CA Limoges, ch. soc., 14 novembre 2000, n° 98-02083
LIMOGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chamoulaud
Défendeur :
Abeille Vie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leflaive
Avocats :
Mes Brecy-Teyssandier, Olivier
La société l'Epargne de France a engagé Jean Marie Chamoulaud comme agent principal à compter du 18 janvier 1982 et l'a nommé par la suite conseiller en épargne. Aux termes d'une " lettre de nomination " du 13 avril 1984 et d'un contrat du 1er octobre 1988 sa mission consistait à rechercher des souscripteurs aux contrats émis par la société dans le cadre des directives de la direction générale et de ses représentants.
La société Epargne de France a été absorbée par la suite par la société Abeille Vie. Cette dernière a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 avril 1997, proposé à Jean Marie Chamoulaud un avenant à son contrat de travail devant prendre effet le 1er juin 1997 et lui a imparti un délai d'un mois pour le refuser. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 mai 1997 Jean Marie Chamoulaud a notifié un refus à son employeur. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 mai 1997 la société Abeille Vie a notifié à Jean Marie Chamoulaud son licenciement pour motif économique en donnant les explications suivantes :
" Le repositionnement des réseaux de la Division commerciale de L'Epargne de France impliquant une restructuration des organisations commerciales a fait l'objet de plusieurs réunions de consultation du comité d'entreprise et un plan social a été élaboré. L'avenant à votre contrat de travail en date du 7 avril 1997 définissait nos nouvelles relations contractuelles notamment celles liées à la rémunération et au commissionnement, qui devait prendre effet au 1er juin 1997. Conformément à l'article L. 321-1-2 du Code du travail vous nous avez fait part, dans le délai imparti, de votre refus exprès d'accepter ces nouvelles conditions ".
Jean Marie Chamoulaud a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges le 23 septembre 1997 aux fins d'avoir paiement des sommes suivantes :
- rappel d'indemnité Conventionnelle de licenciement : 17 962,18 F,
- rappel d'indemnité de congés payés : 20 460,45 F,
- majoration de l'indemnité Conventionnelle de licenciement : 288 039,15 F,
- dommages-intérêts en réparation du préjudice causé : par l'obligation de non-concurrence : 219 548,40 F,
- indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 15 000 F,
La société Abeille Vie a conclu au débouté de l'ensemble des demandes et a réclamé 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 30 novembre 1998 le conseil de prud'hommes de Limoges a donné acte à la société Abeille Vie de son engagement à régler la somme de 3 625,44 F restant due et a débouté Jean Marie Chamoulaud de l'ensemble de ses demandes.
Jean Marie Chamoulaud a relevé appel de ce jugement le 21 décembre 1998.
Les documents contractuels prévoyaient en effet la possibilité pour l'employeur de modifier son secteur d'activité en fonction des besoins de son organisation. L'abattement de 30 % pour frais professionnels est prévu par une disposition spécifique aux démarcheurs et producteurs en assurances et ne résulte nullement d'une assimilation au statut de VRP. Dès lors Jean Marie Chamoulaud ne peut pas prétendre à l'indemnité de préavis et à l'indemnité de licenciement prévues au profit des VRP ni à l'indemnité de clientèle. La validité d'une clause de non-concurrence n'est pas subordonnée à une contre partie financière.
Sur quoi, LA COUR
Attendu qu'à l'audience le conseil de l'appelant, qui ne contestait pas que la société L'Epargne de France a été absorbée par la société Abeille Vie, s'est borné à faire valoir que la société Abeille Vie n'a rien produit pour justifier du licenciement économique mais n'a formulé aucun moyen pour en contester le bien fondé et réfuter les explications, au demeurant pertinentes, données par l'intimée ;
Attendu, en ce qui concerne l'obligation de reclassement, que dans sa lettre du 7 avril 1997, l'employeur a précisé que, en cas de rupture du contrat de travail consécutive au refus de l'avenant proposé, les mesure alternatives prévues par le plan social, dont un exemplaire était joint, seraient applicables à Jean Marie Chamoulaud ;
Attendu que les mesures dont le contenu n'est pas discuté, prévoyaient en premier lieu un reclassement à l'intérieur du groupe Commercial Union France en énumérant les postes proposés :
- 4 postes de conseiller en clientèle privée à la société Abeille Vie,
- 3 postes de responsable de développement à la société Victorial,
- 4 postes de conseiller vente directe à la société Eurofil.
Que pour tous ces postes il était précisé le lieu de travail, la rémunération, la description des fonctions, la Convention collective applicable et les démarches à effectuer, avec les indications des personnes à contacter et de leur numéro de téléphone pour faire acte de candidature ;
Attendu, d'autre part, qu'il était proposé des mandats d'agent général, avec une liste de 24 mandats réservés au 10 mars 1997 précisant pour chacun le lieu, le montant des commissions, le nombre de polices, la valeur du portefeuille, les conditions requises pour postuler, les modalités d'une formation préalable et les possibilités d'aide de la société Abeille Vie pour financer le versement de l'indemnité compensatrice et il était mentionné enfin les modalités pour faire acte de candidature ;
Attendu que la société Abeille Vie a ainsi satisfait à l'obligation préalable de reclassement qui ne lui imposait pas d'entreprendre des démarches individuelles au profit de son salarié dès lors qu'elle proposait un nombre significatif de postes et fournissait sur chacun d'eux des informations concrètes et précise lui permettant de présenter sa candidature en connaissance de cause ;
Attendu que l'appelant soutient que le statut de VRP lui est applicable ;
Mais attendu que le contrat de travail du 17 octobre 1998 précisait qu'il était autorisé à exercer son activité sans exclusivité territoriale dans la Haute-Vienne mais que " ce secteur pourra être modifié en fonctions des besoins de notre organisation " ;
Par écritures soutenues oralement à l'audience il demande à la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse à raison de l'irrespect par l'employeur de son obligation préalable de reclassement du salarié et que Jean Marie Chamoulaud est en droit de revendiquer l'application du statut de VRP prévu par les articles L. 751-1 et suivants du Code du travail et de condamner la société Abeille Vie à lui payer les sommes suivantes :
- indemnité prévue par l'article L.122-14-4 du Code du travail : 200 000 F
- indemnité de préavis : 12 020,15 F
- congés payés sur indemnité de préavis : 1 202,01 F
- indemnité de clientèle : 182 810,55 F
- contrepartie financière de la clause de non-concurrence : 201 939 F
- indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 15 000 F
A titre subsidiaire, il sollicite une expertise pour déterminer le montant de l'indemnité de clientèle. A titre de second subsidiaire, si la cour considère qu'il ne peut prétendre à une indemnité de clientèle, il réclame 6 955,23 F à titre de solde d'indemnité Conventionnelle de licenciement.
Il expose l'argumentation suivante au soutien de ses prétentions.
L'employeur qui envisage de licencier un salarié pour motif économique a une obligation préalable de reclassement. En l'espèce il s'est contenté de joindre un extrait du plan social présenté au comité d'entreprise contenant les possibilités de postes offerts par lui ou d'autres sociétés du groupe, alors qu'il devait faire des recherches et des propositions précises et personnelles. Jean Marie Chamoulaud est en droit de revendiquer le statut de conseiller en épargne dans la mesure où il s'était vu attribuer le département de la Haute-Vienne comme secteur d'activité, où il était chargé de démarcher la clientèle pour rechercher des souscripteurs aux polices d'assurance de son employeur, d'encaisser les fonds et de remettre les reçus, ce qui caractérisait la prise d'ordres et où sa rémunération était composée uniquement de commissions égales à un pourcentage des primes des contrats d'assurances qu'il avait fait souscrire. En conséquence il a droit au préavis de trois mois prévu par l'article 12 de l'accord inter professionnel du 3 octobre 1995 et à l'indemnité de clientèle prévue par l'article L. 751-9 du Code du travail. Subsidiairement, si le droit à indemnité de clientèle ne lui est pas reconnu, il peut prétendre à l'indemnité de licenciement prévue par l'article 13 de l'accord interprofessionnel précité. Ledit accord prévoit en contrepartie de la clause de non-concurrence une indemnité égale aux deux tiers de la rémunération mensuelle moyenne après abattement pour frais professionnels pendant la durée d'application de la clause.
Par écritures soutenues oralement à l'audience la Société Abeille Vie conclut à la confirmation du jugement et réclame 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en exposant l'argumentation suivante.
L'obligation de reclassement de l'employeur est de moyens et non de résultat. Dans le plan social il a été indiqué que la société Abeille Vie disposait d'un certains nombre de postes disponibles dans le groupe Commercial Union, notamment dans les sociétés Abeille Vie Victorial et Eurofil. Tous ces postes ont été expressément portés à la connaissance de Jean Marie Chamoulaud, les mesures alternatives prévues dans le plan social étant jointes au courrier du 7 avril 1997. Pour chaque poste concerné étaient précisés le contenu des missions, la rémunération, le lieu de travail et la Convention collective applicable. Jean Marie Chamoulaud n'a pas donné de suite favorable à ces propositions car il aurait retrouvé un système de rémunération similaire à celui qu'il a refusé. Il ne relève pas du statut de VRP dans la mesure où son activité se limitait à la recherche d'une clientèle et à transmettre les propositions recueillies à la société, qui y donnait suite ou non, ce qui excluait toute prise d'ordre, et où il ne bénéficiait pas d'un secteur fixe de prospection.
Que l'existence d'un secteur fixe de prospection est un élément essentiel du contrat de VRP(en ce sens Soc 29 mai 1962 Bn° 503 ; Soc 8 avril 1998 arrêt n°1923, Poyet) ;
Attendu, d'autre part, qu'aux termes dudit contrat la mission de Jean Marie Chamoulaud consistait à rechercher des souscripteurs aux contrats émis par son employeur,
Que, dès lorsqu'il n'est pas établi que ses démarches engageaient son employeur, qui restait donc libre d'y donner suite ou non, elles ne constituaient pas des prises d'ordres, qui caractérisent l'activité de VRP;
Attendu que, n'ayant pas la qualité de VRP, Jean Marie Chamoulaud ne peut pas prétendre à l'indemnité de préavis, à l'indemnité de licenciement et à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence telles que l'a prévue la Convention collective applicable aux VRP, ni à l'indemnité de clientèle prévue par l'article L.751-9 du Code du travail ;
Attendu que Jean Marie Chamoulaud ne conteste pas la validité de la clause de non-concurrence prévue par le contrat du 17 octobre 1988 ;
Que la validité d'une telle clause n'est pas subordonnée à une compensation pécuniaire (en ce sens Soc 9 octobre 1985 D. 1986 - 0420 note Serra) ;
Attendu que les prétentions de l'appelant n'apparaissent pas fondées et il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement et de le condamner aux dépens ;
Que, cependant, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimée ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Limoges en date du 30 novembre 1999 en toutes ses dispositions ; Déclare la société Abeille Vie mal fondée en sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et l'en déboute ; Condamne Jean Marie Chamoulaud aux dépens d'appel.