CA Nancy, ch. soc., 21 juin 2000, n° 99-00137
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
André
Défendeur :
Superflam (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Eichler
Avocats :
Mes Dugravot, SCP Hocquet-Gasse-Carnel
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur Didier André a été embauché par contrat en date du 1er juillet 1996 en qualité de responsable de magasin.
Après avoir été convoqué dans les formes de droit à un entretien fixé au 26 février 1997. il a été licencié par lettre en date du 17 février 1997 pour le motif suivant : " vous refusez les modifications que nous souhaitons apporter à votre contrat de travail en ce qui concerne le mode de calcul de votre rémunération ".
Contestant la légitimité de son licenciement, Monsieur André a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy de diverses demandes.
Il a été intégralement débouté par un jugement en date du 17 novembre 1998 dont il a relevé appel par acte du 10 décembre 1998.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur André fait grief aux premiers juges d'avoir retenu la légitimité du licenciement prononcé à son encontre alors que la modification litigieuse emportait réduction de sa rémunération et ne pouvait par conséquent lui être imposée.
Il reproche par ailleurs au conseil de prud'hommes de ne pas avoir fait droit à sa demande de rappel de salaires résultant de la reconnaissance de son statut de cadre.
Il affirme avoir travaillé certains dimanches sans percevoir une quelconque majoration de salaire.
Il prétend enfin ne pas avoir été rempli de ses droits concernant ses congés payés et son préavis.
Monsieur André demande que par infirmation du jugement la SARL Superflam "René Brisach " soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :
- 25 560 F bruts à titre de rappels de salaire,
- 4 583 F bruts à titre de rappel de salaire pour travail dominical,
- 7 773,45 F bruts à titre de solde de congés payés,
- 30 560 F bruts à titre de préavis,
- 298 560 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
- 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
La SARL Superflam conclut à la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions.
Elle soutient que Monsieur André était mal fondé à refuser la modification de son contrat de travail dès lors que le nouveau mode de rémunération lui était plus favorable.
S'agissant du statut de Monsieur André elle fait valoir que les pièces versées au débat (contrat de travail, bulletins de salaire) établissent qu'il était VRP ; il ne pouvait ainsi prétendre au bénéfice du statut " cadre ".
Elle soutient enfin que la demande de rappel de salaire pour travail dominical est sans fondement. Monsieur André ayant été intégralement rempli de ses droits.
MOTIFS
Vu la dossier de la procédure :
Sur la légitimité du licenciement :
Il est constant que début février 1997 il a été proposé à Monsieur André une modification du mode de calcul de sa rémunération consistant en une diminution de son fixe et en une majoration de 2 % de son taux de Commission sur l'intégralité du tableau de Commission.
Il n'est pas discuté que Monsieur André n'a jamais accepté ladite modification, laquelle ne peut résulter que d'une manifestation de volonté expresse.
Le mode de rémunération d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord peu important que l'employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux.
Il s'ensuit que le licenciement de Monsieur André. fondé sur son refus de changement de son mode de rémunération était abusif.
Il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la rupture du contrat de travail de Monsieur André reposait sur un motif légitime et de faire application des dispositions de l'article L. 122.14.5 du Code du travail, le salarié cumulant moins de deux années d'ancienneté dans l'entreprise.
Le préjudice subi par Monsieur André du fait de son licenciement abusif sera réparé par la condamnation de la société Superflam à lui paver la somme de 91 680 F soit six mois de salaire (la rémunération mensuelle retentie étant de 15 280 F).
Sur le statut de Monsieur André :
Il ressort des termes du contrat de travail liant Monsieur André à la société Superflam que celui-ci a été embauché en qualité de responsable de magasin. Le contrat stipulait son inscription au régime de prévoyance et de retraite des cadres.
Outre la démarche et la visite de clientèle, ses fonctions telles que définies contractuellement étaient les suivantes:
- suivi administratif du magasin,
- suivi des règlements clients,
- contrôle des stocks magasin et dépôt,
- liens entre point de ventes et service de l'usine,
- formation vendeurs.
Sa rémunération contractuelle était composée également d'un fixe " responsable technique " et d'un fixe " administratif ".
Les fonctions de Monsieur André lui conféraient indubitablement le statut " Cadre niveau VII " tel qu'il est défini par la convention collective applicable.
La mention " VRP " figurant sur les bulletins de paye de l'intéressé est sans emport.
Il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu que Monsieur André devait bénéficier du statut " VRP " et d'apprécier les prétentions de Monsieur André au regard de son statut de " cadre niveau VII ",
Sur le rappel de salaire de base :
La grille des salaires de la convention collective en son avenant 9 du 15 avril 1993 prévoit un salaire de buse minimum mensuel brut de 9 340 F applicable au salarié classé niveau 7.
Le salaire de base versé à Monsieur André était de 6 500 F par mois.
Monsieur André peut ainsi prétendre pour le période du 1er juillet 1996 au 31 mars 1997 à un rappel de salaires s'élevant à la somme de 25 560 F bruts.
Sur le rappel de salaire pour travail dominical :
Les arrêtés émanant du maire de Vandœuvre établissent que Monsieur André a travaillé les dimanches 6 octobre 1996, 17 novembre 1996 et 9 mai 1997 ;
Conformément aux dispositions légales et conventionnelles applicables, Monsieur André devait bénéficier d'une majoration de salaire et d'un repos compensateur.
Les éléments de calcul produits par Monsieur André sont suffisamment probants pour faire droit à sa demande de rappel de salaire pour travail domical s'élevant à la somme de 4 583 F bruts.
Sur le rappel au titre du préavis :
Monsieur André avait droit à un préavis de trois mois.
Il n'a perçu qu'un préavis d'un mois.
Il doit être fait droit à sa demande au titre d'un rappel de préavis s'élevant à la somme de 30 560 F bruts.
Sur le rappel au titre des congés payés :
Les congés payés doivent être calculés sur la base d'un dixième des rémunérations que Monsieur André aurait dû percevoir sur la période de référence (soit la somme de 137 520 F).
Monsieur André ayant perçu la somme de 5 978,55 F, il a droit à une somme de 7 773, 45 F bruts à titre de rappel de congés payés.
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
L'équité ne commande pas de faire application entre les parties des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Sur les dépens :
La SARL Superflam qui succombe doit être condamnée aux entiers dépens.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement ; Déclare l'appel recevable ; Infirme dans toutes ses dispositions le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Dit que le licenciement de Monsieur André ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ; Dit que Monsieur André devait bénéficier du statut " cadre niveau 7 " et des rémunérations et avantages y afférents ; Condamne en conséquence la SARL Superflam " Réné Brisach " à payer à Monsieur André les sommes suivantes : quatre vingt onze mille six cent quatre vingt F (91 680 F) à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif en application des dispositions de l'article L. 122.14.5 du Code du travail ; vingt cinq mille cinq cent soixante F (25 560 F) à titre de rappel de salaire de base ; quatre mille cinq cent quatre vingt trois F (4 583 F) à titre de rappel de salaire pour travail dominical ; trente mille cinq cent soixante F (30 560 F) à titre de rappel de préavis ; sept mille sept cent soixante treize F quarante cinq (7 773.45 F) à titre de rappel de congés payés ; Dit que la société Superflam devra justifier des cotisations acquittées à la caisse de retraite et de prévoyance des cadres ou à défaut qu'elle sera contrainte à effectuer le versement dû dans le délai de quinzaine à compter du présent arrêt et ce sous astreinte de cent F (100 F) par jour de retard ; Dit qu'il n'y a pas lieu à application entre les parties des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Superflam aux entiers dépens de la procédure.