la rupture soit le fait de cette société, ce que ne démontraient pas davantage les autres éléments produits ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.