CA Besançon, ch. soc., 8 décembre 2000, n° 99-2079
BESANÇON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
OWP France (SARL)
Défendeur :
Martin, Assedic 25/39
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gauthier
Avocats :
Mes Besnard-Boelle, Degenève, Saget, Tournier, Mayer-Blondeau
FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement en date du 9 septembre 1999, auquel la cour se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure, le Conseil de prud'hommes de Besançon, section Encadrement, statuant en formation de départage, a :
- dit que le licenciement de Jean-Jacques Martin ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse
- condamné la SARL OWP France à verser à Jean-Jacques Martin :
- la somme de 74 598 F, à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- celle de 4 000 F, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- débouté Jean-Jacques Martin de sa demande d'indemnité de clientèle ;
- ordonné à la SARL OWP France de rembourser à l'ASSEDIC les indemnités de chômage versées par cet organisme à Jean-Jacques Martin entre le 27 juin 1997 et le 9 septembre 1999 et ce, dans la limite de six mois d'indemnités ;
- condamné la SARL OWP France aux dépens.
La SARL OWP France a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour de l'infirmer, en ce qu'elle l'a condamnée à payer à Jean-Jacques Martin une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité pour frais irrépétibles, et en ce qu'elle a ordonné le remboursement des indemnités de chômage ; de confirmer le jugement, en ce qu'il a débouté Jean-Jacques Martin de sa demande d'indemnité de clientèle ; de condamner celui-ci à lui verser la somme de 10 000 F, au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'en neuf années d'activité, Jean-Jacques Martin n'a pu fidéliser que 150 clients environ, alors que le fichier qui lui avait été confié comprenait 535 points de vente ; qu'elle a constaté une chute de 31 % du chiffre d'affaires réalisé par celui-ci, au cours du premier semestre 1997, par rapport au premier semestre 1996 ; que pendant cette période, le salarié a perdu 51 clients.
Elle ajoute qu'au cours de la même période, les autres collègues de celui-ci ont réalisé un chiffre d'affaires en augmentation ; que le successeur de Jean-Jacques Martin a re-développé le secteur ; que celui-ci ne rapporte pas la preuve qu'il ait apporté, créé ou développé une clientèle.
Jean-Jacques Martin demande à la cour de confirmer le jugement déféré sur le caractère du licenciement et les dommages-intérêts ; de le recevoir en son appel incident ; de condamner la société OWP France à lui payer la somme de 364 573 F, à titre d'indemnité de clientèle ; et de la condamner au paiement de la somme de 15 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il fait valoir que le courrier du 18 avril 1997 de la société appelante traduit une dégradation du climat économique général ; que la baisse de son chiffre d'affaires n'a pas été supérieure à celle de ses collègues ; qu'à son entrée dans la société, il s'était vu confier un secteur d'à peine 40 clients représentant un chiffre d'affaires de 800 000 F, qu'il avait plus que doublé en deux ans.
Il ajoute que son chiffre d'affaires et celui de son successeur ne sont pas comparables ; qu'il a créé et développé une clientèle.
L'ASSEDIC du Doubs-Jura demande à la cour de condamner la SARL OWP France à lui verser la somme de 39 146,38 F, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, ainsi que la somme de 3 500 F, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
Attendu que Jean-Jacques Martin a fait l'objet d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse, par lettre en date du 26 juin 1997, après entretien préalable du 23 juin 1997 ;
Attendu que la lettre précitée lui reproche l'insuffisance de résultats de son secteur ;
Attendu que le salarié, engagé en qualité de VRP exclusif, à compter du 3 novembre 1988, ne conteste pas que le chiffre d'affaires de son secteur s'est élevé à 734 069 F pour le premier semestre 1997, alors que le chiffre d'affaires réalisé par lui sur le même secteur, au cours du premier semestre 1996, s'était élevé à 1 062 633 F ;
Attendu que le chiffre d'affaires réalisé par le salarié avait commencé à se dégrader à partir de l'année 1996; qu'au 30 juin 1997 celui-ci n'avait réalisé que 39 % de son chiffre d'affaires 1996;
Attendu que contrairement à ce que soutient Jean-Jacques Martin, la dégradation de ce chiffre d'affaires n'était pas générale, six des dix autres VRP ayant réalisé au cours du premier semestre 1997 un chiffre d'affaires représentant plus de 50 % de leurs chiffres d'affaires annuels 1996, quatre de ceux-ci atteignant ou dépassant la barre des 60 %;
Attendu que la société appelante justifie également que le successeur de Jean-Jacques Martin a réalisé un chiffre d'affaires de 2 497 KF en 1998, alors que le chiffre d'affaires 1997 réalisé par le salarié et son successeur, embauché à compter du 1er septembre 1997, s'était élevé à 1 415 KF;
Attendu que ces chiffres révèlent d'ailleurs qu'en quatre mois d'activité le successeur de Jean-Jacques Martin a réalisé un chiffre d'affaires égal à celui réalisé par ce dernier en six mois d'activité;
Attendu que l'insuffisance de résultats invoquée par l'employeur est dès lors établie;
Attendu, en conséquence, que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a décidé que le licenciement de Jean-Jacques Martin était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il lui a alloué la somme de 74 598 F, à titre de dommages-intérêts; que l'intimé doit être débout de sa demande correspondante ;
Attendu que l'ASSEDIC du Doubs-Jura, en raison de la décision prise sur le licenciement, doit être déclarée irrecevable en ses prétentions ;
Sur l'indemnité de clientèle
Attendu que le salarié n'offre pas de démontrer et ne démontre pas qu'il ait apporté, créé ou développé une clientèle ; que l'employeur rapporte en revanche la preuve que celui-ci a perdu 51 clients au cours du premier semestre 1997 ;
Attendu, en conséquence, que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Jean-Jacques Martin de sa demande correspondante ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que Jean-Jacques Martin succombe sur le recours de la société OWP France ; qu'il convient d'infirmer le jugement déféré sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; de le débouter de sa demande fondée sur les dispositions précitées, au titre de la procédure de première instance, et de le condamner aux dépens de cette procédure ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société OWP France ses frais irrépétibles ; que Jean-Jacques Martin succombe sur le recours de cette société et sur son propre recours ; qu'il convient dès lors de débouter les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, et de condamner Jean-Jacques Martin aux dépens d'appel ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare les appels recevables en la forme ; Dit l'appel principal bien fondé, l'appel incident non fondé ; Confirme le jugement rendu, le 9 septembre 1999, par le conseil de prud'hommes de Besançon, section encadrement, statuant en formation de départage, en ce qu'il a débouté Jean-Jacques Martin de sa demande au titre de l'indemnité de clientèle ; Infirme le jugement pour le surplus ; Et Statuant à nouveau ; Dit que le licenciement de Jean-Jacques Martin repose sur une cause réelle et sérieuse ; Déboute Jean-Jacques Martin de sa demande en dommages-intérêts ; Déclare l'ASSEDIC du Doubs-Jura irrecevable en ses prétentions ; Déboute Jean-Jacques Martin de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance ; Ajoutant au jugement ; Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel ; Condamne Jean-Jacques Martin aux dépens de première instance et d'appel.