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Décisions

CA Rennes, ch. soc., 5 février 2002, n° 01-00283

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Maincent

Défendeur :

Filliol (ès qual.), CGEA de Rennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ploux

Conseillers :

Mmes Citray, Van Ruymbeke

Avocats :

Mes Toussaint, Sizaret

Cons. prud'h. Rennes, du 13 nov. 2000

13 novembre 2000

Faits et procédure

Engagé en qualité de VRP à compter de juillet 1998 selon " contrat à durée indéterminée à temps partiel " non daté, par la société H2O Diffusion, spécialisée dans la commercialisation des matériaux de traitement des eaux, Gérard Maincent, muté en août 1998 sur le secteur de Rennes, a, par lettre du 26 août 1999, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur, au motif qu'il n'était pas réglé de ses commissions.

Saisi par le salarié de diverses demandes le Conseil des prud'hommes de Rennes dans un jugement en date du 13 novembre 2000, requalifiant le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein a dit toutefois que la rupture s'analysait en une démission et accordant au salarié un rappel de salaire de 20 387,38 F outre 2 038,73 F et une indemnité de 1 000 F pour ses frais non répétibles, l'a débouté de ses réclamations au titre des indemnités de rupture.

Par jugement en date du 10 avril 2001, la société H2O a été déclarée en liquidation judiciaire et la SCP Filliol Goic nommée ès qualité de mandataire liquidateur.

Moyens des parties

Appelant, Gérard Maincent sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a requalifié son contrat de travail en contrat à temps complet ; pour le reste, maintenant que l'intégralité de ses salaires n'ont pas été payés, qu'il doit bénéficier du statut cadre et enfin que la rupture doit s'analyser en un licenciement, il demande que sa créance soit fixée sur la liquidation judiciaire aux sommes suivantes :

- rappel de salaire, prime d'encadrement, prime de véhicule : 53 093,20 F

- indemnité de congés payés : 3 709,32 F

- indemnité de préavis : 9 058,13 F outre 905,81 F pour congés payés afférents

- indemnité spéciale de rupture 6 340,69 F

- dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 50 000 F

demandant par ailleurs que la SCP Filliol Goic soit condamnée à lui remettre sous astreinte de 500 F par jour de retard, les bulletins de salaires conformes outre l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail, que les sommes à titre de salaire indemnités de congés et indemnité spéciale de rupture produisent effet à compter de la citation en conciliation jusqu'au jour de l'ouverture de la procédure collective, que ces intérêts soient capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil et qu'enfin le liquidateur soit condamné à lui verser une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En réplique, la SCP Filliol Goic ès qualité conteste la requalification du contrat de travail au motif qu'aucune clause d'exclusivité n'y est mentionnée ; que le salarié ne peut prétendre à aucun rappel de salaire puisqu'il n'a pas accepté la proposition d'animateur cadre qui lui avait été présentée ; qu'en réalité c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes a considéré qu'il avait volontairement quitté son emploi pour se mettre au service dès le 2 septembre d'une société concurrente.

Elle conclut en conséquence à la réformation du jugement, au débouté de toutes les demande présentées et à la condamnation du salarié à lui verser une somme de 1 200 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le CGEA de Rennes s'associant à l'argumentation de la SCP Filliol Goic, rappelle en tout état de cause les limites de sa garantie habituelle.

Pour un plus ample exposé de faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se référer aux conclusions prises par chacune d'elles et développées oralement.

Motifs de la décision

1.) Sur la requalification du contrat

Considérant que si le contrat de travail signé par les parties est qualifié de " contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel " l'article 1er en stipulant:

" le VRP accepte cet engagement et déclare formellement n'être lié à aucune entreprise et être libre de tout engagement envers son précédent employeur" introduit, comme l'a retenu à juste titre le conseil des prud'hommes, une clause d'exclusivité, qui interdisant au salarié tout engagement pour le compte d'un autre employeur et faisant de cette interdiction un préalable à l'engagement, est incompatible avec la notion de temps partiel;

Que dès lors le salarié revendiquant à bon droit la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet est fondé à se prévaloir de la rémunération forfaitaire prévue par l'article 5 de l'accord national interprofessionnel des VRPet ce d'autant plus que les pièces qu'il produit démontrent à suffire qu'il consacrait tout son temps à son activité pour le compte de la société H2O ;

Considérant s'agissant du rappel de salaire au titre du minima conventionnel, que c'est à juste titre les premiers juges ont d'abord considéré par un examen exact des bulletins de salaire, que Gérard Maincent, a été rempli de ses droits pour le premier trimestre 1999 ayant perçu, frais professionnels forfaitaires exclus, une rémunération supérieure au montant de la garantie mais qu'il ne l'a pas été pour les mois suivants ne percevant même plus aucune somme de juin à août 1999 ;

Considérant en conséquence, le minimum trimestriel garantie s'élevant à cette époque à 20 914,40 F, et le salarié ayant perçu au cours du second trimestre une somme (hors frais forfaitaires) de 10 731 F, il lui reste dû, au titre de ce trimestre, un rappel de 1 551 euro (10 173 F ) auquel s'ajoute 2 125 euro (13 942 F soit 6 971 F x 2) au titre des mois de juillet et août soit un total de 3 677 euro (24 115 F ) outre 367 euro (2 411 F ) au titre des congés payés afférents ;

Que c'est en vain qu'il sollicite le versement au lieu et place du remboursement de frais forfaitaires de 30 % prévus par le contrat et rappelé dans les bulletins de salaire, une indemnisation de 4 000 F par mois au titre de frais de véhicule et de frais d'encadrement, sur le fondement d'une proposition d'avenant à son contrat de travail en date du 22 décembre 1998 qu'il n'a jamais signée et dont il ne démontre pas qu'elle se soit dans les faits concrétisée ; que ses demandes complémentaires seront eu conséquence, rejetées ;

2.) Sur la rupture

Considérant qu'en versant au salarié une rémunération inférieure au seuil conventionnel, l'employeur a commis un manquement qui met à sa charge la rupture du contrat de travail initiée par le salarié;

Que cette rupture s'analysant en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, celui-ci est fondé à obtenir des dommages et intérêtsque la cour fixe, au regard de son ancienneté et du fait qu'il a retrouvé aussitôt un emploi à la somme de 1 524 euro (10 000 F ) en y additant une indemnité de préavis (1 mois de commission sans prime d'encadrement) soit 1 076 euro (7 058 F) outre 107 euro pour congés payés afférents et enfin une indemnité spéciale de rupture (70 % d'un mois d'un mois de commission) soit 750 euro (4 919 F) ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais non répétibles de première instance et d'appel, les sommes au titre des salaires, des congés payés et de l'indemnité de rupture produisant effet à compter de la citation en conciliation jusqu'au jour de l'ouverture de la procédure collective ;

Qu'enfin le mandataire liquidateur devra remettre au salarié des bulletins de salaire, une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conforme, le salarié étant débouté de sa demande d'astreinte, non justifiée ;

Considérant que l'arrêt est opposable au CGEA dans les limites de sa garantie légale ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, confirme le jugement déféré en ce qu'il a requalifié le contrat de travail du salarié en contrat à temps complet, l'infirme pour le surplus. Statuant à nouveau, fixe la créance de Gérard Maincent sur la liquidation judiciaire aux sommes suivantes : - rappel de salaire : 3 677 euro (24 115 F) outre 367 euro (2 411 F ) au titre des congés payés afférents; - indemnité spéciale de rupture : 750 euro (4 919 F) avec intérêts au taux légal , pour des sommes , à compter de la demande en conciliation jusqu'à l'ouverture de la procédure collective ; - indemnité de préavis 1 076 euro (7 058 F,) outre 107 euro pour congés payés afférents, - dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 1 524 euro (1 000 F), ordonne la délivrance par la SCP Filliol Goic d'une attestation ASSEDIC, d'un certificat de travail et de bulletins de salaire rectifiés, Déclare l'arrêt opposable au CGEA dans les limites de sa garantie légale, déboute les parties de toutes autres demandes, laisse à chaque partie la charge de ses propres frais non répétibles de première instance et d'appel, les dépens restant à la charge de la liquidation judiciaire.