CA Orléans, ch. soc., 31 octobre 2002, n° 02-00006
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bouges
Défendeur :
Labo France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chollet
Conseillers :
MM. Lebrun, Desous
Avocat :
SCP Lacoste Robiliard Vaillant
Monsieur Bruno Bouges a saisi le Conseil de prud'hommes de Blois à l'effet d'obtenir la condamnation de la société Labo France à lui payer les sommes suivantes :
- 70 000 F (10 671,43 euro) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 44 610,52 F (6 800,75 euro) à titre de rappel de commissions
- 7 058,13 F (1 076 euro) à titre d'indemnité de préavis
- 705,81 F (107,60 euro) à titre de congés payés afférents
- 5 000 F (762,25 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Labo France a demandé reconventionnellement 7 058,13 F (1 076 euro) à titre d'indemnité de préavis et 2 000 F (304,90 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement en date du 28 septembre 2001, le Conseil de prud'hommes de Blois a :
- débouté Monsieur Bouges de toutes ses demandes
- l'a condamné à payer à la société Labo France la somme de 1 F pour non-exécution du préavis
- débouté la société Labo France du surplus de ses demandes
- condamné Monsieur Bouges aux dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 28 décembre 2001, Monsieur Bouges a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 20 décembre précédent. La société Labo France a formé un appel incident.
Sollicitant l'infirmation intégrale du jugement, Monsieur Bouges expose que :
Il a été embauché par la société Labo France en contrat à durée indéterminée en qualité de VRP à compter du 20 mars 2000, son travail consistant à prospecter dans son secteur des entreprises du bâtiment pour la commercialisation des produits chimiques de la société Labo France.
Le montant des avances sur commissions qui lui ont été versées étant largement insuffisant pour faire face aux frais professionnels qu'il avait à débourser et la société Labo France n'ayant pas respecté la rémunération minimale applicable aux VRP exclusifs, il a pris l'initiative de la rupture par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 octobre 2000.
Le 15 novembre 2000, la société Labo France lui a adressé un courrier lui demandant de respecter ses obligations contractuelles et alléguant une insuffisance d'activité.
II a répondu le 16 novembre, qu'il n'entendait pas se soustraire à ses obligations professionnelles, mais que son salaire d'octobre n'ayant pas été versé, il n'avait pas les moyens financiers de régler ses frais de route.
Rappelant que selon l'accord national interprofessionnel, le VRP exclusif doit bénéficier d'une rémunération minimale forfaitaire laquelle ne peut être supérieure à 520 fois le taux horaire du SMIC par trimestre, déduction fait des frais professionnels, Monsieur Bouges, qui indique que ses commissions ne lui permettaient même pas de couvrir ses frais de déplacement, estime que l'employeur a commis une faute permettant de requalifier la rupture, imputable à l'employeur, en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur Bouges sollicite en conséquence, la condamnation de la société Labo France à lui verser :
- 10 671,43 euro à titre de dommages et intérêts
- 1 076 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 107,60 euro à titre de congés payés sur préavis.
Par ailleurs, il sollicite à titre de rappel de commissions, la différence entre le minimum garanti et les commissions effectivement versées, une fois déduits les frais professionnels, soit 6 800,83 euro et les congés payés afférents, ainsi que l'octroi de la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sollicitant le débouté de toutes les demandes et la condamnation de Monsieur Bouges à lui verser 1 076 euro pour inexécution de la période de préavis et 3000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la société Labo France expose que :
Le contrat de travail prévoit un quota mensuel fixé à 60 000 F hors taxe correspondant à une moyenne de dix visites par jour sur le secteur alloué et précise que, pour des résultats inférieurs en nombre de visites ou en chiffre d'affaires, le représentant ne pourra prétendre avoir fourni un travail à temps complet pour le compte de la société et, en conséquence, se prévaloir des dispositions de l'article 5 de la convention collective des VRP.
Le 30 octobre 2000, Monsieur Bouges a présenté sa démission par lettre recommandée avec avis de réception dont la société Labo France a accusé réception en demandant au salarié d'effectuer son préavis d'un mois.
Dès le 22 novembre 2000, Monsieur Bouges a saisi le Conseil de prud'hommes de Blois.
Relevant que la rémunération garantie prévue à l'article 5 de la convention collective des VRP n'est due que pour " chaque trimestre d'emploi à plein temps ", la société Labo France soutient qu'en réalité, Monsieur Bouges n'exerçait qu'une activité réduite à temps partiel ainsi que cela résulte selon elle de l'absence de rapports quotidiens d'activité.
Par ailleurs, la société Labo France estime que Monsieur Bouges ne peut prétendre à la rémunération trimestrielle garantie du 1er avril au 31 octobre 2000, en raison des périodes de suspension de son contrat de travail liées à des absences pour convenances personnelles ou pour congés sans solde.
S'agissant de la rupture du contrat de travail, l'employeur soutient qu'il s'agit d'une démission claire et non équivoque, la lettre de rupture ne faisant état d'aucun manquement de l'employeur et ceux allégués dans le cadre de la procédure prud'homale étant injustifiés.
La société Labo France sollicite en conséquence la condamnation de Monsieur Bouges à lui régler une indemnité pour inexécution de la période de préavis.
Sur ce LA COUR,
Sur la recevabilité des appels
Attendu que l'appel principal, interjeté dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, est recevable ; que l'appel incident est lui aussi recevable en application de l'article 550 du nouveau Code de procédure civile ;
Au fond,
Sur la demande de rappel de salaire
Attendu que le contrat signé par les parties le 3 mars 2000 indique que la société Labo France engage Monsieur Bouges en qualité de VRP exclusif;
Que tout salarié exerçant en qualité de VRP à titre exclusif a droit à la rémunération minimale prévue à l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRP;
Que le simple fait que l'intéressé ne remplit pas l'obligation de remettre un rapport quotidien ou qu'il ait été absent quelques jours ne saurait le priver de cette rémunération minimale forfaitaire, laquelle est calculée pour chaque trimestre d'emploi à temps plein et ne saurait être inférieure à 520 fois le taux horaire du SMIC, déduction faite des frais professionnels ;
Qu'en l'espèce compte tenu des sommes perçues par Monsieur Bouges à titre de commissions et des frais professionnels exposés par lui, il lui est dû la somme de 6 800,83 euro (44 610,52 F) et celle de 680,08 euro à titre de congés payés afférents ;
Que l'employeur, n'ayant pas respecté son obligation de verser au salarié la rémunération minimale, a commis un manquement grave permettant de lui imputer la rupture, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Qu'en conséquence, il convient d'allouer à Monsieur Bouges à titre de dommages et intérêts la somme de 3 000 euro ;
Que l'employeur ayant commis un manquement grave justifiant la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, il convient de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du préavis et de le condamner à verser à Monsieur Bouges la somme de 1 076 euro à titre d'indemnité de préavis et les congés payés afférents soit 107,60 euro ;
Que compte tenu des circonstances de l'espèce et de la situation respective des parties, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Bouges la totalité de ses frais irrépétibles ;
Que la société Labo France qui succombe supportera ses propres frais et les dépens ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare les appels recevables ; Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 28 septembre 2001 et statuant à nouveau ; Dit que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Labo France ; Condamne cette société à verser à Monsieur Bouges les sommes suivantes : six mille huit cents euro et quatre vingt trois centimes (6 800,83 euro) à titre de rappel de salaire, six cent quatre vingt euro et huit centimes (680,08 euro) à titre de congés payés afférents, trois mille euro (3 000 euro) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, mille soixante seize euro (1 076 euro) à titre d'indemnité de préavis ; cent sept euro et soixante centimes (107,60 euro à titre de congés payés sur préavis, mille euro (1 000 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute la société Labo France de toutes ses demandes et la condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront réglés conformément aux règles de l'aide juridictionnelle.