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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 9 novembre 2000, n° 00-00708

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Scaronne

Défendeur :

Alfred de Vigny (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chollet

Conseillers :

M. Lebrun, Mlle Desous

Avocats :

SCP Cottereau-Meunier, SCP Bellanger-Baron

Cons. prud'h. Tours, du 25 janv. 2000

25 janvier 2000

Monsieur Christian Scaronne a saisi le Conseil de prud'hommes de Tours des demandes suivantes à l'encontre de la SARL Alfred de Vigny :

- résiliation judiciaire du contrat au 30 mars 1999,

- 8 190 F de rappel de salaire du 22 février au 30 mars 1999,

- 30 000 F de dommages et intérêts,

- 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

La société a conclu à la compétence du Tribunal de commerce de Tours, sollicitant en outre 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Un jugement du 25 janvier 2000, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et des moyens initiaux des parties, a fait droit à l'exception d'incompétence.

Monsieur Scaronne a formé contredit le 2 février 2000. Il a interjeté appel le 16 février 2000.

Il demande l'infirmation du jugement et réitère ses demandes, sollicitant toutefois 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose que le 19 février 1999, il a signé avec la société qui exploite une activité d'administrateur de biens, société immobilière, agent immobilier, un contrat de mandat d'intérêt commun qualifié de contrat d'agent commercial, que la société a considéré comme rompu de son fait le 30 mars 1999.

II précise que, selon l'article 1 alinéa 2 de la loi du 25 juin 1991, celle-ci ne régit pas les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet de dispositions législatives particulières, les négociateurs immobiliers étant ainsi exclus du champ d'application de cette loi, le juge n'étant pas tenu par les clauses du contrat et devant restituer à celui-ci son exacte qualification.

II estime que la société a méconnu une règle qui relève de l'ordre public social de protection et ne saurait se prévaloir de la présomption édictée par la loi du 11 février 1994, ni du fait qu'en tant que juriste il n'aurait pas exécuté la convention de bonne foi.

II fonde sa demande de résiliation judiciaire sur le fait qu'entre le 22 et le 30 mars 1999 il n'a perçu aucun salaire.

Il évalue son préjudice en fonction de ce qu'il aurait perçu s'il avait été licencié (préavis d'un mois, soit 6 825 F et quatre mois à titre de dommages et intérêts).

La société demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur Scaronne à lui payer 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code procédure civile.

Elle expose que le contrat signé le 19 février 1999 est un contrat d'agent commercial et qu'il stipule qu'il ne peut être considéré comme un contrat de travail, précisant en outre que Monsieur Scaronne est inscrit au registre des agents commerciaux, ce qui constitue une présomption qu'il ne s'agit pas d'un contrat de travail.

Elle ajoute que seule l'activité d'agent immobilier est régie par des dispositions législatives spécifiques, et qu'il faudrait que l'ensemble des tâches et des prérogatives d'un agent immobilier soit confié à Monsieur Scaronne, ce qui n'est pas le cas. Elle estime que rien n'interdit à un agent immobilier de conclure un contrat d'agent commercial avec l'un de ses collaborateurs.

Elle se réfère ensuite aux clauses du contrat pour en déduire que Monsieur Scaronne n'était pas soumis à un lien de subordination mais exerçait au contraire en toute indépendance.

Elle relève que Monsieur Scaronne, qui a une formation de juriste, est de mauvaise foi lorsqu'il prétend avoir signé un contrat dont il n'aurait pas perçu la signification.

Elle s'oppose à l'évocation et demande à la cour de renvoyer l'affaire à la juridiction qu'elle estime compétente.

Sur ce, LA COUR

Attendu qu'en déclarant " irrecevables les demandes de Monsieur Christian Scaronne en application de l'article 75 du nouveau Code de procédure civile au profit du Tribunal de commerce de Tours ", le conseil de prud'hommes a entendu se déclarer incompétent au profit de cette juridiction, en sorte que sa décision pouvait être contestée par la voie du contredit ; que celui-ci, interjeté le 2 février 2000, est recevable ;

Que le 19 février 1999, la SARL Alfred de Vigny, présentée dans le mandat comme exerçant les activités d'agent immobilier, et Monsieur Scaronne ont conclu un " contrat de mandat d'intérêt commun " selon lequel l'appelant, agent commercial, se voyait confier le mandat de réaliser pour le compte de la société un certain nombre d'opérations relatives à sa profession d'agent immobilier, telles qu'elles seront définies ci-après, Monsieur Scaronne exerçant son activité de façon indépendante ;

Que, selon l'article 1 alinéa 2 de la loi n° 91-595 du 25 juin 1991, " Ne relèvent pas de la présente loi (relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants) les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières " ;

Que la profession d'agent immobilier est régie par la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dont l'article 1 dispose qu'elle s'applique aux personnes qui se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à :

- l'achat, la vente, l'échange, la location ou la sous-location d'immeuble ;

- l'achat, la vente ou la location gérance de fonds de commerce ;

- la cession d'un cheptel mort ou vif ;

- la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de société immobilière donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;

- l'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;

- la gestion immobilière ;

Que, selon l'article III du contrat, la société confiait à Monsieur Scaronne le mandat de réaliser pour son compte les opérations portant sur les immeubles et fonds de commerce telles que définies aux cinq premiers alinéas ci-dessus, seule la gestion immobilière étant exclue ;

Qu'il s'ensuit qu'en application de l'article 1er alinéa 2 de la loi du 25 juin 1991, s'agissant d'activités relevant de dispositions législatives particulières, elles ne pouvaient pas être confiées à Monsieur Scaronne par un contrat d'agent commercial, peu important que l'article L. 120-3 du Code du travail, applicable à l'époque, ait prévu que les personnes immatriculées au registre des agents commerciaux (ce qui était le cas de Monsieur Scaronne) soient présumées ne pas être liées par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à cette immatriculation ;

Qu'ainsi, nonobstant les termes du contrat litigieux, il ne pouvait s'agir d'un contrat d'agent commercial ;

Que cependant l'exclusion de cette qualification ne suffit pas pour établir qu'il s'agissait d'un contrat de travail;

Qu'en effet l'existence d'un tel contrat est subordonnée à la preuve, en sus de l'exercice d'une activité réelle et d'une rémunération, non contestées en l'espèce, d'un lien de subordination;

Que, si le contrat n'était pas un contrat d'agent commercial, cette requalification n'entraîne pas pour autant la nullité de ses clauses;

Que l'article VI dispose que " l'agent commercial jouira de la plus grande indépendance, il ne lui sera donné aucun ordre et il n'aura aucun compte à rendre de son emploi du temps ";

Que l'article VIII lui donnait la possibilité d'engager tout personnel salarié (à l'exclusion de négociateurs), ces clauses excluant l'existence d'un lien de subordination, étant au surplus relevé que Monsieur Scaronne ne produit strictement aucun élément de nature à caractériser l'existence d'un tel lien (par exemple des notes ou des instructions écrites, des attestations faisant état de telles instructions ou de la soumission à un horaire);

Qu'en l'absence d'un contrat de travail, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent;

Que toutefois, s'agissant d'un mandat conclu entre une société commerciale et un co-contractant n'ayant pas la qualité de commerçant, la juridiction compétente était, non pas le Tribunal de commerce de Tours, mais le Tribunal d'instance de Loches, dès lors que le total des demandes présentées (8 190 F de rappel de rémunération et 30 000 F de dommages et intérêts) était inférieur aux taux de compétence de cette juridiction, fixé à 50 000 F pour les instances introduites à compter du 1er mars 1999, alors que le conseil de prud'hommes a été saisi le 3 mai 1999, et que la société à son siège à Loches ;

Qu'à supposer même que le contrat d'agent commercial ait été valable, celui-ci, de nature civile, eût été de la compétence de cette juridiction ;

Qu'il n'y a pas lieu d'évoquer le fond du litige ;

Qu'il convient de réserver tant la demande de la société sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile que les dépens ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoire, Déclare le contredit recevable, Confirme le jugement du 25 janvier 20U0 sur l'incompétence du conseil de prud'hommes, l'Infirmant de ce chef, dit que la juridiction compétente pour connaître du litige est le Tribunal d'instance de Loches, Réserve la demande de la SARL Alfred de Vigny sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les dépens, pour être statué sur ces points par la juridiction désignée ci-dessus.