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Décisions

CA Paris, 22e ch. C, 17 janvier 2002, n° 01-32537

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Graziani

Défendeur :

Keymax International (Sté), Keymax France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Clavière-Schiele

Conseillers :

Mme Metadieu, M. Roux

Avocats :

Mes Sanviti, Guardelli

Cons. prud'h. Meaux, sect. encadrement, …

25 mars 1999

I. Saisine.

1. Christian Graziani est régulièrement appelant du jugement, prononcé le 25 mars 1999 par le Conseil de prud'hommes de Meaux, qui a :

- condamné la SA Keymax France à payer à Christian Graziani les sommes de :

- 5 254,91 F à titre de solde du préavis et des congés payés afférents,

- 22 887 F à titre de Commissions de retour sur échantillonnages et congés payés y afférents

- 15 879,04 F d'indemnité de clientèle.

- 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- condamné la SA Keymax au paiement des frais d'expertise et au remboursement à Christian Graziani de la provision versée par lui

- débouté Christian Graziani du surplus de ses demandes

- débouté la SA Keymax de sa demande reconventionnelle

Christian Graziani sollicite la réformation du jugement et demande à la Cour de condamner la société Keymax France à lui payer les sommes de :

- 54 786,65 F au titre des Commissions de retour sur échantillonnages

- 5 478,66 F de congés payés afférents

- 26 293,66 F au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents

- 514 426 F au titre de l'indemnité de clientèle

- 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

2. La société Keymax International Ltd. venant aux droits de la SA Keymax France, prie la cour de :

- prendre acte de ce qu'elle accepte de verser pour solde du préavis à Christian Graziani la somme brute de 3 604,91 F et celle de 15 879,04 F comme solde de l'indemnité de clientèle ;

- débouter Christian Graziani de l'ensemble de ses demandes

- condamner Christian Graziani à lui payer la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II. Les faits et la procédure.

Le 1er septembre 1990, Christian Gaziani était recruté par la société Euroyis comme cadre commercial VRP multicartes.

Il était en outre salarié de la société Général Digit selon contrat de travail en date du 26 septembre 1991.

Le 29 mars 1991 la société Euroyis régularisait un contrat de distribution avec les établissements Noblet, accordant à ces derniers la distribution exclusive de filtres en verre pour écrans d'ordinateurs de la marque Eyemaster auprès d'une clientèle de revendeurs papetiers.

En 1992, la société Keymax France rachetait la société Euroyis laquelle faisait apport de son contrat (le distribution et devenait ainsi distributeur exclusif des filtres Eyemaster, dont Christian Graziani était, en qualité de VRP, chargé d'assurer la commercialisation.

C'est dans ce contexte que le contrat de travail de Christian Graziani a été repris en application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail par la société Keymax.

Selon contrat en date du 19 juin 1992 prenant effet au 1er juillet, Christian Graziani a été engagé par la SA Keymax France, en qualité de directeur général adjoint, VRP exclusif, moyennant une rémunération fixe d'un mentant de 10 000 F et d'une rémunération à la Commission sur les ventes, hors remboursement des frais professionnels d'un montant forfaitaire de 5 000 F.

Christian Graziani continuait à percevoir une rémunération spéciale unique sur la vente des produits de marque Général Digit produit faisant partie de son portefeuille d'origine de VRP multicartes.

Enfin au titre de ses fonctions de directeur général adjoint, il était prévu que sa rémunération professionnelle aurait pour assiette la marge brute réalisée par l'ensemble des salariés de la société, étant chargé de l'encadrement et de l'assistance des trois autres commerciaux de la société.

L'entreprise se trouve dans le champ d'application de la convention collective des instruments à écrire et industries connexes.

Christian Graziani était convoqué par lettre remise en mains propres le 3 octobre 1995 pour le lendemain à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Christian Graziani a reçu notification de son licenciement par lettre signifiée par huissier de justice, le 12 octobre 1995, énonçant pour motifs :

" Cette décision est motivée par les difficultés économiques que connaît notre société depuis de nombreux mois.

Les résultats de I'exercice 1994-1995 font apparaître des pertes massives résultant dune réduction extrêmement préoccupante de l'activité.

Nous devons donc procéder à une réorganisation du travail et une redistribution des tâches ;

C'est précisément la raison pour laquelle nous avons pris fa décision de procéder à la suppression du poste de " Directeur général adjoint VRP " qui compte tenu de la baisse d'activité n'apparaît plus justifié ".

Christian Graziani a saisi le Bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes le 6 décembre 1995.

Le Conseil de prud'homme de Meaux, par jugement avant-dire droit du 27 janvier 1997 a ordonné une expertise et désigné à cet effet Monsieur Poyot lequel a déposé son rapport le 17 novembre 1998.

Cela étant exposé

Vu les conclusions contradictoirement échangées, déposées à l'audience par chacune des parties, alors visées par le greffier et développées oralement ;

LA COUR

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés pavés

Considérant que la rémunération de Christian Graziani était composée d'une partie fixe et d'une partie proportionnelle aux résultas obtenus, hors frais professionnels ;

Qu'il convient donc de se référer à la moyenne annuelle de sa rémunération pour calculer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à laquelle il peut prétendre ;

Considérant qu'au vu des conclusions de l'expert, dont il n'est pas établi qu'elles soient entachées d'erreur, le salaire moyen brut de Christian Graziani s'élève, après déduction des frais professionnels, à la somme de 33 552 F se décomposant ainsi :

- salaire fixe : 10 000 F

- avantages en nature voiture : 500 F

- prime ancienneté : 594 F

- indemnités diverses : 5 000 F

- Commissions : 24 940,73 F x 70% = 17 458,50 F ;

Considérant que les premiers juges ont considéré, à juste titre, que restait due à Christian Graziani la somme de 5 254,91 F au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, compte tenu de la somme de 105 468,34 F que lui a versée la Société Keymax International Ltd ;

Sur les Commissions de retour sur échantillonnage

Considérant que selon l'article 751-8 du Code du travail, quelles que soient la cause et la date de cessation des services de l'employé, l'employé a toujours droit, à titre de salaire, aux Commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ de l'établissement, mais qui sont la suite directe des échantillonnages et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat ;

Que sauf clause plus favorable au VRP, ce droit à Commission sera apprécié en fonction de la durée normale consacrée par les usages, Christian Graziani admettant que la durée normale habituellement reconnue est de trois mois ;

Considérant que ce dernier conteste l'évaluation de cette indemnité telle qu'elle a été calculée par l'expert ;

Qu'il reproche notamment à l'expert d'avoir estimé que son droit à Commission de retour sur échantillonnages, devait être limité qu'aux ordres directs, d'avoir procédé à une estimation fondée sur des éléments de calcul incomplet, en raison de la carence de l'employeur qui n'a procédé qu'à une production incomplète de sa comptabilité ;

Considérant qu'aux termes de son contrat de travail, Christian Graziani percevait un salaire fixe d'un montant de 10 000 F et des Commissions calculées sur la marge brute hors taxe réalisée par la société ;

Qu'il résulte du rapport d'expertise que la SA Keymax France a produit des éléments non pas pour la période du 13 octobre 1995 au 12 janvier 1996 mais pour celle du 10 octobre 1995 au 31 janvier 1996, soit un mois de plus que la période de trois mois à prendre en considération ;

Considérant que les remises et Commissions ne portent que sur les commandes émanant de la seule clientèle du représentant, passées après l'expiration du contrat, et qui sont la suite directe de l'activité que ce dernier a déployée antérieurement ;

Que l'indemnité due, est attachée non pas aux produits eux-mêmes mais aux clients du VRP ;

Considérant que Christian Graziani ne peut prétendre au versement de Commissions sur échantillonnages concernant les clients des autres VRP de son réseau, ce nonobstant le fait qu'en sa qualité de directeur général adjoint au sein de la société, il était tenu de consacrer une partie de son temps à cette activité, même au détriment de sa clientèle, dès lors qu'il percevait en contrepartie un salaire mensuel fixe de 10 000 F ;

Qu'il ne résulte pas des éléments versés aux débats que les Commissions dues à Christian Graziani devaient être calculées en tenant compte non seulement de son activité personnelle, mais également de celle des VRP placés sous son autorité et possédant leur clientèle propre;

Considérant que cependant l'expert, après avoir constaté que la société Keymax ne lui avait pas démontré que les facturations opérées du 13 octobre 1995 au 12 janvier 1996, étaient le résultat de l'activité commerciale d'autres VRP a considéré à juste titre qu'elles correspondaient à l'activité exclusive de Christian Graziani, s'agissant de ses clients propres et, pris comme base de calcul la somme de 3 655 845 F dont a justifié la société pour la période de quatre mois susvisée ;

Que sur ces bases d'appréciation, et compte tenu des dispositions du contrat de travail de Christian Graziani, l'expert, après avoir retenu comme chiffre d'affaires hors taxes représentant les trois mois postérieurs à la rupture, la somme de 2 674 384 F, a procédé à une exacte estimation du montant des Commissions auxquelles pouvait prétendre Christian Graziani, soit 22 887 F, congés payés inclus,

Que le jugement doit être confirmé de ce chef ;

Sur l'indemnité de clientèle

Considérant que Christian Graziani sollicite une indemnité de clientèle ;

Que la Société Keymax International Ltd qui ne conteste pas expressément la réalité d'une clientèle propre à Christian Graziani, fait valoir en revanche que ce dernier n'a subi aucun préjudice, du fait de son licenciement, dès lors qu'en l'absence de clause de non-concurrence, il a pu continuer à exploiter ladite clientèle ;

Considérant que selon contrat en date du 21 février 1990, la société Euroyis a engagé Christian Graziani en qualité de cadre commercial VRP Multicarte et que sa rémunération était basée sur un pourcentage du chiffre d'affaires des filtres YIS réalisé auprès de la clientèle française, à l'exception de deux sociétés ;

Qu'il n'est nullement démontré que Christian Graziani, ainsi qu'il le soutient, soit à l'origine de la signature du contrat de distribution exclusive régularisée en 1991 par la société Euroyis en faveur des établissements Noblet ;

Considérant que le 10 juin 1992, la société Keymax France a racheté la société Euroyis, et par suite les marques et noms commerciaux Euroyis et Eyemaster ainsi que la clientèle de cette société ;

Considérant que l'expertise confirme que Christian Graziani, en raison de la spécificité et de l'exclusivité dont bénéficie son ancien employeur a été privé de la possibilité de poursuivre la commercialisation des filtres YIS, alors qu'au sein de la société Euroyis, il était le seul chargé de cette commercialisation;

Considérant qu'il est établi en revanche que Christian Graziani, qui a été engagé après son licenciement par une société Incas vendant des produits semblables aux produits de la Société Keymax International Ltd. a conservé une partie de ses anciens clients, et qu'il a réalisé en 1996. pour le compte de la société Incas un chiffre d'affaires de 19 144 010 en 1996 F auprès de 136 clients, dont les plus importants, au nombre de dix, sont des clients communs aux deux sociétés concurrentes;

Que l'expert relève que Christian Graziani n'a pas contesté avoir réalisé pour Incas 20 % de son chiffre d'affaires avec ces clients communs;

Considérant que seule la perte de la vente des filtres YIS, pour laquelle il avait crée puis développé, entre son entrée au sein de la société Euroyis puis la reprise de son contrat de travail par la société Keymax, une clientèle personnelle, réelle et stable, lui a occasionné un préjudice certain justifiant que lui soit allouée une indemnité de clientèle calculée, au vu des conclusions du rapport d'expertise, sur la base d'une perte de chiffre d'affaires de 5 450 000 F par an, et représentant une somme de 61 024,74 F net, l'assiette de l'indemnité ne pouvant reposer sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise mais uniquement sur le chiffre d'affaire avec la clientèle de l'intéressé;

Considérant que le Conseil des prud'hommes ajustement déduit de cette somme, l'indemnité de 28 557,14 F et celle de 16 588,56 F figurant sur le bulletin de paie d'octobre 1 995, sous la dénomination d'indemnité de clientèle fixe et d'indemnité de clientèle Commissions, après avoir relevé qu'il ne saurait y avoir cumul, en vertu de la convention collective applicable entre l'indemnité de clientèle et les indemnités spéciales de rupture ;

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que ni l'équité ni des raisons économiques ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de chacune des parties.

Par ces motifs : Confirme en toutes ses dispositions le jugement soumis à l'examen ; Déboute Christian Graziani de l'intégralité de ses demandes ; Déboute la Société Keymax International Ltd de sa demande relative à l'application l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Christian Graziani au paiement des dépens.